Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 IV 77



130 IV 77

13. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X.
contre Ministère public du canton de Fribourg (pourvoi en nullité)

    6S.137/2004 du 11 juin 2004

Regeste

    Art. 23 Abs. 1 al. 5 ANAG; Erleichtern des rechtswidrigen Verweilens.

    Art. 23 Abs. 1 al. 5 ANAG erfasst nicht nur die Schlepper
(E. 2.2). Unter den Anwendungsbereich dieser Bestimmung fällt, wer einen
rechtswidrig im Lande weilenden Ausländer - im konkreten Fall während
mehr als drei Monaten - beherbergt und dadurch den behördlichen Zugriff
erschwert beziehungsweise verunmöglicht (E. 2.3).

Sachverhalt

    A.- Du mois de mai au 18 août 2002, X., enseignante née en 1948, a
logé gratuitement chez elle et en partie nourri le ressortissant turc A.,
né en 1982, qui séjournait illégalement en Suisse depuis février 2002.

    Le 24 août 2002, la police a dénoncé A. pour entrée et séjour sans
autorisation. Une décision de refoulement a été rendue à son encontre
le 1er octobre 2002. Par ordonnance pénale du 25 octobre 2002, il a
été condamné à quinze jours d'emprisonnement avec sursis durant quatre
ans pour infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement
des étrangers (LSEE; RS 142.20). Cette ordonnance a aussi révoqué le
sursis qui lui avait été accordé le 2 août 2001 à une peine de dix jours
d'emprisonnement en raison d'une infraction à la LSEE.

    X. a connu A. dans le cadre du "Collectif des sans-papiers", soit
un mouvement de soutien aux dits "sans-papiers". Selon elle, A. est
probablement venu en Suisse pour chercher du travail. Elle ne sait pas
précisément pourquoi il a quitté son pays ni ne lui a demandé s'il avait
des papiers. Elle lui a proposé de venir loger chez elle lorsque le Centre
réformé de Charmey, qui hébergeait des "sans-papiers", n'a plus été à
disposition du Collectif. A. n'avait alors pas trouvé de solution pour se
loger. Elle s'inquiétait pour ce jeune homme de vingt ans, qu'elle sentait
renfermé et fragile. Elle a prétendu avoir agi de manière émotionnelle,
considérant A. en danger physique et psychique s'il restait à la rue. Elle
ne l'a pas aidé sur le plan financier.

    B.- Par jugement du 16 juin 2003, le Juge de police de l'arrondissement
de la Sarine a condamné X., pour infraction à la LSEE (art. 23 al. 1 5e
phrase LSEE), à 300 francs d'amende, avec délai de radiation d'un an.

    Par arrêt du 16 mai 2004, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a rejeté l'appel formé par X. et a confirmé le jugement de
première instance.

    C.- X. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Elle conclut à son annulation.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  La recourante conteste sa condamnation en vertu de l'art. 23
al. 1 5e phrase LSEE.

    2.1  Selon cette disposition, celui qui, en Suisse ou à l'étranger,
facilite ou aide à préparer une entrée ou une sortie illégale ou un
séjour illégal sera puni de l'emprisonnement jusqu'à six mois. A cette
peine pourra être ajoutée une amende de 10'000 francs au plus. Dans les
cas de peu de gravité, la peine peut consister en une amende seulement.

    2.2  Pour la recourante, l'art. 23 al. 1 5e phrase LSEE ne réprime
que le comportement de personnes sans scrupules, en particulier celui des
passeurs qui cherchent à s'enrichir sur le dos d'étrangers. Elle se réfère
au message du Conseil fédéral du 8 mars 1948 concernant la LSEE ainsi qu'au
message du 8 mars 2002 concernant la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr).

    L'argument tombe à faux. Le fait d'avoir agi dans un dessein
d'enrichissement illégitime constitue une circonstance aggravante,
spécifiquement réprimée par l'art. 23 al. 2 LSEE. L'appât du gain ne
constitue donc pas un élément constitutif de l'infraction réprimée par
l'art. 23 al. 1 LSEE, mais le cas échéant une circonstance aggravante. En
outre, on ne saurait déduire des travaux préparatoires que l'art. 23
al. 1 5e phrase LSEE vise exclusivement les passeurs. Le paragraphe du
message du Conseil fédéral du 8 mars 1948 invoqué par la recourante
n'a pas la portée qu'elle lui prête. Il en ressort ce qui suit: "Le
projet de révision prévoit (...) des sanctions pénales à l'égard des
personnes qui facilitent l'entrée ou la sortie illégale ou le séjour
illégal en Suisse. Elles s'appliqueront notamment à l'endroit de personnes
telles que les passeurs professionnels (...)" (FF 1948 I 1284). Le terme
"notamment" montre bien, contrairement à ce que soutient la recourante,
que les passeurs ne sont pas les seuls visés par la norme pénale.

    La recourante se réfère aussi au projet LEtr, qui est actuellement
débattu devant le Conseil national, premier Conseil saisi. Il est
vrai que dans son message du 8 mars 2002, le Conseil fédéral observe
que l'art. 111 du projet LEtr correspond à l'art. 23 al. 1 5e phrase
LSEE et vise à combattre la criminalité opérée par les passeurs (FF
2002 p. 3587). Toutefois, le texte de l'art. 111 du projet (comme
celui de l'art. 23 al. 1 5e phrase LSEE) parle non seulement du fait
de faciliter une entrée ou une sortie illégale mais aussi de celui
de faciliter un séjour illégal. L'activité caractéristique du passeur
consiste à faciliter une entrée ou une sortie illégale mais non un séjour
illégal. Restreindre la portée de l'art. 111 du projet aux passeurs ne
va donc pas de soi. La doctrine considère de son côté comme probablement
incomplète la référence du Conseil fédéral aux seuls passeurs (cf. MINH SON
NGUYEN, Droit public des étrangers, Berne 2003, p. 676/677). Le Conseil
national n'a pas encore abordé cette disposition. Quoi qu'il en soit, un
projet en cours ne peut être pris en compte pour interpréter le droit en
vigueur qu'avec retenue. Or, ni la teneur de l'art. 23 al. 1 5e phrase
LSEE - qui mentionne le fait de faciliter le séjour, soit une activité
qui n'est pas propre à celle d'un passeur -, ni le message y relatif du
Conseil fédéral du 8 mars 1948 ne vont dans le sens d'une norme pénale
limitée aux passeurs. Il s'ensuit que la recourante est elle aussi soumise
à cette disposition.

    2.3

    2.3.1  La recourante soutient que son comportement n'a pas entravé
l'action des autorités. Elle rappelle que les "sans-papiers" ont d'abord
trouvé refuge dans une église à Fribourg et ont ensuite été logés notamment
dans le Centre réformé de Charmey. Selon elle, la police fribourgeoise
connaissait l'identité des "sans-papiers" et a en particulier toléré la
présence irrégulière de A. Lorsque celui-ci a quitté le Centre réformé,
la police pouvait se rendre compte qu'il n'allait pas quitter le canton
de Fribourg mais qu'il y resterait, avec le soutien d'une partie de
la population.

    2.3.2  En l'espèce, la recourante a logé un ressortissant étranger
mais n'est pas intervenue au niveau du franchissement de la frontière. Par
conséquent, seule l'aide à un séjour illégal selon l'art. 23 al. 1 5e
phrase LSEE peut entrer en considération et non l'aide à une entrée
illégale.

    L'infraction en cause, soit le fait de faciliter le séjour illégal
d'une personne en Suisse, est difficile à circonscrire. En effet,
l'étranger qui séjourne illégalement dans notre pays noue de nombreuses
relations avec d'autres personnes. Il prend par exemple un moyen de
transport, achète de la nourriture ou va au restaurant (cf. NGUYEN,
op. cit., p. 677). Tout contact avec cet étranger, qui rend plus agréable
le séjour de celui-ci en Suisse, ne saurait être punissable au sens de
l'art. 23 al. 1 5e phrase LSEE. Sinon, le champ d'application de cette
disposition serait illimité. Aussi, dans différents arrêts non publiés,
le Tribunal fédéral a-t-il exigé que le comportement de l'auteur rende
plus difficile le prononcé ou l'exécution d'une décision à l'encontre de
l'étranger en situation irrégulière ou restreigne, pour les autorités, les
possibilités de l'arrêter (arrêt 6S.459/2003 du 8 mars 2004, consid. 2.2;
arrêt 6S.615/1998 du 18 août 2000, consid. 2; arrêt 6S.183/1990 du 27
juillet 1990, consid. 3a).

    En règle générale, il est admis que celui qui héberge une personne
séjournant illégalement en Suisse facilite le séjour illégal de celle-ci,
qu'il agisse en tant qu'hôtelier, de bailleur ou d'employeur qui loue une
chambre (ATF 118 IV 262 consid. 3a p. 264/265; 112 IV 121 consid. 1 p. 122;
cf. VALENTIN ROSCHACHER, Die Strafbestimmungen des Bundes über Aufenthalt
und Niederlassung der Ausländer, thèse Zurich 1991, p. 87 ss). Le logement
est alors susceptible de devenir une cachette pour l'étranger en situation
irrégulière, lui permettant ainsi de se soustraire à l'intervention des
autorités administratives (cf. NGUYEN, op. cit., p. 679).

    2.3.3  La question à résoudre ici est de déterminer si la recourante
a soustrait un étranger dépourvu d'autorisation de séjour au pouvoir
d'intervention des autorités. Contrairement à ce que soutient celle-ci,
il importe peu que les autorités aient eu la faculté d'intervenir lorsque
les "sans-papiers" se trouvaient réunis dans une église à Fribourg ou au
Centre réformé de Charmey. La possibilité d'une intervention des autorités
à un moment donné n'a pas pour effet de disculper quiconque dans une
phase ultérieure. Si une modification de la situation prive ensuite les
autorités de la capacité d'intervenir, l'application de l'art. 23 al. 1 5e
phrase LSEE est alors envisageable. Cela vaut pour la recourante. Selon
les constatations cantonales, elle a logé gratuitement un étranger en
situation irrégulière durant trois mois et demi environ. Elle n'a entrepris
aucune démarche pour régulariser la situation de son hôte. Elle pensait
même qu'il n'existait que peu de chance pour une telle régularisation. On
déduit de ces éléments que les autorités ignoraient le lieu de résidence
de l'étranger accueilli par la recourante.

    Autrement dit, durant une assez longue période - plus de trois
mois -, la recourante a hébergé en connaissance de cause un étranger en
situation irrégulière. Elle a ainsi fourni une prestation, qui a rendu plus
difficile, voire a exclu le pouvoir d'intervention des autorités. Il faut
en conclure que les éléments constitutifs de l'art. 23 al. 1 5e phrase
LSEE sont réalisés.

    2.4  La recourante indique qu'elle était en droit de croire que son
geste n'entraînerait pas de conséquences pour elle compte tenu de la
tolérance affichée par la police lorsque les "sans-papiers" se trouvaient
au Centre réformé de Charmey.

    On peut penser que la recourante, même si elle ne le dit pas
expressément, se prévaut de la sorte d'une erreur sur les faits (art. 19
CP) ou d'une erreur de droit (art. 20 CP). Le grief apparaît toutefois
d'emblée infondé. En effet, l'arrêt attaqué fait état de la déclaration
suivante de la recourante: "C'est vrai que je me suis rendue compte qu'il
y avait une infraction à la LSEE mais il y a plein de circonstances qui ont
fait que j'ai agi comme cela". Dès lors que la recourante avait conscience
du caractère illicite de son acte, du moins d'une illicéité éventuelle,
il n'y a pas de place pour une erreur sur les faits ou une erreur de droit
(sur ces notions, cf. ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240/241).

    2.5  La Cour d'appel fribourgeoise a analysé la situation personnelle
de l'étranger hébergé et a retenu qu'il n'était exposé à aucun danger
imminent qui aurait justifié sa prise en charge par la recourante. Elle a
par conséquent nié l'existence d'intérêts légitimes d'ordre humanitaire
susceptibles de rendre licite (cf. ATF 127 IV 166 consid. 2b p. 169) le
comportement de la recourante. Celle-ci ne remet pas en cause ce point,
qui ne prête pas le flanc à la critique au vu des faits constatés. La
Cour d'appel a par ailleurs retenu que l'infraction en cause constituait
un cas de peu de gravité qui n'impliquait que le prononcé d'une amende
(art. 23 al. 1 in fine LSEE) et a souligné que sa fixation prenait en
compte le fait que la recourante avait voulu rendre service et apporter
une aide désintéressée à un jeune qu'elle sentait renfermé et fragile. Il
apparaît que ces éléments ont concrètement joué un rôle en faveur de la
recourante puisqu'elle n'a été condamnée qu'à 300 francs d'amende.

    2.6  Au vu de ce qui précède, la condamnation de la recourante ne
viole pas le droit fédéral. Le pourvoi est infondé.