Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 V 411



129 V 411

64. Arrêt dans la cause S. Q. contre Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger, concernant I. Q., décédé en mars 1999, et Commission fédérale
de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger

    I 841/02 du 25 juin 2003

Regeste

    Art. 29 Abs. 1 BV; Art. 6 Ziff. 1, Art. 41 EMRK: Sanktion bei
Rechtsverzögerung.

    Die Feststellung einer unzulässigen Rechtsverzögerung stellt für den
Betroffenen eine Art Genugtuung dar. Im Hinblick auf die konkrete und
tatsächliche Tragweite der durch die Europäische Menschenrechtskonvention
garantierten Rechte kann eine erkannte Verletzung im Dispositiv
des Urteils des Eidgenössischen Versicherungsgerichts festgehalten
werden. Die Rechtsprechung im Bereich des Strafrechts, welche es
unter bestimmten Voraussetzungen erlaubt, an die Feststellung einer
ungerechtfertigten Verzögerung materielle Rechtswirkungen zu knüpfen,
kann nicht angerufen werden, wenn die wegen übermässiger Verfahrensdauer
verlangte Wiedergutmachung in der Zusprechung einer (positiven) Leistung
des Staates in Form einer Sozialversicherungsleistung besteht.

    Art. 29 Abs. 1 lit. b IVG: Nachweis der Arbeitsunfähigkeit.

    Frage offen gelassen, ob die Unmöglichkeit einer Begutachtung
im konkreten Fall dazu führt, dass die Verwaltung die Folgen der
Beweislosigkeit für die Arbeitsunfähigkeit im massgebenden Zeitpunkt zu
tragen hat.

Sachverhalt

    A.- I. Q., né en 1948, originaire du Kosovo, est entré en Suisse en
1977. Du 1er septembre 1979 au 10 mai 1988, il a travaillé au service de
la société H. Il a abandonné cet emploi sans préavis. Dès le 1er août
1988 jusqu'au 31 janvier 1990, il a travaillé au service de E. AG. Les
rapports de travail ont été résiliés par l'employeur en raison d'absences
répétées du travailleur et du non-respect des directives de l'employeur. Du
21 mars 1990 au 31 mai 1990, I. Q. a oeuvré au service de W. Selon ce
dernier employeur, les rapports de travail ont été résiliés en raison de
difficultés relationnelles avec les autres collaborateurs de l'entreprise,
difficultés dues au caractère quelque peu bizarre de l'intéressé, ainsi
qu'à des problèmes de compréhension linguistique.

    Du 8 avril 1988 au 15 avril 1988, I. Q., a été hospitalisé à l'Hôpital
X. à la suite d'un état dépressif, avec tendance marquée à la somatisation,
consécutif au décès de l'un de ses enfants. Selon son médecin traitant
d'alors, le docteur A., il a été totalement incapable de travailler du
24 mars 1988 au 1er mai 1988.

    Le 18 juillet 1990, la police des étrangers du canton de Lucerne
a décidé de ne pas renouveler à I. Q. son autorisation de séjour qui
venait à échéance le 15 juillet 1990. Le 20 août 1990, l'Office fédéral
des étrangers a étendu à tout le territoire suisse les effets de cette
mesure. Le même jour, ledit office a prononcé le renvoi de l'intéressé
et de toute sa famille du territoire suisse, avec effet au 24 août
1990 jusqu'au 23 août 1993. I. Q. a recouru contre ces décisions. Le
17 septembre 1990, il a quitté la Suisse. Statuant le 5 juillet 1991,
le Département fédéral de Justice et Police a rejeté les recours formés
contre les décisions susmentionnées. Cette décision de rejet était
motivée par le fait que l'intéressé avait perdu son travail en raison
de son comportement à l'égard de ses employeurs précédents, ainsi que de
ses collègues de travail. Il était à craindre qu'après épuisement de ses
indemnités de chômage, il tombe à la charge de l'assistance publique,
faute de trouver un nouvel employeur qui soit disposé à l'engager.

    B.- Le 20 juillet 1992, agissant par l'entremise d'un cousin
résidant en Suisse, I. Q. a adressé à la Caisse de compensation du
canton de Lucerne une demande de prestations de l'assurance-invalidité,
en indiquant qu'il avait "perdu la raison" après avoir absorbé une
boisson, à une époque où il résidait encore en Suisse. Le 23 novembre
1992, il a fait parvenir à la Caisse suisse de compensation une formule
dûment remplie d'inscription pour l'obtention d'une rente d'invalidité
à l'intention des ressortissants étrangers qui ont leur domicile hors de
Suisse. Le 15 février 1993, il a communiqué à la caisse de compensation un
certificat du docteur B., établi le 3 février 1993 à P. Selon ce certificat
(traduction), l'intéressé présente un comportement qui se situe dans la
norme. Le contact verbal s'établit facilement et se maintient. Il n'y
a pas de signes manifestes de "psychosité". Après un long entretien,
le patient verbalise des événements liés à des idées d'empoisonnement,
avec une certaine distance toutefois. Le docteur B. signale encore que
le patient n'a pas consulté de médecin depuis son retour de Suisse mais
que des contrôles psychiatriques réguliers sont néanmoins nécessaires.

    Par décision du 15 décembre 1993, la Caisse suisse de compensation a
rejeté la demande de rente. Elle a considéré que le requérant n'avait pas
subi d'incapacité de travail avant son départ de Suisse en 1990. Depuis
lors, il n'était assuré ni à l'AVS/AI, ni en Yougoslavie, faute d'avoir
versé des cotisations à l'assurance sociale yougoslave. Même s'il était
devenu invalide après 1990, il ne pouvait prétendre une rente d'invalidité,
la condition d'assurance n'étant plus réalisée.

    Statuant le 10 avril 1995, la Commission fédérale de recours en
matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger (ci-après: la
commission) a admis le recours formé contre cette décision par I. Q. Elle
a renvoyé la cause à l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger
(ci-après: l'office AI) pour complément d'instruction et nouvelle décision.
Elle a mis à la charge de l'office AI une indemnité de dépens de 1'000 fr.
Selon la commission, un complément d'instruction était nécessaire pour
déterminer si l'intéressé avait ou non été affilié aux assurances sociales
yougoslaves après son départ de Suisse. L'office AI était en outre invité
à mettre en oeuvre une expertise psychiatrique.

    C.- L'office AI a procédé à diverses mesures d'instruction. Il a
établi qu'I. Q. avait été affilié aux assurances sociales yougoslaves
du 3 décembre 1975 au 3 mars 1976. L'office AI a pris par ailleurs
des renseignements auprès du docteur A. à propos de l'hospitalisation
d'I. Q. à l'Hôpital X. en 1988. Ce médecin a confirmé que le patient
avait été traité pour une réaction dépressive avec une tendance marquée
à la somatisation. La dernière consultation chez ce médecin remonte au
10 mai 1988; le patient n'a pas été adressé à un autre médecin (rapport
du 16 juillet 1996).

    Sur la base de ces éléments, l'office AI a renoncé à mettre en
oeuvre une expertise, considérant que l'intéressé n'avait pas présenté
d'incapacité de travail susceptible d'ouvrir droit à une rente. Le 2
décembre 1996, il a rendu une nouvelle décision de refus de rente.

    Saisie d'un nouveau recours formé par I. Q., la commission de recours a
renvoyé une nouvelle fois la cause à l'office AI pour qu'il mette en oeuvre
une expertise psychiatrique (jugement du 20 mars 1998). La commission a
retenu que l'intéressé n'était certes plus assuré dans son pays d'origine
depuis le mois de mars 1976. Une expertise était toutefois nécessaire
pour déterminer s'il y avait eu survenance d'un cas d'assurance à une
époque où I. Q. remplissait la condition d'assurance.

    D.- L'office AI a tenté de mettre en oeuvre l'expertise ordonnée par
la commission de recours. Cinq experts ont été successivement pressentis
par l'office, mais tous ont refusé le mandat qu'il entendait leur confier,
pour cause soit de maladie ou de surcharge de travail. Finalement, le
docteur C., à G., s'est déclaré prêt à accepter un mandat d'expertise. Par
lettre du 29 novembre 1999, l'office AI en a informé l'avocat du recourant,
en lui demandant de lui faire part de ses objections éventuelles et, le
cas échéant, de proposer un autre expert. Le 25 février 2000, l'avocat
a informé l'office AI qu'I. Q. avait été exécuté lors d'opérations
d'épuration menées par la police serbe au Kosovo en mars 1999 et que,
dans la mesure où une expertise psychiatrique ne pouvait plus être
diligentée, il appartenait à l'administration de supporter l'échec de la
preuve et de reconnaître à I. Q. le droit à une rente de novembre 1991 à
mars 1999. Dans une correspondance ultérieure, du 2 mai 2000, il a précisé
qu'il représentait désormais les survivants du défunt et que ces derniers
lui succédaient dans ses droits à une rente d'invalidité. Parallèlement,
il a déposé une demande de prestations de survivants.

    Le 13 août 2001, l'office AI a rendu une décision par laquelle il a
rejeté la demande de prestations de l'assurance-invalidité, aux motifs
que, jusqu'à son départ de la Suisse, I. Q. ne présentait pas avec un
degré de vraisemblance prépondérante une atteinte à sa santé mentale qui
aurait entraîné une incapacité de travail justifiant le versement d'une
rente. Pour ce qui est d'une éventuelle invalidité survenue postérieurement
au mois d'août 1990, aucune prestation de l'assurance-invalidité ne
pouvait être versée dès lors que le défunt ne remplissait plus les
conditions d'assurance.

    La veuve de feu I. Q., S. Q., ainsi que les enfants du couple I. et
S. Q., à savoir D. Q., E. Q, F. Q., G. Q. et H. Q. ont recouru contre
cette décision. Statuant le 4 octobre 2002, la commission de recours a
rejeté le recours. Elle a accordé l'assistance judiciaire aux recourants
et a fixé à 1'500 fr. les honoraires dus à l'avocat d'office.

    E.- Contre ce jugement, la veuve de feu I. Q. et les cinq enfants
prénommés interjettent un recours de droit administratif dans lequel ils
prennent les conclusions suivantes:

      "1. Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale de

    recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger du

    4 octobre 2002 est annulé.

      2. Il est constaté que les retards mis par l'administration et la

    Commission fédérale de recours au traitement du dossier AI de M. Q.,

    respectivement de ses héritiers, depuis le dépôt de la demande de

    prestations AI du 20 juillet 1992 jusqu'au jugement du 4 octobre 2002

    sont contraires aux garanties données à l'art. 29 al. 1 Cst. fédérale
et

    l'art. 6 § 1 CEDH.

      3. Il est alloué à M. I. Q., respectivement à ses héritiers,

      une rente

    d'invalidité pour la période s'étendant de juillet 1991 jusqu'au décès

    de M. Q., avec rentes complémentaires pour épouse et enfants et avec

    intérêts."

    L'office AI conclut au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral
des assurances sociales, il ne s'est pas déterminé à son sujet.

    F.- Le 14 mai 2003, l'avocat des recourants a transmis au Tribunal
fédéral des assurances un certificat de décès ainsi que diverses
attestations d'où il ressort qu'I. Q. a été déclaré décédé le 1er juin
1998 et que sa succession a été recueillie par sa veuve, seule héritière
universelle. En conséquence, il a rectifié les conclusions de son recours
en déclarant ne le maintenir qu'au nom de Dame S. Q.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.

    1.1  La recourante se plaint d'une violation des art. 29 al.  1 Cst. et
6 par. 1 CEDH, en reprochant à l'office de l'assurance-invalidité et à
la commission de recours un retard injustifié. Elle relève en particulier
qu'il s'est écoulé 17 mois entre la demande de prestations et la première
décision de refus de la caisse de compensation, 20 mois entre le premier
jugement de renvoi de la commission et la nouvelle décision de refus de
l'office AI, 16 mois entre le nouveau recours à la commission fédérale et
un nouveau jugement de celle-ci du 20 mars 1998 et, enfin, pratiquement
deux ans entre ce jugement et l'avis par lequel l'office AI a pris
connaissance du décès de l'intéressé.

    1.2  En l'espèce, il apparaît évident que l'office AI et la commission
de recours ont violé le principe de la célérité au sens des art. 6 par. 1
CEDH et 29 al. 1 Cst., au regard de la jurisprudence à ce sujet (ATF
126 V 249 consid. 4a, 124 I 139, 119 III 1, 117 Ia 117 consid. 3a, 197
consid. 1c; voir aussi AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel
suisse, vol. II: Les droits fondamentaux, Berne 2000, p. 594 s. ch. 1244
s.). La cause présentait, il est vrai, certaines difficultés, notamment
en raison de l'éloignement de l'intéressé, des problèmes pour obtenir
des renseignements des assurances sociales yougoslaves et pour trouver un
médecin spécialiste qui fût disposé à fonctionner comme expert. Cependant,
et même si l'exigence de la célérité de la procédure ne saurait l'emporter
sur la nécessité d'une instruction complète (ATF 119 Ib 325 consid. 5),
la durée de la procédure, considérée dans son ensemble, apparaît sans
nul doute excessive (plus de dix ans entre le moment du dépôt de la
demande et la date à laquelle le jugement attaqué a été rendu). Il faut
relever que cet allongement est dû en bonne partie au fait que l'office
de l'assurance-invalidité, au mépris des instructions contenues dans le
jugement de renvoi du 10 avril 1995, a renoncé à mettre en oeuvre une
expertise psychiatrique; pourtant, s'il estimait que des investigations
médicales n'étaient pas nécessaires, l'office aurait pu saisir le Tribunal
fédéral des assurances, une décision de renvoi étant sujette à recours de
droit administratif (ATF 120 V 237 consid. 1a et 117 V 241 consid. 1). D'un
autre côté, comme on va le voir, une expertise psychiatrique était en
l'occurrence superflue (infra consid. 2); une étude plus approfondie du
dossier de la part de la commission aurait permis de trancher le litige
au fond sans ce complément d'instruction. C'est dire que la procédure,
émaillée de tergiversations tant de la part de la commission que de
la part de l'administration, a été menée de manière peu méthodique, ce
qui a occasionné des lenteurs inutiles, au demeurant non imputables au
justiciable. Aussi bien convient-il d'admettre l'existence d'un retard
inadmissible à statuer.

    1.3  La recourante a conclu explicitement à la constatation d'une
violation du principe de la célérité de la procédure. La constatation
d'un retard inadmissible à statuer constitue une forme de réparation
pour celui qui en est la victime (ATF 122 IV 111 consid. I/4; arrêt du
Tribunal fédéral du 23 octobre 2000, 1P.338/2000 in: Pra 2001 no 3 p. 22
consid. 4e; arrêts M. du 28 avril 2003 [I 369/02], W. du 30 janvier 2003 [H
134/02], J. du 6 novembre 2000 [5A.8/2000]; voir aussi MARK E. VILLIGER,
Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention (EMRK), 2ème édition,
Zurich 1999 p. 155, ch. 243). Cette constatation peut également jouer
un rôle sur la répartition des frais et dépens, dans l'optique d'une
réparation morale (arrêt J., précité; cf. infra consid. 4). Sous l'angle
de la portée concrète et effective des droits garantis par la Convention,
la violation avérée peut être constatée dans le dispositif de l'arrêt
du Tribunal fédéral des assurances (cf. Pra 2001 no 3 p. 22 consid. 4e;
voir également JEAN-MARC VERNIORY, Affaire Michailov: le pouvoir de
décision du TF, in: Plädoyer, 2000/1, p. 44 ss; MALINVERNI/HOTTELIER,
La pratique suisse relative aux droits de l'homme 1998, in: Revue suisse
de droit international et de droit européen, 1999, p. 529).

    1.4  En revanche, le point de savoir si ce retard est de nature à
entraîner le paiement de dommages et intérêts n'a pas à être examiné
ici. En effet, le retard à statuer constitue un acte illicite,
qui relève des autorités compétentes pour connaître des actions en
responsabilité contre la Confédération ou les cantons (ATF 126 V 69
consid. 5b, 107 Ib 160; JEAN-FRANÇOIS EGLI, L'activité illicite du juge,
cause de responsabilité pécuniaire à l'égard des tiers, in: Hommage à
Raymond Jeanprêtre: Recueil de travaux offert par la Faculté de droit
et des sciences économiques de l'Université de Neuchâtel, 1982, p. 18
ch. 4.3; à propos, précisément, d'un retard injustifié de l'office AI
pour les assurés résidant à l'étranger: arrêt J. du 6 novembre 2000,
déjà mentionné). Faute de compétence ratione materiae, il n'appartient
donc pas au Tribunal fédéral des assurances, saisi d'un recours de
droit administratif concernant une demande de rente, de se prononcer
sur le principe et l'étendue d'une éventuelle prétention en dommages et
intérêts. Ce n'est donc pas sous cet angle que les conclusions au fond
du présent recours doivent être examinées.

Erwägung 2

    2.  La recourante fait valoir qu'en raison de la durée excessive de
la procédure et du décès de son mari, l'expertise psychiatrique ordonnée
par la commission de recours n'a pas pu être administrée. Se référant
aux principes applicables en procédure civile (voir FABIENNE HOHL,
Procédure civile, tome I: Introduction et théorie générale, Berne 2001,
p. 229 ch. 1201), elle soutient que cette impossibilité d'administrer une
preuve doit conduire à un renversement du fardeau de la preuve et même
amener le tribunal à considérer sans autre forme de procès comme avérés
les faits que l'expertise psychiatrique était censée établir.

    2.1  Selon l'art. 6 al. 1 LAI (dans sa version, déterminante en
l'occurrence, jusqu'au 31 décembre 2000), les ressortissants suisses, les
étrangers et les apatrides ont droit aux prestations s'ils sont assurés
lors de la survenance de l'invalidité. Conformément à l'art. 4 al. 2 LAI,
l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa
gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération
(ATF 119 V 115 consid. 5a). Dans le cas d'une rente, l'invalidité est
réputée survenue, en règle ordinaire, dès que l'assuré a présenté,
en moyenne, une incapacité de travail de 40 pour cent au moins pendant
une année sans interruption notable (art. 29 al. 1 let. b LAI, dans sa
version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002).

    L'art. 2 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération
suisse et la République Populaire Fédérative de Yougoslavie relative
aux assurances sociales du 8 juin 1962 prévoit que, sous réserve de
dispositions conventionnelles contraires, les ressortissants suisses
et yougoslaves jouissent de l'égalité de traitement quant aux droits
et obligations résultant des dispositions des législations énumérées à
l'art. 1er.

    A propos de la réalisation de la clause d'assurance dans le cas d'une
rente de l'assurance-invalidité suisse, l'art. 8 let. b de la Convention
prévoit ce qui suit:

      "En ce qui concerne le droit à la rente ordinaire d'invalidité, les

    ressortissants yougoslaves qui sont affiliés aux assurances yougoslaves

    ou qui ont déjà bénéficié d'une pareille rente avant de quitter la

    Suisse, sont assimilés aux personnes assurées selon la législation

    suisse".

    2.2  En l'espèce, il est établi que feu I. Q. n'a versé des cotisations
aux assurances sociales yougoslaves que durant les années 1975 et
1976; il n'en a point versées après son retour au Kosovo. Il a quitté
la Suisse le 17 septembre 1990. Il s'agit donc de savoir si, à cette
date, il subissait une incapacité de travail susceptible de conduire au
versement d'une rente après la période de carence selon l'art. 29 al. 1
let. b LAI. A cet égard et en règle ordinaire, la jurisprudence n'exige
pas une preuve stricte. Il suffit que le juge aboutisse à la conclusion
qu'une vraisemblance prépondérante plaide en faveur d'une telle incapacité
(voir p. ex. ATF 124 V 94 consid. 4b).

    Le point de savoir si l'impossibilité de mettre en oeuvre une expertise
doit en l'occurrence conduire à faire supporter à l'administration
l'absence de la preuve d'une incapacité de travail au moment déterminant
peut rester indécis. En effet, le Tribunal fédéral des assurances connaît
pour la première fois du litige, qu'il examine dans son ensemble et sans
être lié par les décisions de renvoi aux fins d'expertise de la commission
de recours. En ordonnant à deux reprises une expertise, la commission n'a
pas tranché une question de fond litigieuse qui aurait acquis force de
chose jugée faute d'avoir fait l'objet d'un recours de droit administratif
devant le Tribunal fédéral des assurances. Cela dit, contrairement à
l'avis exprimé par la commission, une expertise psychiatrique n'était
pas justifiée au regard des circonstances; le recours porté devant la
commission aurait dû être rejeté sans qu'il fût nécessaire d'ordonner
l'apport de données médicales supplémentaires.

    Il y a lieu de constater tout d'abord que l'intéressé, après une brève
période d'hospitalisation en 1988, a repris le travail jusqu'en 1990,
époque à laquelle il a été licencié par son dernier employeur en Suisse. Il
n'apparaît pas qu'il ait suivi un traitement médical, plus spécialement
psychiatrique, avant de quitter la Suisse, hormis les soins prodigués en
1988. Même s'il était résulté d'une expertise psychiatrique que l'intéressé
ait souffert à l'époque d'une affection psychique, le juge n'aurait pu que
constater qu'il n'avait pas subi d'incapacité de travail avant de quitter
la Suisse. Ce n'est pas l'apparition comme telle des troubles qui constitue
l'événement assuré, mais bien plutôt la survenance d'une incapacité de
travail d'une certaine importance (VSI 1998 p. 126 consid. 3c).

    A cela s'ajoute que le certificat médical établi en février 1993 par
le docteur B. faisait état d'un comportement dans la norme, sans signe
manifeste de "psychosité", bien que le patient eût mentionné un événement
(empoisonnement) qui paraissait traduire une manifestation d'irrationalité
au dire du médecin. Il est à noter que le médecin n'a pas prescrit de
traitement particulier, mais s'est contenté de préconiser des contrôles
réguliers. Ce certificat, établi plus de deux ans après le départ de Suisse
du patient, permettait de conclure, avec le degré de preuve habituel de
vraisemblance prépondérante que l'intéressé disposait d'une capacité de
travail entière avant son départ.

    Enfin, la commission de recours pouvait attribuer force probante à
l'avis du médecin de l'office AI, le docteur S., psychiatre. Celui-ci,
qui s'est exprimé de manière circonstanciée sur le cas et sur le vu
de l'ensemble du dossier, a estimé peu vraisemblable la présence d'une
affection psychique ayant valeur de maladie, que ce soit en 1990 ou en
1993 (rapports des 6 décembre 1993 et 15 août 1994). En l'absence de tout
élément d'ordre médical contraire, il n'y avait aucun motif pertinent
d'ordonner une expertise (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a).

    2.3  Les circonstances invoquées par la recourante ne permettaient
pas d'aboutir à une autre conclusion. Ainsi le fait que son défunt mari
a été licencié par ses employeurs successifs en raison de difficultés
d'adaptation, de manquements divers ou encore de son comportement bizarre
et des relations difficiles qu'il entretenait avec ses collègues de
travail ne constituent pas les indices d'une atteinte susceptible
d'entraver la capacité de travail et de gain. Aucun des employeurs
concernés n'a d'ailleurs fait état d'une incapacité de travail. L'avocat
qui a représenté I. Q. et sa famille dans la procédure administrative
engagée devant le Département fédéral de justice et police n'a pas non
plus signalé l'existence de problèmes de santé qui eussent pu avoir une
incidence sur la capacité de travail.

    Ne sont pas davantage déterminants les témoignages invoqués par la
recourante, selon lesquels l'intéressé, après son retour au Kosovo, serait
resté totalement inactif, passant son temps à errer dans les rues, aurait
tenu des propos incohérents et refusé de se faire soigner. D'une part,
ces témoignages ne se rapportent pas à la situation qui existait avant
le mois de septembre 1990 et, d'autre part, ils ne sauraient l'emporter
sur les constatations médicales du docteur B.

Erwägung 3

    3.

    3.1  La recourante se prévaut de l'art. 50 CEDH (aujourd'hui 41
CEDH). Selon elle, pour effacer les conséquences de la violation constatée,
cette disposition commanderait d'appliquer par analogie les règles de
procédure civile sur les conséquences de l'impossibilité d'administrer
une preuve à la suite du comportement fautif ou contraire aux règles de la
bonne foi d'une partie, ainsi que les règles de la procédure pénale liant
des effets de droit matériel à la constatation d'un retard injustifié.

    3.2  Bien que cette argumentation se recoupe avec un grief déjà examiné
- et écarté -, il convient néanmoins de se demander si, indépendamment de
ce qui a été dit plus haut, la prétention de la recourante peut trouver
un appui direct sur la norme de droit international invoquée.

    Selon l'art. 41 CEDH, si la Cour déclare qu'il y a violation de la
Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie
contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de
cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une
satisfaction équitable.

    Comme l'indique clairement le texte de cette disposition, celle-ci est
réservée à la Cour européenne des droits de l'homme. Elle ne s'applique
que si la Cour reconnaît, à l'issue de la procédure qui s'est déroulée
devant elle, qu'il y a eu violation de la Convention et que le droit
de l'Etat condamné ne permet pas d'indemniser complètement le lésé
pour les conséquences de cette violation (arrêt du Tribunal fédéral
du 10 décembre 2001 dans la cause S. [2A.362/2000]). Le requérant ne
peut faire valoir contre l'Etat sa prétention fondée sur l'art. 41 CEDH
devant les tribunaux nationaux (VILLIGER, op. cit., p. 151 s. ch. 237,
238; cf. aussi JONATHAN N. SHARPE ad art. 50, in: PETTITI/DECAUX/IMBERT,
La Convention européenne des droits de l'homme, Paris 1995, p. 809 s.; ATF
126 V 69 consid. 5b). Aussi bien l'invocation de l'art. 41 CEDH n'entre
pas en ligne de compte ici. Au demeurant, comme on l'a vu, le droit
interne permet au lésé d'obtenir de la Confédération (ou d'un canton),
en cas d'acte illicite, la réparation de son dommage.

    3.3  Quoi qu'il en soit et contrairement à ce que soutient la
recourante, une violation constatée par la Cour européenne des droits de
l'homme n'a pas nécessairement pour conséquence, selon la jurisprudence
européenne, un renversement du fardeau de la preuve en faveur du lésé qui
n'a pu administrer la preuve requise. En effet, pour entraîner en pareil
cas une réparation pécuniaire en raison d'un manquement à la convention,
un lien de causalité doit être établi entre le manquement et le dommage
(voir par exemple arrêts de la CourEDH dans les causes Higgins c. France du
19 février 1998 Recueil 1998 I p. 44 § 48 et Feldbrugge c. Pays-Bas du 27
juillet 1987, Série A, vol. 124 § 10; VILLIGER, op. cit., p. 154 ch. 241).

    3.4  Enfin, on ne saurait appliquer par analogie la jurisprudence
en matière pénale qui, sous certaines conditions, permet d'accorder des
effets de droit matériel à la constatation d'un retard injustifié. En
matière pénale, le juge peut tenir compte de la violation du principe
de la célérité en statuant sur le fond, par exemple par une diminution
de la peine, une renonciation à toute peine ou un classement (ATF 123
I 333 consid. 2a, 122 IV 111 consid. 4 et 131 consid. 1c, 117 IV 129
consid. 4d). Par analogie avec cette jurisprudence, le Tribunal fédéral
a également jugé que l'autorité pouvait, en cas de retrait du permis de
conduire, prononcer une mesure d'une durée inférieure au minimum légal
lorsque la durée excessive de la procédure n'était pas imputable au
justiciable; il a relevé, à cet égard, que le retrait du permis présentait
certains aspects analogues à une mesure pénale (ATF 120 Ib 504; arrêt
F. du 2 avril 2003 [6A.12/2003]). De son côté, le Tribunal fédéral des
assurances s'est posé - sans la résoudre - la question de savoir si une
violation du principe de célérité de la procédure pouvait avoir pour
conséquence, par analogie avec la solution adoptée en droit pénal, une
réduction de la durée d'une suspension du droit à l'indemnité de chômage
infligée à l'assuré fautif (SVR 1997 ALV no 105 p. 323).

    Mais cette jurisprudence, qui s'applique en droit pénal - ou à des
mesures qui peuvent présenter certaines analogies avec une sanction
du droit pénal - ne peut être invoquée lorsque la réparation demandée
consiste en l'octroi d'une prestation positive de l'Etat sous la forme
d'une prestation d'assurance sociale, en raison d'une durée excessive de
la procédure (voir aussi, sur la sanction en cas de dépassement du délai
raisonnable pour statuer, VELU/ERGEC, La Convention européenne des droits
de l'homme, Bruxelles 1990, no 528 s.; GÉRARD PIQUEREZ, La célérité de
la procédure pénale en Suisse, in: Revue internationale de droit pénal,
66/1995, no 3, 4, p. 657 s.).

Erwägung 4

    4.  Il résulte des considérations qui précèdent que la conclusion
tendant au versement d'une rente d'invalidité (et de rentes
complémentaires) est mal fondée.

    Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).

    La recourante n'obtient que très partiellement gain de cause, dans
la mesure où il est constaté une violation du principe de la célérité
de la procédure. Malgré cela, il convient, sur le vu des circonstances,
de condamner l'office intimé à lui verser une pleine indemnité de dépens
(cf. Pra 2001 p. 22 consid. 5).