Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 II 32



130 II 32

5. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause
Municipalité de Delémont contre R. et consorts, Département de
l'environnement et de l'équipement ainsi que Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura (recours de droit administratif)

    1A.168/2003 du 14 janvier 2004

Regeste

    Lärmschutz; Öffnungs- und Betriebszeiten einer öffentlichen Einrichtung
(Jugend- und Kulturzentrum); Art. 11 und 25 USG.

    Beurteilungskriterien für Lärmimmissionen, die von einer öffentlichen
Einrichtung ausgehen, bei Fehlen von Immissionsgrenzwerten in der
Bundesgesetzgebung; Bestätigung der Rechtsprechung (E. 2.2).

    Prüfung der Öffnungs- und Betriebszeiten hinsichtlich der
bundesrechtlichen Anforderungen an die Emissionsbegrenzung bei neuen
Anlagen (E. 2.3-2.4).

Sachverhalt

    La Municipalité de Delémont a obtenu le 13 mars 1997 de l'autorité
cantonale (le Département de l'environnement et de l'équipement de
la République et canton du Jura) un permis de construire pour la
transformation des anciens abattoirs de la ville en un Centre de la
jeunesse et de la culture (CJC). Ce projet consiste à y aménager des
locaux d'exposition et de spectacle (salle de 117 places assises) ainsi
qu'un bistrot et un bar (au total 42 places assises). Le bâtiment se
trouve dans la ville de Delémont, en zone d'utilité publique.

    Des voisins ont recouru contre cette décision auprès de la Juge
administrative du district de Delémont, laquelle a annulé le permis de
construire par un jugement rendu le 16 décembre 1997. La Municipalité de
Delémont a formé contre ce jugement un recours à la Chambre administrative
du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura. Par un arrêt
rendu le 23 août 2000, la juridiction cantonale a, pour l'essentiel,
annulé le jugement entrepris et confirmé le permis de construire avec
quelques modifications. Elle a prescrit en particulier l'aménagement
d'un parking devant le centre, la création de deux écrans phoniques à
l'extérieur du bâtiment, la limitation des niveaux de bruit à l'intérieur
et la fermeture des portes en cas de diffusion de musique, la réalisation
de certaines mesures d'isolation acoustique, l'instauration d'un service
de surveillance sur la parcelle pendant les concerts et manifestations,
et une restriction des horaires d'exploitation en ce sens que le centre
ne pourrait être ouvert au-delà de 22 heures que 120 soirs par année.

    Certains habitants du voisinage, qui s'étaient opposés au projet
de la Municipalité - R. et consorts -, ont formé contre l'arrêt de la
Chambre administrative un recours de droit administratif au Tribunal
fédéral. Ce recours a été admis, dans la mesure où il était recevable,
par un arrêt rendu le 6 juillet 2001 (arrêt 1A.262/2000, publié in DEP
2001 p. 1095). L'affaire a donc été renvoyée à la Chambre administrative
pour nouvelle décision. En substance, d'après les considérants, il
incombait à la juridiction cantonale de fixer l'horaire de fermeture en
cas d'exploitation du centre au-delà de 22 heures, en tenant compte des
exigences du droit fédéral en matière de protection contre le bruit.

    La Chambre administrative a repris l'instruction puis, le 15 juillet
2003, elle a rendu un nouvel arrêt fixant ainsi les heures de fermeture du
centre (l'exploitant devant veiller à ce qu'il ne se trouve plus aucun
client dans l'établissement ou aux abords de celui-ci au maximum une
demi-heure après la fermeture):

    a) du dimanche au mercredi: 22 heures;

    b) le jeudi: en principe 22 heures et, seize fois par an au maximum,
minuit;

    c) le vendredi et le samedi: en principe 1 heure et, vingt fois par
an au maximum, 3 heures.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, la Municipalité
de Delémont a demandé au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la
Chambre administrative et de fixer à 22 heures la fermeture du CJC,
avec toutefois l'autorisation de le maintenir ouvert jusqu'à 3 heures du
matin cent vingt fois par an. Elle reprochait à la juridiction cantonale
d'avoir défini les conditions d'exploitation - de manière à limiter le
bruit pour le voisinage - sans tenir compte des besoins des clients du
centre ni prendre en considération le but du CJC, censé offrir une solution
alternative à la fréquentation des bars et discothèques de la région qui
bénéficient d'horaires d'ouverture moins restrictifs. Le Tribunal fédéral
a rejeté ce recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  La contestation porte exclusivement sur les heures de fermeture du
Centre de la jeunesse et de la culture cent vingt jours par an, à savoir
lorsqu'il est prévu d'autoriser l'ouverture de cet établissement au-delà
de 22 heures. Des modalités d'exploitation propres à garantir le respect
des prescriptions fédérales sur la protection contre le bruit doivent être
fixées dans la présente procédure de permis de construire; cela a déjà été
retenu dans l'arrêt de renvoi du 6 juillet 2001 (cf. notamment consid. 3f
de l'arrêt 1A.262/2000). L'arrêt attaqué constitue ainsi une décision
prise en dernière instance cantonale fondée sur des dispositions de la
loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01). La
voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral, régie par les
art. 97 ss OJ, est par conséquent ouverte (cf. art. 54 LPE; ATF 126 II
300 consid. 1a p. 301; 123 II 231 consid. 2 p. 233).

    La commune municipale de Delémont a qualité pour recourir, en
vertu de l'art. 57 LPE (en relation avec l'art. 103 let. c OJ). Comme
initiatrice du projet de centre, dans le cadre de sa politique sociale
et culturelle, elle a en effet un intérêt digne de protection à contester
des restrictions d'exploitation imposées par une autorité cantonale. Les
autres conditions de recevabilité du recours étant manifestement remplies,
il y a lieu d'entrer en matière.

Erwägung 2

    2.  L'autorité recourante prétend que les restrictions d'exploitation
prévues par la Chambre administrative seraient excessivement sévères. Elle
reproche à la juridiction cantonale d'avoir omis des éléments pertinents
ressortant du dossier.

    2.1  Les règles du droit fédéral de la protection de l'environnement
sur la limitation des émissions de bruit s'appliquent aux établissements
publics tels que cafés, restaurants, discothèques, etc. Un établissement
public produit généralement du bruit extérieur. Il peut provenir de
l'intérieur des locaux, se diffusant dans le voisinage à travers les
ouvertures ou les murs, ou encore de l'extérieur, par exemple d'une
terrasse, du parking destiné aux clients voire des abords immédiats
de l'établissement (cf. ATF 123 II 325 consid. 4a/bb p. 328; arrêt
1A.282/2000 du 15 mai 2001, publié in DEP 2001 p. 923, consid. 2c; arrêt
1A.144/1995 du 28 mars 1996, publié in DEP 1997 p. 197, consid. 2). En
l'espèce, dans l'arrêt de renvoi du 6 juillet 2001, le Tribunal fédéral
a considéré que l'on pouvait présumer que le bruit produit à l'intérieur
du CJC serait peu perceptible dans le voisinage, mais que la question se
posait différemment pour le bruit produit par le comportement des clients
sur le parking et aux abords de l'entrée du bâtiment, nonobstant la mise
en place d'une surveillance (consid. 3f de l'arrêt 1A.262/2000). Les
limitations de l'horaire d'exploitation tendent précisément à garantir le
respect durant la nuit des exigences du droit fédéral de la protection
de l'environnement, afin que les habitants du voisinage, dans cette
partie de la ville où se trouvent également des immeubles résidentiels,
ne soient pas exposés à des nuisances excessives.

    2.2  Dans l'arrêt de renvoi précité, il a été indiqué que les émissions
de bruit provenant du CJC, nouvelle installation, devaient respecter les
exigences des art. 11 et 25 LPE. Des mesures préventives doivent ainsi
être ordonnées, dans la mesure que permettent l'état de la technique et
les conditions d'exploitation, et pour autant que cela soit économiquement
supportable (art. 11 al. 2 LPE). Au surplus, conformément à l'art. 25
al. 1 LPE, il faut que ces émissions ne dépassent pas les valeurs de
planification dans le voisinage. Comme le Conseil fédéral n'a pas défini,
pour les établissements publics, de valeurs limites d'exposition (valeurs
de planification, valeurs limites d'immissions), l'autorité compétente
pour autoriser l'installation doit évaluer elle-même les immissions de
bruit en fonction des critères légaux relatifs à ces valeurs limites
(cf. art. 40 al. 3 de l'ordonnance du 15 décembre 1986 sur la protection
contre le bruit [OPB; RS 814.41]; consid. 2c de l'arrêt 1A.262/2000).

    En vertu de l'art. 23 LPE, les valeurs de planification sont des
valeurs inférieures aux valeurs limites d'immissions. Ainsi, lorsque
l'art. 25 al. 1 LPE est applicable, les habitants du voisinage d'une
nouvelle installation peuvent en principe exiger une limitation des
émissions de bruit plus sévère que si la loi prévoyait uniquement
le respect des valeurs limites d'immissions, seuil en deçà duquel la
population n'est pas censée être gênée de manière sensible dans son
bien-être (cf. art. 15 LPE). Dans sa jurisprudence relative aux nuisances
des établissements publics, le Tribunal fédéral a ainsi considéré,
sous l'angle de l'art. 25 al. 1 LPE, que les bruits de comportement des
clients ne devaient en principe pas provoquer durant la nuit davantage
que des dérangements minimes. Il faut toutefois tenir compte, dans cette
appréciation fondée sur les critères des valeurs de planification, du
genre de bruit, du moment où il se produit, de la fréquence à laquelle
il se répète, du niveau de bruit ambiant existant ainsi que du degré de
sensibilité de la zone (cf. ATF 123 II 325 consid. 4d/bb p. 335; arrêts
1A.139/2002 du 5 mars 2003, consid. 2; 1A.282/2000 du 15 mai 2001,
publié in DEP 2001 p. 923, consid. 4a; 1A.213/ 2000 du 21 mars 2001,
publié in DEP 2001 p. 500, consid. 2a; 1A.111/1998 du 20 novembre 1998,
publié in DEP 1999 p. 264, consid. 3a).

    Un autre élément doit entrer en considération dans l'évaluation des
immissions prévisibles du CJC. Dans l'arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral
a déjà reconnu, à la suite de la Chambre administrative, l'intérêt public
important lié à ce projet, qui veut mettre à la disposition de la jeunesse
de la région delémontaine des locaux adéquats pour l'organisation de
concerts et de spectacles, et ainsi offrir aux jeunes gens une solution
alternative à la fréquentation des bars et discothèques. Un tel intérêt
public peut être invoqué pour appliquer l'art. 25 al. 2 LPE et donc,
si l'observation des valeurs de planification constitue une charge
disproportionnée, pour accorder un allégement; cette disposition exige
néanmoins que les valeurs limites d'immissions ne soient pas dépassées
(cf. consid. 2c/bb de l'arrêt 1A.262/2000). En d'autres termes, s'il
apparaît disproportionné de fixer des restrictions d'exploitation propres
à éviter toute perturbation pour les voisins durant la nuit, il faut au
moins veiller à ce que cela ne provoque pas de gêne sensible (à propos de
l'application de l'art. 25 al. 2 LPE en pareil cas, cf. ANNE-CHRISTINE
FAVRE, La protection contre le bruit dans la loi sur la protection
de l'environnement, thèse Lausanne 2002, p. 305 ss; ALEXANDRA GERBER,
Des einen Freud - des andern Lärm: bundesgerichtliche Rechtsprechung
zum öffentlichrechtlichen Schutz gegen Gaststättenlärm in der Schweiz,
in Mélanges Pierre Widmer, Zurich 2003, p. 55).

    2.3  L'autorité recourante se réfère aux diverses mesures
préventives ordonnées dans la procédure d'autorisation de construire
(isolation phonique, fermeture des portes et fenêtres, création d'écrans
à l'extérieur, etc.) et en conclut que les nuisances éventuelles
proviendraient essentiellement des allées et venues de la clientèle
ainsi que du trafic. Or, selon elle, il est prévu de réduire ces
nuisances au maximum, en particulier par l'instauration d'un système de
surveillance. Cela suffirait à préserver les voisins d'une gêne sensible
dans leur bien-être. C'est pourquoi des horaires d'ouverture nocturne
comparables à ceux des discothèques devraient être admis.

    D'après l'arrêt attaqué, la sortie du CJC se trouve à une trentaine
de mètres des habitations les plus proches. Il en découle que, durant la
nuit, les bruits des allées et venues des clients, de leurs conversations,
des moteurs ou des claquements de portières de leurs véhicules, etc.,
peuvent être clairement perçus dans des appartements voisins, notamment
si les fenêtres demeurent ouvertes. Ces bruits, pouvant être gênants,
sont inévitables, même avec une surveillance efficace aux abords de
l'établissement.

    Pour fixer les restrictions d'exploitation litigieuses, la Chambre
administrative a pris en considération le degré de sensibilité applicable
dans ce secteur - degré III, parce qu'il ne s'agit pas de zones réservées
exclusivement à l'habitation (cf. art. 43 al. 1 let. b et c OPB) - ainsi
que, sur la base d'une expertise, le bruit ambiant dans le quartier,
provoqué par le trafic sur la route de Bâle. Ces critères correspondent
à ceux énoncés dans la jurisprudence (cf. supra, consid. 2.2). Compte
tenu des nuisances prévisibles, difficiles toutefois à pronostiquer
avant le début de l'exploitation, et des caractéristiques du quartier,
la juridiction cantonale a adopté une solution permettant une ouverture
prolongée tous les vendredis et samedis (1 heure du matin en principe,
3 heures vingt fois par an). Elle a considéré que des horaires moins
restrictifs pourraient entraîner une gêne sensible pour le voisinage en
retenant un critère que l'autorité recourante ne conteste pas: s'il était
ouvert systématiquement en fin de semaine jusqu'à 3 heures du matin, le
CJC attirerait à partir de 1 heure du matin les clients des établissements
publics ordinaires (hôtels, restaurants, bars) après leur fermeture;
l'arrivée de cette nouvelle clientèle au milieu de la nuit provoquerait
des nuisances significatives. L'autorité recourante rappelle que le but
du CJC est l'organisation de concerts de rock et de musique dite moderne,
de projections de films, de soirées thématiques (repas, animation musicale,
danse), d'expositions, de débats, de soirées théâtrales, etc. On peut en
déduire que, comme "lieu d'expression offert à la jeunesse jurassienne"
- selon les termes du recours -, il vise principalement une clientèle
souhaitant consacrer une soirée aux activités proposées, et non pas une
clientèle à la recherche d'un établissement public encore ouvert après la
fermeture des cafés ou des bars. Le fonctionnement même du CJC ne paraît
donc pas mis en cause par les restrictions d'exploitation imposées, qui
permettent néanmoins une ouverture régulière de l'établissement au-delà
de minuit.

    L'autorité recourante fait valoir que l'horaire qu'elle propose -
une ouverture jusqu'à 3 heures du matin cent vingt fois par an - est
plus restrictif que celui que la loi cantonale sur les auberges prévoit
pour les établissements de divertissements, qui peuvent demeurer ouverts
jusqu'à 4 heures (art. 64 al. 2 de la loi sur les auberges), ou encore
pour d'autres établissements soumis à patente, autorisés à fermer à 1 heure
le jeudi (art. 64 al. 1 de ladite loi). Comme cela a déjà été exposé dans
l'arrêt de renvoi, ces règles générales de police du commerce n'empêchent
toutefois pas la fixation d'un horaire d'exploitation plus strict, pour
des motifs de protection de l'environnement (cf. consid. 3f/aa de l'arrêt
1A.262/2000). On ignore du reste quel régime de la loi cantonale sur les
auberges serait applicable au CJC, le cas échéant. Cela étant, l'autorité
recourante relève à bon escient que l'horaire d'exploitation imposé au
CJC est plus strict que celui applicable à d'autres lieux de concerts ou
centres de loisirs urbains. Il est cependant notoire que, dans plusieurs
villes du pays, ces locaux se trouvent dans des quartiers bien séparés
des zones résidentielles. Or c'est bien la proximité d'habitations qui,
dans le cas particulier, justifie des mesures spéciales de protection
contre le bruit.

    En définitive, il apparaît que la Chambre administrative a pris en
considération les éléments pertinents et qu'elle n'a pas fait un mauvais
usage de la latitude de jugement que lui reconnaît la législation fédérale,
en l'absence de valeurs limites d'exposition au bruit des établissements
publics. Les griefs de la recourante sont donc mal fondés.

    2.4  Il n'en reste pas moins que l'évaluation des nuisances à ce
stade est une tâche délicate. Après l'ouverture de cet établissement,
l'autorité cantonale sera en mesure d'apprécier concrètement le bruit de
l'exploitation, au regard des critères précités. Si les intéressés - la
commune ou les voisins - estiment alors que les restrictions d'exploitation
ne répondent clairement pas aux exigences des art. 11 et 25 LPE, parce
que ces restrictions seraient soit excessives, soit insuffisantes, ils
pourraient faire valoir que ces clauses accessoires de l'autorisation de
construire devraient faire l'objet d'un nouvel examen car les moyens de
preuve déterminants n'étaient pas disponibles avant l'ouverture du CJC
(à propos des conditions du réexamen des décisions administratives,
cf. notamment ATF 120 Ib 42 consid. 2b p. 47; ANDRÉ GRISEL, Traité de
droit administratif, vol. II, Neuchâtel 1984, p. 949).