Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 I 330



129 I 330

29. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause Hoirs de feu
X. contre A. ainsi que Présidente du Tribunal de première instance du
canton de Genève (recours de droit public)

    5P.94/2003 du 30 juin 2003

Regeste

    Art. 49 Abs. 1 BV; Art. 517 Abs. 3 ZGB; Vorrang des Bundesrechts;
Honorar eines Notars und Willensvollstreckers für die Ausfertigung einer
Erbschaftsanzeige.

    Die Ausfertigung der Anzeige einer Erbschaft für die Steuerbehörde
fällt nicht unter die amtlichen Verrichtungen der Genfer Notare (E. 2).

    Die Vergütung des Willensvollstreckers im Sinne von Art.  517 Abs. 3
ZGB hat ausschliesslich nach den Bestimmungen des Bundesrechts zu
erfolgen, aufgrund welcher sie objektiv im Verhältnis zu den erbrachten
Leistungen zu ermitteln ist; sie darf weder pauschal allein nach Massgabe
des Wertes der Erbschaft bestimmt werden, noch nach dem Kriterium, ob der
Willensvollstrecker Notar ist oder nicht (E. 3.2). Wird für die Vergütung
eines Notars betreffend die Ausfertigung einer Erbschaftsanzeige, welche
dieser in seiner Eigenschaft als Willensvollstrecker erstellt hat, ohne
weitere Prüfung der Tarif ad valorem - wie er vom kantonalen Reglement über
die Entschädigung der Notare vorgesehen ist - angewendet (E. 3.3-3.5),
verletzt dies den Vorrang des Bundesrechts (E. 3.1).

Sachverhalt

    A.- X. est décédé le 8 juillet 2000 à Genève, laissant pour seuls
héritiers sa soeur Y. ainsi que ses neveux et nièces (ci-après: les
héritiers). Le défunt a laissé diverses dispositions à cause de mort,
dont un testament public instrumenté par le notaire A., lequel a également
été désigné comme exécuteur testamentaire. Les héritiers sont rapidement
entrés en conflit avec le notaire A. En particulier, ils considéraient que
l'exécuteur testamentaire manquait de diligence dans l'accomplissement de
sa mission, et ils souhaitaient que leur conseil établisse la déclaration
de succession, alors que le notaire A. s'estimait seul apte à effectuer
cette tâche.

    Par courrier du 5 septembre 2001, le notaire A. a demandé le
versement sur son compte de 300'000 fr., afin de régler diverses charges
successorales. Le conseil de Y. s'est opposé à ce versement, pour le motif
que les héritiers n'avaient reçu aucune explication sur la destination
d'une somme aussi importante. Le 26 septembre 2001, le notaire A. a
expliqué à la Justice de Paix que la somme de 300'000 fr. devait être
affectée de la manière suivante: 123'200 fr. au titre de provision pour
honoraires d'exécuteur testamentaire, soit 352 heures au tarif horaire
de 350 fr.; 70'220 fr. au paiement d'un émolument de déclaration de
succession; 14'700 fr. au paiement de la TVA; 33'531 fr. 80 au titre de
réserve pour factures courantes, frais, émoluments et honoraires à venir.

    Alors que le notaire A. avait requis, et obtenu le 25 septembre
2001, que l'administration d'office de la succession fût ordonnée et
lui fût confiée, la Justice de Paix l'a relevé le 26 février 2002 de
ses fonctions d'administrateur officiel pour avoir contrevenu à ses
devoirs. Le 13 juin 2002, le notaire A. a ainsi remis à la nouvelle
administratrice de la succession son rapport d'activité et sa note de
frais et d'honoraires. Il réclamait, au titre d'honoraires de liquidation
et d'exécuteur testamentaire pour la période du 7 juillet 2000 au 10 juin
2002, le montant de 174'300 fr., correspondant à 498 heures de travail
au tarif horaire de 350 fr., un montant de 11'300 fr. au titre de frais
de secrétariat, téléphones, photocopies, etc., ainsi qu'un montant de
19'693 fr. 10 représentant la TVA au taux de 7.6% sur 259'120 fr.

    B.- Le 24 juin 2002, les héritiers ont saisi la Présidente du Tribunal
de première instance du canton de Genève d'une demande de taxation des
honoraires du notaire A. Ils soutenaient notamment que ce dernier ne
pouvait réclamer pour l'établissement de la déclaration de succession,
en sus des honoraires réclamés à ce titre en fonction d'un tarif horaire,
un émolument de 70'220 fr. sur la base du règlement cantonal genevois
sur les émoluments des notaires: en effet, s'agissant d'une activité
qui ne relevait pas de l'activité du notaire en tant qu'officier public,
aucune réglementation cantonale ressemblant à un tarif n'était compatible
avec les règles constitutionnelles de la liberté du commerce et de
l'industrie; l'appréciation de la rémunération pour une telle activité
relevait exclusivement du droit privé, selon les critères ordinaires du
mandataire, et le règlement cantonal précité heurtait dans cette mesure
la force dérogatoire du droit fédéral.

    Par décision du 22 janvier 2003, la Présidente du Tribunal de première
instance a arrêté à 150'640 fr. le montant des émoluments et honoraires dus
par les héritiers au notaire A. pour la période où celui-ci a exercé les
fonctions d'exécuteur testamentaire de feu X., soit entre le 7 juillet et
le 25 septembre 2001 puis dès le 26 février 2002, selon la note de frais
et honoraires du 13 juin 2002. En ce qui concerne plus particulièrement
l'établissement de la déclaration de succession, la Présidente a considéré
que le notaire A. était fondé, en application de l'art. 21 du règlement
cantonal genevois sur les émoluments des notaires - qui prévoit que "[p]our
les déclarations de succession, l'émolument est de 2 o/oo de l'actif" - à
percevoir un émolument de 71'540 fr. 25 (soit 2 o/oo de l'actif successoral
brut de 35'770'126 fr. 64, l'actif net se montant quant à lui à 34'486'985
fr. 26). Si le montant effectivement perçu de 70'220 fr. devait ainsi
être confirmé, il ne pouvait en revanche être perçu aucun honoraire pour
l'activité relative à l'établissement de cette déclaration de succession.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par les
héritiers contre cette décision, qu'il a annulée.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.

    2.1  Le notaire indépendant, tel que le connaît le canton de Genève,
exerce en premier lieu des activités ministérielles, où il agit, en tant
que détenteur ou délégataire de la puissance publique, pour exercer des
fonctions officielles - par exemple instrumenter des actes authentiques ou
légaliser des signatures - pour lesquelles il est le seul à pouvoir agir
(DENIS PIOTET/ALEX DÉPRAZ, Notaires et droit de la concurrence: Doit-il
y avoir un libre marché de la juridiction gracieuse?, in SJ 1999 II 139
ss, 140); à côté de ces activités officielles, il peut également exercer
des activités privées, pour lesquelles il ne bénéficie d'aucune forme
d'exclusivité et qui sont exclusivement régies par le droit privé (PIERRE
TERCIER, Les notaires et le droit de la concurrence, in SJ 1998 p. 505 ss,
509 s.; PIOTET/DÉPRAZ, op. cit., p. 140; ATF 126 III 370 consid. 7b).

    2.2  La déclaration de succession, pour l'établissement de laquelle
l'art. 21 du règlement cantonal genevois sur les émoluments des notaires
prévoit la perception par le notaire d'un émolument correspondant à 2
o/oo de l'actif successoral, est celle visée par les art. 29 ss de la
loi genevoise du 26 novembre 1960 sur les droits de succession (RSG D 3
25). Selon cette loi, la déclaration de succession est l'énonciation -
aux fins de la perception de l'impôt sur les successions (droits de
succession) par l'administration de l'enregistrement, des droits de
succession et du timbre (cf. art. 1 al. 1) - des biens délaissés par
le défunt (art. 29 al. 1). Cette déclaration, rédigée sur une formule
délivrée par l'administration précitée (art. 29 al. 2), doit être déposée
dans le délai légal (art. 32) par toute personne visée à l'art. 31 al. 1
(notamment héritier, attributaire de biens, exécuteur testamentaire ou tout
mandataire régulièrement constitué), le dépôt de la déclaration par l'une
de ces personnes dispensant les autres de cette formalité (art. 31 al. 2).

    2.3  Il résulte clairement de ce qui précède que l'établissement d'une
déclaration de succession n'entre pas dans les activités ministérielles
ou officielles des notaires, lesquels ne bénéficient à cet égard d'aucune
forme d'exclusivité. En établissant la déclaration de succession pour
laquelle il a prétendu à une rémunération de 70'220 fr., l'intimé a agi
en sa qualité d'exécuteur testamentaire, fonction qui peut au demeurant
être dévolue à tout citoyen. Il convient dès lors d'examiner ci-après
(consid. 3 infra), au regard du grief de violation de la primauté du droit
fédéral soulevé par les recourants, si la rémunération de l'intimé pour
l'établissement de la déclaration de succession peut être fixée, comme
l'a fait l'autorité cantonale, sur la base de l'art. 21 du règlement
cantonal genevois sur les émoluments des notaires.

Erwägung 3

    3.

    3.1  Selon l'art. 49 al. 1 Cst., qui a remplacé la règle déduite de
l'art. 2 Disp. trans. aCst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui
lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit
fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales
qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent
le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles
mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur
fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 128 I 46 consid. 5a,
295 consid. 3b; 127 I 60 consid. 4a et les arrêts cités).

    3.2  La rémunération des exécuteurs testamentaires est réglementée
par l'art. 517 al. 3 CC, qui dispose que ceux-ci ont droit à une
indemnité équitable. Il s'agit d'une créance de droit privé, dont la
détermination intervient exclusivement sur la base du droit fédéral,
et non sur celle du droit cantonal (ATF 78 II 123 consid. 1b et 2;
MARTIN KARRER, in Honsell/Vogt/Geiser, Kommentar zum schweizerischen
Privatrecht, Schweizerisches Zivilgesetzbuch II, 2e éd., Bâle 2003, n. 27
ad art. 517 CC; HANSJÜRG BRACHER, Der Willensvollstrecker, insbesondere im
zürcherischen Zivilprozessrecht, thèse Zurich 1966, p. 151; THOMAS HUX,
Die Anwendbarkeit des Auftragsrechts auf die Willensvollstreckung, die
Erbschaftsliquidation und die Erbenvertretung, thèse Zurich 1985, p. 57).

    Le montant de la rémunération équitable de l'exécuteur testamentaire
selon l'art. 517 al. 3 CC ne peut être fixé qu'en fonction des
circonstances du cas particulier (KARRER, op. cit., n. 29 ad art. 517 CC;
ARNOLD ESCHER, Zürcher Kommentar, vol. III/1, 1959, n. 10 ad art. 517 CC);
il doit tenir compte du temps employé, de la complexité des opérations
effectuées, de l'étendue et de la durée de la mission, ainsi que des
responsabilités que celle-ci entraîne (ATF 78 II 123 consid. 2; KARRER, op.
cit., n. 29 ad art. 517 CC, et la jurisprudence cantonale citée; PAUL
PIOTET, Traité de droit privé suisse, Tome IV, droit successoral, 1975,
p. 145; PETER TUOR, Berner Kommentar, vol. III/1, 1952, n. 12 ad art. 517
CC; ESCHER, op. cit., n. 10 ad art. 517 CC).

    Sous l'angle de la responsabilité assumée, la valeur de la succession
peut certes être prise en considération dans le sens d'une augmentation
de la rémunération, mais à côté des autres éléments précités: la
rémunération devant être avant tout objectivement proportionnée aux
prestations fournies (cf. ATF 117 II 282 consid. 4c in limine), elle ne
saurait dépendre forfaitairement de la seule valeur de la succession (ATF
78 II 123 consid. 2; KARRER, op. cit., n. 29 ad art. 517 CC; cf. TUOR,
op. cit., n. 12 ad art. 517 CC; ESCHER, op. cit., n. 10 ad art. 517
CC). Par ailleurs, il ne saurait être question de fixer la rémunération de
l'exécuteur testamentaire selon des principes différents selon qu'il s'agit
- ou non - d'un avocat, d'un notaire, etc. (ATF 78 II 123 consid. 1b).

    3.3  En l'espèce, l'autorité cantonale, pour fixer la rémunération due
à l'intimé pour avoir rempli la déclaration de succession dans le cadre
de sa fonction d'exécuteur testamentaire, a appliqué le tarif (2 o/oo de
l'actif de la succession) prévu à l'art. 21 du règlement cantonal genevois
sur les émoluments des notaires, sans même se demander si la rémunération
ainsi déterminée était équitable au sens de l'art. 517 al. 3 CC. Or, comme
on vient de le voir, la détermination de la rémunération de l'exécuteur
testamentaire intervient exclusivement sur la base du droit fédéral, et
celui-ci prescrit que cette rémunération doit être équitable, à savoir
objectivement proportionnée aux prestations fournies; par ailleurs, le
droit fédéral interdit tant de fixer cette rémunération forfaitairement
en fonction de la seule valeur de la succession, que de la fixer selon
des principes différents selon que l'exécuteur testamentaire est ou non
notaire (cf. consid. 3.2 supra).

    Il convient au demeurant de rappeler que l'établissement d'une
déclaration de succession ne représente pas une tâche d'utilité publique
dont le législateur cantonal, pour des motifs d'intérêt public (cf. ATF
128 I 3 consid. 3a-b et les arrêts cités), aurait réservé le monopole
aux notaires (cf. consid. 2.3 supra). Il se justifie ainsi d'autant moins
de soumettre une telle prestation à un tarif cantonal lorsqu'elle a été
fournie par un notaire, alors que d'autres règles de rémunération devraient
s'appliquer lorsque la même prestation est fournie par une personne aux
qualifications équivalentes mais n'exerçant pas la profession de notaire.

    3.4  L'intimé soutient que le tarif ad valorem prévu par l'art. 22 du
règlement cantonal genevois sur les émoluments des notaires "ne doit pas
être qualifié de privilège si l'on sait que la majorité des successions
dont s'occupent quotidiennement les notaires présentent un actif moyen
de 50'000 fr. à 500'000 fr., soit des émoluments allant de 100 fr. à
1'000 fr. quelles que soient les heures de travail consacrées ou les
difficultés rencontrées". Ce raisonnement serait éventuellement pertinent
si l'établissement d'une déclaration de succession relevait des activités
ministérielles du notaire, pour lesquelles celui-ci est le seul à pouvoir
agir (cf. consid. 2.1 supra) tout en ayant corollairement l'obligation de
prêter son ministère lorsqu'il en est légalement requis (cf. art. 2 al. 1
LNot/GE). En effet, dans le cadre du droit public cantonal dont relève
la rémunération de l'activité ministérielle du notaire (DENIS PIOTET,
Liberté tarifaire ou égalité devant le contribution de droit public?,
in Festschrift 100 Jahre Verband bernischer Notare, 2003, p. 209 ss, 213
s. et les références citées), il est généralement admis que le prix élevé
des actes les plus importants puisse "subventionner" celui des actes les
moins importants, pour lesquels il ne serait pas possible, en raison du
peu d'intérêt qu'ils présentent, de réclamer une rémunération couvrant les
coûts (cf. ATF 103 Ia 85 consid. 5c p. 90; critique: TERCIER, op. cit.,
p. 531). Toutefois, comme on l'a vu, l'activité en question, déployée
par l'intimé en sa qualité d'exécuteur testamentaire, n'entre pas dans le
monopole des notaires; sa rémunération est régie par le seul droit privé
fédéral, où la péréquation invoquée par l'intimé n'a pas de place. Cela
étant, on peut relever que le principe de la primauté du droit fédéral
s'appliquerait de la même manière dans les cas évoqués par l'intimé que
dans le cas d'espèce.

    3.5  Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée
contrevient au principe de la primauté du droit fédéral dans la mesure
où, pour fixer la rémunération d'une activité - l'établissement d'une
déclaration de succession - déployée par l'intimé en sa qualité d'exécuteur
testamentaire, elle applique sans autre examen le tarif ad valorem prévu
par le règlement cantonal genevois sur les émoluments des notaires, alors
que la rémunération de l'exécuteur testamentaire est régie exclusivement
par le droit fédéral et doit en vertu de celui-ci être fixée équitablement
en fonction des circonstances du cas particulier.