Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 II 72



129 II 72

7. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Etat
de Genève contre R.S. et C.S. ainsi que Commission fédérale d'estimation
du 1er arrondissement (recours de droit administratif)

    1E.1/2002 du 10 octobre 2002

Regeste

    Formelle Enteignung, Nachbarrechte, Einwirkungen eines Flughafens
(Art. 5 EntG).

    Rechtliche Unterscheidung zwischen Beeinträchtigungen aus dem
Eindringen von Flugzeugen in den Luftraum eines Grundstückes (Überflug im
eigentlichen Sinne) und solchen aus blossen Lärmimmissionen (E. 2.1-2.3).

    Die drei Voraussetzungen, welche die Rechtsprechung für die
Zusprechung einer Enteignungsentschädigung wegen Lärmimmissionen
fordert (Unvoraussehbarkeit, Spezialität, Schwere des Schadens), finden
keine Anwendung auf die Fälle von Überflügen im eigentlichen Sinne
(E. 2.4-2.6). Die dem Eigentümer des überflogenen Grundstückes geschuldete
Entschädigung kann unter gewissen Umständen aus Gründen der Billigkeit
herabgesetzt werden (E. 2.7).

    Das im vorliegenden Fall betroffene Grundstück befindet sich in
unmittelbarer Nähe des Flughafens in der Verlängerung der Landepiste. Die
Beeinträchtigungen durch den Überflug sind derart stark, dass durch die
Enteignungsentschädigung der gesamte vom Flugverkehr verursachte Schaden
abgegolten werden soll. Es braucht daher nicht geprüft zu werden, ob die
Voraussetzungen für eine Entschädigung wegen Lärmimmissionen vorliegen
(E. 3 und 4).

Sachverhalt

    R.S. est propriétaire de deux parcelles à Vernier (dont l'une est
bâtie), et sa fille C.S. est propriétaire d'une parcelle adjacente
(également bâtie). Ces trois biens-fonds sont issus de la division,
en 1998, de l'ancienne parcelle no 3620, d'une contenance de 3'127 m2,
acquise le 2 avril 1982 par R.S.; ils sont classés dans la 5e zone
(zone de villas) et se trouvent à un peu plus d'un kilomètre et demi de
l'extrémité sud-ouest de la piste de l'aéroport international de Genève.

    Le 27 août 1992, R.S. a écrit au Département des travaux publics de la
République et canton de Genève pour demander une indemnité d'expropriation,
en relation avec les nuisances causées par l'exploitation de l'aéroport,
qui entraînaient une dévaluation de sa propriété (l'ancienne parcelle no
3620). L'instruction de cette affaire a été suspendue jusqu'en 1999. Le 1er
septembre 1999, le Département fédéral de l'environnement, des transports,
de l'énergie et de la communication a octroyé à l'Etat de Genève le droit
d'expropriation, sur la base de la loi fédérale du 21 décembre 1948
sur l'aviation (LA; RS 748.0), afin qu'il puisse faire ouvrir, par le
Président de la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement,
une procédure dans laquelle il serait statué sur les prétentions des deux
propriétaires actuelles, R.S. et C.S.

    La Commission fédérale d'estimation a rendu le 12 décembre 2001 une
décision partielle aux termes de laquelle "les conditions d'octroi d'une
indemnité aux expropriées pour l'expropriation formelle de leurs droits
de voisinage (...) sont satisfaites" (ch. 1 du dispositif) et "les
conditions de l'octroi d'une indemnité aux expropriées pour le survol
(...) sont également satisfaites" (ch. 2 du dispositif). La Commission
fédérale a ordonné la poursuite de l'instruction, notamment pour procéder
à l'estimation des immeubles.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Etat
de Genève a demandé au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la
Commission fédérale d'estimation et de rejeter les prétentions de R.S. et
C.S., tant pour l'expropriation formelle des droits de voisinage qu'en
raison du survol de leurs parcelles. Il soutient que la condition de
l'imprévisibilité n'est pas réalisée, ce qui exclurait dans les deux cas
l'octroi d'une indemnité d'expropriation.

    Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours, et annulé le
ch. 1 du dispositif de la décision attaquée. Il a renvoyé l'affaire à la
Commission fédérale d'estimation pour la suite de l'instruction.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  Le recourant conteste qu'une indemnité d'expropriation soit due,
tant au titre des immissions de bruit qu'au titre du survol, car la
condition de l'imprévisibilité ne serait selon lui pas satisfaite.

    2.1  D'après la jurisprudence élaborée sur la base des art. 5 LEx (RS
711) et 684 CC, la collectivité publique, en sa qualité d'expropriante,
peut être tenue d'indemniser le propriétaire foncier voisin d'une route
nationale, d'une voie de chemin de fer ou d'un aéroport s'il subit, à cause
des immissions de bruit, un dommage spécial, imprévisible et grave (cf. ATF
128 II 231 consid. 2.1 p. 233; 124 II 543 consid. 3a p. 548 et 5a p. 551;
123 II 481 consid. 7a p. 491 et les arrêts cités). S'agissant du bruit
du trafic aérien sur l'un des aéroports nationaux, le Tribunal fédéral a
précisé que l'on ne tenait pas compte de la condition de l'imprévisibilité
quand le bien-fonds exposé au bruit avait été acquis par l'exproprié -
ou par son prédécesseur, en cas de succession ou d'avancement d'hoirie
- avant le 1er janvier 1961 (ATF 121 II 317 consid. 6b p. 334 ss). En
revanche, si l'exproprié a acquis son bien-fonds à partir du 1er janvier
1961, il faut considérer que les effets de l'exploitation de l'aéroport,
avec le développement du trafic aérien, étaient prévisibles voire
connus, ce qui exclut l'octroi d'une indemnité d'expropriation fondée sur
l'art. 5 LEx (ATF 128 II 231 consid. 2.2 p. 234; 121 II 317 consid. 6c p.
337 s.). Ces règles, s'appliquant à propos des immissions de bruit, ne
sont pas discutées dans la présente procédure. Le recourant soutient en
revanche que la condition de l'imprévisibilité devrait aussi s'appliquer
lorsqu'un propriétaire foncier, voisin de l'aéroport, demande une indemnité
à cause du survol de son bien-fonds.

    2.2  Dans sa jurisprudence, en matière d'expropriation formelle,
concernant les nuisances provoquées par l'exploitation des aéroports
nationaux, le Tribunal fédéral fait une distinction entre les atteintes
aux biens-fonds survolés et celles subies dans le voisinage de l'aéroport,
sur les biens-fonds ne se trouvant pas dans l'axe de la piste. Dans les
deux cas, l'immeuble est exposé au bruit du trafic aérien; mais quand en
outre il est survolé, il est encore soumis à d'autres nuisances ou effets
indésirables. Ainsi, dans son arrêt Tranchet du 24 juin 1996 (ATF 122 II
349 ss), le Tribunal fédéral a considéré que le passage régulier, à une
centaine de mètres au-dessus d'une habitation familiale, d'un engin dont
les dimensions étaient nettement plus importantes que celles du bâtiment
survolé, était de nature à déranger ou perturber de façon sensible les
habitants de cette maison (ATF 122 II 349 consid. 4a/cc p. 355); il a
aussi mentionné les risques accrus de subir un dommage par l'effet des
turbulences ou par la chute d'objets se détachant des fuselages (ATF 122
II 349 consid. 4b p. 356 - à propos des remous consécutifs au passage
d'un avion, cf. MARC LAHUSEN, Die unerlaubte Handlung durch Immissionen
nach Art. 138 IPRG, thèse Zurich 2001, p. 284).

    2.3  Cette distinction a également un fondement juridique: le survol
- ou survol stricto sensu - est une intrusion ou une ingérence directe
dans l'espace aérien d'un fonds, tandis que le bruit est une immission,
à savoir une conséquence indirecte que l'exercice de la propriété sur un
fonds peut avoir sur les fonds voisins (cf. ATF 122 II 349 consid. 4b p.
356; cf. également arrêt 1E.7/1999 du 21 février 2000, consid. 4a).

    Lorsque le droit civil est seul applicable - dans le voisinage d'un
aérodrome privé, par exemple -, un propriétaire foncier peut toujours
s'opposer à ce que son bien-fonds soit survolé à faible altitude par
des aéronefs. Si ce survol est nécessaire au regard de la situation ou
des conditions d'exploitation de l'aérodrome, il incombe au propriétaire
de cette installation d'acquérir préalablement le droit de passer dans
l'espace aérien du bien-fonds voisin (droit de survol - cf. ATF 104
II 86; arrêt 1P.323/1994 du 12 mai 1995, publié in ZBl 97/1996 p. 416,
consid. 4b). A défaut d'un droit de survol, l'usurpation que représente
le survol peut être repoussée (art. 641 al. 2 CC). Il n'y a cependant
une ingérence dans l'espace aérien du fonds que lorsque le passage des
aéronefs s'effectue à faible altitude: un passage à plus haute altitude,
au-delà de la limite de l'espace aérien du fonds, n'est plus une usurpation
(il n'est alors plus question de survol stricto sensu). Le droit civil
n'a pas fixé une fois pour toutes cette altitude car, d'après l'art. 667
al. 1 CC, c'est l'intérêt que présente l'exercice du droit de propriété
- notamment l'intérêt à s'opposer aux ingérences de tiers, en fonction
de la situation de l'immeuble et d'autres circonstances concrètes - qui
définit dans chaque cas l'extension verticale de la propriété foncière
(cf. ATF 123 II 481 consid. 8 p. 494; 122 II 349 consid. 4a/aa p. 352; 104
II 86 et les arrêts cités). Dans l'espace aérien de la parcelle, le droit
civil ne prévoit donc pas que le propriétaire doive tolérer le survol,
quand bien même l'existence d'un aéroport aurait créé, dans son voisinage,
un "usage local". Demeure éventuellement réservé le passage nécessaire,
que le voisin pourrait être tenu de céder au propriétaire de l'aéroport
"moyennant pleine indemnité", conformément aux conditions de l'art. 694
al. 1 CC (la situation juridique pourrait alors être comparée à celle créée
par le passage d'un téléphérique dans l'espace aérien d'une parcelle; cf. à
ce propos ATF 71 II 83 consid. 4 p. 85; ARTHUR MEIER-HAYOZ, Commentaire
bernois, n. 15 ad art. 694 CC; KARIN CARONI-RUDOLF, Der Notweg, thèse
Berne 1969, p. 60; CHARLES KNAPP, note in JdT 1945 I p. 521).

    S'agissant des atteintes indirectes sous la forme d'immissions -
l'art. 684 al. 2 CC énumère à ce propos les émissions de fumée ou de suie,
les émanations incommodantes, les bruits et les trépidations -, le droit
civil impose au propriétaire touché un certain devoir de tolérance. En
effet, l'art. 684 al. 2 CC ne contient pas une interdiction générale
des immissions, mais seulement de celles "qui excèdent les limites
de la tolérance que se doivent les voisins eu égard à l'usage local,
à la situation et à la nature des immeubles" (au sujet de l'obligation
de tolérer les immissions non excessives, cf. notamment HEINZ REY,
Commentaire bâlois, 1998, n. 1 ad art. 684 CC). Le propriétaire qui est à
l'origine d'immissions excessives ne peut par principe pas se prévaloir de
l'antériorité de son établissement; néanmoins, l'utilisation préexistante
des immeubles, avec les immissions qu'elle provoque, peut avoir une
influence sur l'évolution de l'usage local réservé à l'art. 684 al. 2
CC, et donc sur le degré de tolérance que l'on peut imposer aux voisins
(cf. REY, op. cit., n. 13 ad art. 684 CC; MEIER-HAYOZ, Commentaire bernois,
n. 140 ss ad art. 684 CC). Les moyens de défense du droit privé - ceux
prévus par l'art. 679 CC, consacrant la responsabilité du propriétaire
foncier qui excède son droit - ne sont donc efficaces que si les immissions
en cause peuvent être qualifiées d'excessives d'après l'usage local.

    2.4  Conformément à la jurisprudence de droit public, les moyens de
défense du droit privé, tant contre le survol stricto sensu que contre
les immissions excessives, ne sont plus disponibles si ces atteintes
proviennent de l'utilisation, conforme à sa destination, d'un aéroport
public, le droit fédéral prévoyant l'octroi du droit d'expropriation
au concessionnaire pour la réalisation et la mise en exploitation d'une
telle installation (cf. art. 36a al. 4 LA). La prétention au versement
d'une indemnité d'expropriation se substitue aux actions du droit privé et
il appartient non plus au juge civil, mais au juge de l'expropriation de
statuer sur l'existence du droit ainsi que sur la nature et le montant de
l'indemnité (cf. art. 5 LEx; ATF 124 II 543 consid. 3 p. 548; 123 II 481
consid. 7a p. 490; 122 II 349 consid. 4b p. 355, et les arrêts cités). De
ce point de vue, la jurisprudence ne fait donc pas la distinction entre
l'indemnité d'expropriation due en raison du survol, usurpation ou atteinte
directe, et celle due en raison du bruit, immission ou atteinte indirecte.

    2.5  Cela étant, la jurisprudence subordonne l'octroi d'une indemnité
d'expropriation en raison d'immissions de bruit excessives à la réalisation
de trois conditions - l'imprévisibilité, la spécialité et la gravité
(cf. supra, consid. 2.1) -, tandis qu'elle ne prévoit pas ces conditions
pour l'indemnité en raison du survol stricto sensu. Cette différence
ressort clairement de l'arrêt Tranchet précité: il y est exposé que le
juge de l'expropriation, appelé à se prononcer sur des prétentions à
une indemnité en raison du survol, n'a en principe pas à appliquer ces
trois conditions, en particulier celle de l'imprévisibilité (ATF 122 II
349 consid. 4b p. 356; cf. également l'arrêt E.22/1992 du 24 juin 1996,
consid. 9d - arrêt rendu le même jour que l'arrêt Tranchet). Cette règle
jurisprudentielle a été rappelée dans un arrêt plus récent (ATF 124 II
543 consid. 5d p. 557); la doctrine y a également fait référence, sans
du reste la discuter (cf. GRÉGORY BOVEY, L'expropriation des droits de
voisinage, thèse Lausanne 2000, p. 155 n. 692; TOBIAS JAAG, Der Flughafen
Zürich im Spannungsfeld von lokalem, nationalem und internationalem Recht,
in Festschrift Lendi, Zurich 1998, p. 226).

    En déclarant ainsi inapplicable la condition de l'imprévisibilité
en matière de survol stricto sensu, le Tribunal fédéral a résolu pour
la première fois, dans l'arrêt Tranchet, une question qu'il n'avait
pas abordée dans l'arrêt Jeanneret du 12 juillet 1995 (ATF 121 II
317 ss). Certes, dans ce dernier arrêt, le survol avait été mentionné
comme un élément caractéristique des nuisances du trafic aérien, par
opposition à celles du trafic routier ou ferroviaire. Il s'agissait alors
uniquement d'examiner si le préjudice causé par le bruit des avions -
bruit pouvant également résulter du passage des aéronefs à la verticale
des biens-fonds touchés, et dont la source ne se trouve donc pas toujours
sur des terrains voisins appartenant à l'expropriant - était si spécifique
ou différent qu'il eût fallu soumettre l'indemnité pour expropriation de
droits de voisinage à d'autres conditions. Le Tribunal fédéral a répondu
négativement à cette question, qualifiant dans ce contexte le survol
d'élément secondaire (ATF 121 II 317 consid. 5b p. 331/332).

    2.6  C'est donc dans l'arrêt Tranchet du 24 juin 1996 (ATF 122 II
349) que le Tribunal fédéral a reconnu, pour la première fois, qu'un
propriétaire pouvait prétendre à une indemnité d'expropriation pour le
survol stricto sensu, indépendamment de son droit à une indemnité en raison
des immissions de bruit, et que la condition de l'imprévisibilité n'entrait
pas en considération pour le survol. Nonobstant ce double fondement, une
indemnité globale a cependant été allouée dans cette affaire (ATF 122 II
349 consid. 4b in fine p. 357), conformément au principe de l'unité de
l'indemnité d'expropriation (ATF 121 II 350 consid. 5d p. 354).

    L'inapplicabilité de la condition de l'imprévisibilité a pour
conséquence qu'une indemnité pour le survol peut être allouée au
propriétaire d'un bien-fonds situé dans l'axe de la piste, même si
ce bien-fonds a été acheté à une époque où il était déjà survolé par
les avions du trafic commercial ou de lignes. En posant ce principe
dans l'arrêt Tranchet, le Tribunal fédéral s'est référé aux "règles
(matérielles) du droit civil" (ATF 122 II 349 consid. 4b p. 356). Cela
signifie d'une part que, même si la présence d'un aéroport national
a pu faire évoluer l'usage local dans les zones à bâtir environnantes
(cf. à ce propos: WALTER J. MÜLLER, Ansprüche aus Fluglärmimmissionen
in der Umgebung von Flughäfen nach schweizerischem Recht, thèse Bâle
1987, p. 146), le juge de l'expropriation n'a pas à tenir compte de
cette circonstance puisqu'il ne lui incombe pas d'évaluer le caractère
tolérable d'une immission indirecte (cf. art. 684 al. 2 CC), mais
bien de se prononcer sur les conséquences d'une usurpation au sens de
l'art. 641 al. 2 CC, qu'aucun usage local ne saurait obliger à tolérer
(cf. supra, consid. 2.3). D'autre part, le Tribunal fédéral n'entendait
pas, pour le survol stricto sensu, prévoir la même dérogation au régime
des art. 679 ss CC qu'en matière d'immissions de bruit (car c'est bien, en
définitive, par la condition de l'imprévisibilité que le régime de la loi
fédérale sur l'expropriation diffère sensiblement de celui du code civil;
cf. MEIER-HAYOZ, Commentaire bernois, n. 250 et 253 ad art. 684 CC). Le
survol à basse altitude provoque en effet des nuisances si particulières,
au-dessus des maisons d'habitation, qu'on ne saurait reconnaître à la
collectivité publique le privilège d'obliger, unilatéralement et sans
indemnité, les propriétaires de biens-fonds survolés à tolérer pareille
atteinte ou intrusion dès le moment où le développement de l'aéroport et
de ses conditions d'exploitation étaient devenus prévisibles.

    Le recourant n'est donc pas fondé à déduire de la jurisprudence,
spécialement de l'arrêt Jeanneret (ATF 121 II 317), que l'octroi d'une
indemnité d'expropriation en raison du survol stricto sensu est subordonné
à l'imprévisibilité de cette atteinte.

    2.7  Si la prévisibilité ou l'antériorité de l'exploitation de
l'aéroport n'ont aucune influence sur l'existence du droit à une indemnité
d'expropriation en raison du survol, ces éléments peuvent cependant être
pris en considération lors de la fixation de l'indemnité.

    S'agissant des immissions excessives (art. 684 al. 2 CC), la
jurisprudence civile du Tribunal fédéral admet que, pour des raisons
d'équité, on réduise les dommages-intérêts alloués sur la base de
l'art. 679 CC en tenant compte de l'antériorité de l'établissement de
l'installation d'où proviennent les immissions (ATF 88 II 10 consid. 1a
p. 13; 40 II 445 consid. 2 p. 452; cf. également ATF 110 Ib 43 consid. 4
p. 49). D'après la doctrine, il ne serait pas équitable que celui qui,
à cause de cette circonstance, a pu obtenir du vendeur un prix plus bas
lors de l'achat de l'immeuble, reçoive en outre des dommages-intérêts fixés
sans égard au prix d'achat; le propriétaire touché obtiendrait sinon, en
quelque sorte, une double indemnisation (cf. MEYER-HAYOZ, op. cit., n. 139
ad art. 684 CC; HANS SCHLEGEL, Die Immissionen des Art. 684 ZGB in ihrem
Verhältnis zu den zürcherischen kantonalen Eigentumsbeschränkungen, thèse
Zurich 1949, p. 69; ARTHUR BAUHOFER, Immissionen und Gewerberecht, thèse
Zurich 1916, p. 121). Ces considérations sont aussi valables, en matière
d'expropriation, pour l'indemnisation du survol stricto sensu. Puisque
la condition de l'imprévisibilité n'est pas applicable, l'acquéreur
récent d'un immeuble effectivement survolé depuis plusieurs années peut
prétendre à une indemnité; si cet élément a influencé sensiblement le prix
de vente, le juge de l'expropriation pourra en tenir compte et réduire
le cas échéant, pour des motifs d'équité, l'indemnité d'expropriation
calculée en principe sur la base de l'art. 19 let. b LEx (méthode de la
différence - cf. notamment ATF 122 II 337 consid. 4c p. 343).

    2.8  Par ailleurs, l'indemnité due pour le survol stricto sensu - que
l'on peut assimiler en quelque sorte à une indemnité pour la constitution
forcée d'une servitude par voie d'expropriation (cf. ATF 124 II 543
consid. 5d p. 557; 123 II 560 consid. 3a p. 564; 122 II 349 consid. 4b
p. 356; 121 II 317 consid. 4a p. 326, 350 consid. 5e p. 354 et les arrêts
cités) - ne peut être allouée qu'une seule fois; elle vise à compenser une
fois pour toutes la moins-value subie par l'immeuble. Les propriétaires
successifs d'un bien-fonds survolé ne sauraient donc prétendre, chacun,
à une telle indemnité.

    2.9  Il faut encore que l'indemnité ait été demandée en temps
utile. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, les mêmes règles
doivent en principe s'appliquer en matière de prescription, quel que soit
le fondement des prétentions des propriétaires voisins de l'aéroport de
Genève (immissions de bruit ou survol - cf. ATF 124 II 543 consid. 5d
p. 557 et arrêt 1E.7/1999 du 21 février 2000, consid. 4c). Ainsi,
l'expropriant ne saurait opposer la prescription aux propriétaires voisins
qui ont annoncé leurs prétentions dans les cinq ans suivant la publication,
le 2 septembre 1987, de la décision d'approbation du plan des zones de
bruit de l'aéroport; en revanche la prescription est en principe acquise
quand les prétentions ont été produites une fois échu ce délai quinquennal
(ATF 124 II 543 consid. 5c/cc p. 555; arrêt 1E.6/1999 du 24 décembre 1999,
consid. 3c/cc). Cette question n'a toutefois pas à être examinée plus
avant dans le présent arrêt.

Erwägung 3

    3.  Le dossier de la cause démontre que le terrain litigieux
est survolé par les avions atterrissant sur la piste 05 orientée
sud-ouest/nord-est. En effet, en raison de l'écart latéral admissible
par rapport à l'axe de la piste (0,5o, voire 1,25o) et compte tenu de
l'envergure des avions employés pour le trafic de lignes (souvent plus de
40 m, parfois 60 m - cf. ATF 122 II 349 consid. 4a/cc p. 355), ce terrain
est entièrement inclus dans le "couloir" d'approche de l'aéroport ("Glide
Path"). D'après la décision attaquée, l'altitude de survol est d'environ
108 m au-dessus du niveau du sol (le terrain litigieux est directement
voisin de celui des consorts Tranchet - cf. ATF 122 II 349 consid. 4a/cc
p. 355). Ces éléments de fait ne sont pas contestés.

    Comme dans l'affaire Tranchet, il faut considérer en l'espèce que le
passage régulier d'avions de ligne à une centaine de mètres au-dessus d'une
maison d'habitation familiale constitue une ingérence ou une intrusion
dans l'espace aérien de la parcelle (ATF 122 II 349 consid. 4a/cc p. 355;
cf. supra, consid. 2.2). R.S., qui a demandé une indemnité d'expropriation
avant le 2 septembre 1992, fait valoir des prétentions à cause de ce
survol; comme les conditions de l'imprévisibilité, de la spécialité et de
la gravité ne s'appliquent pas, rien ne s'opposait à ce que la Commission
fédérale d'estimation lui reconnût, en principe, le droit à une indemnité
d'expropriation en raison du survol (ch. 2 du dispositif de la décision
attaquée). Les griefs du recourant à ce sujet sont donc mal fondés.

    Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de se prononcer, à ce stade, sur
le sort des conclusions prises à titre subsidiaire, devant la Commission
fédérale d'estimation, par C.S.

Erwägung 4

    4.  Dans la situation que l'on vient d'exposer, il faut considérer que
les nuisances provoquées par les passages des avions - bruit intense lors
de chaque atterrissage, remous d'air, effluves provenant des moteurs,
sentiment de crainte ou d'inconfort dû à la présence au-dessus de soi
d'une masse importante en mouvement, etc. - prennent une importance
prépondérante. Les immissions de bruit "résiduelles" - provoquées lors
des décollages, sans intrusion dans l'espace aérien de la parcelle, ou
lors d'atterrissages sur la piste opposée, ou encore lors de manoeuvres
au sol - revêtent dès lors un caractère accessoire; elles n'influencent
plus sensiblement l'estimation de moins-value de l'immeuble causée par
l'exploitation de l'aéroport. C'est pourquoi, dans le cas particulier,
il n'est pas nécessaire de déterminer si les expropriées ont droit à
une compensation spécifiquement en raison des immissions de bruit, car
l'indemnité d'expropriation due au titre du survol doit être fixée de
manière à réparer entièrement le dommage subi.

    Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'examiner si les
expropriées pouvaient ou non se prévaloir de la condition de
l'imprévisibilité. L'argumentation du recourant à ce sujet est dès lors
sans pertinence. Néanmoins, ses conclusions tendant à l'annulation du ch. 1
du dispositif de la décision attaquée, lequel reconnaît aux expropriées le
droit à une indemnité pour l'expropriation de droits de voisinage à cause
des immissions de bruit, sont fondées. En effet, il était superflu de se
prononcer sur ce second fondement éventuel de l'indemnité d'expropriation.
Dès lors que le Tribunal fédéral n'est lié que par les conclusions des
parties, et non pas par les motifs qu'elles invoquent (art. 114 al. 1
OJ), il faut admettre partiellement, sur ce point, le recours de droit
administratif, et partant annuler le ch. 1 du dispositif de la décision
attaquée.