Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 130 III 28



130 III 28

4. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause A. contre X. SA
(recours en réforme)

    4C.223/2003 du 21 octobre 2003

Regeste

    Fristlose Kündigung; wichtiger Grund; Art. 337 OR; neues rechtliches
Vorbringen.

    Der Arbeitgeber ist befugt, einen Arbeitnehmer, welcher die gesamte
elektronische Post seines Vorgesetzten ohne dessen Wissen in seinen eigenen
elektronischen Briefkasten umgeleitet hat, fristlos und ohne Vorwarnung
zu entlassen (E. 3 und 4.1-4.3).

    Verspätete Erklärung der Kündigung als neues rechtliches
Vorbringen. Frage in Ermangelung genügender tatsächlicher Feststellungen
offengelassen (E. 4.4).

Sachverhalt

    A. est entré au service de X. SA en 1995 en qualité de collaborateur
de vente. Il était sous les ordres de B., directeur des bureaux de la
société à W. A. s'est investi sans compter pour X. SA et il formait
avec B. une bonne équipe, qui a contribué à améliorer les résultats
de l'entreprise.

    Dans le courant de l'année 1998, une messagerie électronique a été
installée dans les bureaux de W. Deux adresses ont été créées, une adresse
professionnelle, ouverte à tous les employés du site, et une adresse privée
destinée à B. Ces deux adresses étaient protégées par un nom d'utilisateur
et un mot de passe. L'idée de configurer une adresse distincte pour le
directeur émanait de A., qui a procédé à son installation.

    Gravement atteint dans sa santé, B. a été incapable de travailler
d'octobre à décembre 1999. Durant son absence, il a chargé A. du suivi
des affaires de la société et l'a autorisé à consulter et à utiliser
l'adresse professionnelle de l'entreprise, ce qui allait de soit, dans
la mesure où cette adresse était ouverte à tous. Malgré sa maladie,
le directeur a continué de superviser la gestion de la société.

    L'adresse personnelle de B. était utilisée à des fins professionnelles
et privées. Elle servait à l'échange d'informations sensibles de B. avec
la direction centrale de X. SA et avec des tiers. Les différents
messages traitaient notamment des budgets annuels, des salaires des
collaborateurs de l'entreprise, y compris celui de A., et de l'exécution
de leur travail. B. utilisait également cette messagerie pour informer la
direction centrale de l'évolution de son état de santé et pour adresser des
courriers de nature privée à d'autres correspondants. A. ne pouvait ignorer
le caractère privé de ce compte, dont l'utilisation a été particulièrement
intense durant la maladie du directeur.

    En juin 2000, le disque dur de l'ordinateur de B. a subi une panne. En
examinant l'ordinateur, le réparateur a découvert que l'adresse personnelle
du directeur avait été dupliquée sur l'adresse privée de A., ce qui
signifiait que celui-ci recevait une copie de tous les messages envoyés au
directeur sur son compte personnel, ce que ce dernier ne pouvait remarquer
en accédant à sa propre messagerie. B. a été surpris de cette découverte.

    Grâce à cette déviation, A. s'était aménagé un accès à toute la
messagerie électronique du directeur. Aussi bien au bureau qu'à la
maison, il pouvait consulter, depuis son ordinateur, sous son propre nom
d'utilisateur et mot de passe, les e-mails parvenant à cette adresse. Il
n'avait pas besoin de taper le nom d'utilisateur du directeur ni son mot
de passe. En principe, les messages envoyés ne peuvent être lus que sur
l'installation qui les a créés et envoyés, mais, dans l'hypothèse où le
destinataire d'un message envoyé par B. lui répondait sans supprimer
le message initial, A. avait également accès aux messages envoyés par
le directeur.

    Il n'a pas été établi que A. ait pris connaissance d'e-mails privés
ni qu'il ait divulgué une quelconque information sur l'état de santé de B.

    Le 15 juin 2000, X. SA, se référant à un entretien du 13 courant, a
confirmé à A. qu'il était licencié avec effet immédiat, en mentionnant le
détournement des messages électroniques. Considérant un tel licenciement
comme injustifié, A. a offert ses services, ce que X. SA a refusé.

    En automne 2000, A. a introduit une action en justice, réclamant
notamment une indemnité pour licenciement injustifié. La Cour civile
cantonale l'a débouté, considérant que X. SA était en droit de résilier
avec effet immédiat son contrat de travail.

    Contre le jugement cantonal, A. a interjeté un recours en réforme au
Tribunal fédéral, qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.  La cour cantonale a considéré en substance que le seul fait,
pour le demandeur, d'avoir dévié sur son adresse privée l'adresse du
directeur constituait une atteinte grave aux droits de la personnalité de
son supérieur hiérarchique, alors que ni le consentement de la victime,
ni la mission confiée ou l'intérêt prépondérant de la défenderesse
ne permettait de la justifier. Un tel comportement constituait à lui
seul un juste motif de licenciement immédiat, car il était de nature
à rompre irrémédiablement la confiance de la défenderesse à l'égard
de son employé. Dans cette appréciation, il importait peu de savoir
si le demandeur s'était abstenu de prendre connaissance des messages
privés figurant sur ce compte, s'il avait divulgué des informations
confidentielles ou si la défenderesse avait subi un dommage matériel.

Erwägung 4

    4.  Invoquant une violation de l'art. 337 CO, le demandeur reproche en
substance à la cour cantonale d'avoir admis l'existence d'un juste motif de
résiliation immédiate, sans avertissement préalable, alors qu'il n'était
pas établi qu'il ait pris connaissance de messages de nature privée reçus
sur la messagerie du directeur ni a fortiori qu'il les ait divulgués. En
outre, le délai entre la découverte du détournement de la messagerie et
son licenciement serait trop long.

    4.1  Selon l'art. 337 al. 1 1re phrase CO, l'employeur et le
travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour
de justes motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes
les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent
pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports
de travail (cf. art. 337 al. 2 CO).

    Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs
doit être admise de manière restrictive (ATF 127 III 351 consid. 4a et
les références cités). D'après la jurisprudence, les faits invoqués à
l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport
de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un
manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement
immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une
résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF
129 III 380 consid. 2.1). Par manquement du travailleur, on entend en règle
générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail (ATF
127 III 351 consid. 4a p. 354 et les arrêts cités), mais d'autres incidents
peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (cf. ATF 129 III 380
consid. 2.2). Une infraction pénale commise au détriment de l'employeur
constitue, en principe, un motif justifiant le licenciement immédiat du
travailleur (ATF 117 II 560 consid. 3b p. 562). Le comportement des cadres
doit être apprécié avec une rigueur accrue en raison du crédit particulier
et de la responsabilité que leur confère leur fonction dans l'entreprise
(ATF 127 III 86 consid. 2c p. 89).

    Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3
CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet
effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier,
notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la
durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des
manquements (ATF 127 III 351 consid. 4a p. 354; 116 II 145 consid. 6a
p. 150). Le Tribunal fédéral revoit avec réserve la décision d'équité prise
en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte
sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en
matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui,
dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou à l'inverse,
lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être
pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en
vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 129 III 380
consid. 2 p. 382; 127 III 153 consid. 1a p. 155, 351 consid. 4a p. 354).

    4.2  Selon l'art. 13 Cst., toute personne a droit au respect de sa vie
privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations
qu'elle établit par la poste et les télécommunications. Le Tribunal fédéral
a considéré que le courrier électronique par le biais d'Internet était
couvert par le secret des communications (ATF 126 I 50 consid. 6a p. 65
s.). Le simple fait de connaître les adresses et la période à laquelle
l'utilisateur a envoyé ou reçu des messages constitue déjà une violation
de ce secret (cf. ATF 126 I 50 consid. 6b p. 66). Certes, les droits
fondamentaux servent en premier lieu à défendre les individus contre les
atteintes des pouvoirs publics, mais leur portée peut se révéler utile
dans la détermination de ce qui est tolérable dans les relations entre
particuliers (cf. ATF 119 Ia 28 consid. 2).

    Sur le plan pénal, l'art. 143bis CP punit celui qui, sans dessein
d'enrichissement, se sera introduit sans droit, au moyen d'un dispositif
de transmission de données, dans un système informatique appartenant à
autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part. Tombe sous
le coup de cette disposition la personne qui, généralement par défi,
parvient à pénétrer dans un système informatique protégé contre tout
accès indu. Il suffit qu'il n'y ait plus de barrières informatiques qui
puissent sérieusement l'empêcher de prendre connaissance des données (cf.
CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, n. 5 ss
ad art. 143bis CP). Il s'agit d'une violation du domicile informatique
d'autrui (MOREILLON, Nouveaux délits informatiques sur Internet, Medialex
2001 p. 21 ss, 22).

    Dans les relations entre particuliers enfin, l'art.  28 CC garantit
le droit au respect de la sphère privée, qui comprend les événements que
chacun veut partager avec un nombre restreint d'autres personnes (ATF 97 II
97 consid. 3 p. 101). En font partie les informations de nature personnelle
transmises au moyen de la messagerie électronique (cf. en ce sens GEISER,
Die Beaufsichtigung des Internetbenutzers im Arbeitsrecht, Medialex 2001
p. 201 s.). L'irruption d'un tiers dans cette sphère, notamment pour
rassembler des informations, constitue une atteinte à la personnalité
(BUCHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4e éd.,
Bâle 1999, p. 111 s.). Cette atteinte est d'autant plus grave qu'elle
concerne la sphère secrète, c'est-à-dire des événements dont l'individu
n'entend partager la connaissance qu'avec des personnes auxquelles ces
faits ont été spécialement confiés, telles les données sur la santé (ATF
119 II 222 consid. 2b/aa p. 225) ou relevant de la vie professionnelle
(BUCHER, op. cit., p. 112). Selon l'art. 28 al. 2 CC, une atteinte est
illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la
victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi.

    4.3  En l'espèce, il ressort des constatations cantonales, d'une
manière qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2
OJ), que le demandeur, auquel le suivi des affaires de la société avait
été confié pendant la maladie de son directeur, s'était aménagé un accès,
depuis son ordinateur personnel, à toute la messagerie électronique de
son patron, alors qu'il connaissait le caractère privé de l'adresse du
directeur. Grâce à ce système, il pouvait, depuis le bureau ou la maison,
entrer dans la messagerie de ce dernier sous ses propres données, sans
avoir à taper le nom d'utilisateur ni le mot de passe du directeur. Il
a été relevé que celui-ci n'était pas au courant de la déviation,
dont il n'a eu connaissance qu'en juin 2000, lors de la réparation
de son ordinateur. Il ressort également des faits constatés que ni la
mission de gestion confiée au demandeur, ni un intérêt prépondérant de
la défenderesse ne justifiaient une telle déviation. Dans ce contexte,
même s'il n'a pas été possible de prouver que le demandeur ait pris
connaissance des messages de caractère privé ou, a fortiori, qu'il
ait divulgué les informations s'y trouvant, le seul fait qu'il se soit
aménagé la possibilité d'y avoir librement accès porte déjà atteinte au
secret des communications et constitue une violation de la sphère intime
du directeur, voire une infraction pénale. La cour cantonale pouvait donc,
sans abuser de son pouvoir d'appréciation, admettre qu'un tel comportement
était de nature à entraîner la perte du rapport de confiance constituant
le fondement du contrat de travail, ce qui permettait à l'employeur d'y
mettre fin avec effet immédiat, sans avertissement préalable.

    Le comportement du demandeur, qui s'est créé la possibilité de
consulter des informations de nature personnelle qui ne lui étaient
pas destinées, ne saurait être assimilé au simple fait de copier une
liste de clients de son employeur, sans exploiter ni communiquer ces
données. La jurisprudence cantonale dont le demandeur se prévaut (cf.
référence citée in FAVRE/MUNOZ/TOBLER, Le contrat de travail, Lausanne
2001, no 1.55 ad art. 337 CO p. 215) ne lui est donc d'aucun secours. Au
demeurant, le Tribunal fédéral n'est pas lié par des précédents dont il
n'a pas eu à connaître (ATF 129 III 225 consid. 5.4 et les arrêts cités).

    4.4  Le demandeur invoque le caractère tardif du licenciement.

    Comme le souligne la défenderesse, il s'agit d'un argument nouveau,
qui ne relève toutefois pas du fait, mais du droit. Selon la jurisprudence,
une argumentation juridique nouvelle est admissible, à condition qu'elle
reste dans le cadre de l'état de fait ressortant de la décision attaquée
(cf. ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311 s.; 123 III 129 consid. 3b/aa
p. 133; 107 II 465 consid. 6a p. 472).

    Le Tribunal fédéral considère que la partie qui résilie un contrat
de travail en invoquant de justes motifs ne dispose que d'un court
délai de réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations
(ATF 123 III 86 consid. 2a et les arrêts cités). Un délai général de
deux à trois jours ouvrables de réflexion est présumé approprié; un délai
supplémentaire n'est accordé à celui qui entend résilier le contrat que
lorsque les circonstances particulières du cas concret exigent d'admettre
une exception à la règle (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4C.345/2001 du
16 mai 2002, consid. 3.2; 4C.382/1998 du 2 mars 1999, consid. 1a et b; cf.
ATF 93 II 18).

    L'examen du caractère tardif du licenciement supposerait ainsi, dans
le cas d'espèce, de savoir précisément à quelle date la défenderesse a
eu connaissance du détournement de la messagerie du directeur opéré par
le demandeur. Le jugement attaqué mentionne seulement le début du mois de
juin 2000, alors que la résiliation est intervenue le 13 juin suivant. Sur
la base de ces seuls éléments, il n'est pas possible de déterminer si
le délai de deux à trois jours ouvrables fixé par la jurisprudence a été
respecté et, si tel n'était pas le cas, s'il existait des circonstances
particulières justifiant un délai plus long, comme l'absence du demandeur
pour cause de vacances qu'évoque la défenderesse. A défaut de constatations
de fait suffisantes, il ne sera par conséquent pas entré en matière.