Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 III 462



130 III 462

59. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause banque A. contre
banque B. (recours en réforme)

    4C.66/2004 du 1er juin 2004

Regeste

    Unwiderrufliches Akkreditiv mit hinausgeschobener Zahlung; Betrug;
Auszahlung vor dem Verfalltag; Art. 14e der "Einheitlichen Richtlinien und
Gebräuche für Dokumenten-Akkreditive" der Internationalen Handelskammer
(ERA 500).

    Streit zwischen der ausstellenden und der bestätigenden Bank,
die ein unwiderrufliches Akkreditiv mit aufgeschobener Zahlung vor dem
Verfalltag ausbezahlt hat (E. 3). Gerichtsstand und anwendbares Recht
(E. 4). Rechtsbeziehungen zwischen den Parteien (E. 5). Möglichkeit
der angewiesenen Bank, sich auf Betrug zu berufen, um die Zahlung zu
verweigern (E. 6). Die bestätigende Bank, die dem Begünstigten den
Betrag eines unwiderrufliches Akkreditivs mit aufgeschobener Zahlung
auf eigene Initiative vor dem Verfalltag ausbezahlt, hat die Folgen
eines nach der Auszahlung, aber vor dem Verfall entdeckten Betruges
zu tragen (E. 7). Art. 14e ERA 500 betrifft den Fall, in dem die Bank
die Dokumente nicht akzeptiert, so dass die bestätigende Bank sich
gegenüber der ausstellenden Bank im Fall eines nach dem Akzept der
scheinbar akkreditiv-konformen Dokumente festgestellten Betrugs nicht
darauf berufen kann (E. 8).

Sachverhalt

    C. est une société genevoise active notamment dans le commerce de
matières premières, qui était en relation d'affaires depuis plusieurs
années avec la banque B.

    A partir de 1998, C. a connu des difficultés financières, mais
B. n'en a eu connaissance qu'en juillet 1999. Jusqu'à cette année-là,
les opérations commerciales menées par C. et financées par B. s'étaient
déroulées régulièrement et la banque avait confiance en sa cliente.

    B. accordait des financements à C. sous forme d'avances en blanc
pour permettre à cette dernière d'acheter des métaux qu'elle revendait
ensuite. Le paiement des marchandises s'effectuait en "open account":
C. adressait à B. des instructions de paiement écrites, sans joindre les
factures, de sorte que la banque ignorait l'identité des fournisseurs. Le
prix des marchandises était versé par l'acheteur au moyen de lettres de
crédit à paiement différé que B. confirmait en général et escomptait à
C. avant l'échéance.

    Le 22 janvier 1999. B. a, sur instruction de C., débité le compte de
celle-ci de US$ 792'102.36 qu'elle a virés, sous forme d'avance en blanc
non garantie, sur le compte d'une société tierce auprès d'une autre banque.

    Le 22 février 1999, la banque A., dont le siège est à Dubaï, a émis
une lettre de crédit irrévocable, sur requête de la société F., sise aux
Emirats Arabes Unis, en faveur de C. pour un montant de US$ 851'700.

    Cet accréditif irrévocable devait être confirmé par B. sur requête
de A. Il était valable jusqu'au 21 avril 1999 et payable auprès de B. à
Genève, à 180 jours dès la date de présentation des documents à la banque
confirmante. Il se référait à 25'500 kg d'un alliage de plomb et d'argent
qui devait être expédié à Dubaï depuis un port européen.

    Le 24 février 1999, B. a notifié à C. la lettre de crédit en y ajoutant
sa confirmation.

    Le 26 février 1999, B. a reçu les documents. Après vérification, la
banque les a considérés comme conformes aux conditions de l'accréditif et,
le 2 mars 1999, elle les a transmis à A., signalant à la banque émettrice
qu'elle demanderait le paiement de US$ 851'599.80 à l'échéance, le 30
août 1999.

    Le 3 mars 1999, B. a crédité le compte de C. d'un montant de US$
820'075, soit la contre-valeur des documents présentés dans le cadre
de l'accréditif, sous déduction de commissions et de frais divers. Ce
paiement anticipé sous forme d'escompte est venu rembourser l'avance
en blanc consentie le 22 janvier 1999. Conformément à sa pratique, B.
n'en a pas avisé la banque émettrice.

    Le 9 mars 1999, sur la base des documents correspondant aux conditions
de l'accréditif, A. a endossé les connaissements et les a remis à F.,
afin que cette dernière puisse disposer de la marchandise. En échange,
F. a remis à A. des billets à ordre d'une valeur égale au montant de
l'accréditif échéant au 30 août 1999. A. n'a pas indiqué à B. qu'elle
s'était dessaisie des documents en faveur du donneur d'ordre.

    Le 10 mars 1999, A. a informé B. qu'elle acceptait les documents et
qu'elle payerait le montant dû selon l'accréditif à l'échéance.

    Au début du mois de mai 1999, B. a eu connaissance de rumeurs de
fraude perpétrée par F. et en a tout de suite informé C. A. a également
été alertée à la mi-mai 1999.

    A fin mai 1999, l'ICC-International Maritime Bureau, chargé d'enquêter
notamment sur les cas de fraude maritime, a appris que le contenu réel
du container qui devait être financé par l'accréditif litigieux n'était
pas conforme à ce qui avait été convenu. Elle en a informé A. le 27
mai 1999. Un second rapport de l'ICC du 15 juillet 1999 a confirmé que
la fraude s'étendait également au contenu du deuxième container concerné
par l'accréditif.

    L'enquête a révélé que, dans les opérations commerciales financées par
le biais de C., soit aucune marchandise n'était transportée, soit celle-ci
avait une valeur très inférieure à celle indiquée dans les documents.
L'argent non affecté à l'achat des marchandises était détourné par F. Le
préjudice global a été évalué à US$ 300 millions.

    C. était la bénéficiaire de l'accréditif et apparaissait ainsi comme la
venderesse. Il a toutefois été retenu que son rôle réel était difficile
à cerner et que cette société agissait plutôt comme un intermédiaire
financier. Elle n'avait, contrairement aux apparences, pas participé à
l'expédition des marchandises, mais elle savait que la vente financée
était fictive.

    La fraude étant avérée, A. et B. ont cherché en vain à trouver un
compromis.

    En août 1999, A. a déposé une plainte pénale à Genève contre les
responsables de C. Elle a également requis des mesures provisionnelles
urgentes en vue d'interdire à B. de lui réclamer à l'échéance le montant
de l'accréditif. Celles-ci ont été rejetées.

    A l'échéance du 30 août 1999, A. n'a pas payé à B. le montant de
l'accréditif et n'a pas obtenu, pour sa part, le paiement des traites
remises par F. le 9 mars 1999.

    Le 5 novembre 1999, B. a déposé à Genève une demande en paiement à
l'encontre de A., qui a été admise par le Tribunal de première instance,
condamnant cette dernière à verser à B. US$ 851'579.80, plus intérêt. Cette
sentence a été confirmée par la Cour de justice genevoise, dans un arrêt
du 12 décembre 2003.

    Contre cet arrêt, A. interjette un recours en réforme au Tribunal
fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.

    3.1  Selon l'arrêt entrepris, la défenderesse A. a émis, le 22 février
1999, une lettre de crédit irrévocable sur requête de F. en faveur de C.,
pour un montant de US$ 851'700. Cet accréditif était valable jusqu'au 21
avril 1999 et payable auprès de la demanderesse B. (la banque confirmante)
à Genève, à 180 jours dès la date de la présentation des documents. A
la fin du mois de février 1999, la demanderesse a confirmé le crédit
documentaire et a vérifié les documents qui paraissaient conformes aux
conditions de l'accréditif. Le 3 mars 1999, après avoir transmis les
documents à la banque émettrice et lui avoir signalé qu'elle demanderait le
paiement à l'échéance, la demanderesse a versé par anticipation le montant
de l'accréditif à C., sous déduction d'un escompte et de commissions,
sans en aviser la banque émettrice. Le 10 mars 1999, la défenderesse a
informé la demanderesse qu'elle acceptait les documents jugés conformes
et qu'elle paierait la somme due selon l'accréditif à l'échéance du 30
août 1999. Postérieurement au paiement anticipé, mais avant l'échéance,
une fraude a été révélée.

    Le litige oppose les deux banques parties à ce rapport d'accréditif
et revient à déterminer si, dans les circonstances qui viennent d'être
évoquées, la banque émettrice est ou non tenue de rembourser le montant
du crédit documentaire à la banque confirmante.

    3.2  La cour cantonale a admis les prétentions en paiement formées
par la banque confirmante. Elle a en substance relevé qu'il ne lui
appartenait pas de s'écarter de la jurisprudence suisse selon laquelle
il était possible d'escompter un accréditif à paiement différé, de
sorte qu'en payant de manière anticipée, la demanderesse n'avait pas
violé ses obligations contractuelles. Dès l'acceptation des documents,
par ailleurs correctement vérifiés, elle disposait ainsi d'une créance
envers la défenderesse. Les conséquences de la fraude révélée entre
le paiement anticipé et l'échéance de l'accréditif ont ensuite été
examinées. Tout en retenant que C. savait que la vente financée était
fictive, les juges ont souligné que la fraude était avant tout l'oeuvre
du donneur d'ordre. Ils n'en ont toutefois rien déduit, estimant que
seul un abus de droit de la part de la demanderesse permettrait à la
défenderesse de refuser valablement le remboursement de l'accréditif,
ce qui n'était pas le cas, puisqu'au moment de l'escompte, la fraude
n'était pas encore révélée. L'arrêt attaqué souligne encore que, comme
la défenderesse n'avait plus les documents à disposition, elle devait de
toute manière rembourser la demanderesse.

    3.3  Dans son recours en réforme, la défenderesse se plaint d'une
violation des art. 397 al. 1, 398 al. 2 et 402 al. 1 CO. Elle soutient
en résumé qu'en payant par anticipation, la banque confirmante ne s'est
pas conformée au mandat la liant à la banque émettrice et qu'elle a créé
une situation préjudiciable aux intérêts de sa mandante. De plus, comme
la demanderesse peut réclamer au bénéficiaire la restitution de la somme
versée, elle n'est pas légitimée à en exiger le remboursement auprès de
la banque émettrice. Enfin, la défenderesse relève que la motivation liée
à la non-remise des documents est totalement infondée.

    3.4  Avant d'examiner les critiques soulevées dans le recours, il
convient de vérifier le for et le droit applicable (cf. infra consid. 4),
puis de définir les caractéristiques du crédit documentaire en cause et
les relations juridiques entre les parties (cf. infra consid. 5).

Erwägung 4

    4.

    4.1  Le litige comporte des éléments d'extranéité, notamment en raison
du fait que la défenderesse est un établissement bancaire dont le siège
se trouve à Dubaï. Les parties n'ayant pas conclu de clause d'élection de
for ni de droit et en l'absence de traité international entre la Suisse
et les Emirats Arabes Unis, la LDIP est applicable (cf. art. 1 LDIP).

    S'agissant d'une dette d'argent, il n'est à juste titre pas contesté
que les tribunaux suisses sont compétents, le for du lieu d'exécution de
la prestation se situant à Genève, au siège de la banque qui invoque la
créance (cf. art. 113 LDIP; art. 74 al. 2 ch. 1 CO).

    Le droit applicable, désigné selon la lex fori, est celui avec lequel
le contrat présente les liens les plus étroits (art. 117 al. 1 LDIP). Dans
un litige portant sur les relations entre une banque confirmante et une
banque émettrice, on considère que c'est la banque confirmante qui fournit
la prestation caractéristique (ATF 119 II 173 consid. 2, rappelé in ATF
121 III 436 consid. 4b/bb). La demanderesse ayant son siège à Genève,
c'est donc bien le droit suisse qui est applicable, ce qui correspond du
reste au droit sur lequel les parties se fondent.

    4.2  Il y a également lieu de tenir compte des Règles et usances
uniformes de la Chambre de commerce internationale, dans leur version de
1993 (ci-après: RUU 500). En effet, bien que l'arrêt attaqué ne précise pas
si le crédit documentaire en cause renvoie aux RUU, ces règles trouvent de
toute manière application dans les rapports d'accréditif entre deux banques
(ATF 78 II 42 consid. 2; cf. en ce sens LOMBARDINI, Droit bancaire suisse,
Zurich 2002, p. 327 n. 36; GUGGENHEIM, Les contrats de la pratique bancaire
suisse, 4e éd., Genève 2000, p. 387).

Erwägung 5

    5.

    5.1  Dans le commerce international, l'accréditif ou crédit
documentaire est un instrument de garantie de paiement qui tend à protéger
les deux parties ayant conclu généralement une vente à distance (TEVINI DU
PASQUIER, Commentaire romand, n. 2 ad Appendice aux art. 466-471 CO),
en les assurant de l'exécution correcte du contrat (ATF 113 III 26
consid. 2a; KOLLER, Commentaire bâlois, n. 2 ad Anhang zum 18. Titel). Il
fait intervenir des intermédiaires indépendants et solvables, les banques,
qui jouent un rôle essentiel (DOHM, FJS no 314 p. 3). Ainsi, l'acheteur se
trouvant à l'étranger s'adresse à une banque située habituellement dans son
pays (la banque émettrice) et la charge de verser au vendeur le montant de
l'accréditif contre remise des titres prévus dans le crédit documentaire
(ATF 114 II 45 consid. 4b p. 49). La banque émettrice fait, pour sa part,
en général appel à une banque correspondante se trouvant dans le pays du
vendeur, afin qu'elle communique à celui-ci l'ouverture de l'accréditif,
voire qu'elle le confirme (ATF 113 III 26 consid. 2a p. 30).

    La relation d'accréditif entre le donneur d'ordre et la banque
émettrice se caractérise comme une combinaison entre un mandat (art. 394
ss CO) et une assignation (art. 466 ss CO; ATF 117 III 76 consid. 6a;
114 II 45 consid. 4a p. 48). Lorsqu'il est fait appel à une seconde
banque, le rapport entre les parties devient alors quadrangulaire (TEVINI
DU PASQUIER, Le crédit documentaire en droit suisse, thèse Genève 1990,
p. 15 s.; DOHM, FJS no 314 p. 18). Si cette banque confirme l'accréditif,
une relation identique à celle existant entre le donneur d'ordre et la
banque émettrice se noue entre cette dernière et la banque confirmante,
qui s'engage de la même manière envers le bénéficiaire (SCHÖNLE,
Rechtsprobleme des Dokumentenakkreditivs mit hinausgeschobener Zahlung, in
Droit des obligations et droit bancaire, Genève 1995, p. 241 ss, 242). La
banque confirmante est mandatée et assignée par la banque émettrice et
sous-mandataire du donneur d'ordre, alors que le bénéficiaire (le vendeur)
est deux fois assignataire (cf. ATF 114 II 45 consid. 4b p. 49). Les
règles du mandat, en particulier l'art. 402 CO, sont donc applicables
entre la banque émettrice et la banque confirmante (ENGEL, Contrats de
droit suisse, 2e éd., Berne 2000, p. 756). Ainsi, la banque confirmante
qui paie au bénéficiaire un crédit documentaire pourra obtenir de la banque
émettrice son remboursement sur la base de l'art. 402 al. 1 CO (GUGGENHEIM,
op. cit., p. 385). En payant le bénéficiaire, la banque n'acquiert pas par
subrogation la créance de ce dernier contre le donneur d'ordre (LOMBARDINI,
Droit et pratique du crédit documentaire, 2e éd., Bâle 2000, p. 23 n. 76).

    5.2  Le crédit documentaire irrévocable signifie que la banque
émettrice s'engage fermement à exécuter l'accréditif en faveur du
bénéficiaire, pour autant que les documents stipulés soient remis à la
banque désignée ou à la banque émettrice et que les conditions du crédit
soient respectées (art. 9a RUU 500). En l'absence d'indication, un crédit
documentaire est présumé irrévocable (cf. art. 6c RUU 500; DE GOTTRAU,
Le crédit documentaire et la fraude, thèse Genève 1999, p. 19).

    5.3  On parle de crédit documentaire à paiement différé lorsque
le moment de l'utilisation du crédit, c'est-à-dire le moment de la
présentation des documents, ne correspond pas au moment du paiement
(ATF 122 III 73 consid. 6a/aa p. 75 s.). Ce mode de réalisation a pour
fonction de procurer du crédit au donneur d'ordre et de le libérer
de l'obligation de s'exécuter trait pour trait (cf. ATF 100 II 145
consid. 4b p. 152). Ainsi, le paiement au bénéficiaire n'intervient pas au
moment où les documents sont levés, mais à une date ultérieure stipulée
dans le crédit; le donneur d'ordre peut donc entrer en possession de la
marchandise, avant d'en verser le prix. Il a alors la faculté de revendre
les biens avant l'échéance et sera en mesure de payer le montant du crédit
documentaire au jour prévu du règlement (ATF 122 III 73 consid. 6a/aa
p. 76 et les références citées).

Erwägung 6

    6.  Pour s'opposer à son obligation de rembourser le montant du crédit
documentaire irrévocable à paiement différé à la banque confirmante, la
défenderesse se prévaut d'une fraude. Il convient donc, dans un premier
temps, d'examiner si cet élément aurait permis à la banque assignée
de refuser le versement du montant de l'accréditif au bénéficiaire à
l'échéance. Ce n'est en effet que dans cette hypothèse qu'il faudra se
demander qui, de la banque émettrice ou de la banque confirmante, doit
en supporter les conséquences.

    6.1  Il découle des règles de l'assignation applicables au crédit
documentaire (cf. supra consid. 5.1) que, dès l'acceptation sans réserve
de l'assignation, la banque assignée est obligée d'effectuer le versement,
sans pouvoir faire valoir des exceptions tirées du rapport de provision ou
du rapport de valeur (art. 468 al. 1 CO; cf. ATF 127 III 553 consid. 2e/bb
p. 557; 124 III 253 consid. 3b p. 256). Il s'agit de la concrétisation
du principe de l'abstraction, qui est une règle essentielle du crédit
documentaire (DE GOTTRAU, thèse, op. cit., p. 191; KOLLER, op. cit., n. 16
ad Anhang zum 18. Titel). Seule l'existence d'un abus de droit (art. 2
al. 2 CC) permet à la banque assignée de ne pas fournir sa prestation
(ATF 115 II 67 consid. 2b p. 71 s.; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral
4C.344/2002 du 12 novembre 2003, consid. 5.1).

    La jurisprudence se montre toutefois très restrictive et n'admet la
faculté pour l'assigné de se prévaloir d'un abus de droit du fait d'un vice
affectant le rapport de valeur que dans des cas particulièrement graves
(arrêt du Tribunal fédéral 4C.172/2001 du 28 mars 2001, publié in PJA
2002 p. 464 ss, consid. 4b; en ce sens également ATF 100 II 145 consid. 4b
p. 151). Il faut que l'illicéité ou la contrariété aux moeurs de la créance
de base soit évidente; le vice doit être patent sur le plan juridique et
sa démonstration doit pouvoir être apportée de façon immédiate en fait;
le moment déterminant pour juger de la réalisation de ces conditions est
celui où l'assignataire réclame l'exécution de l'assignation; on admet que
l'assignataire abuse de son droit lorsqu'il sait ou doit savoir qu'il ne
dispose d'aucun droit actuel ou futur en vertu du rapport de valeur, sur la
base de preuves immédiatement disponibles (arrêt du 28 mars 2001 précité,
publié in PJA 2002 p. 467 ss, consid. 4c; confirmé in arrêt du 12 novembre
2003 précité, consid. 5.1). Tel est en particulier le cas s'agissant
d'un crédit documentaire en présence de machinations frauduleuses (ATF
100 II 145 consid. 4b p. 151), par exemple lorsqu'il est établi que la
vente à la base de l'accréditif porte sur des marchandises inexistantes
ou d'une valeur bien moindre que le montant que la banque s'est engagée
à verser à l'assignataire (KOLLER, Bemerkungen, PJA 2002 p. 464 ss, 469;
DE GOTTRAU, thèse, op. cit., p. 113; DOHM, FJS no 315 p. 15; SCHÜTZE,
Das Dokumentenakkreditiv im internationalen Handelsverkehr, 5e éd.,
Heidelberg 1999, p. 176).

    6.2  En l'espèce, il ressort des constatations cantonales qu'une
fraude a été révélée après le paiement anticipé par la demanderesse et
la vérification des documents par les banques, mais avant l'échéance de
l'accréditif. L'enquête menée par l'ICC a permis d'établir, fin mai 1999,
que le contenu réel du premier container qui devait être financé par
l'accréditif litigieux n'était pas conforme à ce qui était convenu et,
dans un rapport du 15 juillet 1999, l'ICC a confirmé qu'il en allait
de même s'agissant du deuxième container concerné par l'accréditif.
Ces opérations s'inséraient dans le cadre d'autres fraudes similaires, dans
lesquelles la marchandise à transporter était inexistante ou d'une valeur
très inférieure à celle indiquée dans les documents. C. apparaissait
formellement en qualité d'expéditrice et de venderesse, se faisant
rembourser par F. l'avance consentie par le biais d'une vente fictive,
payée par un accréditif à paiement différé d'ordre de cette dernière. Il a
toutefois été constaté que son rôle réel était difficile à cerner et que C.
semblait plutôt agir comme intermédiaire financier. Elle ne participait
pas à l'expédition des marchandises, mais elle savait que la vente financée
était fictive.

    Il découle de ces éléments qu'avant l'échéance de l'accréditif,
l'enquête de l'ICC a permis d'établir que les livraisons financées par
le crédit documentaire ne correspondaient pas à ce qui était convenu. Il
a également été constaté que C. était au courant du caractère fictif
de la vente, de sorte que, même si l'opération a été initiée par F.,
le bénéficiaire était également impliqué (cf. sur ce type de fraude:
DE GOTTRAU, thèse, op. cit., p. 113). La demanderesse ne peut donc être
suivie lorsqu'elle affirme que l'on est en présence d'une fraude émanant
du seul donneur d'ordre. En outre, il importe peu qu'aucun jugement
condamnatoire n'ait été prononcé avant le 30 août 1999, dès lors qu'il
suffit que la manoeuvre frauduleuse apparaisse évidente à ce moment,
ce qui est le cas en l'occurrence. Le montage litigieux s'inscrit du
reste dans le cadre d'une opération de grande envergure, citée comme un
exemple caractéristique de fraude dans l'accréditif à paiement différé
(cf. DE GOTTRAU, Crédit documentaire et garantie bancaire: fraude dans
l'accréditif à paiement différé et choix des parties citées dans les
mesures provisionnelles, in Journée 2001 de droit bancaire et financier,
Berne 2002, p. 65 ss, 67). Conformément à la jurisprudence précitée,
la banque assignée aurait donc pu valablement opposer l'exception d'abus
de droit à C. pour refuser le paiement de l'accréditif, si elle s'était
exécutée à l'échéance du 30 août 1999.

Erwägung 7

    7.  Dans ce contexte, il faut s'interroger sur les conséquences d'une
telle fraude quant à l'obligation de la banque émettrice de rembourser
à l'échéance la banque confirmante.

    7.1  Cette question, qualifiée de délicate et controversée par la
doctrine (cf. notamment DE GOTTRAU, Crédit documentaire, op. cit., p. 67),
suppose tout d'abord de déterminer si l'on peut reprocher à la banque
confirmante d'avoir violé ses obligations découlant du crédit documentaire
en versant le montant de l'accréditif au bénéficiaire avant l'échéance sous
forme d'un escompte, ce qu'affirme la défenderesse. Si tel devait être
le cas, cette dernière pourrait, en application de l'art. 398 al. 2 CO,
refuser de payer à l'échéance en invoquant la fraude subséquente avérée.

    7.1.1  Dans un arrêt datant de 1974, le Tribunal fédéral s'est
prononcé sur la problématique du paiement anticipé d'un accréditif à
paiement différé, alors que cet instrument n'était pas encore réglé dans
les RUU (cf. ATF 100 II 145 consid. 3c). Il a indiqué que, comme le crédit
documentaire à paiement différé ne sert qu'à procurer du crédit au donneur
d'ordre et à le libérer de l'obligation de s'exécuter trait pour trait,
la banque émettrice peut, sauf convention contraire et si l'assignataire
le souhaite, s'acquitter de son obligation de paiement avant l'échéance,
conformément à l'art. 81 CO. Ce faisant la banque ne viole pas l'art. 397
CO qui lui impose de suivre précisément les instructions du donneur d'ordre
(ATF 100 II 145 consid. 4c p. 151).

    7.1.2  La défenderesse soutient que cette jurisprudence n'est plus
applicable compte tenu des nouvelles dispositions figurant dans les RUU,
qui traitent désormais du crédit documentaire à paiement différé.

    L'art. 9a/ii des RUU 500 indique qu'en présence d'un crédit irrévocable
à paiement différé, la banque émettrice doit, pour autant que les documents
stipulés aient été remis et que les conditions du crédit soient respectées,
payer à la date ou aux dates d'échéance déterminable(s) conformément aux
stipulations du crédit. Si une banque confirmante intervient, l'art. 9b/ii
RUU 500 précise que la confirmation d'un crédit irrévocable constitue
un engagement ferme de la banque confirmante s'ajoutant à celui de la
banque émettrice, de sorte que, si le crédit est réalisable par paiement
différé, celle-ci doit également payer à la date ou aux dates d'échéances
déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit.

    Certains auteurs en déduisent qu'un paiement anticipé n'est pas
compatible avec l'accréditif à paiement différé tel que décrit à l'art. 9
RUU 500 (CAPRIOLI, Le crédit documentaire: évolution et perspectives,
Paris 1992, p. 246; LOMBARDINI, Droit bancaire, op. cit., p. 323 n. 22;
du même auteur, Droit et pratique, op. cit., p. 26 n. 85). Cette
position ne ressort toutefois pas clairement du texte de l'art. 9
RUU 500, de sorte que rien ne permet d'affirmer que la banque assignée
violerait les RUU en versant le montant du crédit documentaire à paiement
différé au bénéficiaire avant l'échéance (cf. en ce sens: DE GOTTRAU,
Crédit documentaire, op. cit., p. 77 s.). Sous l'angle du droit suisse,
il n'y a donc aucune raison de s'écarter de la position soutenue par la
Cour de céans dans l'arrêt de 1974, selon laquelle les règles du crédit
documentaire ne s'opposent pas à ce que la banque assignée, en application
de l'art. 81 al. 1 CO, paie de manière anticipée le montant de l'accréditif
à paiement différé (ATF 100 II 145). Cet avis est du reste partagé par
la doctrine majoritaire (cf. notamment GUGGENHEIM, op. cit., p. 402 s.;
STAUDER, Das Dokumentenakkreditiv mit hinausgeschobener Zahlung, in Liber
Amicorum A. Schnitzer, Genève 1979, p. 433 ss, 451; DOHM, FJS no 315 p. 13;
position différente, TEVINI DU PASQUIER, Le crédit documentaire, op. cit.,
p. 65 s.) et correspond à l'usage bancaire suisse et étranger (DE GOTTRAU,
Crédit documentaire, op. cit., p. 77; ENGEL, op. cit., p. 758).

    Par conséquent, à moins que les parties l'aient expressément exclu
(cf. art. 397 al. 1 CO), ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, il y a
lieu de considérer que la banque assignée ne viole pas les art. 394 ss
CO ou les RUU 500 lorsqu'elle s'acquitte du crédit documentaire avant
l'échéance.

    7.2  Il faut encore se demander si le donneur d'ordre ou la
banque émettrice peut tout de même se prévaloir d'une fraude révélée
postérieurement au paiement par anticipation pour refuser de rembourser
la banque assignée à l'échéance.

    7.2.1  Le Tribunal fédéral n'a pas directement abordé la question. Dans
l'ATF 100 II 145 précité, la Cour de céans, après avoir admis le principe
du paiement anticipé, a certes confirmé un jugement cantonal rejetant
l'action des donneurs d'ordre (acheteurs) qui invoquaient une fraude pour
essayer de récupérer les avoirs qu'ils avaient mis en gage auprès de la
banque, mais sans motiver précisément sa position.

    7.2.2  La doctrine est partagée sur le sujet.

    Pour les auteurs minoritaires qui soutiennent qu'en payant de manière
anticipée, la banque commet une irrégularité (cf. supra consid. 7.1.2),
il est logique que celle-ci ne puisse exiger d'être remboursée à l'échéance
si un cas de fraude survient (cf. en ce sens, CAPRIOLI, op. cit., p. 246;
TEVINI DU PASQUIER, Le crédit documentaire, op. cit., p. 65 s.).

    Parmi les tenants de la théorie majoritaire, selon laquelle le paiement
anticipé est compatible avec l'institution du crédit documentaire à
paiement différé, plusieurs courants se dégagent. Les uns, invoquant
l'ATF 100 II 145, considèrent que, dès lors que la fraude n'est pas
encore connue au moment du paiement anticipé, le donneur d'ordre ou la
banque émettrice ne peut invoquer l'art. 2 al. 2 CC pour s'exonérer de
ses obligations de payer à l'échéance, même si une fraude manifeste a été
découverte postérieurement (DE GOTTRAU, Crédit documentaire, op. cit.,
p. 89; DOHM, FJS no 315 p. 13; STAUDER, op. cit., p. 450 s.; VASSEUR,
Note in Recueil Dalloz/Sirey 1987 p. 399 ss, n. 14). En effet, une fois
les documents remis et le paiement effectué, même de manière anticipée,
les engagements irrévocables et inconditionnels de la banque émettrice ou,
le cas échéant, confirmante se figent (DE GOTTRAU, Crédit documentaire,
op. cit., p. 80 s.). D'autres auteurs estiment qu'en escomptant
l'accréditif, la banque assignée prend un engagement distinct du crédit
documentaire. En octroyant un prêt indépendant, elle agit à ses risques et
périls de sorte que, si une machination frauduleuse permettant de s'opposer
au paiement de l'accréditif est révélée avant l'échéance, c'est à la banque
qui a accordé le crédit d'en supporter les conséquences (SCHÜTZE, op. cit.,
p. 56; ESCHMANN, Der einstweilige Rechtsschutz des Akkreditiv-Auftraggebers
in Deutschland, England und der Schweiz, Neuwied 1994, p. 14; SCHÖNLE,
op. cit., p. 256 s.; aussi en ce sens: TEVINI DU PASQUIER, Commentaire,
op. cit., n. 15 s. ad Appendice aux art. 404-471 CO). Enfin, une partie
de la doctrine parvient également à cette dernière conclusion, mais sans
utiliser la construction juridique découlant du prêt. Elle considère que,
lorsqu'elle escompte un accréditif, la banque assignée prive le donneur
d'ordre de la possibilité d'invoquer un abus de droit pour s'opposer au
paiement si une fraude est révélée postérieurement au versement anticipé,
mais avant l'échéance prévue dans le crédit documentaire. C'est donc à la
banque qui a payé de manière anticipée d'en assumer le risque (NIELSEN,
Neue Richtlinien für Dokumenten-Akkreditive, Heidelberg 1994, n. 37 ad
art. 9 RUU; BÜHLER, Sicherungsmittel im Zahlungsverkehr, Zurich 1997,
p. 100).

    7.2.3  Les solutions adoptées par la jurisprudence étrangère sont
révélatrices de la diversité des conceptions doctrinales qui viennent
d'être évoquées.

    Ainsi, en Italie, il résulte d'une décision du Tribunal de Bologne
du 15 mai 1981 que la banque confirmante est en droit de payer avant
l'échéance en escomptant le crédit, après avoir constaté la régularité
formelle des documents. Si tel est le cas, alors elle peut prétendre à
être remboursée à l'échéance (sur cette jurisprudence, cf. DE GOTTRAU,
Crédit documentaire, op. cit., p. 73 s.; du même auteur, thèse, op. cit.,
p. 285 s.), ce qui laisse entendre qu'une fraude serait sans incidence.

    En Allemagne, le Bundesgerichtshof considère que le paiement d'un
accréditif avant l'échéance correspond à un prêt accordé par la banque
au bénéficiaire et celle-ci doit en assumer les risques (arrêt du 16 mars
1987 II ZR 127/86, publié in NJW 1987 p. 2578). Il convient toutefois de
préciser que cette jurisprudence se rapporte à une banque notificatrice,
seulement chargée de payer pour la banque émettrice et non d'une banque
confirmante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4P.28/1997 du 15 décembre 1997,
publié in SJ 1998 p. 388, consid. 2b/bb; DE GOTTRAU, Crédit documentaire,
op. cit., p. 73).

    En France, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans une
décision du 7 avril 1987 confirmant un arrêt de la Cour d'appel de Paris
(Recueil Dalloz/Sirey 1987, Jurisprudence p. 399), a admis que la banque
confirmante qui paie avant l'échéance peut se voir opposer l'exception de
fraude, car la réalisation du crédit documentaire à paiement différé se
situe au moment de l'échéance convenue (cf. CAPRIOLI, op. cit., p. 264 s.;
DE GOTTRAU, Crédit documentaire, op. cit., p. 74; critique, VASSEUR, op.
cit., n. 9 ss).

    Enfin, la jurisprudence anglaise a adopté une position se rapprochant
des tribunaux français. Elle soutient également que la pratique bien
établie du paiement anticipé du crédit réalisable par paiement différé
est admissible, mais que la créance du bénéficiaire envers la banque
confirmante n'intervient qu'à l'échéance convenue. La banque confirmante
qui prend la décision seule de payer par anticipation le bénéficiaire doit
supporter le risque de découverte d'une fraude avant l'échéance (arrêt
de la High Court of Justice de Londres du 9 juin 1999, résumé in Revue de
Droit Bancaire et Financier 2000/1 p. 22; DOISE, Contrats internationaux,
Lamy tome 7, Paris 1999, n. 700). Cette décision a été confirmée par la
Court of Appeal le 25 février 2000 (cas no QBCMF 1999/0673/A3; cf. à ce
sujet DE GOTTRAU, Crédit documentaire, op. cit., p. 74 s.).

    7.3  Il ressort de ce survol doctrinal et jurisprudentiel que la
position soutenue dans l'ATF 100 II 145, selon laquelle la banque assignée
ne viole pas ses obligations contractuelles en versant au bénéficiaire le
montant du crédit documentaire à paiement différé avant l'échéance, est
en l'état actuel largement admise. Même si les constructions juridiques
proposées divergent, une tendance nette se dessine également, tant dans
la doctrine que dans la jurisprudence étrangère, pour reconnaître que
la banque qui agit de la sorte doit en supporter elle-même les risques,
notamment si un cas de fraude est révélé après le paiement anticipé,
mais avant l'échéance de l'accréditif.

    7.4  Cette conception paraît convaincante.  En effet, l'accréditif
irrévocable à paiement différé prévoit, par définition, un délai entre
la présentation des documents et le paiement. A moins que les parties
ne l'aient expressément exclu, les relations juridiques régissant le
crédit documentaire ne s'opposent pas à ce que la banque émettrice ou,
le cas échéant, la banque confirmante verse par anticipation le montant
de l'accréditif au bénéficiaire. Si un tel procédé est admissible, il ne
saurait en revanche permettre à la banque qui a payé avant l'échéance de
modifier unilatéralement et à son avantage les termes de l'accréditif à
paiement différé, alors que, comme le rappelle l'art. 9d/i RUU 500, une
fois ouvert, le crédit documentaire irrévocable ne peut être modifié sans
l'accord de toutes les parties. Dans l'hypothèse où l'on refuserait au
donneur d'ordre ou à la banque émettrice en cas de rapport quadrangulaire
(cf. supra consid. 5.1) la possibilité de se prévaloir d'une fraude
découverte postérieurement au paiement anticipé pour s'opposer au
remboursement de la banque confirmante assignée à l'échéance, on laisserait
cette dernière se prémunir unilatéralement contre un tel risque. Il lui
suffirait d'escompter l'accréditif le plus rapidement possible après
l'acceptation des documents, pour éviter toute objection liée à une
fraude découverte postérieurement. Par conséquent, si elle reste libre
de payer par anticipation un accréditif irrévocable à paiement différé
sans en aviser la banque émettrice, la banque confirmante qui procède de
la sorte doit assumer les risques d'une fraude révélée postérieurement
à l'escompte accordé, mais avant l'échéance du crédit documentaire.

    L'objection liée au caractère abstrait du crédit documentaire invoquée
par la cour cantonale et la demanderesse ne résiste pas à l'examen. S'il
est vrai que le crédit documentaire à paiement différé n'a pas pour but de
permettre au donneur d'ordre de vérifier l'état de la marchandise dans le
délai de paiement ou de le protéger contre une fraude éventuelle (ATF 100
II 145 consid. 4b), sous peine de faire perdre à l'accréditif sa fonction
de garantie de paiement (GUGGENHEIM, op. cit., p. 401), il n'en demeure pas
moins que l'exception tirée de l'art. 2 al. 2 CC en cas de fraude constitue
précisément une situation exceptionnelle dans laquelle il est admis que
l'on puisse s'écarter de l'abstraction documentaire. En faisant supporter
les risques du paiement anticipé à la banque qui procède à l'escompte,
on n'accorde pas à la banque émettrice ou au donneur d'ordre davantage
de droits que ceux dont ils auraient disposé si le crédit documentaire
avait été payé à l'échéance.

Erwägung 8

    8.  Il reste à examiner si la cour cantonale pouvait se fonder
sur l'art. 14e RUU 500 pour condamner la défenderesse à rembourser à
la demanderesse le montant de l'accréditif malgré la fraude, au motif
que la banque émettrice n'était plus en mesure de restituer à la banque
confirmante les documents en cause.

    L'art. 14e RUU 500 impose tant à la banque émettrice qu'à la banque
confirmante un certain formalisme relatif au refus des documents (DOISE,
op. cit., n. 669). Il vise le cas où la banque n'entend pas accepter les
documents (cf. NIELSEN, op. cit., n. 102 ad art. 14 RUU) et prévoit
qu'elle doit alors les refuser et les rendre intacts à celui qui les
a présentés ou les tenir à sa disposition. Si elle a fait usage d'une
autre manière de ces documents et ne peut ainsi les restituer ou les
tenir à disposition, la banque sera réputée avoir accepté les documents
sans réserve (DOHM, FJS no 314 p. 16).

    Comme le relève pertinemment la défenderesse, l'art.  14e RUU 500
ne concerne que la procédure liée à l'acceptation des documents. Or,
en cas de fraude découverte postérieurement, les documents qui avaient
l'apparence de la conformité ont, par définition, été acceptés. Cette
disposition ne saurait donc empêcher la banque qui s'aperçoit par la suite
qu'elle a été trompée de se prévaloir d'une fraude, pour la seule raison
qu'après avoir accepté sans réserve des documents conformes en apparence
aux conditions de l'accréditif, elle en a disposé. La cour cantonale ne
pouvait donc donner suite aux prétentions de la demanderesse en faisant
abstraction de la fraude, sous prétexte que la défenderesse ne s'était
pas conformée aux exigences formelles de l'art. 14e RUU 500.

Erwägung 9

    9.  Dans ces circonstances, le recours doit être admis et l'arrêt
attaqué annulé, ce qui implique le rejet des conclusions en paiement
prises par la demanderesse à l'encontre de la défenderesse.