Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 IV 172



129 IV 172

24. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
A. contre Ministère public du canton du Valais (pourvoi en nullité)

    6S.11/2003 du 12 mars 2003

Regeste

    Art. 262 Ziff. 1 Abs. 3 StGB; Störung des Totenfriedens.

    Entfernung eines Herzschrittmachers post mortem durch den Angestellten
eines Bestattungsinstituts (E. 2).

Sachverhalt

    A.- A., né en 1940, dirigeait une entreprise de pompes funèbres. De
1990 à 1997, de manière quasi systématique, à l'insu des familles,
il a transféré les dépouilles, qui lui étaient confiées à des fins
d'incinération, des cercueils d'apparat que les familles avaient choisis
dans des cercueils bon marché de type "nova", facturant aux familles le
prix plus élevé du cercueil d'apparat. Cette pratique a été appliquée à
373 cas et lui a procuré un enrichissement d'environ 360'000 francs.

    En outre, il a demandé, à deux reprises, à son employé, B., d'enlever
le stimulateur cardiaque à deux cadavres. Celui-ci a procédé à l'opération
à l'aide d'un canif.

    B.- Par jugement du 26 mars 2001, le Tribunal du IIe arrondissement
pour le district de Sion a condamné A. à une peine de trois ans et demi
de réclusion pour escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP), tentative
d'escroquerie par métier (art. 21 al. 1 et 146 al. 2 CP) et atteinte à
la paix des morts (art. 262 ch. 1 al. 3 CP).

    Par jugement du 29 novembre 2002, la Cour pénale II du Tribunal
cantonal valaisan a admis partiellement l'appel interjeté par A. Elle
l'a libéré du chef d'accusation d'atteinte à la paix des morts pour les
transferts des dépouilles, a renoncé à appliquer la circonstance aggravante
du métier et a réduit sa peine à trois ans d'emprisonnement.

    C.- A. se pourvoit en nullité contre ce jugement. Invoquant une
violation de l'art. 262 ch. 1 et de l'art. 63 CP, il conclut à son
annulation.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi en nullité.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Le recourant conteste sa condamnation en tant que coauteur du
délit d'atteinte à la paix des morts (art. 262 ch. 1 CP). Il fait valoir
que B. aurait respecté les cadavres humains qui devaient être incinérés,
qu'il n'aurait pas utilisé un canif mais un instrument chirurgical pour
retirer les stimulateurs cardiaques et qu'il aurait posé un pansement
après l'extraction. Il précise en outre qu'il a enlevé les stimulateurs
cardiaques pour éviter que le four n'explose et que son comportement
était donc justifié par son devoir de profession (art. 32 CP).

    2.1  Aux termes de l'art. 262 ch. 1 al. 3 CP, celui qui profane un
cadavre humain est puni de l'emprisonnement ou de l'amende. La profanation
se caractérise par le mépris et l'irrespect (CORBOZ, Les infractions en
droit suisse, vol. II, Berne 2002, n. 2 ad art. 262 CP, p. 309). Selon
le sentiment général, un cadavre n'est ni un objet de propriété, ni
un bien sans maître que l'on peut traiter n'importe comment (ATF 118
IV 319 consid. 2 p. 323). Celui qui inflige un mauvais traitement à une
dépouille, la détrousse, la mutile ou effectue tout autre geste de mépris
ou de dépréciation se rend coupable d'atteinte à la paix des morts. Une
autopsie ou le prélèvement d'un organe contre la volonté du défunt ou de
ses proches ne tombe pas sous le coup de l'art. 262 ch. 1 CP (cf. ATF 72
IV 150 consid. 4), dès lors que ces interventions poursuivent des buts
légitimes (raisons médicales, enquête pénale) et qu'elles n'impliquent
aucun dénigrement du défunt. Il y aura en revanche profanation si
la manière d'y procéder dénote un manque de respect, par exemple si
l'auteur enlaidit ou défigure inutilement le cadavre; la profanation
peut également résulter d'un manque de professionnalisme (FIOLKA, Basler
Kommentar, n. 23 et 24 ad art. 262 CP). Sur le plan subjectif, l'auteur
doit avoir l'intention - ne serait-ce que sous la forme du dol éventuel -
de profaner le cadavre (CORBOZ, op. cit., n. 8 ad art. 262 CP, p. 310).

    2.2  Il est constant qu'un stimulateur cardiaque ou neurologique
peut provoquer, lors de l'incinération, l'explosion des installations
de crémation et qu'il convient donc de le retirer des cadavres à
incinérer. Dans la pratique, c'est le médecin qui constate le décès
qui procède à l'ablation post mortem du stimulateur cardiaque; en cas
d'oubli, il appartient aux employés des pompes funèbres de s'adresser à un
médecin. Le prélèvement du stimulateur cardiaque constitue en effet une
intervention chirurgicale et exige des connaissances spéciales. C'est
ainsi que, selon les instructions du Département de cardiologie
médico-chirurgicale du Centre hospitalier universitaire vaudois à
l'intention du corps médical du canton, il convient de procéder, en
premier lieu, à une incision au bistouri d'environ 6 à 8 cm directement
en projection du boîtier, puis, après la dissection du tissu sous-cutané
graisseux, d'inciser largement la poche fibreuse du pacemaker pour que
celui-ci puisse être facilement extrait, le boîtier étant libre de toute
adhérence; il faut ensuite enlever la sonde en la tirant d'un coup sec
pour la libérer sur quelques centimètres et la couper; enfin, une fois
le boîtier extrait, il y a lieu de fermer l'incision à l'aide d'un fil
serti ou non, passé en surjet, en un plan cutané.

    2.3  En l'espèce, au lieu de faire appel à un médecin, le recourant
a demandé à B. de prélever lui-même le stimulateur cardiaque, alors
que celui-ci ne disposait ni des connaissances médicales nécessaires
ni des instruments appropriés. Le recourant affirme que B. ne
se serait pas servi d'un canif, comme le retient l'arrêt attaqué,
mais d'un instrument chirurgical et qu'il aurait posé un pansement sur
l'incision. Ce faisant, il s'éloigne de l'état de fait de l'arrêt attaqué,
ce qu'il n'est pas habilité à faire dans le cadre du pourvoi en nullité
(art. 273 et 277bis PPF). Dans tous les cas, l'instrument utilisé ne
revêt guère d'importance, l'irrespect consistant à avoir demandé à une
personne ne bénéficiant d'aucune formation spécifique de procéder à une
intervention chirurgicale sur un cadavre. Seul en effet un professionnel
qui possède les connaissances nécessaires est habile à ouvrir un cadavre
pour extraire un organe ou tout appareil artificiel remplaçant un organe;
un profane ne saurait procéder à une telle opération sans tomber sous le
coup de l'art. 262 ch. 1 CP. En demandant à B. de retirer lui-même le
stimulateur cardiaque, le recourant a manqué du respect élémentaire que
l'on est en droit d'attendre d'un entrepreneur professionnel de pompes
funèbres. L'élément objectif de l'infraction est donc réalisé.

    Les conditions subjectives sont également réunies. Le recourant
a intentionnellement profané les corps. En tant que professionnel des
pompes funèbres, il ne pouvait ignorer que l'ablation post mortem des
stimulateurs cardiaques était effectuée d'habitude par un médecin et
que l'intervention d'une personne non qualifiée procédait d'un manque de
respect; le refus de ses deux autres employés de la pratiquer ne pouvait
du reste que lui faire apparaître son caractère choquant.

    2.4  Le recourant invoque avoir agi en vertu d'un devoir de profession
au sens de l'art. 32 CP. Selon lui, le dossier n'établit pas de manière
claire et précise si une telle intervention doit être opérée par un
médecin et n'exclurait donc pas que les employés des pompes funèbres
soient habilités à la pratiquer. Selon la jurisprudence et la doctrine,
l'exercice d'une profession déterminée ne suffit pas pour supprimer le
caractère illicite d'un acte, car celui qui l'exerce ne jouit pas pour
autant de droits plus étendus que les autres citoyens; encore faut-il
pour rendre l'acte licite que le devoir de profession invoqué découle
d'une norme juridique écrite ou non écrite (ATF 113 IV 4 consid. 3 p.
6). En l'espèce, aucune norme juridique fédérale ou valaisanne n'autorise
les pompes funèbres à ôter les stimulateurs cardiaques. Au contraire,
selon l'usage, seuls des médecins sont en principe autorisés à procéder à
cette intervention. Ainsi, se fondant sur l'ordonnance du 17 mars 1999 du
Conseil d'Etat valaisan sur la constatation des décès et les interventions
sur les cadavres humains, le Département de la Santé publique du canton du
Valais a édicté - certes postérieurement aux faits de la présente cause -
des directives, qui prévoient que "le centre funéraire de Sion est seul
habilité à procéder à [l'enlèvement des stimulateurs cardiaques], avec
la collaboration des médecins pathologistes de l'Institut central des
hôpitaux valaisans". Les conditions de l'état de nécessité font pour le
surplus manifestement défaut, le risque d'explosion du four ne pouvant
être considéré comme un danger imminent. En conséquence, les griefs du
recourant relatifs à l'application de l'art. 262 ch. 1 CP sont infondés.