Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 II 497



129 II 497

49. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause
Entreprises Electriques Fribourgeoises (EEF) contre Watt Suisse AG,
Fédération des Coopératives Migros et Commission de la concurrence ainsi
que Commission de recours pour les questions de concurrence (recours de
droit administratif)

    2A.520/2002 du 17 juin 2003

Regeste

    Anwendung des Kartellgesetzes auf den Elektrizitätsmarkt.

    ANSPRUCH AUF RECHTLICHES GEHÖR

    Äusserungsrecht zu einem Verfügungsentwurf der Wettbewerbskommission
gemäss Art. 30 Abs. 2 KG und Anspruch auf einen Zuständigkeitsentscheid
laut Art. 9 Abs. 1 und Art. 29 ff. VwVG (E. 2).

    VORBEHALT WETTBEWERBSAUSSCHLIESSENDER VORSCHRIFTEN GEMÄSS

KARTELLGESETZ

    Lage des Elektrizitätsmarktes in der Schweiz (E. 3.1).  Aus dem
Umstand, dass das Bundesgesetz über den Elektrizitätsmarkt in der
Volksabstimmung abgelehnt worden ist, kann nicht geschlossen werden,
dass das Kartellgesetz auf den Elektrizitätsbereich nicht anwendbar ist
(E. 3.2).

    (Eher restriktive) Auslegung der zwei Arten von Vorschriften gemäss
Art. 3 Abs. 1 lit. a und b KG, die einen Wettbewerbsausschluss ermöglichen
(E. 3.3).

    BUNDESRECHT

    Auf Bundesebene besteht keine Vorschrift, welche den Wettbewerb im
Elektrizitätsbereich ausschliessen würde (E. 4).

    ÜBERPRÜFUNG DES FRÜHEREN RECHTS DES KANTONS FREIBURG

    Zuständigkeit der Kantone zur Regelung der Elektrizitätslieferung
und -verteilung (E. 5.1). Freie Kognition des Bundesgerichts bei der
Überprüfung des im Rahmen von Art. 3 Abs. 1 KG anzuwendenden kantonalen
Rechts (E. 5.2). Zeitlich anwendbares kantonales Recht (E. 5.3).

    Das kantonale Recht sieht keine Wettbewerbsausschlussklausel vor. Die
Freiburger Elektrizitätswerke verfügen nicht über ein rechtliches, sondern
nur über ein faktisches Monopol für den Transport und die Lieferung
von Elektrizität. Ein Verwaltungsakt, wie eine Konzession, kann unter
gewissen Voraussetzungen eine "Vorschrift" im Sinne von Art. 3 Abs. 1
KG darstellen. Ein Sondernutzungsmonopol für den Bau und Betrieb von
Elektrizitätsleitungen umfasst nicht zwingend deren Benützung für den
Transport und die Lieferung des Stroms (E. 5.4.1-5.4.8).

    Wird einem Unternehmen eine öffentliche Aufgabe übertragen, so
rechtfertigt dies nur dann einen Wettbewerbsausschluss, wenn die Erfüllung
dieser Aufgabe durch die Anwendung des Kartellgesetzes verunmöglicht würde,
was hier nicht der Fall ist. Möglichkeit der ausnahmsweisen Zulassung eines
Wettbewerbsausschlusses durch den Bundesrat gemäss Art. 8 KG. Überprüfung
der Verträge zur Abgrenzung der Stromverteilgebiete (E. 5.4.9-5.4.11).

    ÜBERPRÜFUNG DER NEUEN GESETZGEBUNG DES KANTONS

FREIBURG

    Die neue kantonale Gesetzgebung sieht keinen Wettbewerbsausschluss
vor. Offen gelassen, ob und inwieweit ein Kanton auf Grund von Art. 27
und 36 BV befugt wäre, für die Stromlieferung ein Rechtsmonopol zu Gunsten
eines einzigen Unternehmens zu errichten (E. 5.5-5.7).

    ANWENDUNGSVORAUSSETZUNGEN VON ART. 7 KG

    Begriff des Unternehmens gemäss Art. 2 Abs. 1 KG (E. 6.2) mit
marktbeherrschender Stellung im Sinne von Art. 4 Abs. 2 KG (E. 6.3). Von
den Freiburger Elektrizitätswerken geltend gemachte Gründe, um die
Durchleitung des von der Migros bei Watt gekauften Stroms durch ihr Netz
zu verweigern (E. 6.4).

    Eine Wettbewerbsbehinderung ist nur dann widerrechtlich, wenn
sie missbräuchlich ist. Als missbräuchlich ist das Verhalten eines
marktbeherrschenden Unternehmens einzustufen, das als einziges über die
für das Erbringen einer Leistung notwendigen Infrastrukturen verfügt und
sich ohne objektive Gründe weigert, sie seinen Konkurrenten zugänglich
zu machen (E. 6.5.1-6.5.5).

    Kein Vertragsbruch im Sinne von Art. 4 lit. a UWG bei ordnungsgemässer
Kündigung eines Stromliefervertrags (E. 6.5.6).

    Migros missbraucht ihre Marktmacht nicht, wenn sie den Stromlieferanten
wechseln will (E. 6.5.7).

    Ein Unternehmen kann einer Konkurrentin den Zugang zu seinem Markt
nicht deshalb verweigern, weil sie in einem anderen Marktbereich eine
beherrschende Stellung innehabe (E. 6.5.8).

    Festsetzung des angemessenen Preises für die Benützung des
Elektrizitätsnetzes (E. 6.5.9).

Sachverhalt

    A.- La société Entreprises électriques fribourgeoises (ci-après: EEF)
était, selon l'art. 1er de l'ancienne loi fribourgeoise du 18 septembre
1998 sur les Entreprises électriques fribourgeoises (LEEF ou loi de
1998 sur les EEF; en vigueur du 1er avril 1999 au 31 janvier 2001),
un établissement de droit public distinct de l'Etat, ayant qualité
de personne morale. Par la loi du 19 octobre 2000 sur le statut des
Entreprises électriques fribourgeoises et de leur Caisse de pensions (LSEEF
ou loi de 2000 sur le statut des EEF; acceptée en votation populaire le 10
juin 2001 et entrée en vigueur le 1er janvier 2002), la société EEF a été
transformée en société anonyme selon les art. 620 ss CO. Elle produit de
l'électricité et exploite un réseau électrique dans le canton de Fribourg.

    La Fédération des Coopératives Migros (ci-après: Migros) possède des
filiales dans le canton de Fribourg, notamment Estavayer Lait SA (ci-après:
ELSA) à Estavayer-le-Lac et Micarna SA (ci-après: Micarna) à Courtepin. Ces
deux sociétés sont approvisionnées en énergie électrique par EEF. En 1999,
Migros a conclu (notamment pour ses sites de production sis dans le canton
de Fribourg) un contrat de fourniture en énergie électrique avec Watt
Suisse AG (ci-après: Watt). Les sociétés ELSA et Micarna ont résilié
les contrats de livraison d'énergie qui les liaient à la société EEF
d'une part et demandé d'autre part à cette dernière de faire transiter le
courant électrique acheté à Watt par le réseau exploité par EEF. Celle-ci
a toutefois rejeté cette dernière requête jusqu'à l'entrée en vigueur de
la nouvelle loi fédérale sur le marché de l'électricité.

    B.- Le 14 février 2000, Watt et Migros ont requis du secrétariat de
la Commission de la concurrence d'ouvrir une enquête préalable et une
enquête au sens des art. 26 et 27 LCart (RS 251) notamment à l'encontre
de la société EEF. Migros a en outre demandé que EEF soit obligée de
mettre son réseau électrique à la disposition du fournisseur d'énergie qui
entend approvisionner en électricité les sites de production de Migros,
soit ELSA, respectivement Micarna, moyennant une taxe d'utilisation du
réseau de 31 fr. 60, respectivement 32 fr. 30 par MWh. Cette requête était
motivée par le fait que EEF refusait de faire transiter sur son réseau
l'énergie fournie par Watt, ce qui constituerait une pratique illicite
de la part d'une entreprise ayant une position dominante au sens de
l'art. 7 LCart. De plus, il n'existerait pas, dans ce secteur, un régime
de marché de caractère étatique excluant, selon l'art. 3 al. 1 LCart,
toute application de la loi sur les cartels. Des requêtes analogues
ont été déposées à l'encontre d'Elektra Baselland (EBL) et du Service
intercommunal de l'électricité SA (SIE).

    Le secrétariat de la Commission de la concurrence a ouvert une
enquête préliminaire (art. 26 LCart) et a donné l'occasion aux parties
concernées de se déterminer. Par courrier du 10 avril 2000, EEF a soutenu
que le législateur fribourgeois a établi un régime de marché particulier
pour la distribution de l'électricité, ce qui excluait l'application de
la loi sur les cartels, conformément à l'art. 3 al. 1 LCart. De plus,
l'art. 7 LCart ne serait pas violé.

    Les conclusions du rapport ayant été rendues le 9 juin 2000 à l'issue
de l'enquête préliminaire (Droit et politique de la concurrence [DPC] 2000
p. 153 ss), le secrétariat de la Commission de la concurrence a ouvert
une enquête d'entente avec un membre de la présidence de la commission
(art. 27 LCart). Le 15 décembre 2000, le secrétariat précité a envoyé un
projet de décision aux participants à l'enquête, conformément à l'art. 30
al. 2 LCart. Il était prévu de constater que la société EEF occupait une
position dominante dans sa zone de distribution au sens de l'art. 4 al. 2
LCart et qu'elle violait l'art. 7 LCart en refusant de faire transiter
l'électricité de Watt sur son réseau.

    Par courrier du 22 février 2001, la société EEF faisait valoir que, vu
la réglementation cantonale excluant le marché en cause de la concurrence
conformément à l'art. 3 al. 1 LCart, la Commission de la concurrence ne
serait pas compétente pour se prononcer. EEF disposerait d'un monopole
institué par la loi pour l'approvisionnement de l'électricité. Le transport
de l'électricité sur les réseaux serait réglé de manière exhaustive
par les art. 43 et 44 de la loi fédérale du 24 juin 1902 concernant les
installations électriques à faible et à fort courant (LIE; RS 734.0) ou
par la loi sur le marché de l'électricité, de sorte que la Commission
de la concurrence ne serait pas compétente. EEF a en outre requis des
mesures d'instruction complémentaires en ce qui concerne l'interprétation
du droit cantonal, fédéral et européen.

    Par décision du 5 mars 2001 (DPC 2001 p. 255), la Commission de la
concurrence a rejeté l'ensemble des conclusions de EEF du 22 février
2001 (ch. 215/1) et constaté que EEF jouissait d'une position dominante
au sens de l'art. 4 al. 2 LCart sur les marchés de la distribution
régionale et supra-régionale et de la fourniture du courant électrique
dans sa zone de distribution (ch. 215/2). Elle a encore constaté que,
en ayant refusé de faire transiter l'électricité de Watt sur son réseau
pour l'approvisionnement des sites d'ELSA à Estavayer-le-Lac et de Micarna
à Courtepin à partir du 1er janvier 2000, la société EEF avait abusé et
continuait d'abuser de sa position dominante au sens de l'art. 7 LCart
(ch. 215/3).

    C.- La société EEF a recouru le 7 mai 2001 contre cette décision
auprès de la Commission de recours pour les questions de concurrence (ci-
après: la Commission de recours), en concluant principalement à ce que
la décision de la Commission de la concurrence soit annulée et que la
cause soit renvoyée à cette autorité afin qu'elle prenne une décision
incidente sur sa compétence. Subsidiairement, EEF demandait que la
décision attaquée soit annulée et qu'il soit constaté que la Commission
de la concurrence n'était pas habilitée, en vertu de l'art. 3 LCart, à
prendre une décision au sens de l'art. 30 LCart. Plus subsidiairement,
EEF concluait à l'annulation de la décision et au renvoi de l'affaire
à l'autorité inférieure afin que celle-ci lui octroie un nouveau délai
pour s'exprimer sur le fond et qu'il soit constaté que la société EEF ne
violait pas l'art. 7 LCart.

    La Commission de recours a ordonné un échange d'écritures et a tenu
une audience le 3 septembre 2002. EEF a présenté une demande de suspension
motivée par l'imminence de la votation populaire fédérale du 22 septembre
2002 sur la loi sur le marché de l'électricité.

    Par décision du 17 septembre 2002 (DPC 2002 p. 672 ss), la Commission
de recours a rejeté la requête de suspension et le recours.

    EEF a formé un recours de droit administratif. Le Tribunal fédéral
a rejeté ce recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.

    2.1  La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être
entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de formalisme excessif. Elle expose que,
par acte du 22 février 2001 adressé à la Commission de la concurrence,
elle a demandé une décision incidente sur la compétence, ainsi qu'une
suspension de la procédure sur le fond jusqu'à droit connu sur la décision
sur la compétence. Elle ajoute qu'elle a sollicité différentes mesures
d'instruction, et enfin, une autre occasion de s'exprimer sur la cause
au fond. La Commission de la concurrence a cependant, par décision du
5 mars 2001, tranché le fond du litige sans lui avoir offert à nouveau
la possibilité de se déterminer. Selon la recourante, c'est à tort que
la Commission de recours a retenu qu'une éventuelle violation du droit
d'être entendu pouvait de toute façon être réparée devant elle, étant
donné que la Commission de recours n'aurait pas le même pouvoir d'examen
que la Commission de la concurrence.

    2.2  Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2
Cst. et aux art. 29 ss PA, comprend notamment le droit pour l'intéressé
de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit
prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes,
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de
participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins
de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer
sur la décision à rendre (ATF 127 I 54 consid. 1b; 124 I 48 consid.
3a p. 51; 122 I 53 consid. 4a p. 55 et les références citées). Le droit
d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait. Les parties
doivent éventuellement aussi être entendues sur les questions de droit
lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales
dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue
par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il
existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large (ATF 127 V 431
consid. 2b; 126 I 19 consid. 2c). En règle générale, le droit d'être
entendu ne donne en revanche pas le droit de s'exprimer sur un projet de
décision pris à l'issue d'une procédure d'instruction. L'art. 30 al. 2
LCart, prévoyant que les participants à l'enquête peuvent communiquer
leur avis par écrit sur la proposition de décision, accorde ainsi des
garanties supplémentaires par rapport au droit d'être entendu consacré
par la Constitution ou la PA (Message du 23 novembre 1994 concernant la
loi fédérale sur les cartels et autres restrictions de la concurrence,
FF 1995 I 472 ss, p. 595; STEFAN BILGER, Das Verwaltungsverfahren zur
Untersuchung von Wettbewerbsbeschränkungen, Fribourg 2002, p. 275, 277).

    2.3  En l'espèce, la Commission de la concurrence a envoyé un projet
de décision à la recourante le 15 décembre 2000, conformément à l'art. 30
al. 2 LCart, et lui a donné l'occasion de se déterminer jusqu'au 22 janvier
2001. Le 22 janvier 2001, la recourante a sollicité une prolongation
du délai jusqu'au 28 février 2001. Le 24 janvier 2001, la Commission
de la concurrence a accordé une prolongation jusqu'au 22 février 2001,
en indiquant qu'une deuxième prolongation ne pourrait être accordée que
sur la base de motifs justifiés.

    Par lettre du 22 février 2001, la recourante a notamment demandé de
lui accorder un nouveau délai pour s'exprimer sur le fond. En même temps,
la recourante s'est exprimée sur la portée de l'art. 3 LCart et du droit
cantonal pertinent.

    Celui qui, dans le cadre d'un délai fixé par l'autorité pour
se déterminer sur le fond, sollicite des mesures de procédure, doit
envisager que cette requête puisse être rejetée, tenir compte de cette
éventualité et s'exprimer ainsi au moins sur le fond. Si une partie
décide de ne se déterminer que sur une partie des points qui lui sont
soumis dans un certain délai, cela ne lui permet pas de bénéficier d'un
délai ultérieur pour s'exprimer sur le solde des questions posées, sans
quoi il lui serait possible de retarder à loisir le déroulement de la
procédure. Un droit à un nouveau délai pourrait tout au plus être admis
si la partie pouvait, en vertu d'une pratique constante de l'autorité
ou de circonstances concrètes particulières, considérer de bonne foi que
l'autorité lui accorderait un nouveau délai pour s'exprimer sur le fond
après un éventuel rejet des mesures de procédure requises.

    2.4  En l'occurrence, la Commission de la concurrence a, par acte du
24 janvier 2001, clairement exprimé sa volonté de poursuivre rapidement
la procédure en indiquant qu'une deuxième prolongation du délai n'était
envisageable que sur la base de motifs justifiés. Dans ces conditions,
la recourante ne pouvait pas partir de l'idée qu'une nouvelle prolongation
de délai lui serait sans autre accordée pour compléter ses déterminations
sur le fond. D'autant moins qu'elle avait déjà pu s'exprimer en détail
sur le fond dans le cadre de l'enquête préliminaire et de l'enquête à
trois reprises (les 10 avril 2000, 31 mai 2000 et 30 octobre 2000) et que
les requêtes de procédure contenues dans l'acte du 22 février 2001 étaient
manifestement infondées ou, du moins en partie, confinaient à la témérité.
En particulier, on ne voit pas pourquoi la Commission de la concurrence
aurait dû rendre une décision incidente susceptible de recours, alors
que la recourante n'avait jamais contesté cette compétence en cours
de procédure et qu'elle avait accepté sans réserve de participer à la
procédure d'instruction. Certes, une autorité qui se tient pour compétente
doit le constater dans une décision si une partie le conteste (art. 9 al. 1
PA). Pour des raisons d'économie de procédure, la compétence contestée
est souvent constatée dans le cadre d'une décision incidente susceptible
d'être attaquée séparément (art. 45 al. 2 let. a PA). Cela ne signifie
toutefois pas que cette constatation doit obligatoirement faire l'objet
d'une décision incidente. Il serait en tout cas contraire au principe
d'économie de procédure de rendre une décision incidente séparée lorsque
la compétence n'est contestée qu'à la fin de la procédure d'instruction
et qu'un projet de décision finale a déjà été préparé. En l'espèce de
surcroît, la recourante conteste la compétence de la Commission de la
concurrence pour le seul motif que son comportement serait licite sur la
base de l'art. 3 al. 1 LCart. Or, cette disposition légale n'a clairement
pas trait à la compétence de la Commission de la concurrence, mais au champ
d'application matériel des art. 7 et 30 LCart (cf. arrêt 2A.492/2002 du 17
juin 2003, consid. 4.3). Une décision incidente ne se justifiait donc pas.

    A cela s'ajoute que la recourante s'est exprimée, en détail, dans son
écriture du 22 février 2001, bien que concernant des mesures de procédure,
sur la portée de l'art. 3 al. 1 LCart, respectivement du droit cantonal
topique. La recourante n'indique de toute façon pas devant le Tribunal
fédéral ce qu'elle aurait encore voulu dire sur le fond de l'affaire.

    2.5  La Commission de la concurrence n'a ainsi pas violé le droit
d'être entendu de la recourante. Point n'est donc nécessaire d'examiner
si la prétendue violation du droit d'être entendu aurait pu être réparée
devant la Commission de recours.

Erwägung 3

    3.  Il convient tout d'abord d'examiner si le droit des cartels
est, sur le principe, applicable aux entreprises d'approvisionnement
en électricité et en particulier au transport et à la distribution de
l'électricité sur un réseau tiers.

    3.1  En Suisse, la production de courant électrique provenait -
et provient encore aujourd'hui dans une large mesure - de la force
hydraulique, dont le droit d'utilisation appartient aux collectivités
publiques (cantons et communes). Ce droit d'utilisation ne peut être
conféré à des privés que par le biais d'une concession (art. 76 al. 4 Cst.;
art. 3 et 38 ss de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation
des forces hydrauliques [LFH; RS 721.80]). Par ailleurs, la construction
d'installations de transport et de distribution d'énergie implique de
fait un large usage particulier du domaine public, qui ne peut également
être accordé à un privé que par l'octroi d'une concession. C'est pourquoi
le secteur suisse de l'électricité s'est développé en rapport étroit
avec les pouvoirs publics. Nombre de centrales électriques sont des
exploitations ou des établissements communaux ou cantonaux. D'autres
sont des entreprises organisées selon le droit privé, mais sont aussi
en partie la propriété des pouvoirs publics. Nombre d'entreprises
exploitent aussi bien des usines de production que des installations de
transport et de distribution d'énergie, alors que d'autres entreprises
n'exploitent que ces dernières activités, mais sont alors en général
sous une forme ou une autre liées à des producteurs d'énergie (à propos
de la structure du marché de l'électricité, voir Message du 7 juin 1999
concernant la loi sur le marché de l'électricité, FF 1999 p. 6646 ss,
6655 ss; JUDITH BISCHOF, Rechtsfragen der Stromdurchleitung, Zurich 2002,
p. 11 ss; ETIENNE POLTIER, Les entreprises d'économie mixte, Zurich 1983,
p. 55 ss; DOMINIK STRUB, Wohlerworbene Rechte, insbesondere im Bereich
des Elektrizitätsrechts, Fribourg 2001, p. 155 ss). Le rapport étroit
existant entre les pouvoirs publics et le marché de l'électricité a
conduit, en matière d'approvisionnement, à une situation qui exclut en
grande partie une concurrence au niveau de la fourniture d'électricité
aux consommateurs finaux: les cantons et les communes ont en règle
générale octroyé les concessions pour l'utilisation de leur domaine
public aux fins d'y construire des lignes électriques à une entreprise
unique. Ainsi, seule cette dernière - ou l'entreprise propre du canton
ou de la commune - peut construire et exploiter un réseau électrique.
Les entreprises électriques tierces sont exclues de l'approvisionnement
en raison de l'existence de ce monopole de fait et aussi de contrats de
zone de distribution régionale exclusive conclus entre les différentes
entreprises d'approvisionnement électrique (BISCHOF, op. cit., p. 12,
40 s.; ERWIN RUCK, Schweizerisches Elektrizitätsrecht, Zurich 1964,
p. 57 s.; FRITZ KILCHENMANN, Rechtsprobleme der Energieversorgung,
JAB Sonderheft n. 1, 1991, p. 18 ss; PETER RÜEGGER, Rechtsprobleme der
Verteilung elektrischer Energie durch öffentlichrechtliche Anstalten,
Zurich 1991, p. 82 s., 147; STRUB, op. cit., p. 165 s.). La jurisprudence,
les législations cantonales et la doctrine considèrent généralement
l'approvisionnement en électricité comme une tâche d'intérêt public
(cf. ATF 105 II 234 consid. 2; arrêt du Tribunal administratif du
canton de Berne, in ZBl 72/1971 p. 88 ss; BISCHOF, op. cit., p. 12;
IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 5e éd.,
Bâle 1976, n. 120, B/I, p. 839; KILCHENMANN, op. cit., p. 31 s.;
RÜEGGER, op. cit., p. 109 s., 148; KARIN SUTTER-SOMM, Das Monopol im
schweizerischen Verwaltungs- und Verfassungsrecht, Bâle 1989, p. 151
ss; HANS MARTIN WELTERT, Die Organisations- und Handlungsformen in der
schweizerischen Elektrizitätsversorgung, Zurich 1990, p. 263 ss), tâche qui
pourrait aussi à certaines conditions faire l'objet d'un monopole de droit
(cf. ATF 127 I 49 consid. 3b, où le Tribunal fédéral n'avait pas besoin
de se prononcer sur l'admissibilité du monopole de droit). Même s'il
n'existe aucun monopole de droit, la collectivité publique, qui assure
l'approvisionnement en électricité sous la forme d'un service public,
n'est pas tenue, d'après la jurisprudence, d'autoriser une entreprise
électrique concurrente à utiliser son domaine public pour distribuer
du courant; le monopole de fait permet donc, en vertu de la maîtrise du
domaine public, d'exclure la concurrence (ATF 95 I 144 consid. 3 p. 148;
88 I 57 consid. 3 p. 64; 82 I 223 consid. 2 p. 228; 58 I 292 p. 298 ss;
arrêt du Tribunal fédéral P.1432/1979 du 2 avril 1982, publié in ZBl
84/1983 p. 360, consid. 1a; voir aussi ATF 128 I 3 consid. 3b; 125 I 209
consid. 10b p. 222; KILCHENMANN, op. cit., p. 19 s.; SUTTER-SOMM, op.
cit., p. 154 s.; WELTERT, op. cit., p. 178). Sous l'empire de l'ancienne
loi du 20 décembre 1962 sur les cartels et organisations analogues (LCart
62; RO 1964 p. 53), le Tribunal fédéral avait refusé d'appliquer les
dispositions (civiles) du droit des cartels aux entreprises électriques,
étant donné que celles-ci exécutaient une tâche d'intérêt public et ce,
quand bien même elles revêtaient la forme d'une société anonyme de droit
privé (ATF 110 II 220 consid. 2). Le Tribunal fédéral reconnaît certes
depuis un certain temps que la liberté du commerce et de l'industrie
accorde un droit conditionnel à un usage accru du domaine public (ATF
126 I 133 consid. 4d, 250 consid. 2d/aa; 121 I 279 consid. 2a; 119 Ia 390
consid. 9 p. 404; 108 Ia 135 consid. 3; 101 Ia 473 consid. 5b). Une partie
de la doctrine a voulu y voir la possibilité de mettre en cause l'idée
selon laquelle l'Etat peut se fonder sur sa maîtrise du domaine public pour
s'arroger un monopole de fait notamment en matière d'approvisionnement
en énergie électrique (cf. RICARDO JAGMETTI, Commentaire aCst., 1995,
n. 32 ad art. 24quater aCst.; CHARLES-ANDRÉ JUNOD, Problèmes actuels de
la constitution économique suisse, RDS 89/1970 II p. 591 s., 736 s.; BEAT
KRÄHENMANN, Privatwirtschaftliche Tätigkeit des Gemeinwesens, Bâle 1987,
p. 170 s.; CLAUDE RUEY, Monopoles cantonaux et liberté économique, Lausanne
1988, p. 356; SUTTER-SOMM, op. cit., p. 156 s.). Dans la jurisprudence,
cette conception ne s'est jusqu'à présent pas imposée (WELTERT, op. cit.,
p. 181).

    3.2

    3.2.1  L'approvisionnement en électricité, en tant que tâche publique,
ainsi que sa structure monopolistique, sont de plus en plus remis en cause
sur les plans politique et économique. D'ailleurs, la directive 96/92/CE
du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des
règles communes pour le marché intérieur de l'électricité (JOCE no L
27, du 30 janvier 1997, p. 20 s.) oblige les Etats membres à prendre
les mesures nécessaires pour garantir aux clients et aux producteurs
d'électricité un accès non discriminatoire aux réseaux de distribution
(cf. à ce propos, BISCHOF, op. cit., p. 7 s., 42 ss; NICLA HAEFLIGER,
Die Liberalisierung der Elektrizitätswirtschaft in der Europäischen
Gemeinschaft, Berne 1997). Afin de procéder également en Suisse à une
ouverture du marché de l'électricité comparable, l'Assemblée fédérale
a adopté, le 15 décembre 2000, la loi sur le marché de l'électricité,
soumise à référendum (LME; voir FF 2000 p. 5761). Cette loi avait
comme but de créer les conditions d'un marché de l'électricité axé sur
la concurrence (art. 1 al. 1 LME) et ainsi d'accroître le rendement de
l'approvisionnement en courant par la concurrence (Message du 7 juin 1999
concernant la loi sur le marché de l'électricité, FF 1999 p. 6646 s.,
6649 s.). A cette fin, il était prévu d'obliger l'exploitant d'un réseau
à acheminer sur celui-ci, et de manière non discriminatoire, l'électricité
des autres producteurs d'électricité également (art. 5 LME). L'ouverture du
marché devait se faire par étapes (art. 27 LME). Une Commission fédérale
d'arbitrage devait être instituée pour statuer sur les litiges concernant
l'obligation d'acheminer l'électricité et la rétribution de l'acheminement
(art. 15 et 16 LME). Cette réglementation spéciale et détaillée aurait
eu pour effet, en tant que lex specialis, d'exclure l'application de
la loi sur les cartels, ainsi que la compétence de la Commission de
la concurrence dans le domaine de l'acheminement de l'électricité (FF
1999 p. 6687; BISCHOF, op. cit., p. 102 s., 105 s., 141; EVELYNE CLERC,
in Tercier/Bovet [éd.], Droit de la concurrence, Bâle 2002, n. 39 ad
art. 7 LCart; YANNICK FELLEY/GILLES ROBERT-NICOUD, Ouverture du marché
de l'électricité, RDAF 2002 I p. 65 ss, 85 s.; JACQUES FOURNIER, Vers un
nouveau droit des concessions hydroélectriques, Fribourg 2002, p. 138 ss;
STEFAN RECHSTEINER, Rechtsfragen des liberalisierten Strommarktes in der
Schweiz, Zurich 2001, p. 140 s., 147; le même, Stromdurchleitung: Zum
Verhältnis von Kartellrecht und EMG - eine Entgegnung, PJA 2000 p. 764 ss;
contra ANDRAS PALASTHY, Die Verweigerung der Durchleitung von Strom nach
dem Kartellgesetz [KG], PJA 2000 p. 298 ss, 306).

    3.2.2  La loi sur le marché de l'électricité a cependant été rejetée
en votation populaire du 22 septembre 2002 et n'est donc pas entrée en
vigueur. Il se pose donc la question de savoir si, dans ces circonstances,
la loi sur les cartels est applicable au domaine de l'acheminement de
l'électricité ou si l'ouverture forcée du marché de l'électricité décidée
par la Commission de la concurrence ne serait pas contraire à la volonté
populaire exprimée le 22 septembre 2002. Selon l'art. 164 al. 1 Cst.,
toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent
être édictées sous la forme d'une loi fédérale. On peut se demander si
l'ouverture du marché de l'électricité ne s'éloigne pas trop du système
légal existant et si elle ne constitue pas une décision si importante
qu'elle ne pourrait être démocratiquement prise que par le législateur
fédéral, et non par la Commission de la concurrence en application de la
loi sur les cartels. Il a été ainsi tenu pour incertain, à la lumière du
principe de la légalité, que l'obligation d'acheminement de l'électricité
puisse être imposée sur la base de la loi sur les cartels nonobstant
le rejet de la loi sur le marché de l'électricité (CHRISTIAN BOVET,
Aspects des économies de réseaux, in Auer/Delley/Hottelier/Malinverni
[éd.], Aux confins du droit: Essais en l'honneur du Professeur Morand,
Bâle 2001, p. 491 ss, 507).

    3.2.3  Dans sa prise de position au sujet des discussions
sur l'ouverture du marché de l'électricité (CCSPr 1996 p. 147 ss),
l'ancienne Commission des cartels avait déjà expressément omis de se
prononcer sur la question de savoir si, dans le secteur de l'électricité,
il existait un régime de marché de caractère étatique selon l'art. 44 al.
2 let. b de l'ancienne loi fédérale du 20 décembre 1985 sur les cartels et
organisations analogues (LCart 85; RO 1986 p. 874). Elle avait néanmoins
proposé à la Commission de la concurrence d'examiner si, et dans quelle
mesure, la réserve concernant le régime de marché et de prix de caractère
étatique (art. 3 LCart) pouvait trouver application et s'il existait des
restrictions illicites à la concurrence sur le marché de l'électricité
selon les art. 5 ss LCart (ibidem, p. 174 s.). Elle était donc partie de
l'idée que - sous réserve des prescriptions particulières selon l'art. 3
al. 1 LCart - la loi sur les cartels était aussi applicable au marché
de l'électricité.

    3.2.4  Certains auteurs estiment qu'une libéralisation du marché
de l'électricité imposée par les autorités de la concurrence serait
peu judicieuse et praticable, étant donné que celles-ci ne pourraient
intervenir que de manière ponctuelle et n'auraient pas la possibilité de
fixer les conditions-cadre nécessaires (BISCHOF, op. cit., p. 166 ss;
ROLAND VON BÜREN, Das schweizerische Kartellrecht zwischen gestern und
morgen, RJB 137/2001 p. 543 ss, 556 s.; BARBARA HÜBSCHER/PIERRE RIEDER,
Die Bedeutung der "Essential facilities" - Doktrin für das schweizerische
Wettbewerbsrecht, sic! 5/1997 p. 439 ss, 445; FELLEY/ROBERT-NICOUD,
op. cit., p. 107; FOURNIER, op. cit., p. 52; ALLEN FUCHS, Öffnung des
Strommarktes - Einige juristische Überlegungen, SZW Sondernummer 1999,
p. 52 ss, 55 s.; EGBERT F. J. WILMS, Schweizer Strommarkt im Umbruch,
Kritische Betrachtungen, Coire/Zurich 2001, p. 38). Toutefois, selon la
doctrine majoritaire publiée depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle
loi sur les cartels, le droit de la concurrence s'applique sans
restriction aussi au domaine de l'électricité et à l'acheminement du
courant électrique (BISCHOF, op. cit., p. 166 s.; ROBERTO DALLAFIOR,
in Homburger/Schmidhauser/Hoffet/Ducrey, Kommentar zum schweizerischen
Kartellgesetz vom 6. Oktober 1995, 2e livraison, Zurich 1997, n. 159 ad
art. 7 LCart; FOURNIER, op. cit., p. 137 s.; JAGMETTI, op. cit., n. 32 ad
art. 24quater aCst.; FRITZ GYGI/PAUL RICHLI, Wirtschaftsverfassungsrecht,
Berne 1997, p. 149;

BRIGITTA KRATZ, Zu den Rechtsbeziehungen der Elektrizitätsunternehmen
mit den Endkunden - eine Momentaufnahme nach dem Nein zur EMG-Vorlage,
PJA 2003 p. 342 ss, 353, 356; PALASTHY, op. cit., p. 304; RECHSTEINER,
2000, op. cit., p. 765; le même, 2001, op. cit., p. 147 s.; MARKUS RUFFNER,
Unzulässige Verhaltensweisen marktmächtiger Unternehmen, PJA 1996 p. 834
ss, 842; KATHARINA SCHINDLER, Wettbewerb in Netzen als Problem der
kartellrechtlichen Missbrauchsaufsicht, Berne 1998, p. 173 ss; STEFAN
VOGEL, Der Staat als Marktteilnehmer, Zurich 2000, p. 194; ROGER ZÄCH,
Privatisierung und Wettbewerb in Wirtschaftsbereichen mit Netzstrukturen,
Mélanges en l'honneur de Hangartner, Saint-Gall/Lachen 1998, p. 935 ss,
951; contra FUCHS, op. cit., p. 55 s.).

    3.2.5  Compte tenu de l'historique de son développement structurel
(voir plus haut consid. 3.1), l'approvisionnement en énergie a
été longtemps considéré comme un domaine soustrait à la politique
de la concurrence (ROLF H. WEBER, Energie und Kommunikation, in
Thürer/Aubert/Müller [éd.], Verfassungsrecht der Schweiz, Zurich
2001, p. 943, 948). La loi actuelle sur les cartels de 1995 tend
cependant, de manière plus marquée que les lois antérieures, à ce
que les activités économiques étatiques soient aussi soumises aux
règles de la concurrence (FF 1995 I 534 s.; ATF 127 II 32 consid. 3c;
JÜRG BORER, Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz, Zurich 1998,
n. 5 ad art. 2 LCart et n. 2 ad art. 3 LCart; BRUNO SCHMIDHAUSER, in
Homburger/Schmidhauser/Hoffet/Ducret [éd.], Kommentar zum schweizerischen
Kartellgesetz vom 6. Oktober 1995, 1re livraison, Zurich 1996, n. 5 et
6 ad art. 3 LCart). Ainsi, elle s'applique tant aux entreprises de droit
privé qu'aux entreprises de droit public (art. 2 al. 1 LCart) et donc en
principe aussi aux entreprises publiques, en tout cas lorsque celles-ci ont
une personnalité juridique propre (ATF 127 II 32 consid. 3c p. 41). La
loi sur les cartels n'exclut pas le secteur de l'électricité de son
champ d'application. Les entreprises d'approvisionnement en électricité,
en particulier les opérateurs des réseaux, sont donc aussi soumises à la
loi sur les cartels (cf. ATF 128 II 247; DALLAFIOR, op. cit., n. 159 ad
art. 7 LCart; STRUB, op. cit., p. 154 s.).

    Selon les principes généraux sur la validité des normes de droit,
l'application de la loi sur les cartels au secteur de l'électricité ne
saurait être exclue du seul fait qu'une loi spéciale - qui aurait voulu
créer dans ce domaine un régime s'écartant de la loi sur les cartels
- n'a finalement pas été adoptée. Au contraire, cette situation doit
précisément conduire à appliquer la loi sur les cartels ainsi qu'il
en va en l'absence d'une réglementation spéciale dérogatoire. Elle
s'applique donc indépendamment de la LME. Selon ces principes, le marché
de l'électricité demeure soumis à la loi sur les cartels, dès lors que
la LME n'est pas entrée en vigueur.

    3.2.6  Cette conclusion est en outre conforme à une interprétation
historique. Dans son Message concernant la loi sur le marché de
l'électricité, le Conseil fédéral a exposé que la question de savoir
si et dans quelle mesure le refus opposé par un exploitant de réseau à
l'acheminement devait être considéré comme un abus de position dominante
au sens de l'art. 7 LCart, pouvant être sanctionné par la Commission
de la concurrence, n'était pas encore résolue. L'évolution n'était pas
connue et les conséquences d'une application éventuelle n'étaient pas
prévisibles. L'ouverture du marché de l'électricité devait obéir à des
règles claires. Les problèmes qu'elle poserait ne pouvaient être résolus
par des décisions isolées de la Commission de la concurrence sur l'accès
des tiers aux réseaux. Ce serait laisser sans réponse de nombreuses
questions touchant par exemple à l'acheminement, qui devaient être
réglées de manière adéquate dans la loi sur le marché de l'électricité
(FF 1999 p. 1688). Le représentant du Conseil fédéral a également attiré
l'attention du Parlement sur le fait que, sans la loi sur le marché de
l'électricité, il existait le danger que le marché de l'électricité soit
libéralisé par la loi sur les cartels, respectivement par des décisions
ponctuelles de la Commission de la concurrence (BO 2000 CE p. 670). Le
Conseil fédéral est ainsi parti de l'idée que la loi sur les cartels
pourrait conduire à l'ouverture du marché de l'électricité et qu'une
législation spéciale était nécessaire pour éviter une déréglementation
incontrôlée et politiquement indésirable.

    Il résulte aussi des recommandations du Conseil fédéral pour
la votation populaire du 22 septembre 2002 qu'un "rejet de la loi ne
permettrait pas de stopper l'ouverture du marché, mais aurait pour effet
de livrer l'approvisionnement en électricité, vital pour la population et
l'économie, aux aléas du marché libre". L'électricité est "un bien trop
précieux pour la population et l'économie pour qu'on le livre à la loi
du marché. Si l'Etat ne met pas en place des gardes-fou, la population
risque de faire les frais d'une libéralisation sauvage et unilatérale"
(p. 13 et 16).

    Les citoyens devaient donc savoir qu'un rejet de la loi sur
le marché de l'électricité n'empêcherait pas une libéralisation de
l'approvisionnement de l'électricité, mais qu'il pourrait au contraire
conduire à une libéralisation incontrôlée. Le rejet de cette loi par le
peuple est donc intervenu en toute connaissance de cause. En l'absence
d'une réglementation spéciale, ce sont alors les règles ordinaires sur
la concurrence qui s'appliquent. Le rejet de la loi sur le marché de
l'électricité ne peut pas avoir pour conséquence que l'accès de tiers
au réseau de transport et de distribution électrique d'un concurrent
ne puisse pas être imposé sur la base du droit des cartels. Que cela
puisse poser des problèmes d'ordre pratique n'est pas un motif juridique
valable pour exclure l'application de la loi sur les cartels. Pour le
cas où ces problèmes auraient pour conséquence de menacer les intérêts
publics prépondérants, entrerait alors en ligne de compte l'autorisation
exceptionnelle (prévue par l'art. 8 LCart) qui ne pourrait pas être
octroyée par les autorités de la concurrence ni, le cas échéant, contrôlée
par le Tribunal fédéral, mais uniquement par le Conseil fédéral.

    3.3

    3.3.1  La loi sur les cartels est donc en principe applicable
à l'acheminement du courant. Demeurent cependant réservées, selon
l'art. 3 al. 1 LCart, les prescriptions qui, sur un marché, excluent de
la concurrence certains biens ou services. En adoptant cette disposition,
le législateur fédéral a reconnu que des prescriptions légales peuvent,
pour des motifs politiques, exclure la concurrence dans un secteur
donné (FF 1995 I 537 s.; BORER, op. cit., n. 1 ad art. 3 LCart;
RHINOW/SCHMID/BIAGGINI, Öffentliches Wirtschaftsrecht, Bâle 1998, p. 449).

    La loi mentionne en particulier deux sortes de réserves, à savoir les
prescriptions qui établissent un régime de marché ou de prix de caractère
étatique (art. 3 al. 1 let. a LCart) et celles qui chargent certaines
entreprises de l'exécution de tâches publiques en leur accordant des
droits spéciaux (art. 3 al. 1 let. b LCart).

    Les prescriptions qui établissent un régime de marché ou de prix
de caractère étatique au sens de la lettre a) sont celles qui excluent
presque totalement la concurrence dans un secteur donné; tel est le cas
notamment des règles en matière agricole (FF 1995 I 539; BENOÎT CARRON, in
Tercier/Bovet, op. cit., n. 29 ss ad art. 3 LCart; SCHMIDHAUSER, op. cit.,
n. 8 ad art. 3 LCart; ROGER ZÄCH, Schweizerisches Kartellrecht, Berne
1999, p. 127 s.), mais aussi dans le secteur de l'énergie (ROLF H. WEBER,
Einleitung, Geltungsbereich und Verhältnis zu anderen Rechtsvorschriften,
in von Büren/David [éd.], Schweizerisches Immaterialgüter- und
Wettbewerbsrecht, vol. V/2, Bâle 2000, p. 1 ss, 47; ROLF H. WEBER,
Auf dem Weg zur Neustrukturierung der Elektrizitätsmärkte, Mélanges en
l'honneur de Hangartner, St-Gall/Lachen 1998, p. 911 ss, 916 s.).

    La lettre b) mentionne d'autres prescriptions qui prévoient une
exception aux règles de la concurrence. Il doit s'agir de prescriptions
légales qui confèrent à l'entreprise une position concurrentielle
particulière (RUDOLF RENTSCH, Deregulierung durch Wettbewerbsrecht,
Bâle 2000, p. 169; SCHMIDHAUSER, op. cit., n. 6 ad art. 3 LCart; FELIX
UHLMANN, Gewinnorientiertes Staatshandeln, Bâle 1997, p. 206; ZÄCH, 1999,
op. cit., p. 128). Par droits spéciaux, on entend notamment des monopoles
d'Etat et régales (SCHMIDHAUSER, op. cit., n. 6 ad art. 3 LCart; ZÄCH,
1999, op. cit., p. 128). La concurrence peut aussi être entravée de
manière ponctuelle; cela n'implique pas que le domaine concerné soit
totalement soustrait à l'application de la loi sur les cartels. Ainsi,
dans la mesure où les entreprises concernées agissent en dehors du
domaine exclu de la concurrence, elles doivent se comporter conformément
aux principes de la concurrence (cf. FF 1995 I 540; BORER, op. cit.,
n. 5 ad art. 3 LCart; RENTSCH, op. cit., p. 213; UHLMANN, op. cit., p.
206). Il faut donc distinguer entre le domaine d'activité étatique à
caractère d'entreprise, soumis au droit de la concurrence, et le domaine
relevant de la puissance publique, soustrait au droit de la concurrence
(cf. ATF 127 II 32 consid. 3f; RENÉ RHINOW, Commentaire aCst., 1991, n.
206 ad art. 31bis aCst.; RHINOW/SCHMID/BIAGGINI, op. cit., p. 389).

    3.3.2  Selon les travaux préparatoires et une partie de la doctrine,
l'art. 3 al. 1 LCart n'entre en ligne de compte que lorsque l'intention
du législateur était d'exclure effectivement un secteur donné de la
concurrence (FF 1995 I 539 s.; BISCHOF, op. cit., p. 160; PALASTHY,
op. cit., p. 304; SCHMIDHAUSER, op. cit., n. 13 ad art. 3 LCart). Selon
les règles générales d'interprétation, qui sont aussi valables dans
le droit de la concurrence, il ne faut pas comprendre par là que la
volonté expresse du législateur historique d'exclure un domaine de la
concurrence doit être absolument établie. On ne saurait l'exiger, ne
serait-ce que parce qu'il existe des prescriptions qui ont été adoptées
à une époque où le droit des cartels ne s'appliquait pas aux activités
étatiques, si bien que le législateur ne pouvait soustraire délibérément
un domaine à la concurrence. Il est donc suffisant - mais nécessaire -
que le secteur concerné ne soit pas soumis au droit de la concurrence
selon une interprétation ordinaire de la réglementation spéciale en cause
(CARRON, op. cit., n. 32 ad art. 3 LCart). Cela peut aussi résulter
implicitement du fait que la loi contient des règles qui ne sont pas
compatibles avec la concurrence (BORER, op. cit., n. 4 ad art. 3 LCart;
RENTSCH, op. cit., p. 179).

    3.3.3  La volonté du législateur était, en révisant la loi sur les
cartels en 1995, de renforcer les critères d'appréciation notamment en
ce qui concerne les entreprises publiques par rapport à l'ancien droit
et de ne laisser place que de manière plus restrictive à la réserve
de l'art. 3 al. 1 LCart (FF 1995 I 537; BORER, op. cit., n. 2 et 5
ad art. 3 LCart; SCHMIDHAUSER, op. cit., n. 3-7 ad art. 3 LCart). Il
est par ailleurs conforme aux fondements constitutionnels de l'économie
(art. 94 al. 4 et 96 al. 1 Cst.) d'admettre de manière plutôt restrictive
une exclusion de la concurrence; celle-ci n'est admissible que sur la
base d'une législation claire ordonnant ou autorisant un comportement
anticoncurrentiel (MARC AMSTUTZ, Neues Kartellgesetz und staatliche
Wettbewerbsbeschränkungen, PJA 1996 p. 883 ss, 887; CARRON, op. cit.,
n. 35 ad art. 3 LCart; RENTSCH, op. cit., p. 176 s., 209; VOGEL, op. cit.,
p. 188). Le simple fait d'attribuer une tâche à l'Etat ou à une entreprise
étatique ne signifie encore pas que le domaine en cause soit exclu de la
concurrence (FF 1995 I 540; SCHMIDHAUSER, op. cit., n. 6 ad art. 3 LCart).
Il est important de déterminer si les prescriptions spéciales accordent
un espace de liberté aux entreprises concernées ou si elles veulent leur
prescrire d'agir par voie de décision et de manière non concurrentielle
(ATF 127 II 32 consid. 3c-e; CARRON, op. cit., n. 35 ad art. 3 LCart;
CLERC, op. cit., n. 99 ad art. 7 LCart).

    3.3.4  Une prescription excluant un domaine de la concurrence au sens
de l'art. 3 al. 1 LCart peut émaner non seulement d'une autorité fédérale,
mais encore d'une autorité cantonale (voire communale - FF 1995 I 539;
BISCHOF, op. cit., p. 160, 162; CARRON, op. cit., n. 22 ad art. 3 LCart;
SCHMIDHAUSER, op. cit., n. 10 ad art. 3 LCart), encore faut-il, dans
ce dernier cas, que la réglementation en cause entre dans la sphère
de compétence du canton et ne soit pas contraire au droit supérieur;
elle doit en particulier être conforme à la liberté économique (art. 27
Cst. en relation avec l'art. 36 Cst. ainsi qu'art. 94 al. 4 Cst.), ce qui
ne va pas de soi s'agissant d'un monopole de droit pour l'acheminement
de l'électricité.

    Il convient donc d'examiner s'il existe sur le plan fédéral (consid. 4)
ou sur le plan cantonal (consid. 5) des prescriptions qui excluent le
secteur de l'électricité de la concurrence au sens de l'art. 3 al. 1 LCart.

Erwägung 4

    4.

    4.1

    4.1.1  Selon les art. 43 al. 2 et 44 let. b LIE - dans leur nouvelle
teneur selon le ch. I 8 de la loi fédérale du 18 juin 1999 sur la
coordination et la simplification des procédures de décision, en vigueur
depuis le 1er janvier 2000 (ci-après: loi sur la coordination; RO 1999
p. 3071, 3092, 3124) -, le département compétent peut accorder au preneur
d'énergie un droit d'expropriation pour le transport d'énergie électrique
sur les réseaux d'approvisionnement et de distribution existants.

    4.1.2  On ne peut pas déduire de cette réglementation une réserve au
sens de l'art. 3 al. 1 LCart. Le droit d'expropriation pour le transport
d'énergie électrique a été introduit dans la loi en relation avec la loi
fédérale du 20 juin 1930 sur l'expropriation (LEx; RS 711) et a pour but de
permettre le transport d'énergie électrique par le biais de réseaux tiers,
sans qu'il faille construire à cette fin des réseaux électriques parallèles
indésirables pour des motifs d'ordre économique et tirés de la protection
de la nature (HEINZ HESS/HEINRICH WEIBEL, Das Enteignungsrecht des Bundes,
Commentaire, vol. II, Berne 1986, p. 218). Cette disposition n'autorise
cependant pas un accès illimité des tiers au réseau (KILCHENMANN, op.
cit., p. 18). Elle n'a manifestement pas pour but d'exclure la concurrence,
mais au contraire de rendre celle-ci possible; elle poursuit donc le même
but que celui visé par la décision attaquée. Certes, il n'a pratiquement
jamais été fait usage d'un tel droit d'expropriation par le passé (FF 1999
p. 6706 s.). Mais cela ne permet en tout cas pas d'exclure l'application de
la loi sur les cartels. Il n'est d'ailleurs pas interdit au législateur de
mettre à disposition de nouveaux instruments dans le cadre d'une nouvelle
loi afin d'atteindre des buts qu'il s'était déjà fixés par d'autres
lois plus anciennes mais qu'il n'a pas pu atteindre par les moyens qui
y avaient été initialement prévus. Comme on l'a vu plus haut, l'art. 3
al. 1 LCart ne réserve que les prescriptions qui excluent la concurrence.
Les art. 43 et 44 LIE n'appartiennent pas à ce genre de prescriptions (voir
également BISCHOF, op. cit., p. 161 s.; RENTSCH, op. cit., p. 201 s.).

    4.1.3  Selon l'art. 46 al. 3 LIE (dans sa version originelle, RO 19
p. 252), lorsque la cojouissance du droit d'utiliser le domaine public
communal pour la distribution de l'énergie était demandée, la commune
pouvait, aux fins de protéger ses intérêts légitimes, la refuser ou la
subordonner à des conditions restrictives. Cette disposition n'instituait
pas en faveur des communes un monopole de droit fédéral, mais leur donnait
simplement le droit de s'opposer à l'utilisation du domaine public par voie
d'expropriation (SALIS/BURCKHARDT, Schweizerisches Bundesrecht, vol. 2,
Frauenfeld 1930, n. 422 p. 83; KRÄHENMANN, op. cit., p. 75). L'art. 46
al. 3 LIE représentait une exception au droit d'expropriation prévu par
l'art. 43 al. 2 LIE et permettait aux communes, mais pas aux cantons,
de protéger leurs réseaux d'approvisionnement électrique contre leur
utilisation par des tiers (HESS/WEIBEL, op. cit., p. 221 ss; RUCK,
op. cit., p. 59 s., 96). Ainsi, les monopoles de fait communaux pour la
distribution de l'électricité pouvaient être protégés de la concurrence
(GEORG MÜLLER/PETER HÖSLI, Einführung in das Energierecht der Schweiz,
Baden 1994, p. 33; RÜEGGER, op. cit., p. 146; WELTERT, op. cit., p. 177
s., 182). L'art. 46 al. 3 LIE a cependant été abrogé par la loi sur la
coordination, partant aussi l'exception qu'il contenait.

    4.2

    4.2.1  D'après l'art. 10 LFH, les propriétaires des forces hydrauliques
qui vendent de l'énergie électrique sont tenus de soumettre au département
compétent, à sa demande, les conventions par lesquelles ils s'interdisent
la vente d'énergie dans une zone déterminée. Le Département peut en
ordonner la modification si elles sont contraires à l'intérêt public. Cette
disposition s'applique par analogie aux intermédiaires.

    4.2.2  Cette disposition légale suppose donc la présence de contrats
limitant les zones de distribution, partant en reconnaît l'existence
(KRÄHENMANN, op. cit., p. 74; RUCK, op. cit., p. 57). Elle ne garantit
cependant pas de manière absolue l'existence de tels contrats, mais veut au
contraire pouvoir les modifier pour le cas où l'exclusion du marché irait à
l'encontre de l'intérêt public. Cette disposition n'a de plus en pratique
pas d'importance (KILCHENMANN, op. cit., p. 20). L'art. 10 LFH ne peut
donc pas être considéré comme une réserve au sens de l'art. 3 al. 1 LCart.

    4.3

    4.3.1  En vertu de l'art. 4 al. 2 de la loi sur l'énergie du 26
juin 1998 (LEne; RS 730.0), l'approvisionnement énergétique relève
des entreprises de la branche énergétique. La Confédération et les
cantons instaurent les conditions générales permettant à ces entreprises
d'assumer leur tâche de manière optimale dans l'optique de l'intérêt
général. Selon l'art. 5 LEne, un approvisionnement sûr implique une offre
d'énergie suffisante et diversifiée ainsi qu'un système de distribution
techniquement sûr et efficace (al. 1); un approvisionnement économique
repose sur les forces du marché, la vérité des coûts et la compétitivité
avec l'étranger, ainsi que sur une politique énergétique coordonnée
sur le plan international (al. 2); un approvisionnement compatible
avec les impératifs de l'environnement implique une utilisation mesurée
des ressources naturelles, le recours aux énergies renouvelables et la
prévention des effets gênants ou nuisibles pour l'homme et l'environnement
(al. 3). L'art. 7 al. 1 LEne précise que les entreprises chargées de
l'approvisionnement énergétique de la collectivité sont tenues de reprendre
les surplus d'énergie produite de manière régulière par les producteurs
indépendants sous une forme adaptée au réseau (cf. aussi art. 20 de la loi
fribourgeoise du 9 juin 2000 sur l'énergie qui concrétise l'art. 7 LEne).

    4.3.2  La loi fédérale sur l'énergie suppose donc qu'il y ait des
entreprises publiques chargées de l'approvisionnement énergétique. Elle
ne prescrit cependant pas un approvisionnement énergétique étatique qui
exclurait toute concurrence, mais au contraire, contient - vu notamment
le devoir de reprendre les surplus d'énergie prévu à l'art. 7 LEne - des
prescriptions qui visent à introduire plus de rapports et de coordination
entre les divers acteurs du marché de l'énergie et donc à limiter les
monopoles (JAGMETTI, op. cit., n. 33 ad art. 24quater aCst.). La loi
fédérale sur l'énergie ne contient donc pas non plus de réserve au sens
de l'art. 3 al. 1 LCart (BISCHOF, op. cit., p. 161; RENTSCH, op. cit., p.
202).

    4.4  D'après l'art. 19 al. 1 et 2 LAT (RS 700), la collectivité doit
équiper les zones à bâtir de conduites pour l'alimentation en énergie. Par
énergie, on entend surtout l'électricité (RÜEGGER, op. cit., p. 94 s.;
ANDRÉ JOMINI, Commentaire LAT, Zurich 1999, n. 31 ad art. 19 LAT; voir
aussi JAGMETTI, op. cit., n. 31 ad art. 24quater aCst.; WELTERT, op. cit.,
p. 268). Le droit de l'aménagement du territoire repose sur le fait que
jusqu'à présent, l'équipement adapté pour l'alimentation en électricité
est dans une large mesure réalisé par les entreprises appartenant aux
pouvoirs publics (voir plus haut consid. 3.1; cf. ATF 127 I 49; KRATZ,
op. cit., p. 344), mais n'impose pas une telle structure. En revanche,
la collectivité a bien l'obligation d'équiper une zone à bâtir. En règle
générale, elle doit veiller à l'installation d'un réseau de transport
(WELTERT, op. cit., p. 271 s.). Cependant, cette obligation n'est
déjà de par la loi pas exclusivement dévolue à la collectivité publique
(cf. art. 19 al. 3 LAT). Même si l'on voulait y voir un monopole pour
l'équipement en conduites de raccordement, on ne saurait en déduire
une obligation incombant à la collectivité (WELTERT, op. cit., p. 272)
et en tout cas pas un monopole pour la fourniture d'électricité. La loi
sur l'aménagement du territoire ne contient ainsi pas non plus une clause
d'exclusion de la concurrence au sens de l'art. 3 al. 1 LCart.

    4.5  En résumé, il ne résulte pas du droit fédéral que
l'approvisionnement en électricité constitue une tâche étatique et qu'il
existe pour la collectivité publique une obligation d'approvisionnement,
étant précisé que l'art. 32 LME, qui aurait prescrit une telle obligation
d'approvisionner, n'est pas entré en vigueur (BISCHOF, op. cit., p. 24
s.; JAGMETTI, op. cit., n. 31 ad art. 24quater aCst.; STRUB, op. cit.,
p. 151). Il n'y a donc aucune réglementation fédérale qui, au sens de
l'art. 3 al. 1 LCart, exclurait la concurrence dans le domaine en question.

Erwägung 5

    5.  Il convient ensuite d'examiner si le droit cantonal contient une
telle clause d'exclusion de concurrence.

    5.1  Comme le relève à juste titre la recourante, la compétence
attribuée à la Confédération par l'art. 91 al. 1 Cst. pour légiférer
sur le transport et la livraison de l'électricité est une compétence
législative concurrente (RENÉ SCHAFFHAUSER, St. Galler Kommentar zur BV,
2002, n. 3 ad art. 91 Cst.). La Confédération n'ayant jusqu'à présent pas
fait usage d'une telle compétence, les cantons demeurent encore compétents
pour légiférer sur la fourniture et la distribution d'électricité.

    Cela n'exclut certes pas l'application de la loi sur les cartels. Comme
déjà dit plus haut, les activités économiques réglementées sur le plan
cantonal sont également soumises à la LCart dans la mesure où il n'existe
aucune réserve au sens l'art. 3 al. 1 LCart. Il convient donc d'examiner
si le droit cantonal fribourgeois contient une telle clause d'exclusion
de concurrence en faveur de la recourante.

    5.2  Selon l'art. 104 let. a OJ, le Tribunal fédéral ne peut revoir,
dans le cadre d'un recours de droit administratif, que l'application
du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du
citoyen. Comme l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) fait partie
des droits constitutionnels, le Tribunal fédéral peut aussi vérifier si le
droit cantonal a été appliqué de manière arbitraire. Dans ces conditions,
l'application du droit cantonal ne peut être revue que sous l'angle
restreint de l'arbitraire.

    Il convient cependant de tenir compte des particularités du cas
d'espèce: le champ d'application du droit fédéral est restreint par
le droit cantonal qui, au sens de l'art. 3 al. 1 LCart, exclut la
concurrence. Une fausse application du droit cantonal pertinent aurait
pour effet de faire échec à l'application du droit fédéral. Si le Tribunal
fédéral se limitait à examiner le droit cantonal sous l'angle restreint de
l'arbitraire, le contrôle du champ d'application du droit fédéral serait
également limité à l'arbitraire, ce qui serait contraire à l'art. 104
let. a OJ.

    En fait, c'est essentiellement pour des raisons tenant à la structure
de l'Etat fédéral, pour autant que cela ne résulte pas déjà de la nature
du grief soulevé (interdiction de l'arbitraire), que le pouvoir d'examen du
Tribunal fédéral est limité à l'arbitraire: les cantons sont souverains en
tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale
et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération
(art. 3 Cst.). Le Tribunal fédéral n'applique en principe pas le droit
cantonal, mais examine seulement si son application est compatible avec
le droit supérieur (art. 189 Cst.). Il n'y a plus de raisons de limiter
le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à l'arbitraire lorsque, comme
en l'espèce, ce ne sont pas les cantons eux-mêmes, mais une autorité
fédérale (Commission de la concurrence) qui doit se prononcer sur le
sens et la portée du droit cantonal. Si le Tribunal fédéral limitait ici
son pouvoir d'examen à l'arbitraire, cela aurait pour conséquence qu'une
autorité fédérale pourrait restreindre la marge de manoeuvre cantonale
par une application - fausse mais non arbitraire - du droit cantonal,
sans possibilité de contrôle par le Tribunal fédéral.

    Pour ces raisons, le Tribunal fédéral doit examiner librement
l'application du droit cantonal dans le cadre de l'art. 3 al. 1 LCart.

    5.3  Il se pose la question de l'application du droit dans le
temps. Lorsque la Commission de la concurrence a rendu sa décision, c'était
la loi de 1998 sur les EEF qui était en vigueur, tandis que c'est la loi
de 2000 sur le statut des EEF qui était - et est toujours - en vigueur
au moment du prononcé de la décision de la Commission de recours.

    5.3.1  Il ressort de la décision attaquée de la Commission de recours
(consid. 6.3c/aa p. 20) que c'est le droit en vigueur au moment où la
décision attaquée a été rendue qui est en principe applicable, à moins
qu'une modification postérieure des règles de droit ne soit de nature
à justifier une révocation de l'acte attaqué. L'examen de la nouvelle
législation cantonale ne conduisait pas à la révocation de la décision
de la Commission de la concurrence, mais corroborait plutôt la thèse de
cette autorité. Par la suite, la Commission de recours n'a examiné le
litige que sous l'empire de l'ancienne législation en vigueur jusqu'à fin
2001. La recourante invoque l'ancienne loi de 1998 sur les EEF, tandis
que les parties intimées estiment applicable la loi de 2000 sur le statut
des EEF. Dans sa réplique, la recourante fait valoir que le canton de
Fribourg a l'intention d'adopter une nouvelle loi sur l'approvisionnement
en énergie électrique (LAEE); un projet de loi a été adopté le 29 avril
2003 par le Conseil d'Etat et sera traité probablement en été 2003 par le
Grand Conseil. Cette loi prévoit d'exclure l'accès des tiers au marché
de l'électricité.

    5.3.2  Selon la doctrine et la jurisprudence, en l'absence d'une
disposition légale transitoire, la légalité d'un acte administratif doit
en principe être examinée selon le droit en vigueur au moment où il a
été édicté et un changement de loi intervenu au cours d'une procédure
de recours devant un tribunal administratif n'a donc pas à être pris en
considération. Un tel principe souffre une exception lorsqu'une application
immédiate du nouveau droit s'impose pour des motifs impératifs, notamment
lorsque les nouvelles dispositions ont été adoptées pour des raisons
d'ordre public ou pour la sauvegarde d'intérêts publics prépondérants (ATF
127 II 306 consid. 7c; 126 II 522 consid. 3b/aa; 120 Ib 317 consid. 2b; 119
Ib 103 consid. 5; 112 Ib 39 consid. 1c p. 42; HÄFELIN/MÜLLER, Allgemeines
Verwaltungsrecht, 4e éd., Zurich 2002, p. 66 s), en particulier dans le
domaine de la protection de l'environnement (ATF 123 II 359 consid. 3;
115 Ib 347 consid. 2c p. 355; 112 Ib 39 consid. 1c p. 43 s.). Pour une
autorisation ayant un caractère durable ou pour l'examen d'un comportement
ayant des conséquences dans le futur, les autorités de recours peuvent
appliquer le nouveau droit si la révocation de l'autorisation octroyée est
justifiée par le changement de loi (HÄFELIN/MÜLLER, op. cit., p. 67 n.
327). Il n'y a pas lieu d'annuler une décision lorsqu'elle n'est pas
conforme à l'ancien droit, mais qu'une décision identique devrait être
prise sur la base du nouveau droit (ATF 127 II 306 consid. 7c; 126 II
522 consid. 3b/aa; 120 Ib 317 consid. 2b; MERKLI/AESCHLIMANN/HERZOG,
Kommentar zum Bernischen VRPG, Berne 1997, n. 8 ad art. 25 VRPG).

    5.3.3  Dans sa décision du 5 mars 2001, la Commission de la concurrence
n'a ni délivré une autorisation, ni émis des injonctions concrètes, mais
a simplement constaté que la recourante avait abusé et continuait d'abuser
de sa position dominante au sens de l'art. 7 LCart. Cette constatation se
réfère tant au passé qu'au futur. Si on examine la légalité de la décision
du 5 mars 2001 uniquement à la lumière du droit en vigueur à l'époque,
la Commission de la concurrence pourrait alors immédiatement, en cas
d'annulation de cette décision, rendre une nouvelle décision sur la base
du nouveau droit. Il se justifie donc d'examiner l'application de l'art. 3
al. 1 LCart, aussi bien à la lumière de l'ancien que du nouveau droit.

    Contrairement à l'opinion de la recourante, les éventuelles futures
modifications législatives n'ont pas à être prises en considération. En
effet, un effet anticipé du droit futur est en principe exclu. A cela
s'ajoute qu'en l'espèce, le projet d'une nouvelle loi cantonale sur
l'approvisionnement en énergie électrique (LAEE) n'a pas encore été examiné
par le Grand Conseil. Il est donc incertain si, quand et sous quelle forme,
cette loi entrera en vigueur.

    5.4  Il convient d'examiner tout d'abord la situation juridique sur
la base de la loi de 1998 sur les EEF.

    5.4.1  La loi de 1998 sur les EEF avait abrogé la loi du 9 mai 1950
sur les Entreprises électriques fribourgeoises, laquelle avait remplacé
une loi de 1915. Selon cette loi de 1950, EEF était un établissement de
droit public ayant pour but principal la production et la distribution
de l'énergie électrique. Pour atteindre ce but, EEF avait le droit de
disposer de la force des eaux courantes appartenant au canton (art. 2
al. 1 de la loi de 1950). EEF assurait l'approvisionnement dans la plus
grande partie du canton de Fribourg ainsi que dans quelques régions
limitrophes; les relations entre EEF et les autres cantons ou les autres
entreprises électriques cantonales étaient régies par des conventions
(NICOLE ZIMMERMANN, Les EEF et le Développement économique, un siècle de
collaboration, Fribourg 1990, p. 48 ss).

    Lors de la révision totale de 1998, le législateur cantonal voulait
prévoir une étape intermédiaire pour affronter, à moyen terme, les
défis à venir dans la perspective de la prochaine ouverture du marché de
l'électricité. Les modifications concrètes se limitaient à des nouveautés
sur le plan de l'organisation, de manière à laisser la plus grande
souplesse possible aux organes de la société EEF pour son organisation
interne (Message du 18 août 1998 in Bulletin officiel des séances du Grand
Conseil du canton de Fribourg [ci-après: BO/FR], septembre 1998, p. 765 et
768). Le commissaire du gouvernement prévoyait une révision encore plus
fondamentale de cette loi dans un délai d'un à deux ans par une refonte
totale de la loi de 1950 sur les EEF mais une fois connu le contenu
définitif du projet de la loi fédérale sur le marché de l'électricité
(BO/FR 1998 p. 888, intervention du rapporteur et du commissaire).

    Il n'était pas dans l'intention du législateur de 1998 de modifier
fondamentalement la structure et les tâches confiées à EEF. Il a simplement
été relevé qu'il fallait séparer très clairement le secteur production
et distribution d'électricité d'un côté et le secteur installations d'un
autre côté afin que les installateurs privés ne soient pas pénalisés
(BO/FR 1998 p. 890 s., interventions Haymoz, rapporteur et commissaire).

    5.4.2  Conformément à l'art. 1er LEEF, EEF est un établissement
de droit public distinct de l'Etat, ayant qualité de personne morale.
Elle a pour but principal la production, la commercialisation et la
distribution de l'énergie électrique (art. 2 al. 1 LEEF). Elle assure
l'approvisionnement en énergie électrique du territoire desservi (art. 2
al. 2 LEEF). Pour atteindre ses buts, EEF dispose des forces hydrauliques
du canton conformément à la législation spéciale (art. 3 al. 1 LEEF).
L'utilisation du domaine public cantonal par EEF est réglée par la
loi sur le domaine public (art. 9 LEEF). Le Grand Conseil a la haute
surveillance de EEF (art. 10 al. 1 LEEF). Il approuve le bilan et le
rapport de gestion (art. 10 al. 2 LEEF). Le Conseil d'Etat approuve le
règlement général, les conventions relatives à la délimitation des zones
de distribution d'électricité et les statuts de la Caisse de pensions
(art. 11 al. 2 LEEF). EEF est dirigée par un conseil d'administration,
qui est composé de onze membres, dont quatre sont nommés par le Grand
Conseil et doivent être députés; quatre sont nommés par le Conseil d'Etat,
un par le personnel de EEF et deux par cooptation (art. 17 al. 1 LEEF).
Le conseil d'administration arrête notamment la politique tarifaire,
en particulier les tarifs généraux de fourniture d'électricité sur le
territoire desservi (art. 21 al. 3 let. h LEEF).

    L'utilisation du domaine public est réglée dans la loi fribourgeoise
du 4 février 1972 sur le domaine public (LDP/FR). Le chapitre 4 de cette
loi s'intitule "Utilisation du domaine public"; sa section A (art. 18-26
LDP/FR) traite des "Dispositions générales et administratives", dont l'art.
20 prévoit que l'usage privatif d'une chose du domaine public consiste
en son utilisation exclusive et durable, qui est soumis à concession. La
section C "Dispositions relatives aux eaux publiques" (art. 40-57 LDP/FR)
contient des dispositions relatives aux eaux publiques. Dans leur version
initiale en vigueur jusqu'à fin 2001, les art. 55 et 56 LDP/FR, sous la
note marginale "Utilisation de la force hydraulique", avaient la teneur
suivante:

      "Art. 55

       Le droit d'utiliser l'eau pour la production d'énergie est soumis

       à concession.  Art. 56 1 Sont réservées les prescriptions de la

       loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques et le droit

       de monopole des Entreprises électriques fribourgeoises.  2 En

       particulier, la concession peut être refusée si les Entreprises

       électriques fribourgeoises sont à même de fournir l'énergie que

       le requérant projette de produire."

    5.4.3  La Commission de recours a exposé que la LEEF réglait seulement
les relations entre le canton et la recourante, mais pas les relations
entre celle-ci et les consommateurs ou les tiers. Les tarifs édictés par
la recourante réglaient uniquement le prix de l'énergie fournie par la
recourante; mais cela ne constituait pas une réglementation sur les prix
de caractère étatique, d'autant que ce tarif n'était approuvé par aucune
autorité cantonale. L'obligation d'approvisionnement n'était régie par
aucune réglementation réservée au sens de l'art. 3 LCart, étant donné
qu'elle ne fondait aucun droit d'exclusivité. Un monopole de fait ne
suffisait pas pour exclure la concurrence.

    La recourante fait au contraire valoir qu'elle dispose d'une concession
pour l'utilisation exclusive des forces hydrauliques dans le canton de
Fribourg. En contrepartie, elle a une obligation d'approvisionnement et
utilise son réseau de distribution à cette fin. Les conventions relatives
à la répartition des réseaux de distribution sont soumises à l'approbation
du Conseil d'Etat. Il ne lui appartient donc pas d'accorder aux parties
intimées le droit de faire transiter leur énergie sur ledit réseau.

    5.4.4  Contrairement à l'avis de la Commission de recours, le fait que
la LEEF règle avant tout les relations entre le canton et la recourante
(mais pas expressément les relations avec des tiers) n'exclut pas d'emblée
que la concurrence puisse être écartée au sens de l'art. 3 al. 1 LCart. Une
réserve au sens de cette disposition peut aussi résulter du fait que l'Etat
accorde à une entreprise une position juridique particulière, par exemple
une position monopolistique (cf. aussi ATF 127 II 32 consid. 3c). Cela
a donc pour effet indirect que les tiers ne peuvent pas jouir de ces
mêmes droits et donc ne peuvent pas exercer de concurrence. La question
est toutefois de savoir si le droit cantonal fribourgeois reconnaît à la
recourante une telle position juridique.

    5.4.5  Les tarifs d'électricité fixés par l'Etat peuvent en principe
constituer un régime de prix de caractère étatique au sens de l'art. 3
al. 1 let. a LCart (WEBER, 1998, op. cit., p. 916). Tel n'est cependant
pas le cas en l'espèce. Même si l'on partait de l'idée que les tarifs
de EEF sont des tarifs de caractère étatique au motif que le conseil
d'administration de EEF est composé d'une majorité de membres nommés par
les autorités cantonales, de tels tarifs ne seraient cependant valables
que pour l'énergie fournie par la recourante, mais pas pour l'énergie
qui serait éventuellement livrée par des tiers. La recourante relève
qu'il n'y a précisément aucune autre entreprise qui fournit l'électricité
dans son secteur de distribution. Mais cela ne permettrait de parler de
réglementation exhaustive de prix à caractère étatique pour l'ensemble
des prix de l'électricité que si la recourante disposait, à la lumière de
l'art. 3 al. 1 LCart, d'un monopole pour la fourniture de l'électricité. Il
convient donc de résoudre cette question.

    5.4.6  Selon l'art. 3 al. 1 LEEF, la recourante dispose des forces
hydrauliques du canton de Fribourg, conformément à la législation
spéciale. La loi de 1998 sur les EEF se réfère ainsi à la loi sur
le domaine public. L'ancien art. 56 al. 1 LDP/FR ne conférait pas en
lui-même un monopole à la recourante, mais le présupposait, sans que la
base légale n'en soit établie. L'ancien art. 56 al. 2 LDP/FR prévoyait
un droit préférentiel en faveur de la recourante, mais n'excluait pas que
des concessions pour l'utilisation des forces hydrauliques puissent être
octroyées à des tiers. Même si l'on voulait voir dans cette disposition
un monopole de droit en faveur de la recourante, celui-ci ne pourrait
porter que sur l'utilisation des forces hydrauliques du canton de
Fribourg. Or cela ne saurait créer un monopole de droit pour la livraison
de l'électricité aux consommateurs finaux, l'électricité livrée dans le
canton de Fribourg pouvant aussi provenir d'autres sources que des forces
hydrauliques fribourgeoises.

    Il n'existe pas non plus un monopole de droit en faveur de la
recourante pour l'utilisation du domaine public. L'art. 9 LEEF se réfère
de nouveau à la loi sur le domaine public en ce qui concerne l'utilisation
du domaine public cantonal par la recourante. Cette loi prévoit à son
art. 20 que l'usage privatif d'une chose du domaine public est soumise
à concession, mais ne contient aucune disposition selon laquelle la
concession pour la construction d'un réseau électrique peut être accordée
uniquement à la recourante.

    En résumé, il n'existe en tout cas aucun monopole de droit expressément
prévu en faveur de la recourante pour la livraison d'énergie électrique.

    5.4.7  Il n'est cependant pas contesté que la recourante dispose
dans le domaine de l'approvisionnement d'un monopole de fait en matière
de transport et de distribution d'énergie électrique (décision de la
Commission de la concurrence du 5 mars 2001, ch. 115-117). Se pose la
question de savoir si cela suffit à exclure le secteur en question de la
concurrence selon l'art. 3 al. 1 LCart.

    La doctrine en la matière est d'avis qu'un simple monopole de fait
est insuffisant et qu'un monopole de droit est exigé (BISCHOF, op. cit.,
p. 162 s.; CLERC, op. cit., n. 104 ad art. 7 LCart; FOURNIER, op. cit.,
p. 130 s.; PALASTHY, op. cit., p. 304).

    Certes, le monopole de fait de la collectivité publique pour
l'utilisation du domaine public repose aussi sur une base juridique en
tant que l'art. 664 CC prévoit expressément que le domaine public est
soumis à la haute police de l'Etat. Ce monopole de fait ne nécessite
pas une base légale supplémentaire (ATF 125 I 209 consid. 10b, c et d;
PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. III, Berne 1992, p. 393 ss; RUEY,
op. cit., p. 363 s.; STRUB, op. cit., p. 228; WELTERT, op. cit., p. 178)
et permet également de restreindre l'activité économique des privés sur
le domaine public (ATF 125 I 209 consid. 10c et d). Nonobstant l'art. 664
CC, la liberté économique confère un droit conditionnel à l'usage accru
du domaine public (ATF 127 I 84 consid. 4b; 126 I 133 consid. 4d; 121 I
279 consid. 2a), droit que les collectivités publiques doivent accorder
en respectant le principe de l'égalité et de manière à ce que les effets
soient les plus neutres possible du point de vue de la concurrence (ATF
121 I 279 consid. 4a; 108 Ia 135 consid. 3 p. 137; cf. aussi ATF 128 I
136 consid. 4). On ne saurait déduire de la haute police de l'Etat sur
le domaine public une clause dérogatoire à la concurrence au sens de
l'art. 3 al. 1 LCart (cf. aussi ATF 126 I 250 consid. 2d/cc).

    Il pourrait en aller autrement si l'utilisation du domaine public avait
été concédée de manière exclusive à une entreprise particulière dans un
but déterminé. En pareil cas, la position monopolistique résultant d'une
décision quant à l'utilisation du domaine public ne serait pas de pur
fait, car la concession d'utilisation privative du domaine public est
un acte juridique et ne fonde pas seulement une position de fait mais
aussi un statut juridique (KILCHENMANN, op. cit., p. 15; RUCK, op. cit.,
p. 57 s.; STRUB, op. cit., p. 230 ss, 284 s.). Se pose ainsi la question
de savoir si, par "prescription" au sens de l'art. 3 al. 1 LCart, il faut
entendre une norme générale et abstraite ou s'il peut s'agir aussi d'un
acte administratif, notamment d'une concession.

    La doctrine semble plutôt exiger un acte législatif général et abstrait
(CARRON, op. cit., n. 20 ad art. 3 LCart; RENTSCH, op. cit., p. 171 ss,
209) et est d'avis qu'une concession pour une utilisation privative
du domaine public ne confère pas une situation de monopole au sens
de l'art. 3 al. 1 LCart (BISCHOF, op. cit., p. 164; RENTSCH, op. cit.,
p. 202 s.). Le secrétariat de la Commission de la concurrence a néanmoins
qualifié de prescription au sens de l'art. 3 al. 1 LCart un contrat de
droit administratif conclu entre une ville et une association de médecins
relatif à la mise sur pied d'un service d'urgences assuré par les médecins
(DPC 1998 p. 198, ch. 18 p. 202; contra RENTSCH, op. cit., p. 172, 192 s.).

    Il faut encore préciser ceci. Un acte administratif (décision, contrat,
y compris en particulier une concession) doit se fonder sur une base
légale qui peut être conçue de manière large et conférer à l'autorité un
large pouvoir d'appréciation. Dans la mesure où cette base légale exige
ou autorise de manière claire une exclusion de la concurrence, un acte
administratif qui concrétise cette loi peut suffire à exclure le secteur
y relatif de la concurrence (CARRON, op. cit., n. 33 ad art. 3 LCart;
voir aussi DPC 1998 p. 198, ch. 18 p. 202, selon lequel le contrat en
question sert à l'exécution d'une tâche légale attribuée à la ville). Une
concession pour l'utilisation privative du domaine public n'implique pas
nécessairement dans tous les cas un monopole de fait implicite au regard
de l'art. 3 al. 1 LCart. Au contraire, une réglementation spécifique
peut accorder de manière explicite un droit d'utilisation exclusif à une
entreprise déterminée dans le but d'exclure la concurrence. Il convient
donc de toujours examiner l'ensemble de la législation en la matière pour
pouvoir déterminer si un monopole de fait est basé sur une intervention
étatique qui a pour objet d'exclure la concurrence (RENTSCH, op. cit.,
p. 214).

    Encore faudrait-il que l'octroi d'un monopole d'usage privé en faveur
d'une seule entreprise pour la construction de lignes électriques sur le
domaine public soit compatible avec le droit fédéral, ce qui ne va pas
de soi.

    5.4.8  Même si l'on estimait que la recourante dispose d'un monopole
pour l'utilisation privative du domaine public et que ce monopole soit
déterminant au sens de l'art. 3 al. 1 LCart, on ne saurait admettre sans
autre que les règles légales en cause tendent à exclure de la concurrence
le domaine de la livraison de courant électrique. Le monopole existe en
effet uniquement pour l'usage du domaine public en vue de la construction
et de l'exploitation du réseau électrique, mais pas forcément pour
l'utilisation dudit réseau de distribution. Ainsi, par exemple, le monopole
d'affichage résultant de la haute police de la collectivité publique sur
son domaine public (ATF 125 I 209 consid. 10c et d) ne signifie nullement
que seule la collectivité publique puisse faire de la publicité sur les
emplacements qu'elle gère; au contraire, des supports doivent être mis
à disposition pour la publicité privée (cf. ATF 127 I 84 consid. 4b). De
la même manière, la construction et l'exploitation de lignes électriques
d'une part et la livraison de courant et l'utilisation de ce réseau pour
l'acheminement de l'énergie électrique d'autre part, peuvent aussi être
considérées comme deux choses distinctes. Certes, il existait jusqu'à
maintenant un monopole de fait pour l'approvisionnement en faveur de la
recourante. Ce monopole ne résulte toutefois ni de la loi, ni du droit
d'utilisation (privative) du domaine public. Ce droit ne supprime donc
pas la possibilité que les réseaux construits par la recourante puissent
être utilisés par des tiers privés pour la livraison d'énergie.

    5.4.9  Se pose en outre la question de savoir si la tâche
d'approvisionnement en électricité dévolue par la loi à la recourante
exclut la concurrence.

    Selon la doctrine, l'attribution par un canton ou une commune d'une
tâche d'approvisionnement, par exemple en eau, gaz ou électricité, est
parfois considérée comme un cas d'application de l'art. 3 al. 1 LCart
(ROLAND VON BÜREN/EUGEN MARBACH, Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht,
2e éd., Berne 2002, p. 243; SCHMIDHAUSER, op. cit., n. 10 ad art. 3 LCart;
WEBER, 2000, op. cit., p. 47; ZÄCH, 1999, op. cit., p. 128). Un tel
mandat légal ne conduit toutefois pas automatiquement à une exclusion
de la concurrence (BISCHOF, op. cit., p. 162 s.; FOURNIER, op. cit.,
p. 137 s.; RENTSCH, op. cit., p. 202; voir aussi dans un autre contexte
HANS RUDOLF TRÜEB, Der so genannte Service Public, ZBl 103/2002 p. 225 ss.,
237). Dans ce contexte, les autorités inférieures ont mentionné le domaine
des télécommunications, où la concession pour le service universel liée
à l'obligation de fournir des prestations correspondantes à l'ensemble de
la population (art. 14 ss LTC [RS 784.10]) n'exclut pas la concurrence en
dehors de cette concession (art. 4 ss LTC; ATF 125 II 293 consid. 4f). La
Poste également a une obligation légale de fournir, dans le domaine
du service universel, des prestations en dehors des services réservés,
mais ne dispose pas pour autant d'un monopole (art. 2-4 LPO [RS 783.0]).

    Le simple fait de charger une entreprise d'une tâche d'intérêt
public ne justifie une dérogation légale à la concurrence que si ce
mandat légal est lié à un monopole, comme par exemple dans le cas de
la Société suisse de radiodiffusion et télévision (art. 26 ss LRTV
[RS 784.40]; RENTSCH, op. cit., p. 212; ZÄCH, 1999, op. cit., p. 129)
ou s'il doit raisonnablement être interprété comme un monopole. Le
Tribunal fédéral a ainsi considéré comme un monopole l'obligation pour
la collectivité publique d'éliminer les déchets urbains selon l'art. 31b
al. 1 LPE (RS 814.01; ATF 126 II 26 consid. 3a p. 30; 125 II 508 consid.
5b). Une clause d'exclusion de la concurrence peut aussi résulter d'un
mandat légal lorsqu'il n'existe aucun monopole. Ainsi, le domaine de
l'enseignement public n'est pas soumis aux règles de la concurrence:
les établissements scolaires pourraient certes être entièrement exploités
comme des entreprises au sens de l'art. 2 al. 1 LCart; l'Etat ne dispose en
effet d'aucun monopole pour l'exploitation des établissements scolaires. Il
est toutefois admissible que les établissements scolaires publics soient
financés au moyen des impôts et par là que les offreurs privés soient
lésés. Cela ne vaut pas seulement pour l'enseignement de base qui doit
être gratuit selon l'art. 19 Cst., ce qui nécessite l'engagement de
fonds publics, mais aussi pour la formation supérieure. Dès lors, il
peut résulter de la législation topique que l'Etat offre un enseignement
à un prix qui ne couvre pas ses charges, c'est-à-dire à un prix qui ne
correspond pas au prix du marché libre (ATF 123 I 254 consid. 2b/bb). Ce
but légal ne pourrait pas être atteint si les établissements d'enseignement
public étaient soumis à la loi sur les cartels. Il en va de même dans le
domaine de la santé où les hôpitaux publics sont financés partiellement
par des fonds publics, ce qui entrave l'accès des hôpitaux privés à la
concurrence ou son exercice, mais cela a été voulu par le législateur,
si bien que les art. 5 et 7 LCart ne sont pas applicables (DPC 1998
p. 562, ch. 12 ss p. 564/565; DPC 1999 p. 184, consid. 6 p. 197; RAMA
4/1997 p. 257, consid. 11.2 p. 268; CLERC, op. cit., n. 102 ad art. 7
LCart; MARGARETA LAUTERBURG, Gesundheits- und Versicherungsmärkte
- kartellrechtliche Fragen in der Praxis der Wettbewerbsbehörde,
in Hürlimann/Poledna/Rübel [éd.], Privatisierung und Wettbewerb im
Gesundheitsrecht, Zurich 2000, p. 101 ss, 111 s.).

    En l'absence de règles claires, le critère essentiel doit être celui
de savoir si la soumission d'un secteur donné à la loi sur les cartels
ferait obstacle à l'accomplissement de la tâche d'intérêt public impartie
par la loi à une entreprise (DPC 1998 p. 198, ch. 18-20 p. 202; CLERC,
op. cit., n. 103 ad art. 7 LCart).

    5.4.10  Selon l'art. 2 LEEF, la recourante s'est vu confier le mandat
légal d'assurer l'approvisionnement en énergie électrique du territoire
desservi. Avec la recourante, on peut admettre qu'il s'agit là d'une
tâche d'intérêt général. La manière dont la recourante doit mener à bien
sa mission n'est cependant pas réglée par la loi. Il résulte cependant de
la loi de 1998 sur les EEF que la recourante doit au moins veiller à ce
qu'il existe des réseaux de transport et de distribution d'énergie dans
le territoire desservi et que les consommateurs soient approvisionnés en
courant électrique. Cela ne signifie cependant pas forcément que seule la
recourante peut fournir de l'électricité au moyen du réseau installé et
exploité par elle. Elle admet elle-même qu'elle ne produit qu'environ la
moitié de l'énergie électrique qu'elle livre. Elle doit s'approvisionner
en courant électrique auprès de tiers et le revendre à ses clients. Il
serait ainsi tout aussi bien possible que les producteurs tiers vendent
directement leur énergie aux clients et qu'ils utilisent à cet effet les
installations de la recourante.

    La recourante n'explique pas pourquoi cela ne serait pas possible. Elle
fait simplement valoir qu'elle doit conclure avec ses fournisseurs des
contrats de longue durée afin de pouvoir garantir l'approvisionnement. Elle
s'est donc engagée à acheter de l'électricité pour une longue période,
si bien qu'elle ne pourrait revendre qu'avec peine cette électricité si
des tiers pouvaient fournir directement les consommateurs. La vente au
détail ne serait donc pas compatible avec la tâche d'intérêt public qui
lui a été conférée. Un approvisionnement général et direct des clients
par des tiers mettrait en péril cette tâche.

    Cette argumentation n'est cependant pas convaincante.  Contrairement
aux exemples précités concernant la formation et la santé, l'obligation
d'approvisionnement en électricité impartie par la loi n'est pas liée à
une réduction de prix étatique motivée par des motifs d'ordre de politique
sociale, diminution qui en soi n'est pas un instrument du marché. Les
consommateurs paient en principe pour l'électricité un prix qui couvre les
charges. On ne voit donc pas pourquoi ce prix ne serait pas formé selon
les lois du marché libre, ce qui suppose que les autres producteurs de
courant électrique aient la possibilité de livrer du courant.

    Certes, si les tiers ont accès au marché, cela pourra conduire les
clients de la recourante à s'adresser à d'autres producteurs, partant
entraîner une diminution de la quantité d'électricité vendue par la
recourante. Mais chaque vendeur est confronté à ce genre de problème. Cela
n'est en tout cas pas une raison suffisante pour exclure la concurrence.

    Il est notoire que les entreprises d'approvisionnement en électricité
ont conclu avec les producteurs d'électricité des conventions de longue
durée, en particulier pour disposer d'une réserve d'énergie suffisante.
La loi n'impose cependant pas cela à la recourante, mais cela résulte de sa
propre estimation de l'état d'approvisionnement. L'approvisionnement sûr
en électricité dans l'intérêt général peut cependant aussi être garanti
par le fait que différents producteurs puissent livrer leur énergie
électrique par le biais du réseau exploité par la recourante. La loi
sur les cartels postule que l'approvisionnement de la population n'est
pas assuré au mieux par la conclusion de contrats de longue durée avec un
établissement se trouvant en situation de monopole, mais par la concurrence
entre plusieurs offreurs (cf. aussi art. 5 al. 2 LEne; voir plus haut
consid. 4.3.1). Dans le domaine de l'approvisionnement en électricité
peuvent éventuellement exister des circonstances particulières qui sont
de nature à conduire à une autre conclusion (nécessité d'investissements
de départ importants pour la construction des installations de production
et du réseau de distribution, nécessité d'avoir une capacité de réserve
suffisante eu égard à la possibilité de stockage limité avec de grandes
variations de la demande et effets importants dus au goulot d'étranglement
en matière d'approvisionnement; cf. FF 1999 p. 6675 ss). Il n'est pas
totalement exclu que, dans certaines conditions du marché particulières,
aucun fournisseur ne soit prêt ou en mesure de livrer de l'électricité. En
pareilles circonstances, il pourrait exister un besoin d'approvisionnement
en électricité qui ne serait pas assuré par les lois du marché. De telles
considérations d'ordre politique pourraient éventuellement justifier
l'exclusion de la concurrence. Mais, selon la conception qui est à la base
de la loi sur les cartels, elles ne seraient déterminantes que si elles
avaient été concrétisées dans des prescriptions adoptées par les pouvoirs
publics en vertu de l'art. 3 al. 1 LCart. Or, comme on l'a vu plus haut,
il n'existe pas de telles prescriptions dans la loi de 1998 sur les EEF.

    La recourante se réfère à l'arrêt de la Cour de justice des Communautés
européennes du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C-475/99, Rec. 2001,
p. I-8089. Dans cet arrêt (point 61), la Cour a justifié l'extension
d'un monopole pour le secteur du transport urgent de malades à celui
du transport non urgent de malades (rentable) par le fait que cela
permettait à l'entreprise d'assurer sa mission d'intérêt général,
touchant au transport urgent de malades, dans des conditions d'équilibre
économique. La possibilité qu'auraient les concurrents de se concentrer,
dans les services de transports non urgents, sur des trajets plus
lucratifs, pourrait porter atteinte à la viabilité économique du service
du transport urgent (non rentable) et par conséquent mettre en cause la
qualité et la fiabilité dudit service.

    Il est vrai que la recourante emploie les bénéfices provenant de la
vente d'énergie pour financer la construction et l'entretien de son réseau
électrique. Cela est d'ailleurs habituel compte tenu de la structure
historique du réseau d'électricité qui a existé jusqu'à présent. Avec
l'accès des tiers au réseau, le subventionnement ("Quersubventionierung")
du secteur de la production par le secteur de la distribution d'énergie (ou
vice versa) serait pratiquement impossible, ce qui peut avoir des effets
sur le calcul du prix de l'électricité par les entreprises d'électricité
(STRUB, op. cit., p. 274 ss).

    Cela n'exclut cependant pas l'accès de tiers au réseau. Il n'est pas
contesté que la partie intimée (Watt Suisse AG) doit payer une redevance
pour l'utilisation du réseau. Elle s'est expressément déclarée prête à
le faire. Si cette rétribution est fixée de manière à couvrir les frais,
l'accès des tiers au réseau n'aura pas de répercussions financières pour
le propriétaire du réseau (STRUB, op. cit., p. 287 s.). Il ne s'agit
donc pas d'une question de principe quant à l'accès au réseau, mais du
montant de la redevance à payer pour que les frais du réseau électrique
puissent être couverts (voir ci-dessous consid. 6.5.9). Il n'est pas
établi que la tâche d'approvisionnement confiée par la loi ne pourrait
plus être remplie si les tiers avaient accès au réseau de la recourante.

    Dans ces circonstances, le mandat légal d'approvisionnement contenu
dans la la loi de 1998 sur les EEF n'implique pas un droit exclusif en
faveur de la recourante à fournir de l'énergie électrique aux consommateurs
finaux.

    Pour le cas où l'intérêt public à un approvisionnement sûr en
électricité serait effectivement compromis par l'accès au réseau de
tiers, le Conseil fédéral pourrait toujours intervenir en autorisant une
dérogation au principe de la concurrence au sens de l'art. 8 LCart. Le
Tribunal fédéral n'a toutefois pas à se prononcer là-dessus.

    5.4.11  Contrairement à l'avis de la recourante, on ne peut pas
voir une exclusion de la concurrence au sens de l'art. 3 al. 1 LCart
dans le fait que les conventions relatives à la délimitation des zones
de distribution d'électricité sont soumises pour approbation au Conseil
d'Etat (art. 11 al. 2 let. b et art. 21 al. 3 let. i LEEF). De telles
conventions délimitent les zones d'approvisionnement, ainsi que le
territoire du réseau et du mandat d'approvisionnement de la recourante,
mais cela n'exclut pas les tiers de l'acheminement de l'électricité. On ne
voit pas dans quelle mesure la recourante aurait besoin de l'approbation
du Conseil d'Etat pour cela.

    5.5  La loi de 2000 sur le statut des EEF entrée en vigueur le 1er
janvier 2002 contient encore moins une clause d'exclusion de la concurrence
que la loi de 1998 sur les EEF.

    5.5.1  En adoptant la loi de 2000 sur le statut des EEF, le législateur
cantonal fribourgeois voulait, comme déjà prévu dans le cadre des travaux
préparatoires de la loi de 1998, assurer à EEF une meilleure position
concurrentielle dans la perspective de la prochaine ouverture du marché
de l'électricité (Message du 5 juin 2000, BO/FR 2000 p. 971; Séance du
Grand Conseil, BO/FR 2000 p. 1238 ss, intervention du rapporteur et du
commissaire). Dans ce but, EEF a été transformée en une société anonyme
de droit privé (art. 1 LSEEF). L'Etat reste néanmoins l'actionnaire
majoritaire (art. 2 al. 2 LSEEF).

    Les buts de la nouvelle société anonyme correspondent pour
l'essentiel à ceux énumérés à l'art. 2 LEEF (BO/FR 2000 p. 972; art. 2
des Statuts EEF). La tâche publique d'approvisionnement n'est cependant
plus mentionnée dans la loi. La volonté expresse du législateur était de
supprimer le monopole de EEF dans la perspective de la libéralisation du
marché de l'électricité (BO/FR 2000 p. 974). En séance du Grand Conseil,
la transformation en société anonyme de droit privé a été refusée par une
minorité, sans que celle-ci ne cherche toutefois à recréer une situation
de monopole (BO/FR 2000 p. 1242, intervention Moret). Ainsi, même si l'on
voulait voir l'existence d'un monopole de EEF selon l'ancienne loi de 1998
sur les EEF du point de vue du droit des cartels, cela a été expressément
supprimé par la loi de 2000 sur le statut des EEF.

    5.5.2  La loi sur le domaine public a été modifiée en même temps que
la loi de 2000 sur les EEF (art. 8 LSEEF). Selon l'art. 55 al. 2 LDP/FR:

      "Les Entreprises électriques fribourgeoises disposent, contre

      paiement

       d'une redevance, d'une concession réglée par convention pour

       l'utilisation des forces hydrauliques du canton pour la production

       d'énergie."

    L'art. 56 LDP/FR (voir plus haut consid. 5.4.2) a été abrogé.

    Si la concession en faveur de EEF est maintenue dans la loi, tel
n'est plus le cas pour le monopole (BO/FR 2000 p. 973 s.). En outre, la
concession se réfère exclusivement à l'utilisation des forces hydrauliques
et non à l'utilisation du réseau électrique ou du domaine public. Et
il est encore moins question d'un monopole de droit en rapport avec la
livraison et la distribution d'énergie.

    5.5.3  Il ressort des travaux préparatoires que le législateur
fribourgeois voulait s'adapter notamment à la loi fédérale sur le marché de
l'électricité par la création d'une nouvelle structure de EEF. Cependant,
l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi cantonale n'a nullement été
subordonnée à l'entrée en vigueur de la loi sur le marché de l'électricité;
la révision de la loi n'a pas été motivée uniquement par la loi sur le
marché de l'électricité mais par la libéralisation générale du marché. Il
a été fait en particulier référence à la situation juridique dans l'Union
européenne en mentionnant le mot "eurocompatibilité" (BO/FR 2000 p. 974),
bien que le législateur fribourgeois ne fût pas obligé de s'aligner sur la
réglementation de l'Union européenne en matière de marché de l'électricité.
Ce n'est donc pas seulement en rapport avec la loi sur le marché de
l'électricité mais de sa propre initiative que le canton de Fribourg a
supprimé le monopole de EEF, si tant est qu'un tel monopole ait existé
selon la loi de 1998 sur les EEF. Dans ces conditions, il n'y a aucune
raison de déduire du rejet de la loi sur le marché de l'électricité par
le peuple une clause d'exclusion de concurrence selon le droit des cartels.

    5.6  En résumé, il n'existe dans la législation cantonale actuelle
aucune prescription au sens de l'art. 3 al. 1 LCart excluant l'application
de la loi sur les cartels.

    5.7  Comme déjà mentionné plus haut (consid.  5.3.3), le projet de
la nouvelle loi sur l'approvisionnement en énergie électrique (LAEE)
préparé par le Conseil d'Etat n'est pas applicable en l'espèce. Si
cette loi devait expressément instaurer - ce qui est visiblement prévu
- un monopole de droit en faveur de la recourante, il va de soi qu'un
changement de situation juridique ne pourra se produire qu'au moment
de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et qu'il y aura donc lieu
d'apprécier à nouveau cette situation à la lumière de l'art. 3 al. 1 LCart.

    Pour le surplus, on peut se demander sérieusement si et dans quelle
mesure le canton de Fribourg a la possibilité d'instituer un monopole de
droit en faveur de la recourante pour la livraison d'électricité. Il se
pose en effet la question de savoir si un tel monopole serait justifié par
un intérêt public et proportionné au but visé (art. 27 Cst. en relation
avec l'art. 36 Cst.). Point n'est cependant besoin ici de trancher cette
délicate question.

Erwägung 6

    6.  Il convient ensuite de déterminer si les instances inférieures
ont admis avec raison que le comportement de la recourante violait
l'art. 7 LCart.

    6.1  Selon l'art. 7 al. 1 LCart, les pratiques d'entreprises ayant
une position dominante sont réputées illicites lorsque celles-ci
abusent de leur position et entravent ainsi l'accès d'autres
entreprises à la concurrence ou son exercice, ou désavantagent les
partenaires commerciaux. Conformément à l'art. 7 al. 2 let. a LCart,
est en particulier réputé illicite le refus d'entretenir des relations
commerciales (p. ex. refus de livrer ou d'acheter des marchandises).

    Les conditions d'application de l'art. 7 LCart sont: qu'il existe
une entreprise au sens de l'art. 2 al. 1 LCart (consid. 6.2), qu'il
s'agisse d'une entreprise dominant le marché au sens de l'art. 4 al. 2
LCart (consid. 6.3), qu'elle entrave l'accès aux autres entreprises à
la concurrence ou son exercice ou encore désavantage les partenaires
commerciaux (consid. 6.4) et enfin, que cela résulte d'un abus de sa
position dominante (consid. 6.5).

    6.2  Il est manifeste et incontesté que la recourante constitue,
en tant que société juridiquement et économiquement indépendante, une
entreprise au sens de l'art. 2 al. 1 LCart (cf. ATF 127 II 32 consid. 3d
p. 43).

    6.3

    6.3.1  Par entreprise dominant le marché, on entend une entreprise qui
est à même, en matière d'offre ou de demande, de se comporter de manière
essentiellement indépendante par rapport aux autres participants au marché
(art. 4 al. 2 LCart), notamment lorsque ceux-ci n'ont raisonnablement
aucune autre alternative que d'avoir des relations commerciales avec
cette entreprise (VON BÜREN/MARBACH, op. cit., p. 274 s.; ROGER ZÄCH,
Verhaltensweisen marktbeherrschender Unternehmen, in von Büren/David,
2000, op. cit., p. 137 ss, 172). Le point de savoir si une entreprise
domine ou non le marché doit toujours être apprécié en rapport avec un
marché matériellement et géographiquement déterminant.

    6.3.2  L'autorité intimée a admis que la recourante avait une position
dominante sur le marché déterminant de la distribution supra-régionale
et régionale de l'électricité dans sa zone de distribution régionale au
sens de l'art. 4 al. 2 LCart, parce que EEF est pratiquement seule sur
le marché et a la maîtrise de fait sur les infrastructures de transport
du courant électrique nécessaires à l'approvisionnement des consommateurs.

    6.3.3  La recourante fait valoir qu'elle ne peut pas avoir une
position dominante, étant donné qu'il n'existe aucun marché de la
distribution d'électricité puisque chaque zone est desservie par un seul
opérateur. Ce n'est que par une législation fédérale telle que la loi
sur le marché de l'électricité que l'on pourrait en fait créer un tel
marché. L'accès des tiers au réseau devrait en outre absolument être prévu
par une législation. La recourante fait ensuite valoir que la distribution
locale et la vente au détail sont nécessaires à son activité et ne sont pas
détachables de sa mission d'intérêt public. L'usage exclusif des forces
hydrauliques lui aurait été confié afin de lui permettre d'exercer sa
mission d'approvisionnement. L'ouverture du marché aux tiers devrait
être accompagnée d'une obligation d'approvisionnement réglée par le
droit fédéral. Autrement, l'intervention des autorités de la concurrence
empêcherait l'accomplissement de la mission d'intérêt public.

    Ces critiques se recoupent dans une large mesure avec les griefs qui
ont déjà été traités, soit ceux en relation avec l'art. 3 al. 1 LCart
(voir ci-dessus consid. 5.4). Etant donné, comme on l'a vu, qu'une clause
d'exclusion au sens de l'art. 3 al. 1 LCart n'existe pas, l'activité en
cause est soumise à la loi sur les cartels. Lorsqu'il n'existe aucune
concurrence entre les concurrents, cela peut justement constituer une
situation illicite au sens de l'art. 7 LCart. Cela ne saurait exclure
l'application de cette disposition légale, mais justifie au contraire
une intervention des autorités de la concurrence et l'adoption de mesures
appropriées afin que la concurrence soit rétablie.

    6.3.4  La recourante ne conteste en principe pas, à juste titre,
que le marché déterminant du point de vue objectif et géographique est
l'acheminement de l'énergie électrique dans la zone de distribution de
l'exploitant du réseau (cf. aussi BISCHOF, op. cit., p. 149 ss). La
recourante ne conteste pas non plus qu'elle est seule à livrer de
l'électricité dans sa zone d'approvisionnement.

    Les autres offreurs n'ont pratiquement aucune autre alternative que
d'utiliser un réseau pour fournir du courant électrique (HÜBSCHER/RIEDER,
op. cit., p. 441) et ne peuvent pas en livrer faute de réseau propre. La
recourante peut ainsi se comporter de manière indépendante par rapport
aux autres offreurs et jouit ainsi d'une position dominante (art. 4 al. 2
LCart; BISCHOF, op. cit., p. 153 s.; KILCHENMANN, op. cit., p. 51).

    6.4

    6.4.1  La recourante ne conteste pas qu'elle a refusé l'accès de
son réseau à la partie intimée Watt. Elle entrave ainsi l'accès à la
concurrence et son exercice.

    Elle fait certes valoir que Watt ne serait pas entravée, parce
qu'elle n'a pas établi qu'elle était à même, par les réseaux situés en
amont, d'accéder au réseau supra-régional de EEF. Et l'accès à ces réseaux
supérieurs serait une condition indispensable pour que Watt puisse accéder
aux installations de la Migros situées à Estavayer-le-Lac et Courtepin. Le
refus d'accès au réseau de EEF pourrait donc tout au plus être considéré
comme illicite si la Commission de la concurrence avait constaté que la
partie intimée Watt était raccordée aux réseaux situés en amont. Mais
tel ne serait pas le cas jusqu'à présent. Les parties intimées n'auraient
jusqu'à maintenant pas cherché à accéder à ces réseaux. Par conséquent,
même si le Tribunal fédéral rejetait le présent recours, les parties
intimées ne seraient pas en mesure d'accéder au réseau de la recourante.
La recourante ne pourrait ainsi pas se voir reprocher d'entraver la
concurrence.

    Il est vrai que Watt doit aussi utiliser des réseaux situés en amont
pour approvisionner les sites de la Migros et qu'un tel accès n'existe pas
encore. Cela ne signifie cependant pas que les parties intimées ne seraient
pas entravées dans l'exercice de la concurrence par le comportement de la
recourante. Elles sont tenues de lever tous les obstacles qui les empêchent
d'accéder au réseau de la recourante. Mais un obstacle à la concurrence
ne saurait être justifié par le fait que les autres empêchements n'ont
éventuellement pas (encore) été supprimés.

    Du reste, les instances inférieures ont souligné que la recourante
n'avait jamais laissé entendre qu'elle autoriserait l'accès de son réseau
aussitôt que Watt serait capable d'acheminer le courant jusqu'à la limite
du réseau de distribution de EEF. La recourante ne le conteste pas, mais
s'oppose par principe à l'accès de son réseau à des tiers. Ce procédé
doit être considéré comme abusif.

    6.4.2  La recourante fait en outre valoir que Migros ne serait pas
affectée dans sa capacité de concurrence parce que EEF serait prête à lui
livrer l'énergie aux mêmes conditions que celles offertes par Watt. Ses
prix ne seraient donc pas abusifs.

    Cette objection est cependant mal fondée. La liberté économique et
la libre concurrence impliquent aussi le libre choix de ses partenaires
commerciaux. Selon les circonstances, celui qui est contraint de se
fournir auprès d'un partenaire déterminé peut être entravé dans sa liberté
contractuelle, même si ce partenaire accorde les mêmes conditions que le
partenaire qu'il aurait choisi. Car il peut exister d'autres motifs pour
entretenir des relations commerciales avec un autre partenaire.

    6.5

    6.5.1  Selon l'art. 7 al. 1 LCart, le simple fait qu'une entreprise
dominant le marché entrave l'accès d'autres entreprises à la concurrence et
son exercice n'est pas illicite. Encore faut-il que l'entreprise dominant
le marché limite de façon abusive la liberté d'action de ses concurrents
(FF 1995 I 564).

    Les pratiques énumérées à titre d'exemple à l'art 7 al. 2 LCart ne
sont pas automatiquement illicites; elles ne sont illicites que si elles
répondent aux critères généraux de l'abus formulé à l'art. 7 al. 1 LCart
(FF 1995 I 565; BORER, op. cit., n. 4 ad art. 7 LCart; CLERC, op. cit.,
n. 109 ad art. 7 LCart; ZÄCH, 1999, op. cit., p. 194; le même, Kontrolle
des Verhaltens marktbeherrschender Unternehmen, in Christian Meier-Schatz
[éd.], Das neue Kartellgesetz, Berne 1998, p. 117 ss, 137).

    La pratique d'une entreprise en position dominante est en principe
illicite lorsque, sans aucune justification objective, elle entrave l'accès
d'autres entreprises à la concurrence ou l'exercice de celle-ci (FF 1995
I 564; BISCHOF, op. cit., p. 155; BORER, op. cit., n. 9 ad art. 7 LCart;
VON BÜREN/MARBACH, op. cit., p. 279; CLERC, op. cit., n. 61 s. et 79 ss
ad art. 7 LCart; DALLAFIOR, op. cit., n. 36 s. ad art. 7 LCart; ZÄCH,
2000, op. cit., p. 188). Une stratégie envers les autres concurrents
doit se révéler inéquitable en ce sens que, par exemple, d'après les
circonstances, la volonté d'exclure un concurrent est manifeste (FF 1995
I 564 s.); tel est également le cas lorsque les autres concurrents sont
empêchés d'accéder à un marché (BORER, op. cit., n. 12 ad art. 7 LCart),
c'est-à-dire lorsque le comportement a un objectif qui est contraire à
la concurrence (ZÄCH, 2000, op. cit., p. 186 s.).

    Suivant l'exemple de la théorie dite "Essential facility" élaborée
aux Etats-Unis (BISCHOF, op. cit., p. 131 ss; SCHINDLER, op. cit., p. 3
ss) et discutée aussi dans l'Union européenne (SCHINDLER, op. cit., p.
35 ss), la doctrine suisse qualifie un comportement d'abusif lorsqu'une
entreprise en position dominante dispose seule des équipements ou des
installations indispensables à la fourniture d'une prestation et qu'elle
refuse, sans raison objective, de les mettre à disposition aussi de ses
concurrents. Encore faut-il que les concurrents n'aient aucune solution
de remplacement, si bien que le refus incriminé est de nature à exclure
toute concurrence (FF 1995 I 565 s.; BISCHOF, op. cit., p. 129 ss; BORER,
op. cit., n. 12 ad art. 7 LCart; CLERC, op. cit., n. 124 ss ad art. 7
LCart; DALLAFIOR, op. cit., n. 105 ss ad art. 7 LCart; HÜBSCHER/RIEDER,
op. cit., p. 440 ss; SCHINDLER, op. cit., p. 192 s., 195; RUFFNER, op.
cit., p. 841; ZÄCH, 1998, op. cit., p. 139). D'après la doctrine,
cette théorie s'applique en particulier aux réseaux électriques, qui se
trouvent en situation de monopole de fait; il est en effet pratiquement
impossible de construire un réseau parallèle et concurrent notamment
pour des raisons financières, si bien que les concurrents sont obligés
d'utiliser les réseaux existants. Car sinon aucune concurrence ne
serait possible (BISCHOF, op. cit., p. 141 s., 155 s., 165 s.; BORER,
op. cit., n. 12 ad art. 7 LCart; VON BÜREN/MARBACH, op. cit., p. 280 s.;
SCHINDLER, op. cit., p. 77, 88, 91 ss, 122; VOGEL, op. cit., p. 194; ZÄCH,
1999, op. cit., p. 223; le même, 2000, op. cit., p. 204 s.; le même,
Netzstrukturen, op. cit., p. 951).

    6.5.2  La Commission de la concurrence a considéré (décision du 5
mars 2001, ch. 175) qu'il faut partir d'un comportement illicite au sens
de l'art. 7 LCart lorsqu'une entreprise en position dominante refuse,
sans raisons justificatives objectives, de donner accès, contre une
rémunération adéquate, à ses réseaux ou à d'autres infrastructures à une
autre entreprise, dès lors que, sans cet accès, celle-ci ne serait pas
en mesure, pour des motifs de fait ou de droit, d'exercer une activité
sur le marché situé en aval et que ce marché n'est pas exposé à une
concurrence efficace.

    La Commission de recours a retenu pour sa part que le refus opposé
par la recourante à Watt de faire transiter le courant sur son réseau
empêchait cette dernière d'exercer la concurrence sur le marché aval,
ce qui constituait un cas d'entrave illicite au sens de l'art. 7 al. 1
LCart, dans la mesure où un tel refus n'était pas justifié par des motifs
objectifs. Or, une telle justification faisait défaut.

    6.5.3  La motivation des autorités inférieures, qui est conforme à
l'avis de la doctrine, est convaincante. La recourante veut manifestement
empêcher Watt d'accéder au marché en question. Watt ne peut pas livrer de
courant électrique sans utiliser le réseau de la recourante parce que - ce
qui n'est du reste pas contesté par celle-ci - pour des raisons juridiques
et économiques, il n'est pratiquement pas possible pour Watt de construire
elle-même un réseau de transport parallèle. La recourante utilise sa
position de fait dominante, qu'elle tire de son réseau de transport,
pour ne pas devoir s'ouvrir à la concurrence. Son comportement est donc
directement dirigé contre une possible instauration de la concurrence
et exclut, dans le résultat, toute concurrence entre les fournisseurs
d'énergie. Ce comportement doit donc être qualifié d'abusif, dans la
mesure où il ne peut pas être justifié par des motifs objectifs.

    6.5.4  Une entreprise peut refuser d'entretenir des relations
commerciales avec un partenaire pour des motifs objectifs d'ordre
commercial (FF 1995 I 566; DALLAFIOR, op. cit., n. 37 ad art. 7 LCart;
ROGER GRONER, Missbrauchsaufsicht über marktbeherrschende Unternehmen -
quo vadis?, in recht 20/2002 p. 63 ss, 69; RUFFNER, op. cit., p. 838;
ZÄCH, 2000, op. cit., p. 188; le même, 1998, op. cit., p. 132), soit pour
des raisons d'efficacité au niveau de l'entreprise (SCHINDLER, op. cit.,
p. 117 s.), ou encore pour obtenir une prestation ayant le meilleur
rapport qualité/prix pour le consommateur (GRONER, op. cit., p. 65 s.).
S'agissant de l'utilisation du réseau, le manque de capacité disponible
du réseau constitue également une motivation objective (cf. art. 5
al. 3 LME; BISCHOF, op. cit., p. 157; SCHINDLER, op. cit., p. 115
ss). Car l'obligation d'acheminer l'électricité d'un tiers aussi en cas
de capacités insuffisantes ou inexistantes du réseau porterait atteinte
au propriétaire du réseau qui serait empêché de l'utiliser pour desservir
sa propre clientèle; cela comporterait une restriction de la propriété,
qui nécessiterait une base légale supplémentaire (FUCHS, op. cit., p. 59;
cf. aussi JAGMETTI, op. cit., n. 34 ad art. 24quater aCst.). Mais la
recourante n'a pas invoqué un manque de capacité de son réseau ou d'autres
problèmes techniques pour ne pas ouvrir son réseau à des tiers.

    6.5.5  La recourante soutient que l'accomplissement de sa mission
d'intérêt public serait mis en péril par l'accès de Watt au réseau,
dans la mesure où l'électricité qu'elle vend aux sites de la Migros dans
l'aire couverte par son réseau représenterait environ 4% de l'énergie
totale qu'elle livre, soit une proportion considérable. Cela ne constitue
toutefois pas un motif objectif d'ordre commercial justifiant une pratique
réputée illicite par l'art. 7 LCart. Le simple fait qu'une entreprise
en position dominante perde une part de marché à la suite de l'arrivée
de nouveaux concurrents ne saurait être considéré comme une raison pour
exclure la concurrence. Au contraire, c'est précisément le but du droit
des cartels que les parts de marché relatives des différents offreurs
puissent subir des modifications par le biais de la concurrence.

    6.5.6  La recourante fait ensuite valoir que Watt et la Migros
auraient amené les sociétés ELSA et Micarna à rompre les contrats
d'approvisionnement que celles-ci avaient conclus avec EEF, ce qui
constituerait un acte de concurrence déloyale au sens de l'art. 4 LCD (RS
241). Il serait donc contraire au sens et à l'esprit du droit des cartels
que les autorités de la concurrence puissent admettre, voire favoriser,
un comportement déloyal.

    Selon l'art. 4 let. a LCD, agit de façon déloyale celui qui incite un
client à rompre un contrat en vue d'en conclure un autre avec lui. Mais
l'on ne peut parler de rupture de contrat au sens de cette disposition
que lorsqu'un contrat est violé (ATF 122 III 469 consid. 8a; 114 II
91 consid. 4a/bb p. 99). Micarna et ELSA ont résilié leur contrat de
fourniture en bonne et due forme. La résiliation d'un contrat, qui est
conforme aux clauses contractuelles, ne constitue donc pas une violation
du contrat, mais au contraire, l'utilisation d'un droit prévu par le
contrat. En l'espèce, il n'y a pas de violation de l'art. 4 LCD.

    6.5.7  La recourante critique ensuite le fait que Migros abuse de sa
puissance sur le marché.

    Selon les propres indications de la recourante, la part du
courant acquis par Migros représente environ 4% de la totalité de ses
livraisons. Compte tenu déjà de cette faible part, on ne peut pas dire
que Migros occupe une position dominante sur ce marché (HERBERT WOHLMANN,
Bekämpfung des Missbrauchs von Marktmacht, RSDA, Sondernummer 1996, p. 22
ss, 24), même si, pour juger de cette question, il y a lieu de poser des
critères différents selon que l'entreprise se trouve dans la position
de l'acheteur ou dans celle du vendeur. Du reste, on ne voit pas en quoi
le comportement de Migros serait abusif. Le simple souhait de changer de
fournisseur ne saurait être qualifié d'abusif au sens de l'art. 7 LCart. La
recourante ne fait pas valoir que Migros aurait essayé d'obtenir de EEF des
prix ou des conditions commerciales inéquitables au sens de l'art. 7 al. 2
let. c LCart. En fait, cette disposition vise les cas d'exploitation où
une entreprise impose des prix sans rapport raisonnable avec la valeur
économique de la prestation fournie (BORER, op. cit., n. 16 ad art. 7
LCart; DALLAFIOR, op. cit., n. 113 ss ad art. 7 LCart; ZÄCH, 2000,
op. cit., p. 213 s.). Le simple fait d'essayer d'obtenir des conditions
plus favorables que précédemment ne constitue pas encore un abus.

    6.5.8   Depuis le rachat de Watt par NOK autorisé par la Commission de
la concurrence (DPC 2002 p. 348 ss), NOK dispose, selon les informations
fournies par la recourante, d'une part de marché de 41% de la totalité
de l'approvisionnement en électricité en Suisse. Même s'il fallait y voir
une position dominante, cela ne constituerait pas encore une violation de
l'art. 7 LCart. Car le simple fait qu'une entreprise occupe une position
dominante n'est pas illicite aussi longtemps que cette position n'est
pas utilisée de manière abusive au sens de l'art. 7 LCart (FF 1995 I
564; DALLAFIOR, op. cit., n. 30 ad art. 7 LCart; WOHLMANN, op. cit.,
p. 22). La recourante n'allègue pas l'existence d'un abus ni en quoi
il consisterait. De toute façon, à supposer que Watt ait une position
dominante (quoique sur une autre aire de marché), cela ne constitue pas
un motif objectif et suffisant qui permettrait à la recourante d'interdire
l'accès à son marché.

    6.5.9  Enfin, la recourante affirme qu'en dehors de la loi sur
le marché de l'électricité qui a été rejetée, il n'existerait aucune
réglementation sur la formation des prix et sur les autres conditions
pour l'utilisation du réseau. Elle ne pourrait pas négocier les prix avec
Watt, étant donné qu'elles se trouvent toutes les deux dans un rapport
de concurrence.

    Les relations commerciales peuvent ne pas procéder de la libre volonté
des partenaires. C'est toujours le cas lorsque, sur la base de l'art. 7
al. 2 let. a LCart, l'obligation d'entretenir des relations commerciales
est imposée par les autorités de la concurrence à l'encontre de la
volonté de l'entreprise en position dominante. A défaut, cette disposition
resterait lettre morte. A vrai dire, la fixation du prix équitable pour
l'utilisation d'un réseau peut soulever de grandes difficultés (BORER,
op. cit., n. 12 ad art. 7 LCart; HÜBSCHER/RIEDER, op. cit., p. 441). Les
autorités inférieures n'ont - contrairement aux conclusions initiales de
la Migros - pas fixé elles-mêmes un prix pour l'utilisation du réseau,
mais ont considéré qu'il s'agissait d'une question de droit civil entre
EEF et la Migros.

    En principe, il est vrai qu'il incombe aux parties de se mettre
d'accord sur un prix équitable. Dans le cadre de la loi sur le marché
de l'électricité, ont été élaborés des principes sur le calcul de la
rétribution de l'acheminement de l'électricité (art. 6 LME; voir FF 1999
p. 6669 ss, 6708 s.). Ces critères peuvent, malgré le refus de la loi sur
le marché de l'électricité, être repris pour la détermination du prix
pour l'obligation d'acheminement reposant sur le droit des cartels. Si
une entreprise en position dominante imposait un prix inéquitable, une
nouvelle procédure pourrait être ouverte sur ce point devant les autorités
de la concurrence (art. 7 al. 2 let. c et 26 ss LCart).