Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 II 236



130 II 236

21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Wang
et consorts contre Office des juges d'instruction fédéraux (recours de
droit administratif)

    1A.4/2004 du 3 mai 2004

Regeste

    Internationale Rechtshilfe in Strafsachen gegenüber Frankreich;
Art. 1a, 28 und 67a IRSG; Art. 2, 14 und 15 EUeR; Art. XIII und XIV des
Zusatzabkommens mit Frankreich (SR 0.351.934.92); Art. 10 und 23 GwÜ.

    Die Einrede, die zu übermittelnden Unterlagen unterstünden in
Frankreich der militärischen Geheimhaltung, kann den schweizerischen
Behörden, welche einem französischen Rechtshilfegesuch stattgeben, nicht
entgegen gehalten werden (E. 4.1, 4.2 und 4.5); das gilt auch für die
Vereinbarung über die Geheimhaltung im Bereich der Beziehungen zwischen
den Armeen der beiden Länder (E. 4.3).

    Tragweite von Äusserungen der ersuchenden Behörde zur Übermittlung
der streitigen Dokumente (E. 4.4).

    Übermittlungswege bei Rechtshilfeersuchen zwischen der Schweiz und
Frankreich (E. 5).

    Unaufgeforderte Übermittlung von Informationen, welche den
Geheimbereich nach Art. 67a IRSG betreffen (E. 6.1 und 6.2).

    Anforderungen an den Inhalt eines an einen ausländischen Staat
gerichteten Rechtshilfeersuchens (E. 6.3).

    Das Fehlen des nach Art. 67a Abs. 6 IRSG erforderlichen Protokolls
hat im vorliegenden Fall keine Auswirkungen (E. 6.4).

Sachverhalt

    Le Juge d'instruction fédéral conduit une procédure pénale des chefs
de blanchiment d'argent, de défaut de vigilance en matière d'opérations
financières et de faux dans les titres. Ces délits auraient été commis en
relation avec des faits de corruption qui auraient entaché la vente par
la société française Thomson de six frégates à la Marine de la République
de Chine (Taïwan), selon un contrat passé le 31 août 1991.

    Le 2 octobre 2001, le Juge d'instruction a présenté aux autorités
de Taïwan une demande d'entraide portant sur la remise de documents
relatifs à la négociation et à la conclusion du contrat des frégates,
ainsi qu'au versement de commissions y relatives. Parallèlement, le Juge
d'instruction a adressé des demandes d'entraide aux autorités de la France
et du Liechtenstein.

    Le 27 mars 2002, les autorités taïwanaises ont remis au Juge
d'instruction les pièces d'exécution de la demande du 2 octobre 2001.

    Le 26 novembre 2001, la Délégation culturelle et économique de Taipei
à Berne a remis à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office
fédéral) une demande d'entraide, du 6 novembre 2001, présentée par Lu
Ren-fa, Procureur général auprès de la Cour suprême de la République
de Chine, pour les besoins de la procédure pénale ouverte contre des
officiers supérieurs de la Marine, prévenus d'avoir, en échange de
pots-de-vin versés par Thomson, favorisé l'achat des frégates à un prix
surfait. Quant à Wang Chuan-pu, il est poursuivi des chefs d'escroquerie,
de corruption, de blanchiment d'argent et de meurtre. Intervenant pour le
compte de Thomson dans la négociation du contrat de vente des frégates,
il est soupçonné d'avoir établi des contacts étroits avec les officiers
impliqués, et de leur avoir versé des commissions pour le compte de
Thomson, à titre de rétribution pour leur rôle dans la conclusion du
contrat. Thomson aurait payé des pots-de-vin pour un montant total de
3'000'000'000 FRF, dont une partie aurait été acheminée sur des comptes
bancaires en Suisse. Wang Chuan-pu était également soupçonné d'être mêlé
à l'homicide de Yin Chin-feng, officier de marine qui avait refusé de
se laisser corrompre dans une affaire d'acquisition d'armement pour les
frégates. La demande tendait à la remise de la documentation concernant
tous les comptes bancaires détenus ou contrôlés par Wang Chuan-pu et les
membres de sa famille, ainsi qu'à la remise de tout document utile tiré
de la procédure pénale en Suisse.

    Le 13 novembre 2001, le Procureur général près la Cour d'appel de Paris
a transmis au Procureur général du canton de Genève une demande d'entraide,
établie le 7 novembre 2001 par le Juge Van Ruymbeke pour les besoins de
la procédure ouverte contre inconnus du chef d'abus de biens sociaux et
de recel d'abus de biens sociaux. Cette demande se rapportait à plusieurs
documents relatifs au contrat du 31 août 1991 et aux modalités de paiement
du prix des frégates, qui avaient fait naître le soupçon que des dirigeants
de Thomson auraient soudoyé des responsables taïwanais pour obtenir que
le contrat soit conclu pour un prix largement surfait. Des montants de
500'000'000 USD auraient été versés, par l'intermédiaire de Wang, soit
400'000'000 USD à des Taïwanais et 100'000'000 USD à des représentants du
Parti communiste chinois, afin de prévenir tout incident diplomatique entre
la France et la République populaire de Chine, qui aurait fait capoter
l'affaire. La demande tendait à la saisie conservatoire des fonds que les
membres de la famille Wang détiendraient en Suisse. Le 25 août 2003, le
Juge Van Ruymbeke a indiqué que la demande portait également, de manière
implicite, sur la remise de la documentation relative aux comptes saisis.

    Au terme de ses investigations, le Juge d'instruction a ordonné la
saisie notamment de quarante-six comptes bancaires, détenus par Wang
Chuan-pu, des membres de sa famille ou des sociétés qu'ils contrôlent,
ainsi que la remise de la documentation y relative. Ont été bloqués des
fonds pour un montant total équivalent à 494'885'804.60 USD.

    Le 28 novembre 2003, le Juge d'instruction a rendu une décision
d'entrée en matière et de clôture partielle de la procédure d'entraide. Il
a ordonné la transmission aux autorités françaises de la documentation
relative aux comptes saisis; de la documentation concernant des
sociétés dominées par les membres de la famille Wang; des pièces et de
la correspondance se rapportant aux accords passés entre Thomson et les
sociétés dominées par Wang Chuan-pu; des pièces concernant les montants
payés par Thomson; du compte-rendu des déclarations faites le 28 septembre
2000 par un fils de Wang Chuan-pu; des pièces remises par les autorités de
Taïwan en exécution de la demande d'entraide suisse; de deux tableaux des
flux des fonds, ainsi que de la liste des comptes dont les membres de la
famille Wang sont les titulaires ou ayants droit. Le Juge d'instruction a
ordonné en outre le séquestre des fonds bloqués. Il a réservé le principe
de la spécialité.

    Contre cette décision, les membres de la famille Wang, ainsi que
les sociétés impliquées, ont formé un recours de droit administratif,
en demandant au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 28 novembre
2003 et de rejeter la demande d'entraide. Ils invoquent les art. 1a, 2,
5, 8, 18, 27, 28, 29, 63, 64, 67a et 80b de la loi fédérale du 20 mars
1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1),
ainsi que l'art. 301 CP.

    Parallèlement au recours de droit administratif, les recourants
sont intervenus le 8 janvier 2004 auprès du Département fédéral de
justice et police pour qu'il constate que l'octroi de l'entraide à
Taïwan compromettrait les intérêts essentiels de la Suisse au sens de
l'art. 1a EIMP. Cette procédure est en cours.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa
recevabilité.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.  Selon les recourants, la protection du secret de la défense
nationale française ("secret-défense") ferait obstacle à la remise de
tout document concernant le contrat des frégates.

    4.1  En France, la publication ou la divulgation à une personne non
autorisée de données intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet
de mesures de protection destinées à en restreindre la diffusion

    est réprimée de l'emprisonnement et de l'amende (art.  413-9, 413-10
et 413-11 du Code pénal français). Les niveaux de classification, ainsi
que la procédure, sont réglés par le décret no 98-608 du 17 juillet 1998
(art. R. 413-6 CP fr.).

    Les documents, informations et renseignements concernant le contrat
des frégates sont couverts par le secret de la défense nationale. Dans le
cadre de la procédure pénale ouverte en France, les Juges Van Ruymbeke et
de Talancé ont demandé en vain la "déclassification" des pièces détenues
par Thales, ainsi que des déclarations que pourraient faire les témoins
(notamment les cadres ou anciens cadres de Thomson) au sujet du contrat
des frégates.

    4.2  Les recourants allèguent qu'il serait impossible de remettre
aux autorités requérantes des pièces auxquelles le secret de la défense
nationale leur interdirait l'accès.

    Les dispositions pénales françaises relatives à la protection de
la défense nationale ne sont pas opposables aux autorités suisses. Dès
l'instant où la demande d'entraide ne contient aucune restriction
quant à la nature des documents réclamés, l'autorité d'exécution doit
accomplir fidèlement et complètement la mission qui lui est confiée. Il
ne lui appartient pas de déterminer si une pièce ou information qu'elle
communique à l'Etat requérant est, selon le droit de celui-ci, couverte
par le secret de la défense nationale, et, dans l'affirmative, quelles
en sont les conséquences pour l'exécution de la demande d'entraide.

    4.3  Les recourants se prévalent de la Convention passée le 22 mars
1972 entre la Direction de la sécurité militaire française, d'une part,
et la Section du maintien du secret auprès de l'Etat-major du Groupement
de l'Etat-major général de l'armée suisse, d'autre part. Ce document,
qui n'a pas fait l'objet d'une publication officielle, a pour but de
protéger le secret de la défense nationale lors d'échange d'informations,
de documents ou de matériel entre la Suisse et la France (art. 1). La
Convention établit une équivalence des niveaux de protection (art. 3). Les
informations doivent être traitées selon les normes de l'Etat dont elles
émanent (art. 4). L'accès à ces informations et leur communication à des
Etats tiers sont subordonnés à l'accord de l'Etat d'origine (art. 5 et 7).

    Cette Convention concerne uniquement l'échange d'informations entre les
armées française et suisse, comme l'indiquent le titre et l'art. 1. Or, nul
ne prétend que dans le cadre de la présente affaire, des documents auraient
été échangés entre autorités militaires. Il ne serait guère concevable,
au demeurant, que des services de l'armée puissent conclure avec l'étranger
des accords dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale.

    4.4  Les recourants contestent l'aval donné par le Juge Van Ruymbeke
à la remise des pièces litigieuses.

    Le 8 octobre 2003, le Juge d'instruction a indiqué à son homologue
français qu'à son avis, les pièces remises par les autorités de Taïwan
en exécution de la demande suisse d'entraide pourraient être utiles à
la procédure pénale en France; partant, la remise de ces pièces entrait
dans le cadre de l'exécution de la demande française. Il lui a demandé
de se déterminer sur le point de savoir s'il consentait à la remise de
la documentation en question.

    Le 13 octobre 2003, le Juge Van Ruymbeke a répondu par l'affirmative,
pour autant que les pièces à recevoir aient été régulièrement communiquées
par les autorités de Taïwan pour l'exécution des demandes d'entraide
suisses, indépendamment de la demande française. Cette dernière précaution
ne relève pas de la clause de style, comme l'affirment les recourants. Elle
souligne que la remise litigieuse ne vise pas à contourner l'obstacle
lié au fait que la France n'a pas pu demander l'entraide à Taïwan dans
l'affaire des frégates, faute d'entretenir avec elle des relations
diplomatiques. Le Ministère public de Taïwan a également acquiescé, le
16 avril 2003, à ce que les annexes à la demande taïwanaise du 6 novembre
2001 soient transmises à des Etats tiers, et spécialement la France, avec
l'agrément des autorités judiciaires de celle-ci. En agissant comme il
l'a fait, le Juge d'instruction a pris toutes les précautions nécessaires
pour agir en accord avec toutes les autorités étrangères intéressées.

    Pour le surplus, l'argumentation selon laquelle l'entraide avec Taïwan
est impossible parce qu'il ne s'agit pas d'un Etat reconnu, doit être
rejetée pour les motifs indiqués dans l'arrêt rendu ce jour concernant
également les recourants (ATF 130 II 217).

    4.5  Ceux-ci prétendent que la remise de documents et d'informations
couverts en France par le secret de la défense nationale serait de
nature à compromettre les relations avec la France. Ils invoquent dans
ce contexte l'art. 1a EIMP, aux termes duquel cette loi est appliquée
en tenant compte de la souveraineté, de la sûreté, de l'ordre public ou
d'autres intérêts essentiels de la Suisse. L'art. 2 let. b de la Convention
européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (CEEJ;
RS 0.351.1), applicable en l'espèce, a la même portée.

    C'est au Département fédéral de justice et police qu'il revient de
décider si l'entraide doit être refusée pour l'un des motifs évoqués à
l'art. 1a EIMP, selon l'art. 17 al. 1 de la même loi. Sa décision peut
faire l'objet d'un recours administratif auprès du Conseil fédéral (art. 26
EIMP). Les recourants sont intervenus auprès du Département fédéral, en
lui demandant de rejeter la demande d'entraide en application de l'art. 1a
EIMP. La question de savoir si cette démarche exclut l'invocation de cette
disposition à l'appui du présent recours peut rester indécise (cf. à
ce propos, ROBERT ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale
en matière pénale, 2e éd., Berne 2004, no 472; STEPHAN BREITENMOSER,
Internationale Amts- und Rechtshilfe, in Peter Uebersax/Peter Münch/Thomas
Geiser/Martin Arnold [éd.], Ausländerrecht, Bâle 2002, n. 20.145 à 20.147),
car le grief doit de toute manière être écarté.

    Déterminer si les documents et informations transmis sont protégés
par le secret de la défense nationale relève exclusivement des autorités
françaises. La Suisse, qui a obtenu ces pièces et renseignements de
Taïwan, avec la permission expresse de les remettre à des Etats tiers,
dont la France, se borne à ce que les traités régissant l'entraide avec
la France lui commandent de faire. L'Etat requérant ne saurait exiger de
l'Etat requis d'appliquer en sa défaveur l'art. 2 let. b CEEJ qui a pour
but de protéger l'Etat requis et non l'Etat requérant. Si les autorités
françaises avaient voulu limiter l'entraide prêtée par la Suisse à ce qui
ne tomberait pas sous le coup du secret de la défense nationale, il leur
appartenait de le faire. Le Juge d'instruction a pris la précaution de
donner l'occasion à l'autorité requérante de se prononcer sur ce point et
la réponse qu'il a reçue est univoque. Le dommage qui pourrait résulter
du dévoilement du secret de la défense nationale ne pourrait être le fait
que des autorités françaises elles-mêmes. La Suisse n'encourrait aucun
reproche à cet égard.

Erwägung 5

    5.  Les recourants reprochent au Juge d'instruction d'avoir transmis
des pièces au Juge Van Ruymbeke de manière irrégulière.

    5.1  Dans le champ d'application de la CEEJ, les demandes d'entraide
et les pièces d'exécution sont transmises de ministère à ministère
(art. 15 par. 1 CEEJ). En cas d'urgence toutefois, elles peuvent être
communiquées directement d'autorité judiciaire à autorité judiciaire (art.
15 par. 2 CEEJ). A propos de cette dernière disposition, la France a fait,
au moment de ratifier la CEEJ, une réserve selon laquelle, même en cas
d'urgence, une copie de la demande doit être adressée au Ministère de la
justice. Pour ce qui concerne les relations entre la Suisse et la France,
l'art. XIV par. 1 de l'Accord du 28 octobre 1996 entre le Conseil fédéral
suisse et le Gouvernement de la République française en vue de compléter
la CEEJ (RS 0.351.934.92; ci-après: l'Accord complémentaire) prévoit
que les demandes sont adressées, en France, au Procureur général près la
Cour d'appel dans le ressort de laquelle la demande doit être exécutée
et, en Suisse, à l'autorité judiciaire compétente. Cette disposition
spéciale l'emporte sur la règle générale posée à l'art. 15 par. 2 CEEJ,
lu à la lumière de la réserve française. Elle ne fait aucune distinction
entre les demandes qui sont urgentes et celles qui ne le sont pas. Dans
le domaine de la Convention du 8 novembre 1990 relative au blanchiment,
au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBl;
RS 0.311.53), les demandes sont transmises par le canal de l'autorité
centrale instituée par cette Convention spéciale (art. 23 par. 1 CBl; en
France, le Ministère de la justice est l'autorité centrale, en Suisse,
l'Office fédéral, selon les déclarations faites par les deux Etats à
cette disposition). En cas d'urgence, les autorités judiciaires peuvent
communiquer directement entre elles; en ce cas, l'autorité centrale
de l'Etat requérant doit adresser une copie de la demande à l'autorité
centrale de l'Etat requis (art. 24 par. 2 CBl).

    5.2  Les recourants font valoir que le Juge d'instruction a, les 1er
et 2 octobre 2001, transmis directement au Juge Van Ruymbeke une demande
d'entraide complémentaire et des relevés bancaires, par le moyen de la
télécopie. Il n'y a pas lieu de s'y arrêter, car ces communications ont
été faites pour les besoins de la procédure P/8410/2001, laquelle est
exorbitante du présent recours.

    5.3  Les recourants contestent également la transmission directe du
Juge d'instruction à son homologue français de son courrier du 8 octobre
2003 (cf. consid. 4.4 ci-dessus). Cette intervention avait pour but
de faire confirmer ou infirmer, par l'autorité requérante, son intérêt
éventuel à recevoir, pour l'exécution de la demande d'entraide, des pièces
remises à la Suisse par les autorités de Taïwan. Il ne s'agissait pas
d'une demande d'entraide; partant, les art. 15 CEEJ et XIV de l'Accord
complémentaire ne trouvaient pas à s'appliquer.

    De toute manière, même à supposer que le Juge d'instruction ait
agi irrégulièrement, les recourants ne pourraient rien en tirer à leur
avantage. En effet, les règles relatives à l'acheminement des demandes
ménagent uniquement la souveraineté de l'Etat requis; elles n'ont pas
pour but de protéger la personne poursuivie, qui ne peut s'en prévaloir
(arrêt 1A.262/1993 du 8 février 1994).

Erwägung 6

    6.  Les recourants reprochent au Juge d'instruction d'avoir transmis
aux autorités françaises des moyens de preuve touchant au domaine secret,
en violation de l'art. 67a al. 4 EIMP.

    6.1  L'art. 67a EIMP est libellé de la manière suivante:

      "1. L'autorité de poursuite pénale peut transmettre spontanément

      à une

          autorité étrangère des moyens de preuve qu'elle a recueillis

          au cours de sa propre enquête, lorsqu'elle estime que cette

          transmission: a. est de nature à permettre d'ouvrir une

          poursuite pénale, ou b. peut faciliter le déroulement d'une

          enquête en cours.

       2. La transmission prévue à l'al. 1 n'a aucun effet sur la procédure

          pénale en cours en Suisse.

       3. La transmission d'un moyen de preuve à un Etat avec lequel la

          Suisse n'est pas liée par un accord international requiert

          l'autorisation de l'office fédéral.

       4. Les al. 1 et 2 ne s'appliquent pas aux moyens de preuve qui

          touchent au domaine secret.

       5. Des informations touchant au domaine secret peuvent être fournies

          si elles sont de nature à permettre de présenter une demande

          d'entraide à la Suisse.

       6. Toute transmission spontanée doit figurer dans un

          procès-verbal."

    L'art. 67a EIMP s'inspire de l'art. 10 CBl, aux termes duquel, sans
préjudice de ses propres investigations ou procédures, un Etat partie à
cette Convention peut, sans demande préalable, transmettre à un autre Etat
des informations sur les instruments et les produits (au sens de l'art. 1
CBl), lorsqu'il estime que la communication de ces informations pourrait
aider l'Etat destinataire à engager ou à mener à bien des investigations
ou des procédures, ou lorsque ces informations pourraient aboutir à la
présentation, par l'Etat destinataire, d'une demande d'entraide fondée
sur la CBl (quant aux rapports entre les art. 67a EIMP et 10 CBl, cf. ATF
129 II 544 consid. 3.5 p. 548/549).

    6.2  Le 20 juin 2001, le Juge d'instruction a informé le Juge
Van Ruymbeke du nouveau volet de son enquête concernant le contrat des
frégates. Cette communication est intervenue dans le cadre de la procédure
pénale nationale P/9740/1997. Elle a amené le Procureur de la République
de Paris à ouvrir une procédure pénale en France, confiée au Juge Van
Ruymbeke, et pour les besoins de laquelle celui-ci a demandé l'entraide
à la Suisse, le 13 octobre 2001. La communication spontanée du 20 juin
2001 a été faite en application de l'art. 67a al. 1 let. a EIMP. Seules
des informations pouvaient être transmises, à l'exclusion de moyens de
preuve (art. 67a al. 4 et 5 EIMP).

    Le courrier du 20 juin 2001 mentionne le contrat des frégates, le
rôle reproché à Wang Chuan-pu, ainsi que l'existence de comptes détenus
par les membres de sa famille auprès du Crédit Suisse et de la banque
Leu à Zurich. Il s'agit là d'informations touchant au domaine secret,
mais non de moyens de preuve (cf. ATF 129 II 544 consid. 3.4 p. 547/548;
125 II 356 consid. 12c p. 367; ROBERT ZIMMERMANN, op. cit., no 238).

    Le 26 juin 2001, le Juge d'instruction a présenté aux autorités
françaises une demande d'entraide pour les besoins de la procédure
pénale nationale P/8410/2001. Il a complété cette demande le 1er octobre
2001. Dès l'instant où l'autorité suisse requiert l'entraide à l'étranger,
il n'y a plus de place pour une transmission spontanée à l'Etat requis
(ATF 129 II 544 consid. 3.2 p. 546/547). L'art. 67a EIMP ne trouvait pas
à s'appliquer en l'occurrence.

    6.3  Les recourants estiment toutefois que la communication du 1er
octobre 2001 (ainsi qu'un document annexe transmis par télécopie le 2
octobre 2001), sous couvert d'une demande d'entraide, avait pour but de
transmettre aux autorités françaises des moyens de preuve que celles-ci
n'auraient pu obtenir, le cas échéant, qu'après l'entrée en force d'une
décision de clôture. Ce grief se rapporte à une demande d'entraide suisse à
l'étranger, entrée en force depuis plusieurs années, et que les recourants
ne sauraient remettre en discussion dans le cadre du présent recours.

    De toute manière, le grief devrait être écarté.

    6.3.1  La demande suisse adressée à l'étranger doit contenir un exposé
des faits pour lesquels l'entraide est demandée (cf. en l'occurrence les
art. 14 CEEJ, XIII de l'Accord complémentaire et 28 EIMP). Cet exposé doit
rester prudent et se limiter à ce qui est nécessaire pour la compréhension
et l'exécution de la demande (arrêt 1P.615/2000 du 7 novembre 2000,
consid. 2b et les arrêts cités).

    6.3.2  La demande complémentaire du 1er octobre 2001 avait pour
but d'éclaircir la provenance de fonds acheminés sur les comptes des
recourants, en particulier de montants très importants provenant de
comptes ouverts auprès de banques françaises, dont le Juge d'instruction
soupçonnait qu'ils puissent être détenus ou contrôlés par Thomson. Ce
complément visait à obtenir la documentation relative à ces comptes. En
annexe, le Juge d'instruction a joint la copie de vingt-quatre ordres de
virement attestant les mouvements de fonds entre les comptes des recourants
et ceux ouverts en France. Le 2 octobre 2001, le Juge d'instruction a
transmis à son homologue français un tableau récapitulatif des mouvements
suspects, en indiquant à chaque fois la provenance des fonds, leur montant,
la date du transfert, le compte bénéficiaire en Suisse et le titulaire
de celui-ci. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, ces
indications étaient indispensables aux autorités de l'Etat requis pour
s'assurer du caractère adéquat et nécessaire des investigations demandées
par le Juge d'instruction.

    6.4  Il semble que la transmission spontanée d'informations du 20
juin 2001 n'ait pas fait l'objet d'un procès-verbal, contrairement à ce
que prévoit l'art. 67a al. 6 EIMP. Cela étant, on peut admettre qu'en
joignant au dossier de la procédure pénale nationale P/9740/1997 la copie
du courrier adressé à l'autorité étrangère, le Juge d'instruction a, d'un
point de vue matériel, satisfait aux obligations que lui impose la loi
à ce propos. En revanche, le dossier ne contient aucune indication qui
confirmerait que la communication spontanée du 20 juin 2001 a été portée
à la connaissance de l'Office fédéral, comme l'impose la jurisprudence
(ATF 125 II 238 consid. 6d p. 249). Cette omission regrettable ne constitue
toutefois qu'un défaut mineur qui ne remet pas en cause le bien-fondé de
la démarche du Juge d'instruction.