Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 II 425



130 II 425

38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause
X. SA contre Office cantonal de l'inspection et des relations du travail
ainsi que Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit
administratif)

    2A.118/2003 du 13 juillet 2004

Regeste

    Art. 6 Ziff. 1 EMRK; Art. 26 ArGV 3; Anspruch auf eine öffentliche
Verhandlung in einem verwaltungsrechtlichen Streit im Bereich des
Arbeitnehmerschutzes.

    Unabhängig von der Zugehörigkeit zum öffentlichen Recht fällt das
gegenüber einem Arbeitgeber ausgesprochene Verbot, in der Unternehmung
ein Überwachungssystem zu verwenden, unter die "zivilrechtlichen Ansprüche
und Verpflichtungen" im Sinne von Art. 6 Abs. 1 EMRK (E. 2.2 und 2.3).

    Art. 6 ArG; Art. 26 ArGV 3; Art. 328 und 328b OR;
Satelliten-Lokalisierungssystem GPS in den Fahrzeugen eines Unternehmens.

    Gesetzmässigkeit (E. 3) und Tragweite von Art. 26 ArGV 3 (E. 4).
Verhältnismässigkeit der Überwachungsmassnahme: Angemessenheit des
streitigen Lokalisierungssystems im Verhältnis zum angestrebten Zweck
(Zeitkontrolle der Arbeitnehmer und Verhinderung von Missbräuchen) sowie
Erforderlichkeit des Systems für den Arbeitgeber (E. 5); Abwägung der
verschiedenen gegenüberstehenden Interessen (Verhältnismässigkeit im
engeren Sinn; E. 6).

Sachverhalt

    Active dans toute la Suisse, la société X. SA (ci-après: la Société)
emploie une quinzaine de "techniciens-vérificateurs" (ci-après également
cités: les employés ou les collaborateurs) qui sont chargés de vendre
des extincteurs incendie et d'en assurer le service après-vente et la
maintenance (instructions et conseils d'utilisation; révision, entretien
et recharge des appareils ...). Cette activité implique de fréquentes
et régulières visites des clients, lesquels sont attribués et répartis
entre les différents collaborateurs selon un critère géographique, en
ce sens que chacun d'eux est en charge d'une région déterminée; à titre
d'exemple, deux collaborateurs se partagent la clientèle des cantons de
Vaud et de Genève. Pour accomplir leur tâche, les collaborateurs ont
à leur disposition des véhicules d'entreprise qu'ils utilisent à raison
de trois à quatre heures par jour pour leurs déplacements; bien qu'ils
conservent en permanence ces véhicules à leur domicile, ils ne doivent
pas, sauf accord préalable de l'employeur, les utiliser à des fins
privées. Tenus à un horaire de travail de quarante heures par semaine,
les techniciens-vérificateurs ne se rendent que de manière occasionnelle
au siège de la Société, afin d'y suivre des séances de formation ou pour
régler des problèmes d'ordre administratif. Ils remettent à l'employeur
des rapports de travail journaliers qui servent aussi bien à facturer
les prestations aux clients qu'à contrôler leur activité et à calculer
la part de leur salaire variable, composée de commissions sur les ventes
et les contrôles effectués.

    Le 8 janvier 2002, la Société a installé sur ses véhicules un
système de localisation satellite GPS (ci-après désigné: le système
de localisation) d'un coût de 40'000 fr.; les collaborateurs avaient
préalablement été informés de cette mesure. Le 31 janvier suivant, un
technicien-vérificateur a saisi l'Office cantonal genevois de l'inspection
et des relations de travail (ci-après: l'Office cantonal) d'une plainte,
au motif qu'il se sentait constamment surveillé par l'employeur depuis
l'installation du système de localisation, si bien qu'il estimait que ce
dernier était attentatoire à sa personnalité.

    Après avoir entendu son directeur ainsi que plusieurs
techniciens-vérificateurs, l'Office cantonal a ordonné à la Société,
par décision du 5 avril 2002, de retirer de ses véhicules le système de
localisation. En bref, il a considéré que ce dispositif était contraire
à l'art. 26 de l'ordonnance 3 du 18 août 1993 relative à la loi sur le
travail (OLT 3; RS 822.113; ci-après: ordonnance 3), car il mettait en
danger la santé psychique des travailleurs en permettant "une surveillance
systématique, durable, ciblée et préventive de (leurs) comportements."
La Société a recouru contre la décision précitée de l'Office cantonal,
en faisant valoir que le système de localisation ne tombait pas sous
le coup de l'interdiction prévue à l'art. 26 OLT 3, car il n'était pas
destiné à surveiller le comportement des travailleurs, mais poursuivait
les objectifs suivants:

    "- équiper les véhicules d'entreprise d'un système antivol efficace;

    - rationaliser la gestion du travail et optimaliser les temps de

        déplacement des collaborateurs;

    - contrôler l'activité des collaborateurs (en particulier leurs
horaires

        de travail et, dans une certaine mesure, la qualité de leur

        travail)."

    La Société relevait que l'introduction du système de localisation
avait permis de mettre à jour et de faire cesser certaines irrégularités
ou abus de la part de ses employés (non-respect des horaires de travail,
fiches de travail fantaisistes ...) ainsi que d'optimaliser leurs temps
de déplacement et d'intervention, ce qui avait conduit à une augmentation
de la productivité de 38 %. Elle insistait également sur le fait que
la localisation en temps réel des véhicules n'était possible que "sur
requête" à une centrale de télésurveillance basée en Belgique, mais non
"en permanence", de sorte qu'il était faux de prétendre, comme le faisait
l'Office cantonal, que son système permettait une surveillance ciblée et
permanente des employés.

    L'Office cantonal a maintenu que le système de localisation visait en
priorité à surveiller le comportement des travailleurs sur leur lieu de
travail, en ajoutant que, dans la mesure où il était destiné à contrôler
leur rendement, il ne respectait pas le principe de la proportionnalité,
car ce but pouvait être atteint par d'autres procédés moins intrusifs,
comme par exemple la remise de fiches ou de rapports d'activité journaliers
contresignés par les clients visités.

    Par arrêt du 11 février 2003, le Tribunal administratif du canton
de Genève a rejeté le recours, en admettant les arguments de l'Office
cantonal.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Société
demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité et de "valider en
tant que de besoin le système GPS mis en place au sein de l'entreprise
X. SA". Le recours a été admis et l'affaire renvoyée au Tribunal
administratif pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans
le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                          Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Dans un premier moyen, la recourante fait grief à la juridiction
cantonale d'avoir violé l'art. 6 par. 1 CEDH en rejetant sa requête
tendant à la tenue d'une audience publique. Elle soutient également qu'en
ne donnant pas suite à sa demande d'auditionner l'auteur du rapport mettant
en cause son système de localisation, les premiers juges auraient méconnu
son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier son droit
à participer à l'administration des preuves.

    2.1  Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne
comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. ATF 125 I 209
consid. 9b p. 219; 122 II 464 consid. 4c p. 469), ni celui d'obtenir
l'audition de témoins. En effet, l'autorité peut mettre un terme à
l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former
sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une
appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle
a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son
opinion (cf. ATF 125 I 127 consid. 6c/cc in fine p. 135, 417 consid. 7b
p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211/212, 274 consid. 5b p. 285; 115 Ia
8 consid. 3a p. 11/12; 106 Ia 161 consid. 2b p. 162).

    En l'espèce, le point de savoir si les premiers juges auraient dû,
avant de statuer, entendre le directeur de la Société ou procéder
à l'audition de témoins en vue d'éclaircir certains faits, est une
question qui n'a pas de portée propre par rapport au grief tiré d'une
constatation inexacte des faits et d'une mauvaise appréciation des
preuves. Il se justifie donc de l'examiner avec le fond du litige
(cf. infra consid. 6.4-6.6).

    2.2  Au titre des exigences minimales de procédure, l'art. 6 par. 1
CEDH garantit notamment le droit à la tenue d'une audience publique
lorsque sont en jeu des "droits et obligations de caractère civil"
(cf. ATF 127 II 306 consid. 5 p. 309 et les arrêts cités).

    La notion de "droits et obligations de caractère civil" est autonome:
l'art. 6 CEDH ne donne par lui-même aucun contenu matériel déterminé
dans l'ordre juridique des Etats contractants. Cette disposition implique
l'existence d'une "contestation" réelle et sérieuse; elle peut concerner
aussi bien l'existence même d'un droit que son étendue ou ses modalités
d'exercice. L'issue de la procédure doit être directement déterminante
pour le droit en question. Un lien ténu ou des répercussions lointaines
ne suffisent pas à faire entrer en jeu l'art. 6 par. 1 CEDH (cf. ATF
127 I 115 consid. 5b p. 120/121 et les arrêts cités). En définitive, le
droit à un tribunal ne vaut que pour les "contestations" relatives à des
"droits et obligations de caractère civil" que l'on peut prétendre, au
moins de manière défendable, reconnus en droit interne, qu'ils soient ou
non protégés de surcroît par la Convention; bien que de caractère autonome,
cette notion implique donc l'examen de la prétention selon le droit interne
(ATF 127 I 115 consid. 5b p. 121).

    Par contestation, au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, il faut entendre
tout litige surgissant entre deux particuliers ou entre un particulier
et une autorité étatique, par exemple lorsque cette dernière supprime ou
restreint l'exercice d'un droit. Il en va notamment ainsi lorsque sont
invoqués des droits de nature privée, telles la garantie de la propriété
et la liberté économique (voir les références citées in FROWEIN/PEUKERT,
EMRK-Kommentar, 2e éd., n. 19 et 21 ad art. 6 CEDH). L'art. 6 par. 1 CEDH
ne vise donc pas seulement les contestations de droit privé au sens étroit
- à savoir les litiges entre les particuliers ou entre les particuliers
et l'Etat agissant au même titre qu'une personne privée -, mais aussi
les actes administratifs adoptés par une autorité dans l'exercice de la
puissance publique, pour autant qu'ils produisent un effet déterminant sur
des droits de caractère civil; de ce point de vue également, sont décisifs
le contenu du droit matériel et les effets que lui confère la législation
nationale (ATF 125 I 209 consid. 7a p. 215/216 et les références citées).

    2.3  La décision attaquée a été prise sur la base de l'art. 26 OLT
3 en vue de protéger la santé physique et psychique des travailleurs
(cf. infra consid. 3.3); elle a pour effet d'interdire à la Société
d'équiper ses véhicules du système de localisation dont elle a fait
l'acquisition pour un montant de 40'000 fr.

    Bien qu'elle vise la poursuite d'un objectif d'ordre social (protection
de la personnalité des travailleurs) ou de santé publique et qu'elle tire
sa force du droit public, la décision d'interdiction litigieuse influence
directement le contenu même du contrat de travail liant la Société
et les techniciens-vérificateurs, en ce sens qu'elle trace certaines
obligations de l'employeur en matière de protection de la personnalité
des travailleurs. Dans cette mesure, elle porte donc, indépendamment de
son rattachement au droit public, sur des droits et des obligations de
caractère civil au sens étroit (ou classique) du terme. D'ailleurs, les
employés eux-mêmes auraient pu saisir un juge civil pour faire respecter
leurs droits en vertu des art. 328 à 328b CO (cf. infra consid. 3.3,
2e paragraphe).

    Au demeurant, à ce que prétend la recourante, le système de
localisation qu'elle a acquis pour un prix de 40'000 fr. lui permet
d'augmenter de manière substantielle son rendement, en améliorant
l'organisation du travail et la surveillance de ses employés. La mesure
d'interdiction qui la frappe constitue donc une restriction importante,
sinon à l'exercice de son droit de propriété tel qu'il est garanti
à l'art. 26 al. 1 Cst. (et aux art. 641 ss CC), du moins à sa liberté
économique: ancrée à l'art. 27 Cst., celle-ci comprend en effet le libre
exercice d'une activité économique lucrative privée soit, notamment, le
droit de choisir librement les moyens de production et les conditions de
travail (cf. JÖRG PAUL MÜLLER, Grundrechte in der Schweiz, 3e éd., Berne
1999, p. 647/648; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse,
vol. II, Berne 2000, p. 338).

    2.4  L'obligation d'organiser des débats publics présuppose
toutefois une demande formulée de manière claire et indiscutable par
l'une des parties au procès; de simples requêtes de preuves, comme des
demandes tendant à une comparution ou à une interrogation personnelle,
à un interrogatoire des parties, à une audition des témoins ou à une
inspection locale, ne suffisent pas pour fonder une semblable obligation
(cf. ATF 125 V 37 consid. 2 p. 38; 122 V 47 consid. 3a p. 55; 121 I 30
consid. 5f p. 37/38).

    En l'espèce, la recourante a sollicité devant le Tribunal administratif
"la fixation d'une audience de comparution personnelle", en ajoutant
qu'elle souhaiterait également "entendre et poser des questions à
l'inspecteur de (l'Office) ayant procédé à l'instruction de la cause,
ce qui pourra également se faire lors d'une éventuelle comparution
personnelle, l'intimée n'étant elle-même pas opposée à un tel procédé"
(lettre du 23 octobre 2002). Il est douteux qu'une telle demande puisse
être interprétée autrement que comme une simple requête de preuves
n'obligeant pas les premiers juges à organiser des débats publics. La
question peut toutefois rester indécise, car le recours doit de toute
façon être admis pour un autre motif.

Erwägung 3

    3.

    3.1  L'art. 6 de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail
dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (loi sur le travail, LTr;
RS 822.11) a la teneur suivante:

      "1 L'employeur est tenu, pour protéger la santé des travailleurs,

      de prendre toutes les mesures dont l'expérience a démontré la

      nécessité, que l'état de la technique permet d'appliquer et qui

      sont adaptées aux conditions d'exploitation de l'entreprise. Il

      doit en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger

      l'intégrité personnelle des travailleurs.  2 L'employeur doit

      notamment aménager ses installations et régler la marche du travail

      de manière à préserver autant que possible les travailleurs des

      dangers menaçant leur santé et du surmenage.  (...)  4 Les mesures de

      protection de la santé qui doivent être prises dans les entreprises

      sont déterminées par voie d'ordonnance."

    En vertu de la délégation de compétence prévue à l'art. 6 al. 4
LTr (en relation avec l'art. 40 al. 1 let. a LTr), le Conseil fédéral a
édicté l'ordonnance 3. Dans ses dispositions générales (chapitre premier),
cette réglementation précise que l'employeur est tenu de prendre toutes
les mesures nécessaires afin d'assurer et d'améliorer la protection de la
santé et de garantir la santé physique et psychique des travailleurs; il
doit en particulier faire en sorte qu'en matière d'ergonomie et d'hygiène,
les conditions de travail soient bonnes (art. 2 al. 1 let. a OLT 3). Au
titre des exigences particulières en matière d'hygiène (chapitre 2),
l'art. 26 OLT 3 dispose ceci:

      "1 Il est interdit d'utiliser des systèmes de surveillance ou de

      contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs

      à leur poste de travail.  2 Lorsque des systèmes de surveillance

      ou de contrôle sont nécessaires pour d'autres raisons, ils doivent

      normalement être conçus et disposés de façon à ne pas porter atteinte

      à la santé et à la liberté de mouvement des travailleurs."

    3.2  Cette dernière disposition trouve son origine dans une motion
parlementaire du 12 décembre 1984 (BO 1985 CN p. 724) qui demandait au
Conseil fédéral d'examiner la possibilité d'introduire dans le droit du
travail des dispositions visant à protéger concrètement les travailleurs
contre toute atteinte à leur personnalité. Les auteurs de la motion
n'ignoraient pas l'existence de semblables dispositions en droit privé
(cf. art. 328 CO); ils estimaient toutefois nécessaire de légiférer en
la matière en droit public, afin de garantir une certaine protection aux
travailleurs sans qu'ils aient à saisir eux-mêmes les tribunaux (civils),
vu les difficultés inhérentes à une telle démarche, surtout dans les
périodes de crise économique (op. cit., p. 724/725). Les motionnaires, qui
avaient en vue "avant tout d'interdire les installations de surveillance
qui contrôlent en permanence les activités des travailleurs", invitaient
le Conseil fédéral à "établir des critères qui permettent de réglementer
sans équivoque la mise en place de dispositifs de surveillance devant
servir à autre chose qu'au contrôle du personnel".

    Dans sa réponse à la motion (BO 1985 CN p. 725), le Conseil fédéral a
rappelé que de nombreuses entreprises avaient déjà recours à des systèmes
de surveillance en vue de satisfaire des buts clairs tels que prévenir
les risques d'accidents (par exemple dans l'industrie) ou assurer la
sécurité des personnes et des biens (par exemple dans les banques ou
les centres commerciaux). Implicitement, il a admis que la poursuite de
tels buts n'était pas critiquable. Le Conseil fédéral s'est en revanche
montré favorable à l'interdiction de dispositifs de surveillance servant
uniquement ou essentiellement ("ganz oder in erster Linie") à surveiller
les travailleurs eux-mêmes. A cet égard, il a souligné que la loi sur
le travail ne visait pas seulement à protéger la santé physique des
travailleurs, mais aussi leur santé psychique; or, cette dernière pouvait
être compromise par l'utilisation de certains systèmes de surveillance,
comme par exemple des caméras de surveillance en permanence braquées
sur les travailleurs. Il a proposé de transformer la motion en postulat
et d'examiner à l'occasion de la révision de l'ordonnance 3 - alors en
chantier - la possibilité de réglementer cette question (op. cit., p.
725), ce qu'il a ensuite fait en introduisant l'art. 26 OLT 3.

    3.3  Par son but, à savoir protéger la santé, la liberté de mouvement
et la personnalité des travailleurs (cf. art. 26 al. 2 OLT 3; GABRIEL
AUBERT, La protection des données dans les rapports de travail, in Journée
1995 de droit du travail et de la sécurité sociale, Zurich 1999, p. 145
ss, 168 in initio; HANS UELI SCHÜRER, Datenschutz im Arbeitsverhältnis,
Zurich 1996, p. 61), et les moyens qu'il met en oeuvre, soit interdire
les systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le
comportement des travailleurs, l'art. 26 OLT 3 s'insère parfaitement
dans le cadre de la délégation de compétence prévue à l'art. 6 al. 4
LTr (en relation avec l'art. 40 al. 1 let. a LTr). En effet, l'art. 6
LTr vise non seulement à protéger la santé physique et psychique des
travailleurs, mais aussi leur "intégrité personnelle" (cf. art. 6 al. 1
in fine), soit leur personnalité au sens des art. 328 ss CO. D'autre
part, même si leurs effets exacts sur la santé ne sont pas définitivement
connus (cf. Workers' privacy, Part II: Monitoring and surveillance in the
workplace, in Conditions of work digest, éd. par le Bureau international du
Travail, Genève 1993, p. 22), il est généralement admis que les systèmes
de surveillance induisent le plus souvent chez les personnes observées
des sentiments négatifs et détériorent le climat général de l'entreprise
et que, par conséquent, ils nuisent au bien-être, à la santé psychique
et, finalement, à la capacité de rendement des travailleurs (op. cit.,
p. 19 ss; voir aussi Santé au travail: Commentaire des ordonnances 3
et 4 relatives à la loi sur le travail, éd. par le secrétariat d'Etat à
l'économie, 2e mise à jour, Berne 1999 [ci-après cité: directives du seco],
p. 1 ad art. 26 OLT 3; AUBERT, op. cit., p. 166/167); au reste, c'est
spécifiquement en vue de protéger la santé psychique des travailleurs que
le Conseil fédéral a, semble-t-il, donné suite à la motion parlementaire
à l'origine de l'art. 26 OLT 3 (cf. supra consid. 3.2).

    Par ailleurs, en dépit des doutes émis par RIESSELMANN-SAXER (in
Datenschutz im privatlichen Arbeitsvertrag, Berne 2002, p. 112), l'art. 26
OLT 3 se laisse concilier avec l'art. 328b CO qui, complétant et précisant
la protection de la personnalité des travailleurs prévue à l'art. 328 CO,
désigne le type de données personnelles concernant le travailleur que
l'employeur peut "traiter", en renvoyant pour le surplus aux dispositions
de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD;
RS 235.1; cf. BRUNNER/BÜHLER/ Waeber, Commentaire du contrat de travail,
Lausanne 1996, p. 107; SCHÜRER, op. cit., p. 64/65). En vertu de l'art. 3
let. e LPD, le traitement des données au sens de l'art. 328b CO comprend
notamment leur récolte, leur conservation et leur exploitation (cf. ATF
123 III 129 consid. 3b/cc p. 134; MANFRED REHBINDER, Schweizerisches
Arbeitsrecht, 15e éd., Berne 2002, n. 236). Contrairement à l'opinion de
RIESSELMANN-SAXER (loc. cit.), l'employeur ne peut cependant pas surveiller
de façon générale ou systématique le comportement des travailleurs
sous prétexte de récolter des données dont le traitement serait permis
par l'art. 328b CO. Certes, les données personnelles qui, selon les
termes de cette disposition, "portent sur les aptitudes du travailleur
à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de
travail", bénéficient de la présomption légale qu'elles ne portent pas
atteinte à la personnalité du travailleur (cf. art. 13 al. 1 LPD; AUBERT,
op. cit., p. 150). Il n'en demeure pas moins que le procédé utilisé pour
les récolter doit, lui aussi, respecter la personnalité des travailleurs,
conformément à l'art. 328 CO, et observer les principes généraux du
droit, en particulier ceux de la bonne foi et de la proportionnalité
(cf. SCHÜRER, op. cit., p. 64/65; REHBINDER, op. cit., n. 236; AUBERT,
op. cit., p. 150/151; BRUNNER/BÜHLER/ WAEBER, op. cit., p. 108;
RIESSELMANN-SAXER, op. cit., p. 25 ss, 111/ 112). Or, l'art. 328 CO
protège notamment la santé des travailleurs et leur intégrité physique
et psychique, ainsi que leur sphère privée, leur image, leur dignité,
ou encore certaines libertés personnelles (cf. BRUNNER/BÜHLER/WAEBER,
op. cit., p. 97; REHBINDER, op. cit., n. 221; JÜRG BRÜHWILER, Kommentar
zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., 1996, n. 4a ad art. 328 CO; ADRIAN
VON KAENEL, Arbeitsrecht, Saint-Gall/ Zurich 1999, p. 55). C'est dire
que seules sont admissibles, en vertu de la disposition précitée, les
mesures de surveillance objectivement justifiées qui satisfont un intérêt
prépondérant de l'employeur (cf. BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, op. cit., p. 98;
REHBINDER, op. cit., n. 222; VON KAENEL, op. cit., p. 55); entre plusieurs
mesures possibles, ce dernier choisira la moins intrusive (cf. RÉMY WYLER,
Droit du travail, Berne 2002, p. 224).

    En d'autres termes, les choses ne sont pas fondamentalement différentes
selon qu'on les envisage sous l'angle des art. 328 et 328b CO ou de l'art.
26 OLT 3, l'application de cette dernière disposition impliquant aussi de
respecter le principe de la proportionnalité (cf. infra consid. 5.2 ss).
Cette relative similitude se comprend d'ailleurs aisément si l'on garde
à l'esprit que l'adoption de l'art. 26 OLT 3 a notamment visé à étendre
au droit public la protection de la personnalité du travailleur qui
existait déjà depuis longtemps en droit privé à l'art. 328 CO (cf. BO
1985 CN p. 724; directives du seco, op. cit., p. 1 ad art. 26 OLT 3;
AUBERT, op. cit., p. 167). En tout état de cause, l'art. 26 OLT 3 est
donc conforme au principe de la légalité.

Erwägung 4

    4.

    4.1  Comme l'indique sa lettre, en accord avec la volonté exprimée
du Conseil fédéral, l'art. 26 OLT 3 n'a pas pour objectif d'interdire de
manière générale l'utilisation de systèmes de surveillance ou de contrôle
dans les entreprises: seuls sont interdits ceux qui sont "destinés"
à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail
(al. 1), mais non, en principe, ceux qui sont nécessaires pour "d'autres
raisons" (al. 2 ). Autrement dit, c'est moins le type de surveillance ou
ses effets comme tels qui vont déterminer si un système de surveillance
est admissible ou non, que les motifs qui ont prévalu à sa mise en place
ou les buts que poursuit son utilisation (cf. AUBERT, op. cit., p. 169/170;
RIESSELMANN-SAXER, op. cit., p. 109).

    4.2  Au titre des "autres raisons" susceptibles de justifier
le recours à un système de surveillance ou de contrôle, l'on songe,
en premier lieu, dans le droit fil de la réponse du Conseil fédéral
à la motion parlementaire, à des impératifs liés à la prévention des
accidents ou à la protection ou la sécurité des personnes et des biens
(ci-après: les impératifs de sécurité). Ainsi, pour autant qu'ils
soient dans un rapport de proportionnalité avec le but recherché,
des systèmes de surveillance peuvent, en principe, être disposés à des
endroits stratégiques ou sensibles de l'entreprise, tels les extérieurs
des bâtiments, les parkings, les accès, les entrées, les guichets, les
caisses, les étals, les salles contenant des valeurs ou des documents
sensibles ou confidentiels (salles des coffres, archives ...) ou encore,
dans l'industrie, les lieux abritant des machines, des installations ou
des produits dangereux (cf. directives du seco, op. cit., p. 1 et 2 ad
art. 26 OLT 3).

    Selon les circonstances et le type d'activité considérée, il n'est
pas exclu que des motifs tenant à l'organisation ou à la planification
du travail puissent justifier la mise en place de certains systèmes de
surveillance. On peut, par exemple, penser à des sociétés qui offrent
des services financiers en ligne (telle la possibilité de passer des
ordres de bourse) et qui, pour des motifs de preuve, doivent pouvoir
enregistrer les conversations téléphoniques entre leurs collaborateurs
et les clients (avec l'accord de ces derniers). On peut également avoir
à l'esprit certaines activités (agences de sécurité, entreprises de taxi
ou de transport routier ...) qui requièrent, afin de rationaliser le
travail et d'améliorer la qualité des prestations offertes aux clients,
que l'employeur ait la possibilité de localiser en tout temps et aussi vite
que possible la position de chacun des véhicules en service. Là encore,
une telle surveillance n'est cependant admissible que si le moyen utilisé
apparaît, au vu des circonstances, proportionné au but recherché.

    Par ailleurs, il est dans la nature même des relations de travail
que l'employeur puisse exercer un certain contrôle sur l'activité et les
prestations de son personnel. D'une part, la faculté qui lui est reconnue
- voire même, dans certains cas, l'obligation qui lui incombe, notamment
pour des motifs de sécurité (cf. ATF 102 II 18; 100 II 352) - d'établir
des directives générales et de donner des instructions particulières sur la
manière d'exécuter le travail ou de se conduire dans l'entreprise (cf. art.
321d CO; cf. REHBINDER, op. cit., n. 227; STREIFF/VON KAENEL, Leitfaden zum
Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., Zurich 1992, n. 14 s. ad art. 328 CO; WYLER,
op. cit., p. 223/ 224) a pour corollaire qu'il doit pouvoir s'assurer -
quand il n'y est pas tenu - que ses consignes sont correctement suivies
par les travailleurs (cf. REHBINDER, op. cit., n. 233). D'autre part, le
contrat de travail se caractérise par un rapport d'échange en vertu duquel
le travailleur fournit une prestation de travail à l'employeur contre une
rémunération: ce dernier doit par conséquent être en mesure de vérifier
que les termes de cet échange répondent à ses attentes ou, du moins, sont
conformes à ce qui avait été convenu avec le travailleur. C'est pourquoi,
en accord aussi bien avec la doctrine que la pratique administrative,
il faut admettre que, outre des impératifs de sécurité ou des motifs
tenant à l'organisation ou à la planification du travail, l'employeur
est également habilité, sous réserve d'en avoir préalablement informé les
travailleurs, à prendre des mesures appropriées destinées à contrôler leur
travail, en particulier la qualité de leurs prestations et leur rendement
(cf. directives du seco, op. cit., p. 1 ad art. 26 OLT 3; Guide relatif à
la surveillance de l'utilisation d'internet et du courrier électronique au
lieu de travail, éd. par le préposé fédéral à la protection des données,
Berne, état avril 2001, p. 18/19 [ci-après cité: Guide du préposé fédéral
à la protection des données]; RIESSELMANN-SAXER, op. cit., p. 109 et 111;
REHBINDER, op. cit., n. 233; SCHÜRER, op. cit., p. 61; AUBERT, op. cit.,
p. 167).

    4.3  Il est souvent difficile, comme le souligne le seco dans ses
directives, de faire la distinction entre des mesures de surveillance
licites, qui tirent leur justification du droit de l'employeur de contrôler
la qualité du travail ou le rendement des travailleurs, et des mesures
de surveillance illicites, qui portent uniquement ou essentiellement sur
le comportement de ceux-ci. En effet, il n'est pas rare que ces questions
soient intimement liées, comme l'illustrent les exemples donnés par le seco
(directives du seco, op. cit., p. 1 et 2 ad art. 26 OLT 3):

      "Tombent sous la surveillance du rendement, par exemple, le

      comptage automatique des pièces produites ou du nombre de frappes

      journalières sur une installation de traitement de textes. Une

      saisie détaillée, permettant la répartition temporelle des tâches

      et, par ce biais, l'appréciation du comportement, n'est (en

      revanche) pas admise. Si, en plus d'une surveillance de rendement,

      un contrôle visuel des travailleurs pendant leur activité est

      mis en place, ce dernier constitue également une surveillance du

      comportement. L'enregistrement du rendement doit aussi être utilisé

      raisonnablement (principe de proportionnalité)."

    4.4  En résumé, un système de surveillance est interdit par l'art. 26
OLT 3 s'il vise uniquement ou essentiellement à surveiller le comportement
comme tel des travailleurs. En revanche, son utilisation n'est pas prohibée
si, bien qu'emportant objectivement un tel effet de surveillance, il est
justifié par des raisons légitimes, tels des impératifs de sécurité ou des
motifs tenant à l'organisation ou à la planification du travail ou encore
à la nature même des relations de travail. Encore faut-il, cependant,
que le système de surveillance choisi apparaisse, au vu de l'ensemble des
circonstances, comme un moyen proportionné au but poursuivi, et que les
travailleurs concernés aient préalablement été informés de son utilisation
(cf. les références citées supra consid. 4.2 in fine).

Erwägung 5

    5.

    5.1  Dans un premier moyen, la recourante soutient que, dans la mesure
où la surveillance se fait en dehors de l'enceinte de l'entreprise et où
elle ne porte pas directement sur les travailleurs eux-mêmes, mais sur
les véhicules qu'ils utilisent, l'art. 26 OLT 3 ne s'applique pas.

    Les possibilités techniques exactes offertes par le système de
localisation litigieux sont contestées par la recourante (sur cette
question, cf. infra consid. 6.4) qui admet néanmoins qu'elle est
en mesure, grâce à ce système, de savoir a posteriori, au moyen d'un
"listing", l'heure à laquelle ses collaborateurs commencent et terminent
leur activité, quels clients ils visitent durant la journée et à quelle
heure, ainsi que le temps qu'ils consacrent à chaque client. L'accès à
ces informations lui permet ainsi de connaître de manière relativement
précise l'emploi du temps de ses collaborateurs durant une journée de
travail. Bien qu'il soit, à proprement parler, utilisé en dehors de
l'enceinte de l'entreprise, et qu'il ne porte pas directement sur la
personne même des techniciens-vérificateurs, le système de localisation
en cause a donc bien pour effet de saisir un aspect particulier de
leur comportement à leur poste de travail, soit, selon les termes du
seco, "la répartition temporelle des tâches" (cf. supra consid. 4.3);
il n'échappe ainsi pas aux exigences découlant de l'art. 26 OLT 3. En
revanche, le fait que la surveillance ne soit qu'indirecte (ou médiate)
n'est pas sans importance pour apprécier la proportionnalité de la mesure
(cf. infra consid. 6.5).

    Il convient dès lors d'examiner si le système de localisation - dont
il est constant que les travailleurs ont été préalablement avertis de
l'installation et de l'utilisation - poursuit des objectifs légitimes qui
le font apparaître, au vu des circonstances, comme un moyen proportionné
pour atteindre le but recherché.

    5.2  Selon la jurisprudence, le principe de la proportionnalité
se compose traditionnellement de trois volets: la règle d'aptitude
ou d'adéquation, qui exige que le moyen choisi - ici: le système de
localisation - soit propre à atteindre le but visé - ici: les objectifs
invoqués par l'employeur à titre de motifs justificatifs; la règle de
nécessité, qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse
celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts en cause - ici:
la santé, la liberté de mouvement et la personnalité des travailleurs;
et la règle de proportionnalité au sens étroit, qui requiert de mettre
en balance les effets de la mesure choisie sur la situation des personnes
concernées avec le résultat escompté du point de vue du but visé (cf. ATF
125 I 474 consid. 3).

    5.3  La recourante soutient tout d'abord que le système de localisation
lui offre une protection antivol sans égal: en effet, au moyen d'une
simple requête adressée à une centrale de télésurveillance basée en
Belgique, elle peut immédiatement, en cas de nécessité, faire repérer
et immobiliser n'importe lequel de ses véhicules. Il ressort cependant
du dossier (cf. les encarts publicitaires du fournisseur) qu'un tel
dispositif antivol peut être installé sans qu'il soit nécessaire, comme
cela a été fait en l'espèce, de le coupler avec un système de localisation
qui enregistre en tout temps les lieux de stationnement des véhicules ainsi
que les heures correspondantes. Le résultat recherché pourrait donc être
atteint par un moyen moins incisif, si bien que la mesure litigieuse ne
se justifie pas au regard de la règle de nécessité.

    5.4  La recourante fait ensuite valoir que le système de localisation
a pour but d'améliorer l'organisation du travail et le rendement grâce
à une meilleure planification du travail et un meilleur contrôle des
collaborateurs, ainsi que d'optimaliser la qualité du service offert
à ses clients. A l'appui de son propos, elle donne pêle-mêle toute une
série d'exemples.

    5.4.1  Ainsi, elle allègue qu'il lui est important, en cas d'appel
en urgence de l'un de ses clients, de pouvoir immédiatement localiser
et contacter le collaborateur se trouvant le plus proche du lieu
d'intervention, afin d'être en mesure de le dépêcher le plus rapidement
possible sur place.

    Si, comme le soutient la recourante, le système de localisation lui
permet seulement de connaître d'une manière rétrospective ("a posteriori"),
le soir, quand et où les véhicules ont stationné pendant la journée, on
comprend mal cet argument qui jette, à vrai dire, un doute sur l'étendue
réelle des possibilités de surveillance offertes par le système en
question.

    Quoi qu'il en soit, il apparaît que le rayon d'action des
techniciens-vérificateurs, qui sont au nombre d'une quinzaine pour toute
la Suisse, est pré-défini en fonction des codes postaux des clients dont
ils ont la charge, si bien que chacun d'eux s'occupe, en définitive,
d'une région déterminée. Ainsi, la clientèle des cantons de Vaud et de
Genève est du ressort de deux collaborateurs. On ne voit par conséquent pas
l'intérêt que peut avoir l'employeur de savoir en tout temps où se trouvent
ses techniciens-vérificateurs, puisqu'il suffit, en cas d'appel en urgence,
de contacter sur son téléphone portable celui d'entre eux qui est en charge
de la région concernée et de l'envoyer sur le lieu d'intervention. A cet
égard, la situation de la recourante ne se laisse nullement comparer,
comme elle le voudrait, aux besoins d'une entreprise de taxis ou d'une
agence de sécurité employant à son service de nombreux collaborateurs,
répartis sur une même aire géographique, qui doivent pouvoir être
atteints aussi rapidement que possible en fonction de leur position.
Quant aux allégations de la recourante relatives aux difficultés qu'il
y aurait à joindre les techniciens-vérificateurs sur leurs téléphones
portables, elles sont dénuées de pertinence, car elles ne permettent pas
de comprendre en quoi l'installation du système de localisation litigieux
la dispenserait de recourir à la téléphonie mobile classique pour contacter
le collaborateur désiré, la position de celui-ci eût-elle été repérée.

    Le système de localisation est donc un moyen qui n'apparaît ni adéquat
ni même nécessaire pour effectuer des interventions en urgence.

    5.4.2  Comme mesure de rationalisation du travail, la recourante
soutient également que le système de localisation est un outil performant
et indispensable pour "analyser toute faille dans son système de division
des rayons d'action et (...) établir des procédures permettant de réduire
les temps de déplacements de chacun de ses techniciens".

    La recourante ne donne cependant pas d'exemples tangibles des
"procédures" que le système de localisation lui aurait permis - ou lui
permettrait - de prendre pour optimaliser les temps de déplacement. Quoi
qu'il en soit, on ne voit pas quelles peuvent concrètement être les
améliorations auxquelles elle fait vaguement allusion, surtout si l'on
considère que les collaborateurs semblent jouir d'une grande autonomie
dans l'organisation de leur travail, puisqu'ils ne se rendent, selon les
propres déclarations de la recourante, que de manière très occasionnelle
au siège de la Société et que leur contrat de travail ne contient aucune
disposition laissant penser que leur indépendance serait limitée. Une
relative grande autonomie est d'ailleurs un trait caractéristique des
activités qui, à l'instar de celle ici en cause, relèvent de la vente
à domicile ou de la représentation, et impliquent le plus souvent que
l'employé prenne lui-même ses rendez-vous avec les clients et gère seul
son emploi du temps.

    Certes, la recourante met également en avant le fait que la
productivité aurait augmenté de 15 % depuis qu'elle a mis en place le
système de localisation. Outre que la réalité de ce chiffre n'est pas
démontrée - en instance cantonale, la recourante parlait même d'une
augmentation de 38 % -, sa corrélation avec les prétendus avantages
apportés par le système de localisation en matière d'organisation du
travail prête à discussion en l'absence d'indications concrètes quant
à la nature et la forme des améliorations qui ont prétendument été
réalisées. Supposé que l'augmentation de la productivité de 15 % soit
avérée, il semble en tout état de cause que celle-ci doive davantage
aux abus auxquels l'employeur a pu mettre fin grâce à la mise en place
du système de localisation (heures de travail non effectuées, rapports
d'activité fantaisistes ...) qu'à de véritables améliorations en matière
de rationalisation du travail.

    L'adéquation entre le système de localisation et le but prétendument
poursuivi de réduire les temps de déplacement et d'intervention n'est
donc pas établie.

    5.4.3  La recourante allègue encore que le système de localisation lui
"facilite la facturation directe à la clientèle".

    En l'absence de toute autre précision, il est malaisé de comprendre
ce que veut exprimer l'intéressée au travers de cet argument. Il semble
toutefois qu'elle cherche par là à soutenir que le système de localisation
lui épargnerait d'avoir à demander à ses collaborateurs des rapports
d'activité lorsqu'elle facture ses prestations aux clients.

    Si l'on en croit la recourante, les motifs d'intervention sont
nombreux et variés (vente d'un extincteur; contrôle ou recharge d'un
appareil; dépannage; conseils divers ...). Du moment que le système de
localisation ne renseigne pas sur la nature des prestations effectuées,
il ne dispense nullement l'employeur de recourir, pour la facturation, à
des rapports ou des fiches de travail établis par ses collaborateurs. En
revanche, on peut admettre que la possibilité de confronter le contenu
de tels rapports ou fiches de travail avec les informations que fournit
le système de localisation constitue un moyen adéquat - et nécessaire,
dans la mesure où l'on ne voit pas par quel autre biais ce but pourrait
être atteint - de rendre plus sûr et plus précis le détail des factures
adressées aux clients. Quant à la proportionnalité - au sens étroit - de
ce moyen pour parvenir au but visé, elle nécessite une pesée des intérêts
qui ne peut se faire qu'après avoir examiné les éventuels autres avantages
que présente la mesure litigieuse pour l'employeur (cf. infra consid. 6).

    5.5  Comme ultime argument à l'appui de sa démonstration de l'utilité
du système de localisation, la recourante fait valoir que ce dernier
lui permet de s'assurer que les techniciens-vérificateurs accomplissent
correctement leur travail. Compte tenu des graves conséquences qui
peuvent résulter de l'utilisation d'un extincteur défectueux (mise en
danger de la santé ou de la vie des utilisateurs ou de tiers), elle
relève, en particulier, qu'un contrôle de la qualité du travail est
indispensable. Elle doit notamment pouvoir s'assurer que ses collaborateurs
ont procédé à la révision annuelle des extincteurs conformément aux
règles de l'art. Or, fait-elle valoir, seule la mesure litigieuse serait
à même de lui apporter une telle assurance. Tout autre dispositif de
surveillance, outre qu'il serait moins sûr, lui engendrerait de surcroît,
à l'en croire, des coûts hors de proportion. Elle ajoute que le système
de localisation est également un moyen de surveiller l'emploi du temps
de ses collaborateurs et de prévenir les abus. A cet égard, elle fait
observer qu'il est "tout à fait impossible de se limiter au 21e siècle
à travailler avec des seules fiches de travail manuelles adressées par
courriers ou par télécopies à l'employeur et/ou de prendre contact avec
le client pour vérifier que le technicien-vérificateur s'est bien rendu
sur son lieu d'intervention".

    5.5.1  On discerne mal l'utilité du système de localisation pour
contrôler la qualité du travail effectué par les techniciens-vérificateurs:
qu'un véhicule d'entreprise ait stationné pendant une certaine durée à
proximité de l'adresse d'un client est en effet une indication qui ne
dit rien à ce sujet, ni même, d'ailleurs, qui garantit que le travail
ait seulement été réalisé. Elle ne renseigne pas davantage sur la nature
exacte de la prestation en cause (vente d'un extincteur; contrôle ou
recharge d'un appareil; dépannage; conseils divers ...). Par lui même,
le système de localisation n'autorise donc pas l'employeur à faire
l'économie d'autres mesures pour contrôler la qualité - au sens étroit
- du travail accompli par ses collaborateurs (contrôles ponctuels par
sondages; enquêtes de satisfaction auprès des clients ...).

    5.5.2  Il n'en demeure pas moins que, dans la mesure où il fournit
des informations relativement précises sur l'emploi du temps de chacun
des techniciens-vérificateurs lorsqu'ils utilisent leur véhicule pour
visiter les clients - ce qui constitue l'essentiel de leur activité -,
le système de localisation permet à l'employeur de s'assurer que ses
employés respectent les horaires de travail auxquels ils sont tenus. En
outre, grâce au fait qu'il peut savoir qu'un véhicule a stationné durant
un certain temps à l'adresse d'un client, il obtient ainsi, sinon la
confirmation qu'une visite a effectivement été effectuée, du moins une
indication l'autorisant à présumer que tel a bien été le cas. C'est donc,
pour l'employeur, un moyen utile et efficace pour vérifier que ses employés
se rendent chez les clients dont ils ont la charge et qu'ils y demeurent
le temps nécessaire pour remplir correctement leur tâche. C'est dans cette
mesure limitée qu'on peut admettre, avec la recourante, que le système
de localisation lui permet d'exercer un certain contrôle sur la qualité -
comprise au sens large - des prestations de ses techniciens-vérificateurs.
Cet objectif sert également, jusqu'à un certain point, un intérêt de
sécurité publique, en ce sens qu'une visite non effectuée ou bâclée peut,
en présence d'un extincteur défectueux qui n'est pas remis en état,
entraîner de graves conséquences pour les personnes et les biens en cas
d'incendie. A cet égard, la recourante peut être appelée à répondre,
en sa qualité d'employeur, des manquements de ses employés si elle a
elle-même négligé de prendre les mesures appropriées pour les surveiller
(culpa in custodiendo; cf. ATF 110 II 456).

    5.5.3  En estimant que le même objectif pourrait être atteint par
"des solutions à la fois plus efficaces et moins onéreuses, et surtout
moins attentatoires à la personnalité et à la santé des travailleurs",
les premiers juges considèrent - implicitement - que le système de
localisation, pour adéquat qu'il soit, n'est pas conforme au principe de
la proportionnalité envisagé sous l'angle de la nécessité.

    Il est certain que des fiches de travail ou des rapports d'activité
détaillés contenant la date, l'heure et la description des prestations
effectuées offrent davantage de renseignements utiles à l'employeur que les
seules informations que lui fournit le système de localisation. Il apparaît
toutefois qu'avant son introduction, certains employés n'hésitaient pas à
établir des rapports d'activité fantaisistes contenant des indications
erronées tant sur les heures et les jours travaillés que sur les
prestations réellement effectuées. Une telle façon de procéder n'est donc
pas suffisante pour contrôler efficacement l'activité et les prestations
des techniciens-vérificateurs, notamment pour s'assurer que ceux-ci
effectuent leur travail, et si possible correctement. En particulier,
l'employeur doit pouvoir prendre les mesures utiles destinées à lutter
contre les abus, surtout lorsque, comme en l'espèce, ils sont avérés ou
que le risque qu'ils se produisent (ou se reproduisent) est important
(cf. Guide du préposé fédéral à la protection des données, p. 18 s.;
RIESSELMANN-SAXER, op. cit., p. 111; REHBINDER, op. cit., n. 233). Or,
quand bien même les rapports d'activité ou les fiches de travail seraient
contresignés par les clients visités, le risque d'abus n'en serait pas
écarté: d'une part, il n'est pas certain qu'il soit toujours possible
d'obtenir une telle signature, le client pouvant être absent lors de la
visite; d'autre part, à supposer qu'elle puisse être recueillie, lorsque
la signature est le fait - ce qui n'est pas rare dans la pratique - d'un
employé ou d'un auxiliaire du client visité (par exemple, le concierge de
l'immeuble concerné), elle n'apparaît pas aussi fiable que si elle émanait
du client visité lui-même ou d'une personne habilitée à le représenter.

    5.5.4  On ne saurait donc suivre les premiers juges et l'intimée
lorsqu'ils prétendent que le système de localisation n'est pas nécessaire
et adéquat pour contrôler l'emploi du temps des techniciens-vérificateurs
et prévenir les abus, particulièrement en ce qui concerne le respect de
certaines obligations légales et contractuelles de base leur incombant
(visite régulière et effective des clients, horaires de travail ...). A
la lumière de cet objectif, il reste à examiner la proportionnalité,
au sens étroit, de la mesure litigieuse.

Erwägung 6

    6.

    6.1  Pour en juger, il y a lieu de mettre en balance, d'une part,
l'intérêt public à protéger la santé, la liberté de mouvement et la
personnalité des travailleurs avec, d'autre part, l'intérêt privé de
la Société à pouvoir équiper ses véhicules du système de localisation
litigieux. Les motifs invoqués par l'employeur pour justifier le recours
au dispositif contesté doivent être d'autant plus importants que son
utilisation est de nature à porter gravement atteinte aux biens juridiques
protégés par l'art. 26 OLT 3.

    6.2  La gravité de l'atteinte dépend principalement de la nature
et de l'ampleur de la surveillance exercée ainsi que du type de moyen
utilisé pour la mettre en oeuvre. En particulier, selon qu'elle s'exerce
directement sur la personne même du travailleur ou qu'elle porte sur un
autre aspect, par exemple le résultat de ses prestations (surveillance
directe/immédiate ou indirecte/médiate), selon qu'elle englobe toute
la personne du travailleur (comme peut le faire une surveillance
audiovisuelle) ou qu'elle se limite à certaines facettes de sa personne ou
de sa personnalité (comme son image, sa voix, sa vitesse d'exécution ...),
selon qu'elle vise spécifiquement un travailleur ou qu'elle est envisagée
plus largement par le nombre de personnes qu'elle touche ou le point de
vue qu'elle adopte (surveillance particulière ou générale), selon qu'elle
est permanente ou seulement passagère, son intensité et, par conséquent,
l'atteinte qu'elle est susceptible de causer à la personnalité et la
santé des travailleurs, sera d'une gravité variable.

    Dans tous les cas, c'est en fonction de l'ensemble des circonstances
concrètes du cas que devra s'apprécier cette gravité. Ainsi, tandis qu'une
caméra braquée en permanence sur un employé au guichet d'une banque
est, abstraitement, de nature à provoquer une atteinte importante à la
personnalité du travailleur concerné, il n'en est rien si cette même
caméra n'est pas reliée à une salle de contrôle, mais qu'elle ne fait
qu'enregistrer sur une bande, pour des motifs de sécurité, ce qui se
passe, et que l'enregistrement est ensuite détruit, sans être utilisé,
sous réserve d'exceptions bien définies à l'avance (par exemple au cas
où un délit est commis). Autrement dit, selon que la surveillance est
strictement réglementée ou qu'elle n'est soumise à aucune réglementation
précise ou selon que ses résultats sont détruits (instantanément ou à
brève échéance) ou qu'ils sont durablement enregistrés sur un support
pour être réutilisés (bande son ou vidéo, fichier informatique ...),
l'intensité de l'atteinte ne sera pas la même.

    Quant aux motifs justificatifs avancés par l'employeur, leur importance
dans la pesée des intérêts dépend principalement de leur nature, notamment
du caractère privé ou public des intérêts qu'ils mettent en jeu, ainsi que
des conséquences prévisibles d'une interdiction du système de surveillance
incriminé. Lorsque le but poursuivi par l'employeur sert son seul intérêt
personnel, il pèsera ainsi, d'une manière générale, d'un poids moindre
que si d'autres intérêts, de nature privée (intérêts des travailleurs
eux-mêmes ou de clients, par exemple) ou publique, viennent s'y ajouter.

    6.3  En l'espèce, il s'impose, avant toute chose, de souligner que
les techniciens-vérificateurs n'ont pas le droit, sauf accord préalable
de la Société, d'utiliser à des fins privées les véhicules d'entreprise
mis à leur disposition. Ce point est important. En effet, s'ils y
étaient autorisés, l'employeur ne pourrait pas, en principe, équiper
ses véhicules d'un système de localisation, sauf à porter une atteinte
grave et disproportionnée à la vie privée de ses employés. Du moins des
aménagements devraient-ils être prévus pour protéger autant que possible
cet aspect de leur personnalité (par analogie, au sujet de l'utilisation
du téléphone dans l'entreprise et de la possibilité de contrôler les
numéros composés, cf. directives du seco, p. 3 ad art. 26 OLT 3; AUBERT,
op. cit., p. 171 ss; SCHÜRER, op. cit., p. 62). Du moment, toutefois,
que seule une utilisation professionnelle des véhicules est autorisée,
l'employeur dispose d'un intérêt légitime à contrôler que les travailleurs
respectent cette prescription et l'on ne saurait affirmer, sans autre
examen, qu'un tel contrôle constitue une mesure disproportionnée par
rapport aux objectifs qu'il vise. Seule une soigneuse pesée des intérêts
en présence est à même de trancher cette question.

    6.4  Les premiers juges ont retenu que le système de localisation
permettait à l'employeur de localiser de façon "permanente et en temps
réel" les véhicules utilisés par ses employés. Pour aboutir à cette
conclusion, ils se sont fondés, selon leurs propres termes, sur "les
écritures contenues au dossier".

    Il apparaît toutefois que, comme devant l'instance cantonale
déjà, la recourante nie avec la dernière énergie les propriétés et les
qualités prêtées au système de localisation par l'Office cantonal. Elle
affirme n'être en mesure de connaître la position de ses véhicule que "a
posteriori", à la fin de la journée de travail, au moyen d'un "listing"
ne faisant qu'indiquer les lieux et les heures de départ et d'arrivée
des véhicules au cours de la journée. A titre de moyen de preuve, elle
renvoie au "listing" qu'elle avait produit en instance cantonale. Elle
précise que la localisation en temps réel des véhicules n'est possible, en
réalité, que "sur requête" de sa part à une centrale de télésurveillance
basée en Belgique, en ajoutant que c'est là un service payant équivalent
à une intervention sur alarme qu'elle n'aurait encore jamais utilisé à
ce jour. Enfin, elle réfute, comme elle l'avait déjà fait en instance
cantonale, les allégations de l'Office cantonal selon lesquelles le
directeur de la Société appelait "très régulièrement sur leurs portables
(les techniciens-vérificateurs) afin d'obtenir des justifications quant
à leur positionnement".

    Au vu de ces éléments, les premiers juges ne pouvaient pas se fonder
sur les seules affirmations de l'Office cantonal pour déterminer les
possibilités de surveillance offertes par le système de localisation;
ils devaient, au contraire, mettre en oeuvre un complément d'instruction
sur cette question. Dans cette mesure, les faits qu'ils ont constatés à
ce sujet ne lient pas la Cour de céans (cf. art. 104 let. b et art. 105
al. 2 OJ).

    6.5  Cela étant, l'on sait que la surveillance induite par le système
de localisation est seulement médiate, car elle ne porte pas sur les
collaborateurs eux-mêmes, mais sur les véhicules qu'ils utilisent pour
visiter les clients dont ils ont la charge. Par ailleurs, il est également
établi qu'elle n'appréhende qu'un aspect particulier de leur comportement,
à savoir les déplacements, en temps et en lieu, qu'ils effectuent durant
leur journée de travail. Enfin, comme les collaborateurs ne sont à bord
de leurs véhicules que durant trois à quatre heures par jour, elle ne
présente pas un caractère permanent. Si les caractéristiques techniques
offertes par le système de localisation sont telles que les a décrites la
recourante, sa licéité doit par conséquent être admise: la surveillance
n'étant qu'indirecte, partielle et intermittente, l'atteinte qu'elle
cause apparaît proportionnée au but légitime visé par l'employeur, qui
est de connaître l'emploi du temps journalier de ses collaborateurs afin
de prévenir les abus et de s'assurer qu'ils accomplissent correctement
leurs tâches, en particulier qu'ils respectent les horaires de travail
et qu'ils effectuent bien les visites qu'ils sont tenus de faire. A cet
égard, il n'est pas inutile de rappeler qu'un tel contrôle ne sert pas
seulement l'intérêt de l'employeur, mais est également destiné, dans une
certaine mesure, à préserver la sécurité des personnes et des biens que
seuls des extincteurs en bon état de fonctionnement peuvent garantir en
cas d'incendie (cf. supra consid. 5.5.2 in fine). Quoi qu'il en soit,
à supposer que la situation soit techniquement telle que la dépeint la
recourante, elle ne serait pas très différente de celle que l'on peut
trouver dans une entreprise équipée d'une machine à timbrer, où les
employés doivent pointer à chaque fois qu'ils entrent dans l'entreprise
ou qu'ils la quittent, y compris lorsqu'ils s'absentent un court instant
durant la journée, en indiquant, le cas échéant, le motif (professionnel
ou privé) de leur absence.

    En revanche, si le système de localisation permet à l'employeur,
comme l'ont retenu les premiers juges, de suivre de manière continue
et en temps réel le trajet emprunté par les véhicules utilisés par les
techniciens-vérificateurs, il pourrait constituer un moyen de surveillance
disproportionné par rapport au but poursuivi. En effet, l'intensité de
l'atteinte à la santé, à la personnalité et à la liberté de mouvement
des travailleurs concernés n'est pas la même selon que ceuxci sont
soumis de manière continue et en temps réel à la surveillance de leur
employeur ou selon que seul un contrôle "a posteriori" est effectué
qui consiste, après la fin d'une journée, à confronter le contenu de
leurs rapports d'activité avec les informations fournies par le système
de localisation. D'une part, dans le premier cas, un stress occasionné
par le sentiment d'être en permanence observé par son employeur existe,
qui n'est pas présent dans le second cas. D'autre part, la possibilité de
suivre en temps réel le trajet des véhicules durant la journée comporte
le risque que l'employeur demande de manière répétée et inopinément à ses
collaborateurs de justifier leur position ou le choix de leur itinéraire,
perturbation qui viendrait alors s'ajouter au stress provoqué par le
sentiment d'être constamment surveillé. Selon les résultats de l'enquête
menée par l'Office cantonal, cet élément aurait d'ailleurs été mentionné
par les techniciens-vérificateurs qui ont été entendus. Le point mérite
par conséquent d'être éclairci. A cet égard, le Tribunal administratif
ne saurait se retrancher derrière l'art. 44 LTr pour refuser l'édition
du rapport d'enquête de l'Office cantonal ou pour renoncer à entendre
des témoins: certes, cette disposition prévoit que les personnes qui
sont chargées de tâches prévues par la loi sur le travail ou qui y
participent sont tenues de garder le secret à l'égard des tiers sur les
faits qu'ils apprennent dans l'exercice de leur fonction; à leur demande,
certaines données peuvent toutefois être communiquées aux tribunaux
lorsque l'établissement de faits ayant une portée juridique l'exige
(cf. art. 44a al. 1 let. b LTr).

    6.6  Des mesures d'instructions complémentaires s'avèrent donc
nécessaires en vue d'élucider ces questions, en particulier pour déterminer
- le cas échéant au moyen d'une expertise - les véritables caractéristiques
techniques et l'étendue exacte des possibilités de surveillance offertes
par le système de localisation. Dans le cadre de la procédure cantonale,
l'employeur s'est montré peu enclin à fournir les renseignements qui lui
étaient demandés, nonobstant son obligation de collaborer à l'instruction
de la cause (cf. art. 45 LTr); s'il devait persister dans cette attitude,
il est rendu attentif au fait qu'il devra en supporter les conséquences sur
le plan du fardeau de la preuve (cf. ATF 125 V 195 consid. 2 p. 196). Dans
l'hypothèse où l'instruction révélerait que le système incriminé recèle, en
réalité, des possibilités de surveillance plus étendues que ne le soutient
la recourante, les premiers juges se prononceront sur son admissibilité
après avoir procédé à une nouvelle pesée de tous les intérêts en présence.