Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 IV 83



130 IV 83

14. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X.
contre Ministère public ainsi que Tribunal cantonal du canton du Valais
(pourvoi en nullité)

    6S.126/2004 du 18 juin 2004

Regeste

    Art. 19 Ziff. 1 Abs. 1 und Ziff. 3 BetmG; Anbau von Hanfsetzlingen
zur Gewinnung von Betäubungsmitteln, subjektiver Tatbestand.

    Art. 19 Ziff. 1 BetmG verbietet den Anbau von Hanfsetzlingen insoweit,
als diese nach der Aufzucht der Pflanzen dazu dienen, Hanf mit hohem
THC-Gehalt zu gewinnen, welcher als Betäubungsmittel konsumiert wird. Es
obliegt den Behörden, den illegalen Gebrauch des Hanfs nachzuweisen
(E. 1.1).

    Der in Art. 19 Ziff. 1 Abs. 1 BetmG umschriebene Anbau von Hanf zur
Gewinnung von Betäubungsmitteln kann nicht fahrlässig begangen werden
(E. 1.2).

Sachverhalt

    A.- X. exploite depuis 1960, à F., une entreprise d'horticulture
spécialisée dans la production de jeunes plants de fleurs et de légumes. Il
emploie à ce titre environ 80 personnes. Son chiffre d'affaires annuel
avoisine les 6 millions de francs.

    La société A. a pour but la culture du chanvre, la production en
général, la recherche, la sélection de nouvelles variétés, la culture
expérimentale, l'étude, le développement et la commercialisation du chanvre
et de tous les produits dérivés directement ou indirectement du chanvre de
manière compatible avec les dispositions légales suisses. B. et C. sont
respectivement associé gérant et associé de cette société. En 1999, la
société a pris contact avec X. en vue de la production, par l'entreprise
de celui-ci, de boutures de chanvre. C'est ainsi que X. en a produit et
livré 32'160 en 1999 et 52'223 en 2000.

    Selon le contrat conclu le 25 janvier 2001 avec la société A., X. s'est
engagé à produire de mi-avril à fin juin 2001, 100'000 boutures de chanvre
naturel suisse à partir de pieds mères fournis par cette société et restant
propriété de celle-ci, au prix de 1 fr. 50 par bouture. La société A.
destinait la marchandise à sa propre production de chanvre et à la
vente à des commerces spécialisés. Le contrat prévoyait que les boutures
seraient piquées dans des grodans de 25 x 25 mm fournis par A. Une fois
enracinées, elles devaient être replantées en terre en pots de 51 trous
d'un diamètre de 40 mm fournis par X. X. devait ensuite disposer les pots
dans des caisses fournies par A. et procéder à leur chargement dans les
véhicules. Le contrat précisait encore que les plantes "appartenaient à
A. et ne servaient qu'à honorer le présent contrat". A. garantissait enfin,
d'une part, l'achat des boutures commandées, "sauf en cas d'événements
extérieurs indépendants de sa volonté, ainsi que, d'autre part, le respect
de la législation en vigueur".

    D'avril à juillet 2001, X. a produit 61'210 boutures de chanvre qu'il
a vendues à A.

    Le 5 juillet 2001, la police est intervenue auprès de X. à la suite
d'une enquête ouverte à l'encontre de B. et de C. A cette occasion, X. a
remis aux agents un planton de chacune des cinq variétés de chanvre qu'il
produisait dans son exploitation. Il a pris note que "tout producteur
risque de tomber sous le coup de la LStup s'il cultive des variétés non
recommandées sans fournir une explication claire et nette de son choix et
sans que l'utilisation de la récolte soit contrôlable". Dès cet instant,
X. a cessé de produire des boutures de chanvre. Il a néanmoins encore
livré à sa cliente, le 24 juillet 2001, 2'170 boutures.

    Selon le rapport du laboratoire cantonal valaisan du 22 octobre 2001,
l'analyse des cinq plantes de chanvre obtenues à partir des boutures,
plantes ensuite séchées, a révélé une concentration de THC comprise entre
12.9 et 25.2 %, étant précisé qu'aucune trace de THC n'était décelable
dans une bouture, les plantes devant avoir atteint un degré de maturité
optimal, puis être séchées pour que puisse être décelé par une analyse
chimique le pourcentage de substance active.

    B.- Le 17 septembre 2002, le Juge du district de Martigny a acquitté
X. du chef d'accusation de violation des art. 19 ch. 1 al. 1 et 4 et 19
ch. 3 LStup et mis les frais à la charge du fisc.

    Contre ce jugement, le représentant du Ministère public valaisan a
déposé un appel au Tribunal cantonal valaisan.

    Par jugement du 2 mars 2004, la Cour pénale I du Tribunal cantonal
valaisan a admis l'appel, a reconnu X. coupable de violation des art. 19
ch. 1 et 3 LStup et l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec
sursis. Il a mis à la charge de X. une créance compensatrice de 30'000
francs à verser à l'Etat du Valais ainsi que les frais de la cause.

    Le Tribunal fédéral a admis le pourvoi en nullité de X.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  L'art. 19 ch. 1 al. 1 LStup déclare punissable celui qui, sans
droit, cultive des plantes à alcaloïdes ou du chanvre en vue de la
production de stupéfiants.

    1.1  L'art. 1 al. 2 let. a ch. 4 LStup considère le chanvre comme un
stupéfiant au sens de la loi, et l'art. 8 al. 1 let. d LStup interdit sans
exception la culture et le commerce du chanvre en vue d'en extraire des
stupéfiants. Selon la jurisprudence, les différentes formes commerciales
du chanvre ne sont considérées comme des stupéfiants au sens de la loi
que si la teneur en THC est supérieure à la limite légale (ATF 126 IV 198
consid. 1 p. 200). Les boutures de chanvre n'ayant aucune teneur en THC,
le recourant soutient que leur production et leur vente ne sauraient
être incriminées. Ce grief n'est pas pertinent. En effet, le Tribunal
fédéral a déjà jugé que l'interdiction vise la plante dans son entier,
même sans ses sommités florifères ou fructifères, donc même sans les
parties contenant un taux élevé de THC (ATF 126 IV 198 consid. 1 p. 199,
60 consid. 2a p. 63). Une bouture de chanvre, qui n'est rien d'autre qu'une
plante de chanvre, tombe donc également sous le coup de l'interdiction
dans la mesure où elle permet d'obtenir, après croissance, du chanvre à
haute teneur en THC (arrêt du Tribunal fédéral 6S.189/2001 du 31 mai 2001,
publié in Pra 90/2001 n° 182 p. 1107).

    Le taux de THC ne permet cependant pas, à lui seul, de conclure à
la punissabilité du producteur. Encore faut-il que le but visé soit
effectivement l'extraction de stupéfiants. Ainsi, toute personne
peut librement posséder une plante de chanvre à des fins exclusives
d'ornementation, quand bien même il s'agirait d'une variété riche en THC.
Sur le plan de la preuve, il incombe aux autorités de démontrer l'usage
illégal, même si cela ne va pas sans difficulté (arrêt du Tribunal fédéral
6S.15/2001 du 14 juin 2001, consid. 2b in fine et 2d). En l'espèce, si,
selon les constatations cantonales, les cinq plantes obtenues à partir de
boutures avaient une concentration de THC comprise entre 12.9 et 25.2 %,
il n'est en revanche pas établi que ces plantes devaient servir, après leur
culture et leur commercialisation par leurs acheteurs, comme stupéfiants.
Dès lors, sur la base de l'état de fait retenu, force est d'admettre que
l'élément objectif de l'infraction définie à l'art. 19 ch. 1 al. 1 LStup
n'est pas réalisé. Le pourvoi doit donc déjà être admis pour ce motif.

    1.2  Sur le plan subjectif, la cour cantonale distingue l'activité
antérieure à l'intervention de la police, le 5 juillet 2001, de celle
qui lui est postérieure. Alors qu'elle retient le dol éventuel pour
la livraison des plantes après la visite de la police, elle considère
que le recourant a agi par négligence pour son activité antérieure au 5
juillet 2001. En effet, elle estime qu'avant le 5 juillet 2001, bien que
le recourant ait su qu'il pouvait être fait un usage illégal du chanvre,
il s'est contenté, pour lever ses doutes sur le caractère licite de
son activité et celle de ses partenaires contractuels, d'interpeller
ceux-ci et, sur la base de leurs assurances, d'admettre, sans plus amples
vérifications, qu'il ne violait pas la loi. Selon la cour cantonale, on
pouvait attendre d'un horticulteur professionnel qu'il prenne d'autres
précautions et se montre plus prudent, par exemple en se renseignant
auprès d'un office agricole, fédéral ou cantonal, ou mieux encore auprès
de la police.

    1.2.1  L'art. 19 ch. 3 LStup prévoit que l'auteur qui agit
par négligence dans les cas visés sous chiffre 1 est passible de
l'emprisonnement pour une année au plus, des arrêts ou de l'amende. Il
y a négligence consciente lorsque l'auteur envisage le résultat
dommageable comme possible, mais, faisant preuve d'une imprévoyance
coupable, il escompte que ce résultat - qu'il refuse - ne se produira
pas. Celui qui agit par dol éventuel envisage lui aussi l'avènement
du résultat dommageable. Mais il se distingue de celui qui agit par
négligence consciente par le fait que, même s'il ne souhaite pas le
résultat dommageable, il s'en accommode pour le cas où il se produirait
(cf. notamment ATF 119 IV 1 consid. 5a p. 3). La différence se situe
donc sur le plan de la volonté et non de la conscience, puisque l'auteur
prévoit dans les deux cas de figure la possibilité que les conséquences se
réalisent. Mais, dans le cas du dol éventuel, l'auteur veut (c'est-à-dire
accepte) le résultat s'il se produit, alors qu'il compte qu'il ne se
produira pas dans le cas de la négligence consciente.

    1.2.2  Selon la jurisprudence, l'infraction définie au chiffre 1
de l'art. 19 LStup est en tout cas réalisée lorsque l'auteur agit avec
dol direct, c'est-à-dire lorsqu'il sait que le chanvre qu'il cultive ou
vend sera consommé comme stupéfiant et le cultive ou le vend néanmoins,
acceptant ainsi qu'il en soit fait un tel usage (ATF 126 IV 60 consid. 2b
p. 63 s.). A tout le moins s'il cultive ou vend du chanvre ayant une
teneur en THC supérieure à la limite légale, le dol éventuel est même
suffisant (ATF 126 IV 198 consid. 2 p. 201; arrêt du Tribunal fédéral
6S.363/2001 du 27 juin 2001). Mais il convient de se demander si l'auteur
peut commettre cette infraction aussi par négligence. Autrement dit,
la notion de négligence est-elle compatible avec les termes "en vue de
la production de stupéfiants"?

    1.2.3  Dans la doctrine, CORBOZ relève que la culture de haschisch
doit se faire en vue de la production de stupéfiants, de sorte que le
but accepté par l'auteur est décisif (CORBOZ, Les infractions en droit
suisse, vol. II, Berne 2002, p. 779). Cet auteur semble donc exiger que
l'auteur ait voulu produire des stupéfiants (ne serait-ce que sous la
forme de l'acceptation), ce qui exclurait toute forme de négligence. Il
en va de même pour GUSTAV HUG-BEELI, qui considère qu'une personne qui
cultive une plante de cannabis, dont la teneur en THC dépasse 0.5 %, court
inévitablement le danger d'être accusée pour trafic de stupéfiants, si elle
accepte que les parties de la plante puissent être utilisées en vue de la
production illicite de stupéfiants (GUSTAV HUG-BEELI, Rechtsprechung zu
den Betäubungsmitteldelikten seit 1991, St-Gall 1997, p. 19 s.). Enfin,
ALBRECHT mentionne que la culture de chanvre par négligence n'est
guère imaginable (ALBRECHT, Kommentar zum schweizerischen Strafrecht,
Sonderband Betäubungsmittelsstrafrecht [Art. 19-28 BetmG], Berne 1995,
n. 212 ad art. 19 LStup, p. 99).

    1.2.4  La cour cantonale fait du but visé (extraction de stupéfiants)
un élément de la définition du chanvre prohibé. Selon elle, la culture
du chanvre est en conséquence punissable, dès que le chanvre est destiné
à l'extraction de stupéfiants. Partant, celui qui cultive du chanvre en
ignorant qu'il est destiné à l'extraction de stupéfiants et donc qu'il
s'agit d'un stupéfiant "prohibé" peut être puni pour commerce de chanvre
par négligence. Cette interprétation ne saurait cependant être suivie. En
effet, les termes "en vue de la production de stupéfiants" doivent être
rattachés, non à la qualité du chanvre, mais à l'action de cultiver
(ALBRECHT, op. cit., n. 92 ad art. 19 LStup, p. 63; ALFRED SCHÜTZ,
Die Strafbestimmungen des Bundesgesetzes über die Betäubungsmittel vom
3. Oktober 1951 in der Fassung vom 20. März 1975, Diss. Zurich 1980,
p. 106). L'auteur ne sera punissable pour commerce de chanvre selon
l'art. 19 LStup (en liaison avec l'art. 8 LStup) que s'il a en vue d'en
extraire des stupéfiants (voir notamment arrêt du Tribunal fédéral
6S.546/1994 du 16 novembre 1994). La culture de chanvre doit viser
l'extraction de stupéfiants pour tomber sous le coup de l'art. 19 ch. 1
al. 1 LStup (ATF 126 IV 60 consid. 2a p. 63). Or, l'auteur qui cultive
du chanvre en vue de produire des stupéfiants veut (ou du moins accepte)
qu'il en soit extrait des stupéfiants. Il ne saurait dès lors agir par
négligence, car, en ce cas, l'auteur ne veut justement pas le résultat
dommageable. La notion de négligence est donc incompatible avec les termes
"en vue de la production de stupéfiants". Malgré le renvoi l'art. 19 ch. 3
LStup au chiffre 1, la culture de chanvre définie à l'art. 19 ch. 1 al. 1
LStup ne peut être commise par négligence.

    1.3  En conséquence, au vu des faits retenus, le recourant ne saurait
être condamné pour avoir cultivé du chanvre, car il n'a pas été établi
que les plantes provenant des boutures devaient servir à produire des
stupéfiants (consid. 1.1). Au demeurant, la commission par négligence
retenue par l'autorité cantonale pour l'activité antérieure au 5 juillet
2001 n'est pas concevable (consid. 1.2.4).