Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 II 493



130 II 493

43. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X.
contre Service de la population ainsi que Tribunal administratif du canton
de Vaud (recours de droit administratif)

    2A.12/2004 du 2 août 2004

Regeste

    Art. 5 Abs. 1 und 2 Anhang I FZA; Art. 3 Abs. 1 und 2 der Richtlinie
64/221/EWG; Verweigerung der Aufenthaltsbewilligung gegenüber einem
EU-Bürger; öffentliche Ordnung; Rückfallgefahr.

    Beschwerdelegitimation eines EU-Bürgers (Art. 100 Abs. 1 lit. b
Ziff. 3 OG; E. 1).

    Zusammenfassung der Grundsätze und Voraussetzungen für Massnahmen
aus Gründen der öffentlichen Ordnung (tatsächliche, gegenwärtige und
hinreichend schwere Bedrohung der öffentlichen Ordnung; Unabhängigkeit der
Fremdenpolizeibehörde gegenüber dem Entscheid der Strafbehörden; E. 3-4.2).

    Delikte wie Förderung der Prostitution (Art. 195 StGB) und schwere
Widerhandlungen gegen das Bundesgesetz über Aufenthalt und Niederlassung
der Ausländer rechtfertigen Massnahmen aus Gründen der öffentlichen
Ordnung (E. 4.3). Würdigung der Rückfallgefahr und Verhältnismässigkeit
der Massnahme (E. 4.4-4.6).

    Beschränkungen bei der Einreichung jedes neuen Gesuchs nach Ablehnung
der Aufenthaltsbewilligung (E. 5).

Sachverhalt

    Né en 1964 au Tessin, X. a hérité la seule nationalité italienne de
son père, nonobstant l'origine suisse de sa mère. Il a passé sa prime
enfance dans ce canton jusqu'à ce que ses parents ne décident d'aller
s'établir en Italie, non loin de la frontière suisse.

    En 1985, X. a épousé une ressortissante italienne établie au Tessin
qu'il est venu rejoindre au bénéfice du regroupement familial. Après
avoir divorcé de son épouse en 1991, il est resté au Tessin où il s'est
remarié en 1994 avec une ressortissante brésilienne. La même année, il a
été inculpé pour avoir fait transiter ou entrer illégalement en Suisse,
entre l'automne 1993 et le mois de novembre 1994, un grand nombre de
travailleurs clandestins. Il est alors parti quelque temps au Brésil avec
sa femme. A son retour, l'autorité compétente tessinoise a constaté que
son permis d'établissement avait pris fin le 19 mai 1995 (décision du
Conseil d'Etat tessinois du 17 avril 1996 confirmée, sur recours, le 19
mars 1997 par le Tribunal fédéral). Le 20 août 1997, il a été condamné
par contumace par le Tribunal correctionnel de Mendrisio à une peine de
six mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour infractions
répétées et, en partie graves, à la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20).

    Entre-temps, le 1er avril 1997, bien que dépourvu de titre de séjour,
X. est venu s'installer avec son épouse à Lausanne, dans un appartement
qu'il a transformé en salon de massage où trois ou quatre filles ont
constamment travaillé jusqu'à la fin de l'année 1999, y compris, durant les
premiers temps, sa propre épouse, dont il a divorcé en 1998. Dès l'année
2000, il s'est ensuite occupé, en association avec une nouvelle compagne,
également d'origine brésilienne, d'un autre salon de massage loué par
cette dernière; plus spacieux, cet établissement a abrité en permanence
au moins six prostituées jusqu'à sa fermeture, le 17 juillet 2000, après
que X. eut été interpellé par la police et inculpé, ainsi que sa compagne,
d'encouragement à la prostitution et d'infraction à loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers. Frappé d'une interdiction d'entrée
en Suisse valable jusqu'au 27 juillet 2003, il est reparti au Brésil le 11
août 2000 en compagnie de son amie. Un mois plus tard, il est rentré en
Europe où il a vécu apparemment en Italie pendant une période de quatre
ou cinq mois entrecoupée de brefs séjours en Suisse. En novembre 2001,
il a été une nouvelle fois arrêté par la police pour avoir fait entrer
de manière illégale, dès le mois de janvier de cette même année, des
prostituées brésiliennes pour le compte d'une tierce personne exploitant
un bar près de Lausanne; parmi ces filles, au moins deux ont travaillé
pour son compte personnel, en ce sens qu'il s'est chargé de les loger
dans un studio qu'il avait loué et de les mettre en relation avec des
clients au moyen de petites annonces publiées dans la presse.

    Par jugement du 30 avril 2002, le Tribunal correctionnel
d'arrondissement de Lausanne a condamné X. pour encouragement à
la prostitution et infraction à la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers à une peine de dix mois d'emprisonnement
ainsi qu'à une amende de 5'000 fr. assorties d'une expulsion du territoire
suisse pour une durée de cinq ans; en outre, ce jugement emportait la
révocation du sursis accordé en août 1997 par la justice tessinoise.

    Incarcéré dès le 8 mai 2002, X. a bénéficié d'une libération
conditionnelle le 21 novembre suivant; en revanche, la Commission de
libération n'a pas consenti à différer son expulsion à titre d'essai. Aux
policiers chargés d'assurer son refoulement, il a déclaré, le jour de
sa sortie de prison, vouloir quitter la Suisse pour la France "dans la
journée" après avoir rencontré son avocat, tout en refusant de signer
l'accusé de réception d'une nouvelle décision d'interdiction d'entrée
en Suisse valable jusqu'au 27 juillet 2008. En réalité, il n'est pas
parti. Par la suite, il a obtenu que son expulsion soit différée à titre
d'essai (arrêt du 20 janvier 2003 de la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois).

    Le 28 janvier 2003, X. a déposé une demande de permis de séjour
avec activité lucrative qui a été écartée par le Service cantonal de la
population selon décision du 18 mars 2003.

    Par arrêt du 24 novembre 2003, le Tribunal administratif du canton
de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours formé
par X. contre la décision précitée. Bien que l'intéressé eût vécu durant
de nombreuses années en Suisse, les juges ont en effet considéré que
l'intérêt public à l'en éloigner l'emportait sur son intérêt privé à y
demeurer, car il représentait une menace réelle, sérieuse et actuelle
pour l'ordre public.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, X. demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité du Tribunal administratif
et de lui "renouveler" son autorisation de séjour ou, subsidiairement,
de renvoyer le dossier au Service de la population pour nouvelle décision.

    Le 13 mai 2004, le Service de la population a fait parvenir au Tribunal
fédéral une photocopie d'un procès-verbal d'audition établi le 27 avril
2004 par la Police cantonale vaudoise dans le cadre d'une procédure pénale
ouverte contre X. pour recel.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.

    1.1  Le 1er juin 2002 est entré en vigueur l'Accord du 21 juin 1999
entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et
ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes
(ALCP; RS 0.142.112.681; ci-après cité: Accord sur la libre circulation
des personnes). Depuis lors, quels que soient son statut ou les motifs
de sa venue en Suisse, le recourant peut, en principe, en sa qualité
de ressortissant italien, invoquer une disposition de l'Accord (et de
son annexe I) pour faire valoir un droit de séjour en Suisse. Dans cette
mesure, le motif d'irrecevabilité prévu à l'art. 100 al. 1 let. b ch. 3
OJ ne lui est pas opposable s'il recourt, comme en l'espèce, contre une
décision lui refusant le droit de séjourner en Suisse, sans toutefois
que cela ne préjuge de l'issue du litige. C'est, en effet, un problème de
fond que la question de savoir si, dans le cas particulier, la disposition
invoquée lui confère effectivement le droit à une autorisation de séjour
ou si, au contraire, une telle autorisation doit lui être refusée, par
exemple à cause de l'inobservation d'une modalité ou d'une condition
requise pour exercer le droit en cause ou pour une autre raison, telle la
constatation d'un abus de droit ou l'existence d'un motif d'ordre public
(cf. ATF 130 II 388 consid. 1.2).

    Par conséquent, en sa seule qualité de ressortissant italien, le
recourant est recevable à recourir au sens de l'art. 100 al. 1 let. b
ch. 3 OJ.

    1.2  Pour le surplus, formé en temps utile et dans les formes
prescrites, le recours est recevable.

Erwägung 2

    2.  Le 13 mai 2004, le Service de la population a spontanément produit
une pièce nouvelle (photocopie d'un procès-verbal d'audition établi le 27
avril 2004 par la Police cantonale vaudoise). Déposée après le délai de
réponse sans qu'un nouvel échange d'écritures n'ait été ordonné, cette
pièce n'est pas recevable (cf. ATF 109 Ib 249 consid. 3c).

    Au demeurant, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre
la décision d'une autorité judiciaire, les modifications ultérieures de
l'état de fait ne peuvent normalement pas être prises en considération,
car on ne saurait reprocher à une autorité d'avoir mal constaté les faits,
au sens de l'art. 105 al. 2 OJ, si ceux-ci ont changé après sa décision
(cf. ATF 128 II 145 consid. 1.2.1 p. 150; 125 II 217 consid. 3a p. 221
et les arrêts cités).

Erwägung 3

    3.

    3.1  Aux termes de son art. 1er let. a, la loi fédérale sur le séjour
et l'établissement des étrangers n'est applicable aux ressortissants des
Etats membres de la Communauté européenne et aux membres de leur famille
que si l'Accord sur la libre circulation des personnes n'en dispose pas
autrement ou si ladite loi prévoit des dispositions plus favorables.

    En l'espèce, le recourant ne peut tirer aucun droit à une autorisation
de séjour de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des
étrangers, faute d'être titulaire d'un permis d'établissement - il l'a
perdu le 19 mai 1995 - ou d'être marié à une citoyenne suisse ou à une
étrangère au bénéfice d'un tel permis (cf. art. 4, 7 et 17 LSEE). En
revanche, du moment que, depuis le 1er septembre 2003, il exerce la
fonction de directeur d'un hôtel-restaurant, à Lausanne, l'Accord sur la
libre circulation des personnes lui confère, sous réserve des dispositions
transitoires prévues à l'art. 10 ALCP, le droit d'obtenir une autorisation
de séjour en qualité de "travailleur salarié" (cf. art. 6 ss annexe I
ALCP). Ce droit ne peut être limité que par des mesures d'ordre public,
au sens de l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP, dont le cadre et les modalités
sont définis par la directive 64/221/CEE et la jurisprudence pertinente
y relative de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE ou
ci-après citée: la Cour de justice) rendue avant la signature de l'Accord
sur la libre circulation des personnes (cf. art. 5 par. 2 annexe I ALCP en
relation avec l'art. 16 ALCP; au sujet de la prise en considération des
arrêts de la Cour de justice postérieurs à cette date, cf. ATF 130 II 1
consid. 3.6 p. 9 ss, 113 consid. 5.2 p. 119 s. et les références citées).

    3.2  Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les
limitations au principe de la libre circulation des personnes doivent
s'interpréter de manière restrictive. Ainsi, le recours par une autorité
nationale à la notion de l'ordre public pour restreindre cette liberté
suppose, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute
infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et d'une certaine
gravité affectant un intérêt fondamental de la société (cf. ATF 130 II
176 consid. 3.4.1 p. 182; 129 II 215 consid. 7.3 p. 222 et les arrêts
cités de la CJCE du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. 1977,
p. 1999, points 33-35; du 19 janvier 1999, Calfa, C-348/96, Rec. 1999,
p. I-11, points 23 et 25). En particulier, un comportement n'est pas
suffisamment grave pour justifier des restrictions à l'admission ou au
séjour d'un ressortissant d'un Etat membre sur le territoire d'un autre
Etat membre lorsque ce dernier ne prend pas, à l'égard de ses propres
ressortissants, des mesures répressives ou d'autres mesures réelles et
effectives destinées à combattre ce comportement. Toutefois, comme les
Etats membres n'ont pas le pouvoir d'éloigner leurs propres ressortissants
(pour la Suisse, cf. l'art. 25 Cst.), une différence de traitement dans
les mesures susceptibles d'être prises est admissible (cf. ATF 130 II
176 consid. 3.4.1 p. 182/ 183; 129 II 215 consid. 7.2 p. 222 et les
références citées, en particulier l'arrêt de la CJCE du 18 mai 1982,
Adoui et Cornuaille, 116/81, Rec. 1982, p. 1665, point 8).

    Par ailleurs, les mesures d'ordre public ou de sécurité publique
doivent être fondées, aux termes de l'art. 3 par. 1 de la directive
64/221/CEE, exclusivement sur le comportement personnel de celui qui en
fait l'objet. Des motifs de prévention générale détachés du cas individuel
ne sauraient donc les justifier (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 183;
129 II 215 consid. 7.1 p. 221 et l'arrêt cité de la CJCE du 26 février
1975, Bonsignore, 67/74, Rec. 1975, p. 297, points 6 et 7). En outre,
d'après l'art. 3 par. 2 de la directive 64/221/CEE, la seule existence
de condamnations pénales (antérieures) ne peut automatiquement motiver
de telles mesures. Les autorités nationales sont tenues de procéder à
une appréciation spécifique, portée sous l'angle des intérêts inhérents
à la sauvegarde de l'ordre public, qui ne coïncide pas nécessairement
avec les appréciations à l'origine des condamnations pénales. Autrement
dit, ces dernières ne peuvent être prises en considération que si les
circonstances les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace
actuelle pour l'ordre public (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p. 183/184;
129 II 215 consid. 7.4 p. 222 et les arrêts cités de la CJCE du 27
octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. 1977, p. 1999, points 27 et 28;
du 19 janvier 1999, Calfa, C-348/96, Rec. 1999, p. I-11, point 24);
selon les circonstances, la Cour de justice admet néanmoins que le seul
fait du comportement passé de la personne concernée puisse réunir les
conditions de pareille menace actuelle (ATF 130 II 176 consid. 3.4.1 p.
183/184 et l'arrêt précité de la CJCE Bouchereau, point 29).

    3.3  Jusqu'ici, la Cour de justice n'a pas précisé ni même clairement
énoncé les critères permettant d'apprécier si une menace est actuelle
au sens de la directive 64/221/CEE. Cela étant, on ne saurait déduire de
l'arrêt précité Bouchereau qu'une mesure d'ordre public est subordonnée
à la condition qu'il soit établi avec certitude que l'étranger commettra
d'autres infractions à l'avenir; inversement, ce serait aller trop loin
que d'exiger que le risque de récidive soit nul pour que l'on renonce
à une telle mesure. Compte tenu de la portée que revêt le principe de
la libre circulation des personnes, ce risque ne doit, en réalité, pas
être admis trop facilement. Il faut bien plutôt l'apprécier en fonction
de l'ensemble des circonstances du cas et, en particulier, de la nature
et de l'importance du bien juridique menacé ainsi que de la gravité
de l'atteinte potentielle qui pourrait y être portée. L'évaluation du
risque de récidive sera d'autant plus rigoureuse que le bien juridique
menacé est important (cf. ATF 130 II 176 consid. 4.3.1 p. 185/186). En
outre, comme lorsqu'il s'agit d'examiner la conformité d'une mesure
d'éloignement prise à l'encontre de n'importe quel autre étranger,
cette appréciation se fera dans le cadre des garanties découlant de la
Convention européenne des droits de l'homme ainsi qu'en tenant compte du
principe de la proportionnalité (cf. ATF 130 II 176 consid. 3.4.2 p. 184;
129 II 215 consid. 6.2 p. 220/221 et les nombreuses références citées,
en particulier les arrêts de la CJCE du 28 octobre 1975, Rutili, 36-75,
Rec. 1975, p. 1219 ss, point 32; du 11 juillet 2002, Carpenter, C-60/00,
Rec. 2002, p. I-6279, points 42 ss).

Erwägung 4

    4.

    4.1  Pour l'essentiel, le recourant fait valoir que les infractions
qu'il a commises ne sont pas suffisamment graves pour justifier une mesure
d'éloignement et que, à ce jour, il ne constitue de toute façon plus
une menace pour l'ordre public. A cet égard, il soutient que "l'autorité
administrative ne saurait adopter une décision diamétralement opposée à
celles de la Commission de libération et de la Cour de cassation pénale, (à
moins) de prouver que le pronostic favorable de ces autorités est infondé".

    4.2  Considérée comme la quatrième et dernière phase de l'exécution
de la peine en droit pénal, la libération conditionnelle au sens de
l'art. 38 ch. 1 CP est octroyée quasi automatiquement dès que le
comportement du détenu en prison ne s'oppose pas à son élargissement
(cf. ATF 124 IV 193 consid. 3, 4d et 5b p. 194 ss). Elle n'est dès lors
pas décisive pour apprécier la dangerosité pour l'ordre public de celui
qui en bénéficie et la police des étrangers est libre de tirer ses propres
conclusions à ce sujet (cf. ATF 130 II 176 consid. 4.3.3 p. 188).

    Quant à la décision du juge pénal de renoncer ou de surseoir à
l'expulsion d'un condamné étranger en vertu de l'art. 55 CP, elle est
dictée, au premier chef, par des considérations tirées des perspectives
de réinsertion sociale de l'intéressé. Or, pour l'autorité de police des
étrangers, c'est la préoccupation de l'ordre et de la sécurité publics
qui est prépondérante dans la pesée des intérêts. En matière d'expulsion,
son appréciation peut donc s'avérer plus rigoureuse que celle de l'autorité
pénale (cf. ATF 130 II 176 consid. 4.3.3 p. 188; 129 II 215 consid. 3.2 et
7.4, p. 216/217 et 223 et les arrêts cités; WURZBURGER, La jurisprudence
récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, in RDAF
1997 I p. 267 ss, 309/310). Dans le cas d'espèce, la Cour de cassation
pénale n'a d'ailleurs pas manqué de souligner que sa décision de différer
l'expulsion du recourant était prise sans égard au souci de la sécurité
publique, mais uniquement par rapport aux chances de resocialisation
de l'intéressé, jugées meilleures en Suisse qu'en Italie, parce qu'il y
avait trouvé un logement et un emploi et qu'il y comptait de la famille et
des amis. L'autorité intimée pouvait donc - et même devait - adopter un
angle de vue différent des autorités pénales pour examiner la situation
du recourant, sans que cela ne constitue, comme le voudrait ce dernier,
une "source d'incohérence et d'insécurité du droit".

    4.3  L'encouragement à la prostitution ainsi que les infractions graves
à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers sont des
infractions punissables à raison, pour la première, de la réclusion pour
dix ans au plus ou de l'emprisonnement (art. 195 CP) et, pour la seconde,
de l'emprisonnement et de l'amende jusqu'à 100'000 fr. (art. 23 al. 2
LSEE). On ne saurait donc sérieusement soutenir qu'elles ne sont pas graves
ou qu'elles n'affectent pas un intérêt fondamental de la société au sens
de la jurisprudence de la Cour de justice. Par ailleurs, du moment que les
ressortissants suisses sont également punissables pour ces infractions,
le recourant ne peut pas se plaindre, comme il le fait, d'inégalité de
traitement ou de violation du principe de non-discrimination à raison
de la nationalité (cf. supra consid. 3.2 premier paragraphe in fine et
les arrêts cités). En particulier, on ne discerne pas où il lit, dans
l'arrêt précité de la Cour de justice du 18 mai 1982 Adoui et Cornuaille,
qu'un Etat membre serait privé du droit de prendre des mesures d'ordre
public en lien avec des infractions qui ne font l'objet "d'aucune mesure
post-carcérale particulière et supplémentaire" lorsqu'elles sont commises
par ses propres ressortissants.

    4.4  Les infractions reprochées au recourant sont objectivement
d'une gravité suffisante pour justifier une mesure d'ordre public, même
si sa culpabilité et le degré de sa faute ne sont pas exceptionnellement
élevés; au total, l'ensemble de ses condamnations n'excède d'ailleurs pas
la peine de dix-huit mois d'emprisonnement. Pourtant, les circonstances
particulières du cas ne permettent pas de formuler un pronostic favorable
à l'endroit du recourant. Malgré ses nombreuses condamnations, il s'est
en effet montré incapable de s'amender jusqu'ici.

    Ainsi, après une première condamnation pour avoir fait entrer
illégalement en Suisse deux Péruviens, en juin 1994, il n'a pas hésité
à commettre de nouvelles infractions à la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers, jusqu'à son arrestation en novembre de
la même année; selon les faits retenus par le juge pénal, il a ainsi
fait transiter ou entrer illégalement en Suisse, contre rémunération,
environ deux cents clandestins entre l'automne 1993 et le mois de
novembre 1994. En outre, dès son installation à Lausanne, en avril 1997,
alors qu'il était dépourvu de tout titre de séjour et que, dès le mois
d'août 1997, il bénéficiait d'un sursis de deux ans à l'exécution de la
peine de six mois d'emprisonnement prononcée contre lui par la justice
tessinoise, il n'a eu aucun état d'âme à organiser la venue en Suisse,
jusqu'en juillet 2000 (soit pendant plus de trois ans), de nombreuses
jeunes femmes étrangères démunies de permis de séjour afin de les faire
travailler pour son compte comme prostituées; selon les constatations du
juge pénal, il a également porté atteinte à la liberté d'action de ces
femmes, en ce sens, notamment, qu'il ne les laissait pas libres de s'en
aller ou de ne pas travailler aussi longtemps qu'elles "n'avaient pas
entièrement remboursé les frais relatifs à leur engagement". Bien plus,
alors que l'instruction pénale concernant ces faits était encore en cours,
l'intéressé, qui était pourtant sous le coup d'une interdiction d'entrée
en Suisse depuis le mois de juillet 2000, n'a eu aucun scrupule à revenir
en Suisse, peu de temps après son renvoi, pour se lancer à nouveau pendant
plusieurs mois dans une semblable activité avant d'être arrêté une nouvelle
fois par la police en novembre 2001.

    Ces circonstances, ajoutées aux autres condamnations subies par
le recourant (en particulier pour trois infractions aux règles de la
circulation routière qui, vu les peines infligées - 15, 7 et 20 jours
d'emprisonnement plus des amendes -, n'étaient pas bénignes), dénotent
de la part de ce dernier une propension voire une inclination à ne
pas respecter l'ordre établi, en même temps qu'une totale incapacité
à s'amender.

    4.5  Certes, le recourant prétend qu'il a décidé de réintégrer
définitivement le chemin de la légalité depuis sa libération
conditionnelle. Indépendamment de ses antécédents judiciaires, on ne
saurait toutefois prêter foi à ses promesses, car il a fait à maintes fois
la démonstration qu'il ne les respectait pas. Ainsi, contrairement à ce
qu'il avait déclaré aux autorités chargées de statuer sur sa libération
conditionnelle (cf. rapport du 12 septembre 2002 des Etablissements
de la plaine de l'Orbe, dont le contenu est relaté dans l'arrêt du
20 janvier 2003 de la Cour de cassation pénale, consid. 3c, p. 10),
il n'a pas quitté la Suisse pour rejoindre un frère en Italie et n'a,
semble-t-il, rien entrepris pour concrétiser les projets professionnels à
l'étranger qu'il y annonçait (notamment un travail sur des plates-formes
pétrolières). De même, il a menti aux policiers chargés d'assurer son
expulsion en novembre 2002, en les assurant qu'il quitterait la Suisse
pour la France "dans la journée", alors qu'il n'en a rien fait, nonobstant
l'interdiction d'entrée le frappant.

    4.6  Force est donc d'admettre que le recourant présente une menace
réelle, actuelle et suffisamment grave pour la société de nature à
justifier une mesure d'ordre public au sens de l'art. 5 annexe I ALCP et
de la directive 64/221/CEE.

    Au vu des circonstances, une telle mesure apparaît, en outre,
conforme au principe de la proportionnalité (sur les éléments à prendre
en compte dans la pesée des intérêts, cf. ATF 130 II 176 consid. 3.3.4,
4.4.2 et 4.5 p. 182 et 190 ss). Certes, le recourant a vécu un nombre
d'années relativement important en Suisse. Celles qu'il a passées
dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sauraient,
toutefois, être déterminantes dans la pesée des intérêts (cf. ATF 130 II 39
consid. 4 p. 43). Par ailleurs, contrairement à ce qu'il laisse entendre,
excepté sa prime enfance, où il a vécu au Tessin, ce n'est pas en Suisse,
mais en Italie qu'il a fréquenté l'école obligatoire et qu'il a grandi
jusqu'à l'âge de dix-neuf ans (soit jusqu'en 1985). De plus, il s'est
montré incapable, durant les années écoulées en Suisse, de se créer une
situation stable, comme l'attestent sa vie affective pour le moins atypique
(sa deuxième épouse a semble-t-il pratiqué la prostitution pendant leur
mariage) ainsi que son parcours professionnel chaotique. Ses liens avec la
Suisse sont donc extrêmement lâches. Preuve en est également sa brusque
installation à Lausanne, en avril 1997, alors qu'il ne maîtrisait pas le
français (en avril 2002, il avait encore besoin d'un interprète devant
le Tribunal correctionnel de Lausanne) et qu'il avait jusque-là vécu au
Tessin. Du reste, hormis une tante et des amis auxquels il fait vaguement
allusion, le recourant ne fait état, dans son recours, d'aucune attache
(familiale, relationnelle, professionnelle ou autre) un tant soit peu
sérieuse et substantielle avec la Suisse.

    Le recourant peut donc parfaitement refaire sa vie en Italie, pays
au mode de vie comparable à la Suisse, qu'il connaît certainement tout
aussi bien que cette dernière, et dont la langue en tout cas lui est plus
familière que le français. A cela s'ajoute que plusieurs membres de sa
famille doivent, selon toute vraisemblance, encore y vivre, puisqu'il
est le quatrième d'une fratrie de cinq enfants. En septembre 2002, il
manifestait d'ailleurs expressément le désir de retourner vivre chez
un frère en Italie, ajoutant qu'il ne pensait pas avoir de problèmes
à trouver un travail une fois sorti de prison (cf. rapport précité des
Etablissements de la plaine de l'Orbe).

Erwägung 5

    5.  Il suit de ce qui précède que le recours est mal fondé. Avec ce
prononcé, la demande d'effet suspensif devient sans objet.

    A toutes fin utiles, il est précisé au recourant que, contrairement
à ce qu'il semble penser, le refus d'autorisation de séjour qui lui a
été opposé est indépendant du délai d'épreuve figurant dans la décision
de libération conditionnelle. En outre, ce refus n'étend pas ses effets
pendant une "durée de validité illimitée", même si aucune limite temporelle
n'est fixée. En principe, un étranger peut déposer en tout temps une
nouvelle demande d'autorisation, pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une
manoeuvre dilatoire. Libre ensuite à l'autorité compétente saisie de
décider de la suite qu'elle entend lui donner au vu des éléments nouveaux
qui lui sont soumis. On imagine cependant mal qu'elle puisse entrer en
matière aussi longtemps que le recourant n'aura pas quitté pendant un
laps de temps significatif la Suisse et fait la preuve, par l'acte,
d'une durable réintégration sociale, qui commence par le respect des
décisions des autorités. A cet égard, l'intéressé est expressément rendu
attentif au fait que les arrêts du Tribunal fédéral passent en force de
chose jugée dès qu'ils ont été prononcés (art. 38 OJ).