Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 II 420



129 II 420

42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. et
B. contre SA L'Energie de l'Ouest-Suisse ainsi que Commission fédérale
d'estimation du 3e arrondissement (recours de droit administratif)

    1E.14/2002 du 22 juillet 2003

Regeste

    Enteignung, Durchleitungsrecht für eine Hochspannungsleitung,
Festsetzung der Entschädigung (Art. 19 und 22 EntG).

    Verweigerung der Ausdehnung der Enteignung (E. 2).

    Grundsätze der Festsetzung der Entschädigung bei der Auferlegung einer
Dienstbarkeit auf ein Grundstück, die einer Teilenteignung gleichkommt;
Berücksichtigung des Schadens, der sich aus dem Entzug oder aus der
Verminderung von Vorteilen für das Restgrundstück ergibt (E. 3.1),
besonders, wenn der Betrieb der Anlage des Enteigners Immissionen
verursacht (E. 4).

    Anspruch der Nachbarn der Hochspannungsleitung auf Achtung des Privat-
und Familienlebens gemäss Art. 8 EMRK (E. 5).

    Entschädigung aufgrund des durch die Hochspannungsleitung verursachten
Lärms (E. 6).

    Entschädigung aufgrund der elektromagnetischen Felder (E.  7).

Sachverhalt

    A.- Une procédure d'expropriation (procédure sommaire) a été ouverte
en 1997 à la requête de la société anonyme L'Energie de l'Ouest-Suisse
(ci-après: la société EOS, ou l'expropriante), afin de permettre à
cette société d'acquérir certains droits nécessaires au passage des
conducteurs d'une nouvelle ligne électrique aérienne (ligne 380/132 kV
EOS-CFF Saint-Triphon - Chamoson), en particulier sur la parcelle no 1370
du registre foncier de la commune de Saint-Maurice, propriété des frères
A. et B. Ce bien-fonds, classé en zone résidentielle, a une surface de
2'378 m2 et il s'y trouve une maison d'habitation de deux appartements. La
procédure a pour objet la constitution d'une servitude de passage pour les
conducteurs, sur une longueur de 48 m; la parcelle no 1370 doit également
être grevée d'une servitude de restriction au droit d'utilisation du sol
(interdiction de construire, restrictions pour les plantations), sur une
surface de 1'500 m2 (selon le texte de l'avis personnel). La durée des
servitudes est de cinquante ans.

    L'avis personnel a été envoyé à A. et B. (les expropriés) le 20 mai
1997. Ceux-ci se sont opposés à l'expropriation le 18 juin 1997. Le 22
juin 1998, le Département fédéral de l'environnement, des transports,
de l'énergie et de la communication (DETEC) a rejeté l'opposition et
accordé le droit d'expropriation à la société EOS. Les expropriés
ont formé un recours de droit administratif contre cette décision,
que le Tribunal fédéral a rejeté par un arrêt rendu le 9 novembre 1999
(cause 1E.14/1998). Auparavant, l'Inspection fédérale des installations
à courant fort (IFICF) avait approuvé, le 18 octobre 1993, les plans de
la nouvelle ligne 380 kV. A. et B. n'avaient pas contesté, à ce stade,
le choix du tracé.

    B.- Dans cet arrêt 1E.14/1998, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur
la requête des expropriés tendant au déplacement de la ligne électrique
parce qu'ils craignaient pour eux-mêmes et les occupants de leur maison les
conséquences d'une exposition aux champs électromagnétiques. Le Tribunal
fédéral a examiné ces questions sous l'angle du droit fédéral de la
protection de l'environnement et il a rejeté les griefs soulevés. Le
dossier de cette affaire contient un rapport de l'Inspection fédérale
des installations à courant fort (IFICF) du 16 avril 1999, établi après
des mesures des champs électromagnétiques sur la parcelle litigieuse. Ce
rapport indique le résultat de calculs du champ magnétique de la nouvelle
ligne dans le bâtiment des expropriés: avec une charge de 1018 A (au
moment des mesures), la densité de flux magnétique est de 0.986 µT; avec
une charge maximale de 2000 A, cette densité serait de 2.592 µT au niveau
du sol, de 3.638 µT à 4 m du sol et de 4.063 µT à 8 m du sol. D'après
un rapport d'expertise acoustique se trouvant également au dossier, le
niveau d'évaluation Lr du bruit provenant de la ligne 380/132 kV dans
les locaux habitables du bâtiment des expropriés est de 45 (+/-3) dB(A)
de jour (de 7 à 19 heures) et de 46 (+/-3) dB(A) de nuit.

    C.- Dans leur opposition du 18 juin 1997, les expropriés demandaient
encore une indemnité pour la constitution des servitudes, compensant
la moins-value subie par leur immeuble, en particulier leur bâtiment
d'habitation. Ils se référaient notamment aux champs électromagnétiques
engendrés par la nouvelle ligne. Le 7 juillet 1998, l'expropriante et les
expropriés ont conclu un "contrat de servitude". Aux termes de ce contrat,
les expropriés conféraient à l'expropriante, sur une partie de leur
parcelle no 1370 (environ 1'250 m2, d'après le plan joint au contrat),
"le droit d'établir des lignes aériennes à haute tension ainsi que les
droits accessoires de passage pour la surveillance, l'entretien et toutes
transformation ou extension que nécessiterait l'exploitation du réseau",
le bien-fonds étant grevé "d'une servitude personnelle et cessible de
restriction au droit d'utilisation du sol (bâtir, planter, excaver)". Le
contrat prévoit qu'en contre-valeur de la servitude, l'expropriante payera
aux expropriés une indemnité de 100'000 fr., exigible dès l'inscription au
registre foncier. Il contient encore la clause suivante: "L'estimation de
la moins-value de la maison occasionnée par le passage de la ligne sera
déterminé [sic] par la commission fédérale d'estimation". L'expropriante
a été autorisée à requérir directement l'inscription des servitudes
au registre foncier; l'indemnité convenue était exigible dès cette
inscription. Après cela, la procédure d'estimation a été ouverte par le
Président de la Commission fédérale d'estimation du 3e arrondissement
(ci-après: la Commission fédérale). Le 6 décembre 2000, les expropriés
lui ont soumis leurs prétentions: ils ont demandé l'expropriation totale
de leur immeuble et à titre subsidiaire le versement d'une indemnité
compensant la moins-value causée par les champs électromagnétiques,
le bruit et l'atteinte au site.

    La Commission fédérale a entendu les parties le 13 décembre 2000. Les
expropriés ont alors requis une nouvelle expertise des nuisances de la
ligne électrique, en contestant le "caractère neutre" de l'Inspection
fédérale (IFICF). Cette requête a été rejetée. Les expropriés ont formé
contre cette décision incidente un recours de droit administratif. Le
Tribunal fédéral l'a partiellement admis, en annulant la condamnation
des expropriés aux frais de la décision incidente, mais en considérant
en revanche que le refus d'ordonner une nouvelle expertise était fondé
(arrêt 1E.17/2001 du 10 décembre 2001).

    La Commission fédérale a statué le 27 février 2002 sur les prétentions
des expropriés. Elle a condamné l'expropriante à leur verser une "indemnité
supplémentaire d'expropriation de 30'000 fr. pour l'indemnisation de la
moins-value au bâtiment", indemnité portant intérêts au taux usuel.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, les
expropriés ont requis le Tribunal fédéral de prononcer l'expropriation
totale de leur immeuble et de charger un expert judiciaire de fixer
l'indemnité. A titre subsidiaire, ils ont demandé que "la moins-value pour
changement d'affectation du bâtiment" soit compensée par une indemnité
fixée par expertise judiciaire. L'expropriante a conclu au rejet du
recours.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit administratif, annulé
la décision de la Commission fédérale et renvoyé l'affaire à cette autorité
pour nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Le recours de droit administratif est recevable contre une
décision prise par une commission fédérale d'estimation (art. 77 al. 1 LEx
[RS 711], art. 115 al. 1 OJ). Les expropriés ont qualité pour recourir
(art. 78 al. 1 LEx). Les autres conditions de recevabilité étant remplies
(art. 97 ss OJ), il y a lieu d'entrer en matière.

Erwägung 2

    2.  Par leurs conclusions principales, les recourants demandent
l'expropriation totale de leur bien-fonds. Ils font valoir que leur
maison ne pourrait plus être utilisée comme un logement familial, à
cause des effets nocifs de la ligne électrique; elle ne pourrait pas
non plus être affectée à un autre usage, vu la réglementation de la zone
résidentielle. Ce bâtiment aurait donc perdu toute valeur.

    2.1  Dans la décision attaquée, la Commission fédérale a rejeté
la demande d'expropriation totale en considérant qu'elle était en
contradiction avec l'accord signé avec l'expropriante le 7 juillet 1998,
le principe de la constitution d'une servitude ayant alors été admis
par les expropriés. En d'autres termes, les expropriés seraient réputés
avoir renoncé à obtenir autre chose qu'une indemnité pour expropriation
partielle.

    Dans la procédure de recours de droit administratif, le Tribunal
fédéral applique d'office le droit fédéral et, dans le cadre de la
contestation, il n'est pas lié par les motifs invoqués par les parties
(art. 114 al. 1 OJ). Il peut en outre revoir librement les constatations
de fait de la commission fédérale d'estimation (ATF 128 II 231 consid.
2.4.1 p. 236; 119 Ib 447 consid. 1b p. 451).

    2.2  La procédure a été ouverte en vue de la constitution de servitudes
grevant l'immeuble des expropriés; le droit d'expropriation n'a donc pas
été conféré en vue d'une appropriation du bien-fonds par l'expropriante.
Demander l'extension de l'expropriation, pour qu'elle porte désormais
sur l'immeuble en tant que tel, équivaut à requérir une modification
de l'objet de la procédure. L'art. 12 al. 2 LEx prévoit néanmoins cette
possibilité lorsque la constitution d'un droit réel restreint ne permet
plus à l'exproprié d'utiliser l'immeuble selon l'affectation qui lui était
destinée ou que cette utilisation soulèverait des difficultés excessives.

    Toutefois, en vertu de l'art. 36 let. b LEx (en relation avec l'art. 34
al. 1 let. e LEx), les demandes d'extension de l'expropriation fondées sur
l'art. 12 LEx doivent en principe être produites, par écrit et motivées,
dans le délai fixé par l'avis personnel pour la production des oppositions
et des prétentions. Il s'agit d'un délai de péremption (cf. HEINZ
HESS/HEINRICH WEIBEL, Das Enteignungsrecht des Bundes, vol. I, Berne
1986, n. 13-14 ad art. 36 LEx). Les expropriés n'ont pas présenté leur
demande d'extension dans le délai d'opposition; ils se sont bornés, dans
leur écriture du 18 juin 1997, à exposer qu'après un calcul ultérieur des
champs électromagnétiques par des spécialistes mandatés par l'expropriante,
ils "pourr[aient] demander au besoin l'extension de l'expropriation en
conformité de l'art. 12 LEx". La demande proprement dite d'extension
pour une expropriation totale figure dans un acte du 6 décembre 2000,
déposé par les expropriés au moment où ils ont eu l'occasion de préciser
par écrit leurs prétentions, peu avant une audience de la Commission
fédérale. Auparavant, en signant le contrat de servitude du 7 juillet
1998, ils avaient du reste admis se trouver dans un cas d'expropriation
partielle. Ils ne prétendent pas que les conditions de l'art. 41 LEx,
permettant une production tardive des prétentions, seraient satisfaites;
ce n'est manifestement pas le cas. Il en résulte que les recourants sont
forclos et que la Commission fédérale était fondée à rejeter la demande
d'extension; peu importe qu'elle l'ait fait pour d'autres motifs que ceux
que l'on vient d'exposer.

Erwägung 3

    3.  Les recourants demandent à titre subsidiaire une indemnité
compensant la perte de valeur de leur immeuble, à cause de la nouvelle
ligne électrique et des nuisances qu'elle provoque. Ils se prévalent de
l'art. 5 al. 1 LEx qui permet l'expropriation des droits résultant des
dispositions sur la propriété foncière en matière de rapports de voisinage
("expropriation de droits de voisinage", selon une formule utilisée dans
la jurisprudence). Ils critiquent le montant alloué par la Commission
fédérale (30'000 fr.) en l'estimant insuffisant.

    3.1  Contrairement à l'avis des recourants (et de l'expropriante
également), l'expropriation n'a pas pour objet des droits résultant
des dispositions sur la propriété foncière en matière de rapports de
voisinage (cf. art. 5 al. 1 LEx, en relation avec les art. 679 ss CC),
soit les droits des propriétaires fonciers voisins des biens-fonds où
passe la ligne électrique litigieuse de se défendre contre les immissions,
conséquences indirectes que l'exercice de la propriété sur un fonds peut
avoir sur les fonds voisins (cf. ATF 129 II 72 consid. 2.3 p. 75; 124
II 543 consid. 3a p. 548). La présente procédure a été ouverte en vue
de la constitution, par voie d'expropriation, de servitudes grevant le
bien-fonds des expropriés, lesquels sont dès lors directement touchés
dans l'exercice de leur droit de propriété.

    3.1.1  Selon la jurisprudence, l'imposition forcée d'une servitude sur
un fonds constitue juridiquement une expropriation partielle. Comme les
droits réels restreints ne sont pas des objets de commerce, l'indemnité
pleine et entière à verser au propriétaire du fonds grevé (art. 16 LEx)
correspond à la dépréciation de la parcelle. Il s'agit donc d'appliquer
non pas l'art. 19 let. a LEx, en vertu duquel l'indemnité comprend "la
pleine valeur vénale du droit exproprié", mais l'art. 19 let. b LEx, qui
prévoit que l'indemnité comprend "le montant dont est réduite la valeur
vénale de la partie restante". Cette indemnité se calcule donc selon la
méthode dite de la différence, laquelle consiste à déduire de la valeur
vénale du fonds libre de servitude celle du fonds grevé de la servitude
(cf. ATF 122 II 337 consid. 4c p. 343; 114 Ib 321 consid. 3 p. 324;
111 Ib 287 consid. 1 p. 289 et les arrêts cités).

    3.1.2  Conformément à l'art. 22 al. 2 LEx, il faut tenir compte du
dommage résultant de la perte ou de la diminution d'avantages influant
sur la valeur vénale et que la partie restante aurait, selon toute
vraisemblance, conservés s'il n'y avait pas eu d'expropriation. D'après la
jurisprudence, il peut s'agir d'avantages de fait, ou d'éléments concrets
ayant une influence sur la valeur vénale. Un lien de causalité adéquate
doit pourtant exister entre l'expropriation elle-même - à distinguer des
effets de l'ouvrage de l'expropriant sur les biens-fonds voisins - et une
telle perte (ATF 114 Ib 321 consid. 3 p. 324/325; 106 Ib 381 consid. 2b
et 3a p. 385 s., et les arrêts cités; HESS/WEIBEL, op. cit., n. 20 ad
art. 19 LEx p. 241 et n. 8-9 ad art. 22 LEx p. 339). En cas d'expropriation
partielle, la jurisprudence prend notamment en considération la perte
d'avantages valorisant ou protégeant l'immeuble touché: protection contre
les nuisances provenant du voisinage, garantie d'une vue dégagée sur
le paysage, interdiction de construire grevant le fonds voisin en vertu
d'une servitude, etc. (perte d'un "écran protecteur"); cette dépréciation
doit être indemnisée (cf. ATF 106 Ib 381 consid. 4b p. 389; 104 Ib
79 consid. 1b p. 81; 100 Ib 190 consid. 8 p. 197; 94 I 286 consid. 2-4
p. 292 ss; cf. aussi ATF 110 Ib 43 consid. 2 p. 46; 102 Ib 348 consid. 3b
p. 352; 98 Ib 329 consid. 1 p. 331; HESS/WEIBEL, op. cit., n. 23 ad art.
19 LEx, p. 242). En revanche, si le compartiment de terrain exproprié est
modeste et qu'il ne remplit aucune fonction particulièrement valorisante ou
protectrice pour le reste du bien-fonds, les principes sur l'expropriation
des droits de voisinage s'appliquent conformément à l'art. 5 LEx (cf. ATF
110 Ib 43 consid. 2 p. 47; 106 Ib 381 consid. 2a p. 383/384; HESS/WEIBEL,
op. cit., n. 23 ad art. 19 LEx, p. 242). Ces droits sont en principe
énumérés aux art. 684 ss CC (ATF 128 II 368 consid. 2.1 p. 372).

    3.2  La décision entreprise se réfère à la convention du 7 juillet
1998, par laquelle les servitudes ont été constituées. Elle réservait le
calcul de la moins-value de l'immeuble des expropriés par la Commission
fédérale, qui a ainsi été invitée à examiner les conditions d'octroi
d'une indemnité complémentaire à celle, de 100'000 fr., déjà convenue
par les parties.

    3.2.1  La convention précitée est postérieure à la décision du
Département fédéral sur l'opposition et elle a été conclue en dehors de
l'audience de conciliation. Elle constitue une entente directe (partielle)
sur l'indemnité d'expropriation, au sens de l'art. 54 al. 1 LEx. Un tel
accord est un contrat de droit administratif censé fixer l'indemnité
selon les critères de la loi fédérale sur l'expropriation (cf. ATF 101
Ib 277 consid. 6a p. 286). Ce contrat a en principe les mêmes effets
qu'une décision du juge de l'expropriation. Dans le cas particulier,
comme la convention réservait une décision de la Commission fédérale sur
"l'estimation de la moins-value de la maison", les parties n'excluaient
pas l'allocation aux expropriés d'une indemnité complémentaire à celle,
convenue, de 100'000 fr. Ce complément a été arrêté à 30'000 fr. dans le
prononcé attaqué.

    Même formée de différents éléments, l'indemnité d'expropriation
constitue une unité et le Tribunal fédéral doit apprécier si, globalement,
elle a été fixée conformément à l'art. 19 LEx (cf. ATF 129 II 72
consid. 2.6 p. 78; 106 Ib 223 consid. 1 p. 226). Il s'ensuit qu'en cas
d'entente directe partielle, le juge n'est pas lié par la qualification
donnée par les parties à l'indemnité convenue.

    3.2.2  La convention prévoit la détermination, par la Commission
fédérale, de "l'estimation de la moins-value de la maison occasionnée par
le passage de la ligne". En interprétant cette clause selon le principe de
la confiance, applicable lorsque la réelle et commune intention des parties
n'est pas établie (cf. ATF 121 III 495 consid. 5b p. 498), on pourrait en
déduire que l'indemnité complémentaire devrait compenser la dépréciation
de la partie restante. Les expropriés et l'expropriante auraient alors
admis un cas d'application des art. 19 let. b et 22 al. 2 LEx en raison
de la perte d'un avantage ("écran protecteur"), en laissant le soin à
la Commission fédérale d'estimer cette dépréciation. Quoi qu'il en soit,
dès lors que seule une transaction partielle a été conclue, c'est au juge
de l'expropriation qu'il appartient désormais d'examiner le fondement de
l'indemnité. Cela étant, le choix des parties de traiter séparément d'une
part la dépréciation du terrain, réglée par convention, et d'autre part
celle du bâtiment, à estimer par la Commission fédérale, est discutable
car une appréciation globale des conséquences de l'expropriation sur
l'immeuble litigieux s'imposait d'emblée.

    3.2.3  L'expropriante n'a pas recouru, ni à titre principal ni de
façon jointe (cf. art. 78 al. 2 LEx), contre la décision de la Commission
fédérale: la contestation porte dès lors sur la question de savoir si la
somme globale de 130'000 fr. correspond à la différence entre la valeur
vénale du fonds libre de servitude et celle du fonds grevé des servitudes
ou si au contraire cette différence est supérieure au montant total
déjà fixé. Dans cette hypothèse, l'octroi d'une indemnité complémentaire
se justifierait.

Erwägung 4

    4.  Les recourants affirment que la dévaluation de leur immeuble est
due au bruit provoqué par la nouvelle ligne électrique ainsi qu'aux champs
électromagnétiques, lesquels mettraient en danger la santé des habitants
de la maison. Dans les deux cas, ils prétendent que les valeurs limites
prévues par le droit fédéral de la protection de l'environnement - dans
l'ordonnance du 15 décembre 1986 sur la protection contre le bruit (OPB; RS
814.41) ou dans l'ordonnance du 23 décembre 1999 sur la protection contre
le rayonnement non ionisant (ORNI; RS 814.710) - seraient dépassées,
et ils critiquent les rapports, figurant au dossier de la procédure
d'opposition, relatifs à l'évaluation de ces nuisances.

    4.1  La Commission fédérale a considéré que l'indemnité complémentaire
qu'elle fixait était de nature, ex aequo et bono, à compenser la présence
de la ligne à proximité directe du bâtiment des expropriés. Elle a retenu
que cette installation entraînait des bourdonnements, des sifflements ainsi
que d'autres inconvénients et que, même si aucune immission importante
n'était à craindre, la valeur de l'immeuble était diminuée; l'existence
d'autres nuisances incommodantes, sonores ou électromagnétiques, n'ayant
pas été prouvée, il n'y avait pas lieu d'allouer une indemnité à ce
titre. Cette argumentation est présentée de manière sommaire.

    4.2  La conformité de la nouvelle ligne électrique aux prescriptions
de la loi fédérale sur la protection de l'environnement a été examinée
dans le cadre de la procédure d'opposition, à savoir dans la décision
du DETEC du 22 juin 1998 et dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 9
novembre 1999 (1E.14/1998). En outre, elle avait déjà été l'objet de
la procédure préalable d'approbation des plans, au cours de laquelle
une étude de l'impact sur l'environnement avait été effectuée (cf. arrêt
1E.14/1998, consid. 2c). Du reste, dans le système de la loi fédérale sur
l'expropriation, c'est au stade de l'opposition et de la production des
prétentions (cf. art. 35 LEx) qu'un exproprié peut présenter des demandes
fondées sur l'art. 7 al. 3 LEx. Cette disposition astreint l'expropriant
à exécuter les ouvrages propres à mettre le public et les fonds voisins
à l'abri des dangers et des inconvénients qu'impliquent nécessairement
l'exécution et l'exploitation de son entreprise et qui ne doivent pas
être tolérés d'après les règles du droit de voisinage (cf. art. 684 ss
CC). De ce point de vue, l'appréciation du caractère excessif ou non des
immissions de la nouvelle installation (cf. art. 684 al. 2 CC) s'effectue
donc déjà dans la procédure d'opposition.

    En l'espèce, il n'est pas nécessaire de se prononcer à nouveau sur ces
questions. Les données de fait sur les nuisances de la ligne électrique,
telles qu'elles ressortent du dossier de la procédure d'opposition -
les indications sur les niveaux des immissions de bruit et des champs
électromagnétiques -, ne sont pas sérieusement contestées par les
recourants (qui critiquent de manière manifestement non concluante
certaines méthodes de mesure ou de calcul). Quant aux griefs, d'ordre
formel, tirés d'un prétendu manque d'indépendance ou d'impartialité
des auteurs des rapports relatifs aux nuisances, c'est dans la procédure
d'opposition qu'ils devaient être soulevés et traités. Le Tribunal fédéral
s'est du reste prononcé à ce sujet dans son arrêt 1E.14/1998 du 9 novembre
1999, en écartant les critiques des recourants (consid. 3c et 4b de cet
arrêt; cf. aussi arrêt 1E.17/2001 du 10 décembre 2001, consid. 3).

    4.3  Dans la procédure tendant à la fixation de l'indemnité
d'expropriation, les effets ou immissions de la ligne électrique seront
pris en considération de manière différenciée, selon qu'il faut indemniser
ou non la dépréciation de la partie restante, en l'occurrence de la maison
d'habitation (cf. supra, consid. 3.1.2).

    4.3.1  Dans l'hypothèse où la dépréciation est causée par la perte ou
la diminution d'avantages (art. 22 al. 2 LEx), tous les éléments ayant
une influence sur la valeur vénale doivent être pris en considération
(cf. supra, consid. 3.1.2), y compris les immissions qui sont suffisamment
sensibles, sans toutefois être excessives au sens du droit civil
ou du droit public (cf. HESS/WEIBEL, op. cit., n. 9 ad art. 22 LEx,
p. 340). L'expérience montre que la proximité d'une ligne à haute tension
entraîne une baisse des prix du marché foncier, même sans diminution des
possibilités de construire prévues par la réglementation d'aménagement
du territoire; cela peut dépendre de l'atteinte au paysage, ou encore,
selon la jurisprudence, de motifs purement psychologiques, qui sont
alors des inconvénients de fait (ATF 102 Ib 348 consid. 3 p. 350). Le
survol d'un jardin par des lignes est incontestablement un désavantage,
car on peut toujours craindre l'effondrement d'un pylône et la chute d'un
conducteur. Le bruit provoqué par la ligne, même s'il n'est pas excessif
au sens des normes du droit privé sur les rapports de voisinage (ou de
celles du droit public de la protection de l'environnement - cf. infra,
consid. 4.3.2), est lui aussi un inconvénient; le propriétaire qui le
subit perd un avantage de fait pour sa maison d'habitation. Pour les
champs électromagnétiques, la question est plus délicate car il ne s'agit
pas d'immissions perceptibles pour les sens. Les expropriés font du
reste valoir que ces champs représentent un inconvénient essentiellement
parce que, d'après eux, le fait de résider à proximité d'une ligne à
haute tension aurait des effets à long terme sur la santé. Il faut donc
déterminer, dans la situation concrète, si ces champs ont des effets
physiques (ou biologiques voire sanitaires) suffisamment évidents pour
constituer en eux-mêmes un désavantage, ou si au contraire la crainte
de tels effets, non avérés, est simplement une des composantes des
inconvénients d'ordre psychologique déjà évoqués.

    4.3.2  Si l'expropriation partielle n'a pas pour conséquence de priver
l'immeuble d'avantages protecteurs, la dépréciation de la partie restante
n'est indemnisée que si les conditions prévues pour l'expropriation de
droits de voisinage sont satisfaites (cf. supra, consid. 3.1.2). Il peut
en aller ainsi lorsque, du fait de l'ouvrage de l'expropriant, l'immeuble
est exposé à des immissions excessives au sens de l'art. 684 al. 2 CC.

    D'après la jurisprudence à ce sujet, l'expropriant peut être tenu
d'indemniser le propriétaire foncier voisin d'une route nationale, d'une
voie de chemin de fer ou d'un aéroport s'il subit, à cause des immissions
de bruit de ces installations, un dommage spécial, imprévisible et grave
(cf. ATF 129 II 72 consid. 2.1 p. 74 et les arrêts cités). La première de
ces conditions cumulatives, celle de la spécialité, est réalisée dès lors
que les nuisances sonores ont atteint une intensité excédant le seuil de
ce qui est usuel et tolérable; ce seuil correspond aux valeurs limites
d'immissions prévues par la législation fédérale sur la protection de
l'environnement (ATF 124 II 543 consid. 5a p. 552; 123 II 481 consid. 7c
p. 492, 560 consid. 3d/bb p. 568 et les arrêts cités). Cette loi fédérale
a pour but, conformément à son art. 1 al. 1, de protéger les hommes
(notamment) des atteintes nuisibles et incommodantes. Le bruit est une
atteinte visée par la loi (art. 7 al. 1 LPE; RS 814.01). Empêcher les
atteintes nuisibles vise à protéger la santé des êtres humains; quant
à la lutte contre les atteintes incommodantes, elle tend à préserver le
bien-être de la population, qui ne doit pas être gêné de manière sensible
(cf. PIERRE TSCHANNEN, Kommentar zum Umweltschutzgesetz [Kommentar USG],
art. 1, Zurich 2003, n. 18-19). D'après la loi, les valeurs limites
d'immissions sont "applicables à l'évaluation des atteintes nuisibles ou
incommodantes" (art. 13 al. 1 LPE); en d'autres termes, un dépassement
de ces valeurs signifie, selon l'état de la science et l'expérience,
que l'atteinte est nuisible ou incommodante (cf. art. 14 let. b et 15
LPE; ANDRÉ SCHRADE/THEO LORETAN, Kommentar USG, art. 13, Zurich 1998,
n. 13; ATF 119 Ib 348 consid. 5b/dd p. 360; cf. également ATF 126 II 399
consid. 4b p. 405). Ces critères du droit de l'environnement servent donc,
dans ce domaine, à définir la portée des droits des propriétaires fonciers
voisins; c'est là un des points de convergence des réglementations de
droit public et de droit privé sur la protection contre les immissions
excessives (cf. notamment ATF 129 III 161 consid. 2.6 p. 165; 126 III
223 consid. 3c p. 226).

    Les rayonnements ou champs électromagnétiques peuvent, à l'instar
du bruit, être considérés comme des immissions "matérielles" au sens de
l'art. 684 CC (cf. notamment HEINZ REY, Kommentar zum Schweizerischen
Privatrecht [Commentaire bâlois], 1998, n. 26 ad art. 684 CC; ARTHUR
MEIER-HAYOZ, Commentaire bernois, 1975, n. 178 ad art. 684 CC). Ils
tombent également sous le coup de la loi fédérale sur la protection de
l'environnement, la définition des atteintes englobant les rayons (art. 7
al. 1 LPE). Les règles des art. 11 ss LPE sur la limitation des nuisances
y sont applicables, notamment celles sur les valeurs limites d'immissions
(cf. art. 11 al. 1 LPE et art. 14 LPE, cette dernière disposition exprimant
selon la jurisprudence des principes généraux s'appliquant également aux
rayonnements - ATF 124 II 219 consid. 7a p. 230). Depuis le 1er février
2000, l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant
(ORNI) contient à ce propos des règles précises, qui s'appliquent en
particulier aux lignes aériennes de courant alternatif. A priori, en
matière d'expropriation de droits de voisinage, il n'y a aucun motif de
ne pas appliquer à ces immissions, mutatis mutandis, les règles prévues
pour les immissions de bruit.

Erwägung 5

    5.  Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 8 CEDH. Ils
en déduisent une obligation, pour les autorités étatiques, de prendre
les mesures nécessaires à la protection effective du droit au respect de
la vie privée et familiale, droit dont l'exercice serait menacé par les
nuisances provenant de la ligne électrique.

    L'art. 8 par. 1 CEDH garantit le droit de toute personne au respect
de sa vie privée et familiale. Il impose à l'Etat d'adopter des mesures
raisonnables et adéquates pour protéger ce droit, notamment quand
les nuisances d'une installation polluante ou bruyante diminuent aux
alentours la qualité de la vie privée (cf. arrêts de la Cour européenne
des droits de l'homme dans l'affaire Powell et Rayner du 21 février 1990,
Série A, vol. 172, par. 41, dans l'affaire López Ostra contre Espagne
du 9 décembre 1994, Série A, vol. 303-C, par. 51, et dans l'affaire
Guerra et autres contre Italie du 19 février 1998, Recueil CourEDH
1998-I p. 210, par. 58). Cela étant, l'art. 8 par. 2 CEDH permet une
"ingérence d'une autorité publique dans l'exercice" du droit garanti
à l'art. 8 par. 1 CEDH si cette ingérence "constitue une mesure qui,
dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale,
à la sûreté publique, au bien-être économique du pays", notamment. Les
mesures prises pour l'approvisionnement du pays en électricité entrent
manifestement dans ce cadre. Il faut dès lors, selon la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l'homme, "avoir égard au juste équilibre
à ménager entre les intérêts concurrents de l'individu et de la société
dans son ensemble" (cf. arrêts Powell et Rayner, López Ostra précités,
ibid.). Cette appréciation ou cette pesée des intérêts est intervenue,
pour la construction de la ligne électrique litigieuse, à l'occasion de
l'approbation des plans et de l'examen des oppositions. Si les droits
des propriétaires voisins de l'installation sont compromis, ils peuvent
prétendre à une indemnité d'expropriation (pour l'expropriation partielle
de leur immeuble ou l'expropriation de droits de voisinage). Le droit
fédéral permet ainsi, dans un cas tel que celui des recourants, de tenir
compte des exigences de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 121 II 317 consid. 5c p.
333; cf. également ATF 126 II 300 consid. 5c p. 315).

Erwägung 6

    6.  Les recourants soutiennent que l'exploitation de la ligne
électrique provoquerait un dépassement des valeurs limites d'exposition
de l'ordonnance sur la protection contre le bruit.

    Les valeurs limites d'exposition au bruit de l'industrie et des arts
et métiers, selon l'annexe 6 de l'OPB, s'appliquent au bruit produit par
les installations de production d'énergie (en allemand: "Energieanlagen")
exploitées régulièrement durant une période prolongée (annexe 6 OPB, ch. 1
al. 2), donc au bruit provoqué par la ligne à haute tension litigieuse
(cf. arrêt 1E.14/1998 du 9 novembre 1999, consid. 4a). En admettant que
le bien-fonds en cause se trouve dans une zone à laquelle le degré de
sensibilité au bruit II a été attribué (cf. arrêt 1E.14/1998 du 9 novembre
1999, consid. 4a), les valeurs limites d'immissions déterminantes (niveau
Lr) sont de 60 dB(A) le jour et de 50 dB(A) la nuit. Il résulte du rapport
d'expertise acoustique que le bruit provoqué par la ligne à haute tension
ne dépasse pas ces valeurs sur la parcelle des recourants.

    Dans l'hypothèse d'une perte d'"écran protecteur" entraînant la
dépréciation de la partie restante de l'immeuble, les bourdonnements et
sifflements qu'évoque la décision attaquée peuvent être considérés comme un
inconvénient de fait ou une gêne, peu sensible, que l'immeuble n'aurait pas
subi, ou pas de manière aussi perceptible, sans l'expropriation (cf. ATF
109 Ib 298 consid 4a p. 301, où il est aussi question, à propos d'une
installation analogue, de nuisances sonores sous forme de crépitements).

    S'il faut, au contraire, appliquer les critères de la seule
expropriation de droits de voisinage, l'octroi d'une indemnité destinée
à compenser le préjudice subi par le propriétaire voisin serait exclu
parce que la condition de la spécialité n'est pas satisfaite.

Erwägung 7

    7.  Les recourants se plaignent par ailleurs de nuisances qui
seraient dues aux champs électromagnétiques. Selon eux, la nouvelle
ligne électrique aurait des effets nocifs sur leur santé et celle des
autres habitants de leur maison. Ils dénoncent encore d'autres effets
incommodants des rayonnements, soit des migraines, des pertes de sommeil,
ou encore l'irritabilité. Ils déplorent en outre des interférences sur
les appareils électriques domestiques.

    7.1  Tout fil électrique sous tension produit un champ électrique dans
son voisinage. Ce champ, dont l'intensité se mesure en volts par mètre
(V/m), existe même si aucun courant ne circule. Le champ est d'autant
plus intense que la tension est élevée. C'est à proximité directe d'une
charge électrique ou d'un conducteur sous tension que le champ électrique
est le plus élevé; son intensité diminue rapidement avec la distance. Le
champ électrique créé par les lignes de transport d'électricité situées à
l'extérieur est réduit par la présence de murs, de bâtiments ou d'arbres
(lorsque ces lignes sont enterrées, le champ électrique en surface est
à peine décelable).

    Les champs magnétiques sont provoqués par le déplacement de charges
électriques. Contrairement au champ électrique, le champ magnétique
n'apparaît que lorsqu'un appareil électrique est allumé et que le courant
passe. Son intensité se mesure en ampères par mètre (A/m); toutefois, dans
la recherche et les applications techniques, on utilise généralement une
autre grandeur, liée à l'intensité: la densité de flux magnétique (appelée
aussi induction magnétique), qui s'exprime en teslas ou plus communément
en microteslas (µT). Plus l'intensité du courant est forte, plus le champ
magnétique est élevé. Comme dans le cas du champ électrique, le champ
magnétique est d'autant plus intense qu'on est proche de la source et il
diminue rapidement lorsque la distance augmente. Les matériaux usuels
tels que les matériaux de construction ne constituent pas un blindage
efficace contre les champs magnétiques.

    Une onde électromagnétique est l'association d'un champ électrique
et d'un champ magnétique qui varient dans le temps et se propagent dans
l'espace. Un courant alternatif crée un champ variable dans le temps;
il change de sens à intervalles réguliers. Dans la plupart des pays
européens, pour l'électricité du réseau, ce changement de sens s'opère
avec une fréquence de 50 Hertz (Hz), soit 50 cycles par seconde; de même,
le champ magnétique engendré par ce courant oscille à raison de 50 cycles
par seconde. Les champs électromagnétiques variables dans le temps produits
par les appareils électriques et les conduites qui les alimentent sont
un exemple de champs de fréquence extrêmement basse (champs FEB, ou en
anglais: ELF, Extremely Low Frequency - on entend par là les fréquences
inférieures à 300 Hz).

    Même en l'absence de tout champ électrique extérieur, le corps
humain est le siège de micro-courants dus aux réactions chimiques
qui correspondent aux fonctions normales de l'organisme. Les champs
électriques de basse fréquence agissent sur l'organisme humain comme
sur tout autre matériau constitué de particules chargées. En présence de
matériaux conducteurs, les champs électriques agissent sur la distribution
des charges électriques présentes à leur surface; ils provoquent la
circulation des courants du corps jusqu'à la terre. Les champs magnétiques
de basse fréquence font également apparaître à l'intérieur du corps des
courants électriques induits dont l'intensité dépend de l'intensité du
champ magnétique extérieur. S'ils atteignent une intensité suffisante,
ces courants peuvent stimuler les nerfs et les muscles ou affecter divers
processus biologiques (les informations ci-dessus sont tirées d'un document
publié par l'Organisation mondiale de la santé [OMS/WHO], intitulé "A
propos des champs électromagnétiques", document élaboré dans le cadre
de son Projet international pour l'étude des champs électromagnétiques
[projet international CEM, International EMF Project] - cf. page internet
http://www.who.int/peh-emf/about/WhatisEMF/fr/index.html).

    7.2  Au-delà d'une certaine intensité, les champs électromagnétiques
sont susceptibles de déclencher certains effets biologiques. Un effet
biologique peut être, ou ne pas être, nocif; en d'autres termes, il peut
ou non causer une altération décelable de la santé des personnes exposées
et de leur descendance. Un organisme scientifique indépendant, l'ICNIRP
(Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non
ionisants), a été chargé dès 1992 d'étudier les risques potentiels liés aux
différents types de rayonnements non ionisants (on entend par là tous les
rayonnements et champs du spectre électromagnétique qui n'ont normalement
pas assez d'énergie pour provoquer l'ionisation de la matière). Cette
Commission a succédé à un groupe émanant d'associations internationales,
l'IRPA/INIRC, qui avait entrepris à partir de 1974 d'élaborer des documents
sur les critères d'hygiène relatifs à ces rayonnements, en collaboration
avec la Division d'hygiène de l'environnement de l'OMS. L'IRPA/INIRC
avait publié, en 1988 et 1990, des guides sur l'exposition aux champs
électromagnétiques hautes fréquences et de fréquence 50/60 Hz. Ces guides
ont été remplacés par la publication de l'ICNIRP intitulée "Guide pour
l'établissement de limites d'exposition aux champs électriques, magnétiques
et électromagnétiques - Champs alternatifs (de fréquence variable dans le
temps, jusqu'à 300 GHz)", élaborée en 1998 (pour être diffusée d'abord en
anglais) et depuis peu disponible en traduction française (in Cahier de
notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail, Institut National de
Recherche et de Sécurité, Paris 2001; ci-après: le Guide [cf. aussi page
internet http://www.icnirp.org/downloads.htm]). Ce Guide a été rédigé à la
suite d'une revue qualifiée d'exhaustive de la littérature scientifique
publiée; seuls les effets avérés ont été retenus comme fondements pour
les valeurs limites d'exposition proposées. Les effets cancérogènes à
long terme n'ont pas été considérés comme avérés. Le Guide n'est fondé
que sur des effets immédiats sur la santé, tels que la stimulation des
muscles ou des nerfs périphériques, les chocs et brûlures provoqués par le
contact avec des objets conducteurs, ou encore l'élévation de température
des tissus sous l'effet de l'absorption d'énergie liée à l'exposition aux
champs électromagnétiques (Guide, p. 21/22). Il précise que l'exposition
du corps humain aux champs électriques ou magnétiques basses fréquences
n'entraîne généralement qu'une absorption d'énergie négligeable et aucune
élévation de température mesurable (ibid., p. 22); l'induction de courants
dans les tissus constitue le principal mécanisme d'interaction (ibid.,
p. 23). Le Guide indique qu'il existe de nombreuses revues bibliographiques
des études épidémiologiques portant sur les risques de cancer liés à
l'exposition à des champs à la fréquence du réseau (champ ELF), notamment
dans les zones d'habitation; l'ICNIRP estime que les résultats de la
recherche épidémiologique sur l'exposition aux champs électromagnétiques
et le cancer, et en particulier la leucémie de l'enfant, ne sont pas
assez assurés, en l'absence du soutien de la recherche expérimentale,
pour servir de base scientifique à l'établissement de guides pour la
limitation de l'exposition (ibid., p. 23, 25).

    Le Guide de l'ICNIRP fait la distinction entre la limitation
de l'exposition professionnelle et la limitation (plus sévère) de
l'exposition de la population générale. Il prévoit des restrictions
de base et des niveaux de référence. Les restrictions d'exposition de
base sont fondées sur les effets avérés sur la santé. Quant aux niveaux
d'exposition de référence, ils sont fournis à des fins de comparaison
avec les valeurs mesurées des grandeurs physiques; le respect de tous les
niveaux de référence assure normalement la conformité aux restrictions
de base. Toutefois, si les valeurs mesurées sont supérieures aux niveaux
de référence, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il y ait dépassement
des restrictions de base; une analyse détaillée serait alors nécessaire
(Guide, p. 34-35). Le Guide comporte donc un tableau des niveaux de
référence pour l'exposition de la population générale à des champs
électriques et magnétiques alternatifs (p. 37).

    7.3  Le Conseil fédéral a adopté le 23 décembre 1999 l'ordonnance
sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI; RS 814.710),
laquelle est entrée en vigueur le 1er février 2000. Cette ordonnance
contient une annexe 2, fixant des "Valeurs limites d'immissions pour la
valeur efficace de grandeurs de champs" (ch. 1.1 de l'annexe 2 ORNI;
en allemand: "Immissionsgrenzwerte für Feldgrössen"). Cette liste de
valeurs limites d'immissions, en fonction de la fréquence, correspond
à celle du Guide précité (niveaux de référence pour l'exposition de la
population générale). Ces valeurs - à distinguer des valeurs limites
de l'installation, qui ont une autre signification (art. 2 al. 6
ORNI; cf. notamment ATF 126 II 399 consid. 3b p. 403) - doivent être
respectées partout où des gens peuvent séjourner (art. 13 al. 1 ORNI).
Le rapport explicatif sur l'ORNI, publié en 1999 par l'Office fédéral de
l'environnement, des forêts et du paysage, indique du reste que le droit
fédéral reprend les valeurs préconisées par l'ICNIRP, le Conseil fédéral
ayant décidé de ne pas élaborer des normes nationales propres dans ce
domaine (p. 5-6 du rapport explicatif).

    La légalité des valeurs limites d'immissions fixées par cette
ordonnance a déjà été admise par le Tribunal fédéral (ATF 126 II 399
consid. 4b p. 405; cf. également arrêt 1A.62/2001 du 24 octobre 2001,
consid. 3a non publié à l'ATF 128 I 59). Cela signifie que, selon l'état
de la science et l'expérience, ces valeurs représentent le seuil en-deçà
duquel le rayonnement ne peut pas être qualifié de nuisible ou incommodant
(cf. supra, consid. 4.3.2). Il n'y a aucun motif de réexaminer cette
question dans le présent arrêt, les recourants n'invoquant du reste pas de
nouveaux éléments à ce sujet. Avant l'adoption de l'ORNI, la jurisprudence
se référait déjà aux travaux des organisations internationales, reconnues
par la communauté scientifique et l'Organisation Mondiale de la Santé,
qui ont élaboré les critères retenus pour la fixation des valeurs limites
d'immissions (IRPA/INIRC, puis ICNIRP; cf. ATF 124 II 219 consid. 7b p.
230; 117 Ib 28 consid. 4b p. 32; arrêt 1E.14/1998 du 9 novembre 1999,
consid. 5b, et les références).

    7.4  Pour la ligne électrique de l'expropriante (courant alternatif,
fréquence de 50 Hz), les valeurs limites d'immissions fixées par l'annexe
2 de l'ORNI sont les suivantes:

    - intensité du champ électrique: 5000 V/m

    - intensité du champ magnétique: 80 A/m

    - densité du flux magnétique: 100 µT.

    Il ressort du dossier que ces valeurs sont largement respectées
dans le bâtiment des expropriés et à proximité directe de celui-ci:
moins de 1000 V/m pour l'intensité du champ électrique, et de l'ordre
de 4 µT pour la densité du flux magnétique (comme cela a déjà été exposé
[supra, consid. 7.1], il est inutile de déterminer au surplus l'intensité
du champ magnétique en A/m).

    Il se justifie de déduire du respect des valeurs limites d'immissions,
en matière de champs électromagnétiques, les mêmes conséquences qu'en
matière de bruit, selon qu'il y a perte d'un avantage particulier ou
simple expropriation des droits de voisinage (cf. supra, consid. 6).

Erwägung 8

    8.  La Commission fédérale n'a pas, dans le cas particulier, appliqué
la méthode de la différence, qui s'impose quelle que soit l'hypothèse
retenue pour l'indemnisation (cf. supra, consid. 3.1.1). Elle n'a pas
déterminé la valeur vénale de l'immeuble avant la constitution des
servitudes; le dossier ne fait pas état d'investigations à ce sujet
(notamment quant aux prix payés dans la région pour des terrains
analogues - cf. art. 72 LEx et 48 de l'ordonnance concernant les
commissions fédérales d'estimation [RS 711.1]). Elle n'a pas examiné
si l'expropriation entraînait une dévaluation de la partie restante de
l'immeuble, au sens de l'art. 22 al. 2 LEx - ce qui semble a priori être le
cas, vu l'importance de l'emprise sur la parcelle litigieuse et la faible
distance séparant les logements des conducteurs de la ligne. Elle n'a pas
davantage évalué concrètement l'influence, sur la valeur de l'immeuble, du
bruit, des champs électromagnétiques et des autres désagréments éventuels
liés à la proximité d'une telle installation. En arrêtant le montant de
l'indemnité (complémentaire) ex aequo et bono, la Commission fédérale a
renoncé à appliquer les normes du droit fédéral régissant l'estimation et
la fixation de l'indemnité d'expropriation, soit principalement l'art. 19
let. b LEx. Elle a ainsi violé le droit fédéral, tout en constatant de
manière incomplète les faits pertinents. Cela justifie l'admission du
recours de droit administratif et l'annulation de la décision attaquée
(cf. art. 104 let. a et b OJ). Il convient donc de renvoyer l'affaire à la
Commission fédérale pour instruction complémentaire et nouvelle décision
(art. 114 al. 2 OJ).