Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 IV 106



130 IV 106

18. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause X.
contre Y. et Procureur général ainsi que Cour de justice du canton de
Genève (pourvoi en nullité et recours de droit public)

    6P.95/2004 et 6S.270/2004 du 24 septembre 2004

Regeste

    Art. 157 StGB; Wucher.

    Fall einer ghanesischen Staatsangehörigen, die von einem Landsmann
als Hausangestellte in die Schweiz geholt wurde. Der Arbeitgeber nützte
die Unerfahrenheit der Hausangestellten aus und verlangte von ihr einen
wöchentlichen Arbeitseinsatz von 50 Stunden gegen eine Entschädigung
von 300 Franken pro Monat sowie Kost und Logis. Voraussetzungen für die
Annahme von Wucher erfüllt (E. 7).

Sachverhalt

    A.- Par jugement du 7 novembre 2003, le Tribunal de police du canton
de Genève a reconnu X. coupable d'usure (art. 157 CP) pour avoir, de mai
1997 à novembre 1999, exploité l'inexpérience, l'incapacité de jugement,
la dépendance et la gêne de Y., employée de maison, à qui il a uniquement
versé 300 francs par mois dès juillet 1998, alors qu'un salaire mensuel de
1'527 fr. 50 pour 50 heures hebdomadaires avait été convenu. Le Tribunal
de police a condamné X. à quatre mois d'emprisonnement avec sursis durant
quatre ans. Il a aussi alloué à Y. 3'000 francs à titre de réparation
du tort moral et a ordonné la confiscation des avoirs de trois comptes
bancaires dont X. était titulaire et leur allocation à Y.

    B.- Par arrêt du 14 juin 2004, la Chambre pénale de la Cour de justice
genevoise a rejeté le recours de X. et a confirmé le jugement du Tribunal
de police. Il ressort notamment ce qui suit de cet arrêt: Le 14 décembre
2000, Y., née en 1975 et originaire du Ghana, a déposé plainte pénale
contre X., aussi originaire du Ghana, notamment pour usure (art. 157
CP). Elle y expliquait avoir travaillé du 28 mai 1997 au 19 novembre 1999
comme employée de maison au service de X., conseiller juridique auprès du
Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Le 27 mars 1997,
elle avait signé au Ghana des documents fournis par la Mission permanente
de la Suisse en vue de l'obtention d'un visa. Puis elle avait signé le
8 avril 1997 à l'Ambassade de Suisse au Ghana un contrat de travail sur
un formulaire pré-imprimé édité par le Département fédéral des affaires
étrangères, condition préalable à l'obtention du visa et d'une carte
de légitimation. Ce contrat prévoyait un salaire mensuel de 1'527 fr.
50 pour 50 heures de travail hebdomadaires, en sus du logement et de la
nourriture. Ce n'est qu'à partir de juillet 1998 que X. a ouvert pour elle
un compte bancaire et a commencé à lui verser 300 francs par mois. Elle
n'a jamais pu retirer cet argent, X. ayant conservé son passeport, sa
carte de légitimation et sa carte bancaire. L'épouse de X. lui versait 30
francs par mois à titre d'argent de poche. A l'appui de sa plainte, Y. a
notamment produit le contrat de travail signé le 8 avril 1997 ainsi que le
dispositif du jugement rendu par défaut le 21 juin 2000 par la juridiction
des prud'hommes condamnant X. à lui payer 46'668 fr. 45 à titre de salaire
et 4'674 fr. à titre d'indemnité pour licenciement avec effet immédiat.

    X. a été inculpé le 29 novembre 2002, en particulier pour usure. A
cette occasion, il a déclaré n'avoir pas payé le salaire convenu
contractuellement parce que, d'entente avec Y., celle-ci était venue à
Genève pour se mettre à son service plutôt comme membre de sa famille
que comme employée. Selon un contrat coutumier, elle intégrait la
famille de X. et, en échange, il était responsable d'elle pour la vie. Il
reconnaissait toutefois avoir commis une erreur en pensant pouvoir ainsi
déroger au droit suisse. Il n'avait pas tenu de décompte des heures de
travail effectuées. Il a confirmé qu'il avait chargé sa soeur de lui
trouver une femme de ménage susceptible de l'accompagner en Suisse.

    Devant le Tribunal de police, X. et Y., tous deux assistés de leur
avocat, ont longuement été entendus. Y. a notamment indiqué qu'elle
avait auparavant travaillé durant deux ans pour son oncle au Ghana,
qu'elle n'avait pas été payée pour cela, et qu'elle ne s'attendait pas à
recevoir un salaire lorsqu'elle avait signé le 8 avril 1997 le contrat
de travail avec X., qu'elle n'avait d'ailleurs pas lu. De son côté, ce
dernier a admis être conscient que les conditions figurant dans le contrat
de travail du 8 avril 1997 étaient conformes à la loi suisse et qu'en ne
les respectant pas, il violait le droit suisse en la matière. Entendue
comme témoin, D. a déclaré avoir habité en 1998 durant un mois avec la
famille X. Selon elle, l'ambiance familiale était détendue et Y. bien
traitée; elle pouvait notamment se rendre à l'église le dimanche. B.,
qui habitait à Genève sur le même étage que la famille X., a mentionné
que Y. lui avait confectionné, pour un prix compris entre 25 et 30 fr.,
un petit débardeur avec une machine à coudre que lui avait offerte X.

    C.- X. forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité
au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 14 juin 2004. Il conclut à son
annulation.

    Le Tribunal fédéral a déclaré le recours de droit public irrecevable
et a rejeté le pourvoi en nullité dans la mesure où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

    II. Pourvoi en nullité

Erwägung 7

    7.  Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 157 CP.

    7.1  De manière répétée, le recourant introduit des faits non constatés
en instance cantonale ou discute et met en cause les faits retenus.
L'argumentation qu'il présente est ainsi très largement irrecevable.

    7.2  Sous la note marginale "usure", l'art. 157 ch. 1 CP punit de la
réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement "celui qui aura
exploité la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la
capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre
par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d'une prestation,
des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le
plan économique".

    L'infraction consiste à obtenir ou à se faire promettre une
contre-prestation disproportionnée en exploitant la faiblesse de
l'autre partie (ATF 111 IV 139 consid. 3a p. 140/141). Selon le texte
légal, l'auteur doit obtenir l'avantage patrimonial "en échange d'une
prestation". L'usure ne peut donc intervenir que dans le cadre d'un contrat
onéreux (ATF 111 IV 139 consid. 3c p. 142). L'avantage pécuniaire obtenu
doit être en disproportion évidente, sur le plan économique, avec la
prestation fournie. L'évaluation doit être objective (cf. BERNARD CORBOZ,
Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, art. 157 CP n. 31
et 32).

    L'infraction est intentionnelle. Le dol éventuel suffit. Il faut donc
que l'auteur sache, au moins sous la forme du dol éventuel, que l'autre
partie se trouve dans une situation de faiblesse. Il doit également
connaître, au moins sous la forme du dol éventuel, la disproportion entre
les prestations. Enfin, il doit avoir conscience, au moins sous la forme
du dol éventuel, que la situation de faiblesse motive l'autre partie à
accepter la disproportion évidente entre les prestations (cf. CORBOZ,
op. cit., art. 157 CP n. 45 ss).

    7.3  Le recourant conteste tout d'abord que l'intimée se soit trouvée
en situation de faiblesse.

    Pour la Chambre pénale, l'intimée réalisait plusieurs des situations
de faiblesse (gêne, dépendance, inexpérience) décrites à l'art. 157 CP.

    En ce qui concerne plus spécifiquement l'inexpérience, il doit s'agir
d'une inexpérience générale se rapportant au domaine des affaires et
non pas d'une inexpérience relative au contrat en cause (cf. CORBOZ,
op. cit., art. 157 CP n. 21; JOSÉ HURTADO POZO, Partie spéciale I, 3e
éd., Zurich 1997, § 49 n. 1222; STEFAN TRECHSEL, Kurzkommentar, 2e éd.,
Zurich 1997, art. 157 CP n. 3; PHILIPPE WEISSENBERGER, Basler Kommentar,
Strafgesetzbuch II, 2003, art. 157 CP n. 13).

    La Chambre pénale a indiqué que l'intimée était âgée de vingt-deux
ans au moment de venir en Suisse et qu'elle n'avait jamais quitté son pays
natal; qu'elle n'était pas en mesure de réaliser que son travail méritait
un salaire pour avoir auparavant travaillé durant deux ans pour son oncle
sans être payée. Sur la base de ces constatations, il apparaît donc que
l'intimée méconnaissait totalement le domaine des relations de travail en
droit suisse et son droit à être rémunérée. Aussi, est-ce à bon escient que
la Chambre pénale a conclu à l'inexpérience de l'intimée. La situation de
faiblesse étant réalisée pour ce motif, il n'est pas nécessaire d'examiner
si elle l'est également pour d'autres raisons car celles-ci ne pourraient
qu'avoir une incidence sur la peine (cf. CORBOZ, op. cit., art. 157 CP
n. 10), que le recourant ne critique pas en tant que telle.

    7.4  Le recourant prétend n'avoir pas obtenu d'avantage pécuniaire,
met en cause l'existence d'une disproportion évidente entre les prestations
et nie avoir exploité la faiblesse de l'intimée pour obtenir d'elle une
prestation disproportionnée.

    L'intimée travaillait 50 heures par semaine dans le ménage du
recourant. En contrepartie, elle était logée, nourrie et, dès juin 1998,
a touché 300 francs par mois à titre de salaire. Le contrat signé le 8
avril 1997 prévoyait une rémunération mensuelle de 1'527 fr. 50 en sus du
logement et de la nourriture. L'intimée n'a pas lu ce contrat et ignorait
son droit à une rémunération.

    Il est incontestable que l'intimée a fourni une prestation qui
représente une valeur économique. De la sorte, le recourant a obtenu un
avantage pécuniaire. En soi, il est vrai que le contrat signé le 8 avril
1997, qui prévoit pour l'intimée une rémunération de 1'527 fr. 50 en sus
du logement et de la nourriture, n'apparaît pas usuraire. Toutefois,
le Tribunal de police a mentionné que le recourant y avait dérogé
unilatéralement en sachant que l'intimée ne protesterait pas. Il ressort en
outre des constatations cantonales que l'intimée ne réalisait pas la portée
du document signé. Autrement dit, le recourant a obtenu d'elle qu'elle
travaille pour lui à d'autres conditions que celles auxquelles il s'était
initialement engagé par écrit. Il s'est ainsi fait accorder un avantage
pécuniaire en parvenant à modifier l'équilibre contractuel. C'est cette
modification du contrat de travail qui est pertinente pour l'application
de l'art. 157 CP. Il saute aux yeux que l'avantage retiré par le recourant
est largement disproportionné, sur le plan économique, avec la prestation
qu'il a concrètement fournie en échange. Il faut aussi reconnaître que
c'est en exploitant l'inexpérience de l'intimée qu'il a pu obtenir un
tel avantage. Les critiques du recourant sont infondées dans la mesure
où elles sont recevables.

    7.5  Le recourant s'en prend encore à la réalisation de l'élément
subjectif de l'infraction.

    Selon les constatations cantonales, le recourant savait que l'intimée
ne protesterait pas face à l'exploitation, raison pour laquelle il a abusé
de cette situation. Il savait aussi que le travail fourni par l'intimée
méritait un salaire. Il en découle que le recourant, à tout le moins, a
envisagé et accepté que l'état de faiblesse de l'intimée soit à l'origine
de sa soumission aux conditions de travail imposées. L'élément intentionnel
est réalisé.

    7.6  En conclusion, la condamnation du recourant en vertu de l'art. 157
ch. 1 CP ne viole pas le droit fédéral.