Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 IV 72



130 IV 72

12. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X.
contre Ministère public du canton de Vaud ainsi que Commis- sion de
révision pénale du Tribunal cantonal vaudois (recours de droit public et
pourvoi en nullité)

    6P.51/2004 / 6S.147/2004 du 18 juin 2004

Regeste

    Art. 29 BV, Art. 397 StGB; Revision, Strafbefehl.

    In Anbetracht der prozessualen Besonderheiten des Strafbefehls ist
ein dagegen gerichtetes Revisionsgesuch als rechtsmissbräuchlich zu
qualifizieren, wenn es sich auf Tatsachen stützt, welche der Verurteilte
von Anfang an kannte, ohne berechtigten Grund verschwieg und in einem
ordentlichen Einspracheverfahren hätte vorbringen können (E. 2).

Sachverhalt

    A.- X., ressortissant autrichien domicilié en Autriche, a été
intercepté le 29 août 2003 à Aigle alors qu'il circulait en voiture
avec une alcoolémie de 2,46 g o/oo. Par ordonnance de condamnation du
11 novembre 2003, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est
vaudois l'a condamné, pour ivresse au volant (art. 91 al. 1 LCR), à
quarante-cinq jours d'emprisonnement. Selon cette ordonnance, X. avait
le 15 juin 2001 déjà été condamné en Suisse pour ivresse au volant,
à deux mois d'emprisonnement avec sursis durant deux ans.

    B.- Le 10 mars 2004, X. a demandé la révision de l'ordonnance
de condamnation du 11 novembre 2003. En guise de faits nouveaux, il
a expliqué que préalablement au début de la soirée, il avait convenu
avec deux collègues de laisser sa voiture sur le parking du restaurant,
que le retour serait assuré par l'un des collègues, mais que ce dernier
avait quitté les lieux pour une raison inexpliquée.

    Par arrêt du 24 mars 2004, la Commission de révision pénale du Tribunal
cantonal vaudois a écarté la demande de révision.

    C.- X. forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au
Tribunal fédéral contre cet arrêt.

    Le Tribunal fédéral a rejeté les recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Aux termes de l'art. 397 CP, les cantons sont tenus de prévoir
un recours en révision en faveur du condamné contre les jugements rendus
en vertu du Code pénal ou d'une autre loi fédérale, quand des faits ou
des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance
lors du premier procès viennent à être invoqués. Des faits ou moyens de
preuve sont nouveaux au sens de l'art. 397 CP lorsque le juge n'en a pas
eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils
ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux
lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles
se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible
un jugement sensiblement plus favorable au condamné. Savoir si l'autorité
cantonale s'est fondée sur une juste conception de faits ou de moyens de
preuve nouveaux et sérieux au sens de l'art. 397 CP est une question de
droit, qui doit être invoquée dans un pourvoi en nullité. En revanche,
savoir si un fait ou un moyen de preuve était effectivement inconnu du
juge est une question de fait, qui ne peut être revue dans un pourvoi
en nullité, mais qui est susceptible d'un recours de droit public pour
arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. Il
en va de même de la question de savoir si un fait nouveau ou un moyen de
preuve nouveau est propre à modifier l'état de fait retenu puisqu'elle
relève de l'appréciation des preuves, étant rappelé qu'une vraisemblance
suffit au stade du rescindant. Enfin, c'est de nouveau une question de
droit, qui peut faire l'objet d'un pourvoi en nullité, de savoir si la
modification de l'état de fait est juridiquement pertinente, c'est-à-dire
de nature, en fonction des règles de droit de fond applicables, à entraîner
une décision plus favorable au condamné en ce qui concerne la culpabilité,
la peine ou les mesures (ATF 125 IV 298 consid. 2b p. 301/302; 122 IV 66
consid. 2a p. 67/68 et les arrêts cités).

Erwägung 2

    2.

    2.1  La demande de révision du recourant est dirigée contre une
ordonnance de condamnation en force, rendue en vertu d'une norme pénale
fédérale. Une telle décision constitue un jugement au sens de l'art. 397 CP
(ATF 100 IV 248 consid. 2b p. 250/251).

    2.2  Quelle que soit la procédure en cause, la jurisprudence a
déduit de l'art. 29 al. 1 Cst. le droit de demander la modification d'un
jugement par le moyen extraordinaire de la révision pour des faits et
moyens de preuve pertinents qui n'étaient pas connus du requérant dans
la procédure précédente ou qu'il ne pouvait ou n'avait aucune raison de
faire valoir à l'époque pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 127 I
133 consid. 6 p. 137/138). La révision instituée par l'art. 397 CP est
plus large que celle découlant de l'art. 29 al. 1 Cst. dans la mesure où
elle n'exige en principe pas que le fait allégué, qui constitue le fait
nouveau pour le juge, ait également été ignoré du requérant au moment
de la première procédure (ATF 116 IV 353 consid. 3a p. 357; 69 IV 134
consid. 4 p. 138). Cette solution résulte en particulier du fait qu'en
procédure pénale, il incombe à l'accusation de prouver la culpabilité de
l'accusé. Ce n'est par conséquent qu'avec retenue qu'un abus de droit
peut être envisagé et opposé à celui qui se prévaut de l'art. 397 CP
et sollicite une révision sur la base d'un fait qu'il connaissait déjà,
mais qu'il n'a pas soumis au juge de la première procédure (dans le même
sens, arrêt 6S.61/2002 du 16 mai 2003, consid. 3.3). Il est néanmoins
généralement admis qu'une révision ne doit pas servir à remettre sans
cesse en cause une décision entrée en force, à détourner les dispositions
légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution desdits
délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès
en raison d'une négligence procédurale (ATF 127 I 133 consid. 6 in fine
p. 138; 125 IV 298 consid. 2b in fine p. 302; cf. aussi NIKLAUS SCHMID,
Strafprozessrecht, Zurich 2004, 4e éd., n. 1134 ainsi que la note de bas
de page 600). L'interdiction de l'abus de droit s'étend à l'ensemble des
domaines du droit, en particulier à la procédure pénale. L'abus de droit
consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but
même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart
entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste
(ATF 125 IV 79 consid. 1b p. 81).

    2.3  Une ordonnance de condamnation constitue une proposition de
jugement faite à l'accusé. Rendue à la suite d'une procédure simplifiée,
elle ne déploie ses effets juridiques qu'en cas d'acceptation manifestée
par une absence d'opposition. Si l'accusé refuse la proposition, il
lui suffit de former opposition pour ouvrir la procédure ordinaire de
jugement (cf. ATF 124 I 76 consid. 2 p. 78; GÉRARD PIQUEREZ, Procédure
pénale suisse, Zurich 2000, n. 3156 ss). Ces caractéristiques valent en
procédure pénale vaudoise. L'accusé a en particulier la possibilité de ne
pas se soumettre à une ordonnance de condamnation en formant dans un délai
de dix jours dès sa réception une opposition par simple déclaration écrite
(cf. art. 267 du Code de procédure pénale vaudois).

    L'ordonnance de condamnation présente l'avantage de permettre la
liquidation d'affaires pénales de faible voire de moyenne importance par
un procédé simple et rapide. Elle est en principe prononcée lorsque les
faits paraissent établis ou lorsqu'ils ont été reconnus par l'accusé (cf.
PIQUEREZ, op. cit., n. 3155 et 3165; SCHMID, op. cit., n. 909 ss). Comme
elle repose sur une procédure simplifiée, certains faits pertinents sont
susceptibles d'échapper au juge. C'est notamment pour cette raison que
l'accusé peut aisément requérir, en formant opposition, la tenue d'une
procédure ordinaire. Dans le cadre de cette dernière, il aura l'occasion
de présenter une argumentation complète, tant en fait qu'en droit.

    La procédure de l'ordonnance de condamnation a ainsi pour spécificité
de contraindre l'accusé à prendre position. Une absence de réaction de
sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le
délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple
parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme
importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition
échu sans avoir été utilisé, l'accusé pouvait revenir sur l'acquiescement
ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance
de condamnation pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans
une procédure ordinaire. Cela reviendrait à tolérer un comportement
contradictoire de l'accusé et à détourner le respect du délai d'opposition
de sa fonction, soit fixer avec certitude si une ordonnance de condamnation
est entrée en force ou non et assurer ainsi la sécurité du droit.

    Par conséquent, une demande de révision dirigée contre une ordonnance
de condamnation doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des
faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune
raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure
ordinaire mise en oeuvre par une simple opposition.

    En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard
d'une ordonnance de condamnation pour des faits et des moyens de preuve
importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de
l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de
raisons de se prévaloir à cette époque (cf. supra, consid. 2.2). Comme
exemple d'un fait nouveau, on peut mentionner en matière de circulation
routière le cas d'un conducteur condamné pour perte de maîtrise de son
véhicule, qui apprendrait après le délai d'opposition que la chaussée
comportait une malfaçon qui a engendré d'autres accidents similaires,
ce qu'ignorait également le juge (cf. FRANÇOIS CLERC, Remarques sur
l'ordonnance pénale, in RPS 94/1977 p. 414 ss, spéc. 426).

    2.4  En l'espèce, entendu par le juge d'instruction le 29 août 2003,
le recourant a pris acte de son inculpation pour ivresse au volant et a
accepté le principe d'une ordonnance de condamnation. Il n'a pas formé
opposition à l'ordonnance qui lui a ultérieurement été notifiée. Celle-ci
en énonçait expressément la possibilité. Il ressort de la demande de
révision déposée en instance cantonale, à laquelle se réfère l'arrêt
attaqué, que le Service pénitentiaire vaudois a écrit au recourant le 17
décembre 2003 pour que celui-ci lui soumette une proposition d'ici la fin
février 2004 en vue de l'exécution de la peine de quarante-cinq jours
d'emprisonnement infligée par l'ordonnance de condamnation, désormais
exécutoire; que l'avocat du recourant a répondu dans le délai imparti
qu'il déposerait une demande de révision d'ici la mi-mars 2004, ce qu'il
a fait le 10 mars, et qu'il sollicitait par conséquent la suspension de
l'exécution de la peine.

    D'un point de vue factuel, l'ordonnance de condamnation constate que
le recourant a circulé en voiture le 29 août 2003 avec une alcoolémie de
2,46 g o/oo. Le recourant fonde en substance sa requête de révision sur le
fait qu'il avait convenu avec ses collègues de ne plus conduire le soir en
question, mais que le collègue qui devait le ramener a quitté le restaurant
de manière inexpliquée. Au moment de recevoir l'ordonnance de condamnation,
le recourant connaissait forcément les faits qu'il avance à l'appui de sa
demande de révision. Il pouvait tout aussi bien saisir leur éventuelle
incidence sur sa culpabilité. Pour valablement pouvoir les invoquer,
il devait par conséquent former opposition et entreprendre une procédure
ordinaire. Il n'en a rien fait. Il n'a pas non plus fourni un quelconque
motif à son abstention à l'époque et on n'en perçoit aucun. Dans ces
conditions, sa demande de révision apparaît comme un moyen de contourner
la voie de droit ordinaire. Elle doit être qualifiée d'abusive. Pour ce
motif déjà, il n'y avait pas lieu d'y donner suite.