Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 V 335



129 V 335

50. Arrêt dans la cause D. contre Office cantonal AI Genève et Commission
cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

    I 450/01 du 20 février 2003

Regeste

    Art. 30 Abs. 1 BV; Art. 85 Abs. 2 AHVG in Verbindung mit Art. 69 IVG:
Anspruch auf ordentliche Zusammensetzung der kantonalen Rekursbehörde.

    Im Rahmen der von Amtes wegen vorzunehmenden Prüfung der formellen
Gültigkeitsvoraussetzungen des vorinstanzlichen Verfahrens prüft das
Eidgenössische Versicherungsgericht frei und ohne an die erhobenen Einwände
gebunden zu sein, ob die - als nicht willkürlich befundene - Auslegung und
Anwendung kantonalen Rechts mit der in Art. 30 Abs. 1 BV gewährleisteten
Garantie eines durch Gesetz geschaffenen, zuständigen, unabhängigen und
unparteiischen Gerichts vereinbar ist (Bestätigung der Rechtsprechung).

    Trotz der in Art. 20 des Genfer Gesetzes vom 13. Dezember
1947 über die Anwendung des Bundesgesetzes über die Alters- und
Hinterlassenenversicherung vorgesehenen Delegation der Kompetenz zum Erlass
eines Reglements für die kantonale Rekurskommission im AHV-/IV-Bereich an
den Genfer Staatsrat bleibt auf Grund von Art. 17 Abs. 3 des kantonalen
Gesetzes, wonach die Kommission in der Besetzung von fünf Mitgliedern tagt,
kein Raum für eine derogatorische Regelung geringeren Ranges, welche für
eine Beratung lediglich ein Quorum vorsieht. War eines ihrer Mitglieder -
wenn auch entschuldigt ("excusé") - abwesend, wies die Kommission demnach
keine gesetzeskonforme Zusammensetzung auf, was eine Verletzung von
Art. 30 Abs. 1 BV darstellt und die Aufhebung des kantonalen Entscheids
nach sich zieht.

Sachverhalt

    A.- D. a travaillé en Suisse depuis 1981. Souffrant notamment
de douleurs chroniques, elle a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité le 20 décembre 1994. Par décision du 20 mai 1996,
l'Office AI du canton de Genève (ci-après: l'office), lui a alloué, dès
le 1er avril 1995, une demi-rente, correspondant à un degré d'invalidité
de 50%.

    Par décision du 12 octobre 1999, l'office a rejeté la demande de
révision présentée par l'assurée et maintenu le droit de cette dernière
à une demi-rente d'invalidité.

    B.- Par jugement du 29 mai 2001, la Commission cantonale de recours
AVS-AI du canton de Genève (ci-après: la commission) a rejeté le recours
formé contre cette décision par D. Le rubrum de ce jugement indique que
la commission a statué dans la composition suivante:

    "Pour la Commission: Me Jean-Marie Faivre, Président

    P. Chobaz (excusé), G. Crettenand,

    P. Petroz, C. Lacour, Membres

    F. Glauser, Greffière-juriste".

    C.- D. interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
concluant sous suite de frais et dépens à son annulation, principalement,
à l'octroi d'une rente d'invalidité entière et, subsidiairement, au renvoi
de la cause à l'office pour nouvelle décision. L'office conclut au rejet
du recours, cependant que l'Office fédéral des assurances sociales ne
s'est pas déterminé.

    D.- Interpellée par le juge délégué sur la composition dans laquelle
elle a statué, la commission a exposé, dans une lettre du 22 octobre
2002, que conformément aux dispositions réglementaires qui la régissent,
elle peut valablement statuer lorsqu'elle réunit son président ainsi que
trois membres ou suppléants sur quatre.

    E.- La Ire Chambre du Tribunal fédéral des assurances a tenu une
audience publique ouverte aux parties le 20 février 2003.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.

    1.1  Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus
de prestations d'assurance, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des
assurances n'est pas limité à la violation du droit fédéral - y compris
l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à
l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas lié par
l'état de fait constaté par la juridiction inférieure, et il peut s'écarter
des conclusions des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci (art.
132 OJ). Il peut, par ailleurs admettre ou rejeter un recours sans égard
aux griefs soulevés par le recourant ou aux raisons retenues par le premier
juge (ATF 125 V 500 consid. 1, 124 V 340 consid. 1b et les références).

    1.2  De jurisprudence constante, cet examen porte d'office, en
particulier, sur les conditions formelles de validité et de régularité
de la procédure précédente (ATF 125 V 23 consid. 1a, 500 consid. 1, 123
V 327 consid. 1, 122 V 322 consid. 1, 329 s. consid. 5 et les références
citées), parmi lesquelles l'exigence d'un tribunal établi par la loi,
compétent, indépendant et impartial.

    1.3

    1.3.1  Conformément à l'art. 30 al. 1 Cst. - qui, de ce point de vue,
a la même portée que l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 127 I 198 consid. 2b,
125 V 501 consid. 2b) -, toute personne dont la cause doit être jugée
dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un
tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Le droit
des parties à une composition régulière du tribunal impose des exigences
minimales en procédure cantonale (ATF 128 V 84 consid. 2a, 123 I 51 consid.
2b). Il interdit les tribunaux d'exception et la mise en oeuvre de juges ad
hoc ou ad personam et exige dès lors, en vue d'empêcher toute manipulation
et afin de garantir l'indépendance nécessaire, une organisation judiciaire
et une procédure déterminées par un texte légal (ATF 123 I 51 consid. 2b;
114 Ia 53 consid. 3b).

    1.3.2  C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales
topiques d'organisation et de procédure qu'il convient d'examiner si
une autorité judiciaire ou administrative a statué dans une composition
conforme à la loi. Sur ce point, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral
des assurances est limité à l'arbitraire (ATF 127 I 130 consid. 3c,
108 Ia 50 consid. 2 et les références). Indépendamment de cela, il
examine librement - et sans être lié par les griefs soulevés (consid. 2b
non publié de l'ATF 117 V 50; SVR 2001 IV no 17 p. 49 consid. 1b) -
si l'interprétation et l'application du droit cantonal, reconnues non
arbitraires, sont compatibles avec la garantie d'un tribunal établi par la
loi, compétent, indépendant et impartial (ATF 126 I 73 consid. 3b, 123 I 51
consid. 2b, 112 Ia 292 consid. 2a, 105 Ia 174 consid. 2b). En revanche,
lorsque cette garantie constitutionnelle est invoquée uniquement pour
contester l'interprétation ou l'application de prescriptions cantonales sur
l'organisation et la composition des tribunaux, sans que soient invoquées
les exigences minimales de procédure instituées par cette disposition,
ce grief se confond avec celui déduit de l'interdiction de l'arbitraire
(ATF 110 Ia 107 consid. 1; 105 Ia 174 consid. 3a; 98 Ia 359 consid. 2;
91 I 400 consid. b; SJ 1981 574 consid. 2a).

    Ces principes développés en application de l'art. 58 aCst. demeurent
valables en application de l'art. 30 Cst. (consid. 1a non publié de l'ATF
126 V 303).

Erwägung 2

    2.  En l'espèce, le jugement du 29 mai 2001 a été rendu par la
commission. Le rubrum de ce jugement indique que l'un de ses membres,
"excusé" était absent. Il convient donc tout d'abord d'examiner si
l'autorité cantonale pouvait statuer en l'absence de l'un de ses membres,
sans interpréter ou appliquer arbitrairement les dispositions cantonales
de procédure qui la régissent.

    2.1  Conformément à l'art. 17 de la loi genevoise d'application de
la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (loi genevoise
du 13 décembre 1947; RS GE J 7 05), il est institué, en application de
l'art. 85 al. 1 LAVS, une commission cantonale de recours nommée pour 4
ans au début de chaque législature (al. 1). La commission est constituée
d'un président titulaire et de présidents suppléants, tous de formation
juridique et nommés par le Conseil d'Etat, et d'assesseurs familiarisés
avec les questions juridiques, fiscales ou d'assurances sociales, tous
nommés par le Grand Conseil à raison de trois par parti représenté au Grand
Conseil (al. 2). La commission siège dans une composition de cinq membres,
constituée d'un président titulaire ou suppléant et de quatre assesseurs,
qui siègent à tour de rôle (al. 3).

    L'art. 20 de cette loi confère en outre au Conseil d'Etat la
compétence d'établir le règlement de la commission. En application de
cette disposition, le Conseil d'Etat genevois a édicté le Règlement de
la commission cantonale de recours en matière d'assurance-vieillesse et
survivants, d'assurance-invalidité, d'allocations pour perte de gain et
de prestations fédérales et cantonales complémentaires à l'AVS-AI, du 27
octobre 1993 (RS GE J 7 05.20). Aux termes de l'art. 2 de ce règlement, la
commission est composée conformément à l'art. 17 de la loi cantonale. Par
ailleurs, sous le titre "quorum", l'art. 5 du règlement prévoit que pour
siéger valablement, la commission doit comprendre le président ou l'un de
ses suppléants, ainsi qu'au moins trois membres ou suppléants sur quatre.

    2.2  Dans la mesure où la commission a fait application de cette
disposition réglementaire, qui lui permet de statuer valablement lorsqu'un
quorum de quatre membres sur cinq est réuni, ni l'interprétation
ni l'application de cette disposition ne sauraient être qualifiées
d'arbitraires.

    Il convient donc d'examiner (librement) si l'application de ces règles
cantonales, ainsi reconnue non arbitraire, respecte les garanties déduites
de l'art. 30 Cst.

Erwägung 3

    3.

    3.1  Selon la jurisprudence rendue en application des art.  30 Cst. et
58 aCst., lorsqu'une autorité est constituée d'un nombre déterminé
de membres, ces derniers doivent - sous réserve d'une réglementation
dérogatoire - tous participer au jugement. L'autorité qui statue dans une
composition incomplète, sans que la loi prévoie un quorum correspondant,
commet un déni de justice formel (ATF 127 I 131 consid. 4b, 85 I 273 et les
réf.; cf. aussi ATF 114 Ia 276 consid. 2a). En elle-même, l'institution
d'un quorum pour une autorité collégiale, particulièrement judiciaire,
n'est donc pas inadmissible et il en existe, au demeurant, de nombreux
exemples dans la législation fédérale (cf., p. ex.: art. 15 OJ; art.
2 du Règlement du Tribunal arbitral de la Commission fédérale de l'AVS/AI,
du 11 octobre 1972; RS 831.143.15). Elle l'est d'autant moins lorsque la
représentativité des membres de l'autorité judiciaire est exclusivement
politique et qu'ils sont tous censés disposer de compétences équivalentes,
ce qui est le cas en l'espèce (cf. art. 17 al. 2 de la loi, qui mentionne
les "assesseurs familiarisés avec les questions juridiques, fiscales ou
d'assurances sociales").

    3.2  Au regard du principe de la légalité - dont le respect peut
être contrôlé par le Tribunal fédéral lorsqu'il est en relation avec une
autre garantie constitutionnelle, le principe d'égalité de traitement
ou l'interdiction de l'arbitraire (cf. art. 36 al. 1 Cst.; ATF 127 I 67
consid. 3a) -, l'organisation judiciaire doit, en principe, reposer sur
une loi au sens formel. Celle-ci peut cependant fort bien ne contenir que
les principes fondamentaux relatifs à l'organisation et à la compétence
des tribunaux et confier à l'exécutif le soin de régler les modalités de
détail (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II:
Les droits fondamentaux, Berne 2000, p. 589 ch. 1232). La jurisprudence a
ainsi notamment admis la participation à la décision de juges suppléants
institués par une disposition réglementaire cantonale (ATF 105 Ia 172) ou
encore que la nomination d'un juge d'instruction pénale extraordinaire
repose sur une disposition réglementaire prévoyant uniquement le
remplacement de certains magistrats, disposition qui reposait elle-même
sur une délégation de compétence (arrêt non publié V. du 26 janvier 2001
[1P.751/2000]). Le droit fédéral connaît, du reste, également des cas
dans lesquels l'organisation et la composition d'une autorité - ainsi
qu'un quorum - reposent sur une ordonnance du Conseil fédéral édictée
sur la base d'une délégation de compétence explicite (cf. art. 54 al. 2
et 3 LAVS et art. 2 du Règlement du Tribunal arbitral de la Commission
fédérale de l'AVS/AI, du 11 octobre 1972; RS 831.143.15).

    Il s'ensuit que le seul fait qu'une règle de quorum - en soi admissible
(v. supra consid. 3.1) - est contenue dans un règlement d'application et
non dans une loi au sens formel, ne viole pas la garantie de l'art. 30
al. 1 Cst. Cela suppose toutefois encore que la délégation de compétence
comporte celle d'instituer un quorum.

    3.3  En l'espèce, la délégation de compétence figure à l'art. 20
de la loi dont la teneur est la suivante: "Le Conseil d'Etat établit
le règlement de la commission". Rédigée en termes très généraux, cette
norme attributive de compétence emporte certes la faculté d'édicter des
règles de procédure, dans la mesure où une autre loi cantonale n'est pas
applicable (cf. le renvoi de l'art. 7 du règlement aux art. 89A à 89H
de la loi genevoise sur la procédure administrative, ainsi que le renvoi
de l'art. 89A aux règles générales de cette même loi). En revanche, les
dispositions réglementaires ne sauraient déroger aux règles cantonales
de rang supérieur, ce qui s'impose tant au regard du principe de la
hiérarchie des normes que de celui de la séparation des pouvoirs.

    Sous cet angle, l'art. 17 de la loi cantonale distingue, d'une part,
la composition organique de la commission, constituée d'un président
titulaire et de présidents suppléants, tous de formation juridique et
nommés par le Conseil d'Etat, et d'assesseurs familiarisés avec les
questions juridiques, fiscales ou d'assurances sociales, tous nommés
par le Grand Conseil à raison de trois par parti représenté au Grand
Conseil (al. 2) et, d'autre part, la composition dans laquelle elle siège,
soit cinq membres comptant un président titulaire ou suppléant et quatre
assesseurs, siégeant à tour de rôle (al. 3). Or, dans la mesure où la loi
règle de la sorte - à l'instar de la règle fédérale prévue à l'art. 15 OJ
("quorum") - non seulement la désignation des membres de la commission
(al. 2), mais également la manière dont cette dernière doit siéger (al. 3)
et, partant, statuer, il ne demeure pas place pour une réglementation
dérogatoire de rang inférieur.

    Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de l'un de ses membres, la
commission n'était pas composée conformément à la loi, ce qui constitue une
violation de l'art. 30 al. 1 Cst. Ce vice entraîne l'annulation du jugement
entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité judiciaire cantonale afin
qu'elle statue à nouveau dans une composition conforme à la loi.

Erwägung 4

    4.  La recourante, qui s'est fait assister d'un avocat, n'obtient gain
de cause qu'en ce qui concerne une conclusion subsidiaire, si bien qu'elle
ne peut prétendre qu'une indemnité de dépens réduite (art. 159 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ; RCC 1985 p. 664 consid. 5). Les motifs du
présent arrêt constituent, par ailleurs, des circonstances justifiant que
ces dépens soient mis à la charge de la République et canton de Genève et
non de l'office intimé (arrêt non publié F. du 6 juillet 1994 [I 56/94]).