Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 IV 90



130 IV 90

15. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause A., B.
et C. contre Y. et Procureur général du canton de Genève (pourvoi en
nullité)

    6S.430/2003 du 26 février 2004

Regeste

    Art. 270 lit. e Ziff. 2 BStP; Legitimation des Opfers zur
Nichtigkeitsbeschwerde.

    Das Opfer ist gemäss Art. 270 lit. e Ziff. 2 BStP zur
Nichtigkeitsbeschwerde legitimiert, soweit es eine Verletzung von Rechten
geltend macht, die ihm das Opferhilfegesetz einräumt. Darunter fällt
insbesondere der Anspruch, gestützt auf Art. 8 Abs. 1 lit. b OHG den
Entscheid eines Gerichts zu verlangen (E. 2).

    Art. 8 Abs. 1 lit. b, Art. 9 Abs. 4 OHG; teilweiser
Einstellungsbeschluss; Genfer Strafprozessordnung.

    Der Genfer Generalprokurator ist keine richterliche Instanz, selbst
wenn er einen Einstellungsbeschluss oder einen Strafbefehl erlässt
(E. 3.2).

    Das kantonale Recht kann das in Art. 8 Abs. 1 lit. b OHG vorgesehene
Recht des Opfers, den Entscheid eines Gerichts zu verlangen, im
Strafbefehlsverfahren nicht einschränken (E. 3.3).

Sachverhalt

    A.- Le 30 janvier 2001, Y. circulait sur le quai de Cologny en
direction de Vésenaz, au volant d'un fourgon. Alors qu'il était en train
de dépasser un véhicule qui se trouvait sur la voie de droite, il n'a pas
remarqué que celui-ci avait ralenti pour laisser passer un piéton, D.,
lequel s'était normalement engagé sur le passage pour piétons. Malgré un
freinage d'urgence, il n'a pu immobiliser son fourgon à temps et a ainsi
heurté D. avec l'avant droit de son véhicule.

    Grièvement blessé, D. a souffert de douleurs dorsales et d'une
fracture du pied gauche, ayant entraîné par la suite une gangrène de ce
pied. Il est décédé le 14 février 2001. Selon le rapport d'autopsie de
l'Institut universitaire de médecine légale, daté du lendemain, "[son]
décès est la conséquence d'une extension fraîche d'un infarctus ancien du
myocarde, l'infarctus [étant] survenu dans le contexte de soins suite à
un traumatisme grave subi deux semaines avant le décès". Les conclusions
des examens complémentaires effectués à la suite de l'autopsie indiquent
que le décès n'est pas la conséquence directe ou suivie du traumatisme
précité, lequel a toutefois joué un rôle déclenchant dans le processus
menant au décès.

    B.- Par ordonnance de condamnation du 17 décembre 2002, le Procureur
général du canton de Genève a condamné Y. pour lésions corporelles par
négligence (art. 125 al. 1 et 2 CP) à la peine de six mois d'emprisonnement
avec sursis pendant trois ans. Il l'a en revanche expressément libéré
du chef d'inculpation d'homicide par négligence, estimant que le lien de
causalité adéquate entre l'accident du 30 janvier 2001 et le décès de D.
faisait défaut. Il a considéré en effet que la détérioration de l'état
de santé de la victime ayant mené au décès n'était pas imputable à Y.,
dès lors que celle-ci souffrait d'une maladie coronarienne sévère, d'une
pathologie de l'aorte ascendante associée à une insuffisance rénale, d'une
hypertension artérielle et d'un trouble de la conduction majeure. Les
droits des parties civiles ont été réservés.

    Le 20 décembre 2002, A., l'épouse de D., et ses deux filles, B. et C.,
ont fait opposition à l'ordonnance précitée, concluant à la condamnation
de Y. pour homicide par négligence et demandant au Tribunal de police
genevois de retenir leurs conclusions civiles, lesquelles étaient chiffrées
s'agissant des indemnités pour tort moral et réservées pour le surplus.

    C.- Par jugement du 26 mai 2003, le Tribunal de police genevois a
déclaré irrecevables les conclusions des parties civiles visant à la
"requalification" de l'infraction reprochée à Y. et celles en paiement
des indemnités pour tort moral. Il leur a cependant donné acte de la
réserve de leurs droits.

    Par arrêt du 27 octobre 2003, la Chambre pénale de la Cour de justice
genevoise a rejeté l'appel formé par les parties civiles et confirmé
ledit jugement.

    D.- A., B. et C. interjettent au Tribunal fédéral un pourvoi en
nullité contre l'arrêt du 27 octobre 2003.

    Appelé à se prononcer sur le pourvoi, le Ministère public de Genève
conclut à son rejet.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  En vertu de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF, le lésé qui est une
victime d'une infraction au sens de l'art. 2 LAVI (RS 312.5) peut exercer
un pourvoi en nullité autant qu'il est déjà partie à la procédure et dans
la mesure où la sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir
des incidences sur le jugement de celles-ci.

    En l'espèce, D. doit être considéré comme une victime au sens de
l'art. 2 al. 1 LAVI, étant donné qu'il a été grièvement blessé (fracture du
pied, qui a dû être amputé) et qu'il est par la suite décédé. En tant que
veuve et filles du défunt, les recourantes sont assimilées à la victime
(art. 2 al. 2 LAVI). Elles ont en outre déjà participé à la procédure,
dès lors qu'elles ont déposé une plainte pénale et qu'elles ont provoqué,
par leur recours, la décision attaquée. Enfin, conformément aux exigences
posées par la jurisprudence, elles ont pris des conclusions chiffrées
pour le tort moral (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187). En conséquence,
elles réalisent les conditions de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF et ont la
légitimation pour se pourvoir en nullité.

    Il y a lieu de signaler que les recourantes ont également la
qualité pour recourir en vertu de l'art. 270 let. e ch. 2 PPF. Selon
cette disposition, la victime peut en effet former un pourvoi pour faire
valoir une violation des droits que lui accorde la LAVI. Elle peut ainsi
notamment se plaindre de la violation de l'art. 8 al. 1 let. b LAVI et
demander qu'un tribunal statue sur le refus d'ouvrir l'action publique ou
sur un non-lieu, même en l'absence de toute influence sur d'éventuelles
prétentions civiles (ATF 120 IV 38 consid. 2c p. 42). En l'espèce,
comme on le verra au considérant 3.2, second paragraphe, le Procureur
général genevois a ordonné la libération de l'intimé du chef d'inculpation
d'homicide par négligence et ordonné ainsi un non-lieu partiel, de sorte
que les recourantes peuvent se prévaloir du droit garanti par l'art. 8
al. 1 let. b LAVI et possèdent en conséquence aussi la légitimation pour
recourir en vertu de l'art. 270 let. e ch. 2 PPF.

Erwägung 3

    3.  Invoquant l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, les recourantes estiment
être habilitées à conclure à ce que Y. soit condamné pour homicide par
négligence. Se fondant sur les art. 218C al. 2 et 218E al. 2 du Code
de procédure pénale genevois (ci-après: CPP/GE), l'autorité cantonale a
refusé d'entrer en matière et a donné aux recourantes acte de la réserve
de leurs droits, au motif que la procédure pénale genevoise dénie le
droit à la partie civile de former opposition au prononcé pénal d'une
ordonnance de condamnation. Elle rappelle à cet égard que l'art. 9 al. 4
LAVI autorise le droit cantonal à exclure le droit du lésé à contraindre
le juge pénal à statuer sur ses prétentions civiles dans la procédure
d'ordonnance de condamnation.

    3.1  L'art. 8 al. 1 LAVI prévoit que la victime de l'infraction a
le droit d'intervenir comme partie dans la procédure pénale. Elle a en
particulier le droit de faire valoir ses prétentions civiles (art. 8 al. 1
let. a LAVI), de demander qu'un tribunal statue sur le refus d'ouvrir
l'action publique ou sur le non-lieu (art. 8 al. 1 let. b LAVI) et, pour
autant que certaines conditions soient satisfaites, de former contre le
jugement les mêmes recours que le prévenu (art. 8 al. 1 let. c LAVI).

    L'art. 9 LAVI prévoit que les tribunaux sont en principe tenus de
statuer sur les prétentions civiles de la victime. L'art. 9 al. 4 LAVI
habilite toutefois les cantons à édicter des dispositions différentes
pour la procédure de l'ordonnance pénale et pour les procédures dirigées
contre des enfants et des adolescents. Le législateur genevois a fait
usage de cette faculté conférée par le droit fédéral pour l'ordonnance de
condamnation. Selon l'art. 218C al. 2 CPP/GE, "lorsque l'opposition n'émane
que de la partie civile, seul le prononcé civil est mis à néant, sans
préjudice des droits des parties". "Le Tribunal, s'il reçoit l'opposition
n'émanant que de la partie civile, lui donne acte de la réserve de ses
droits" (art. 218E al. 2 CPP/GE).

    3.2  L'art. 8 al. 1 let. b LAVI prévoit que la victime peut demander
qu'un tribunal statue sur le refus d'ouvrir l'action publique ou sur
le non-lieu. Dans tous les cas où la procédure ne suit pas son cours
jusque devant l'autorité de jugement, la victime peut donc exiger une
décision judiciaire. Si la décision est prise d'emblée par un tribunal,
par exemple une chambre d'accusation, le droit prévu par l'art. 8 al. 1
let. b LAVI est immédiatement satisfait. En d'autres termes, la victime
a droit à une décision judiciaire. Dès qu'un tribunal a statué que ce
soit en première instance ou sur recours, le droit est épuisé. Cette
disposition ne donne aucun droit à un recours devant une deuxième ou
une troisième autorité judiciaire (FF 1990 II 934; CORBOZ, Les droits
procéduraux découlant de la LAVI, SJ 1996 p. 53 ss, spéc. p. 74 s.).

    Par ordonnance de non-lieu, il faut entendre toute décision qui
met fin à l'action pénale, au moins sur un chef d'accusation, et qui
est rendue par une autre autorité que la juridiction de jugement (ATF
122 IV 45 consid. 1c p. 46; 120 IV 107 consid. 1a p. 108 s.; 119 IV 92
consid. 1b p. 95). En l'espèce, le Procureur général a reconnu l'intimé
coupable de lésions corporelles par négligence, et l'a expressément
libéré du chef d'inculpation d'homicide par négligence. Cette ordonnance
de condamnation inclut donc un non-lieu partiel. Le Procureur a en effet
rendu une ordonnance de condamnation pour une partie des faits (fracture
du pied et gangrène, qui a nécessité une amputation) et a ordonné la
cessation des poursuites pénales pour le surplus (décès de D.). On ne
saurait parler de "requalification" des faits comme le fait l'autorité
cantonale. L'autorité compétente n'a pas écarté la qualification juridique
des faits proposée et substitué une autre qualification (par exemple en
retenant les lésions corporelles simples au lieu des lésions corporelles
graves), mais a renoncé à poursuivre l'intimé pour une partie des faits,
à savoir pour la mort de D. (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.263/1997
du 12 novembre 1997).

    Le Procureur général genevois a pour rôle essentiel de soutenir
l'accusation au cours de l'instruction et devant les juridictions pénales,
comme partie à la procédure (cf. art. 4 et 24 CPP/GE). Lorsqu'il rend
une ordonnance de condamnation, au sens des art. 198 al. 3 et 218 à 218F
CPP/GE, il exerce cependant, d'une certaine façon, des fonctions que l'on
peut qualifier de juridictionnelles. Dans un arrêt du 11 février 1998,
le Tribunal fédéral a toutefois précisé que le Procureur général ne se
métamorphosait pas en juge de par l'exercice occasionnel et limité de ces
fonctions, mais qu'il restait confiné dans son rôle d'accusateur public,
même lorsqu'il rendait des ordonnances de condamnation (ATF 124 I 76
consid. 2 p. 78; cf. aussi ATF 108 IV 154 consid. 2b in fine p. 158; 126
IV 107 consid. 1a p. 109). En conséquence, le Procureur général genevois
n'étant pas une autorité judiciaire, les recourantes sont habilitées en
vertu de l'art. 8 al. 1 let. b LAVI à exiger qu'un juge se prononce sur
la question de l'homicide par négligence et plus particulièrement sur le
lien de causalité entre l'accident et la mort de D. C'est donc l'art. 8
al. 1 let. b LAVI qui est applicable, et non l'art. 8 al. 1 let. c LAVI
comme le soutiennent les recourantes.

    3.3  L'autorité cantonale invoque l'art. 9 al. 4 LAVI et le droit de
procédure cantonal pour écarter les prétentions civiles des recourantes.
Dans la FF 1990 II 934, le Conseil fédéral précise ce qui suit à propos
de l'art. 8 al. 1 LAVI: "En ce qui concerne le traitement des prétentions
civiles, les cantons ont (...) la possibilité d'édicter des dispositions
différentes pour l'ordonnance pénale et les procédures dirigées contre
des enfants et des adolescents (art. 9, 4e al.). S'ils excluent, dans ces
procédures, le jugement de prétentions civiles, la victime n'a pas non
plus les droits prévus aux lettres a et c" (FF 1990 II 934 in initio;
voir aussi p. 937, où le Conseil fédéral se réfère à l'art. 8 al. 1er
LAVI). En conséquence, selon la volonté du législateur fédéral, si le
canton peut exclure le droit de la victime de se constituer partie civile
dans la procédure de l'ordonnance pénale (art. 8 al. 1 let. a LAVI) et de
recourir contre le jugement rendu dans le cadre de cette procédure (art. 8
al. 1 let. c LAVI; arrêt du Tribunal fédéral 6P.55/2003 / 6S.140/2003 du 6
août 2003), il ne saurait exclure le droit de la victime de demander qu'un
tribunal statue sur le refus d'ouvrir l'action publique ou sur le non-lieu
(art. 8 al. 1 let. b LAVI; ATF 122 IV 79 consid. 4b/cc p. 88/89; cf. aussi
PETER GOMM/PETER STEIN/DOMINIK ZEHNTNER, Kommentar zum Opferhilfegesetz,
Berne 1995, n. 20 ad art. 9 LAVI, qui limite l'application de l'art. 9
al. 4 LAVI à la règle prévue à l'art. 8 al. 1 let. a LAVI).

    Il résulte de ce qui précède que les recourantes ne peuvent donc être
privées par le droit cantonal du droit d'exiger en application de l'art. 8
al. 1 let. b LAVI une décision judiciaire sur la question de l'homicide
par négligence et, en particulier, sur celle du lien de causalité entre
l'accident et le décès de D. En refusant d'entrer en matière sur ce
point, le Tribunal de police et la Cour de justice genevoise ont violé
l'art. 8 al. 1 let. b et l'art. 9 al. 4 LAVI.