Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 III 727



129 III 727

111. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. S.A.L,
Y. S.A.L. et A. contre Z. Sàrl et Tribunal arbitral CCI (recours de
droit public)

    4P.115/2003 du 16 octobre 2003

Regeste

    Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; staatsrechtliche Beschwerde
und konnexes Revisionsgesuch; Ausdehnung der Schiedsvereinbarung auf
einen Dritten (Art. 190 Abs. 2 lit. a, b und d IPRG).

    Reihenfolge der Behandlung einer staatsrechtlichen Beschwerde und
des konnexen Revisionsgesuchs, welches das gleiche Schiedsurteil betrifft
(E. 1).

    Ausdehnung der Schiedsvereinbarung auf einen Dritten: formelle und
materielle Voraussetzungen (E. 5.3).

Sachverhalt

    A.- A la suite d'un appel d'offres, Z.  Sàrl (ci-après: Z.), société de
droit libanais, a conclu, le 15 octobre 1997, avec les sociétés de droit
libanais Y. S.A.L. (ci-après: Y.) et X. S.A.L (ci-après: X.), agissant
respectivement en qualité de maître de l'ouvrage et de mandataire du maître
de l'ouvrage, un contrat d'entreprise ayant pour objet la réalisation
de travaux de construction dans le cadre de l'édification d'un grand
complexe immobilier à U., au Liban. Le droit libanais était applicable
à ce contrat. Les différends auxquels l'exécution de celui-ci pourrait
donner matière devaient être résolus par voie d'arbitrage, conformément
à une clause compromissoire fixant le siège de l'arbitrage à Genève.

    Par lettre du 27 octobre 2000, Z. a informé Y. et X.  de son intention
de résilier le contrat en raison du défaut de paiement d'une facture pour
des travaux exécutés par elle. Il en est résulté un différend que les
parties n'ont pas pu régler à l'amiable.

    B.- Le 14 février 2001, Z. a adressé à la Chambre de Commerce
Internationale (CCI) une requête d'arbitrage visant non seulement
Y. et X., mais encore le dénommé A., au motif que cet homme d'affaires
libanais était intervenu de façon constante dans l'exécution du contrat
d'entreprise. Tirant argument du fait que A. n'avait pas signé le
contrat d'entreprise, les parties défenderesses ont sollicité sa mise
hors de cause.

    La demanderesse a proposé comme arbitre Me D. Quant aux parties
défenderesses, elles ont avancé le nom de M. E. Les coarbitres ont désigné
Me S. comme président du Tribunal arbitral. La CCI a entériné ces choix.

    Par sentence finale du 22 avril 2003, rendue à la majorité de
ses membres, le Tribunal arbitral a dit que la résiliation du contrat
d'entreprise par Z. était justifiée. En conséquence, il a condamné
solidairement Y. et X. à payer à la demanderesse un total de quelque
1'746'000 US$ à différents titres, intérêts en sus. Considérant que
A. avait été attrait à bon droit dans la procédure d'arbitrage, il
l'a déclaré conjointement responsable des condamnations prononcées à
l'encontre des deux sociétés défenderesses. Enfin, le Tribunal arbitral,
admettant partiellement la demande reconventionnelle formée par celles-ci,
a condamné Z. à leur verser la somme de 50'000 US$ et ses accessoires
à titre de dommages-intérêts pour les malfaçons affectant l'ouvrage livré.

    C.- Y., X. et A. ont formé un recours de droit public au Tribunal
fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence arbitrale. Se
fondant sur les art. 190 al. 2 let. a, b et d LDIP, les recourants
reprochent au Tribunal arbitral, plus précisément aux arbitres
majoritaires, d'avoir clos la procédure probatoire alors que des éléments
de fait primordiaux, mis en lumière par des expertises subséquentes,
n'avaient pas été éclaircis, de n'avoir pas consulté l'arbitre minoritaire
- M. E. - lors de l'élaboration du texte définitif de la sentence et
d'avoir rendu celle-ci à l'encontre d'une personne - A. - qui n'était
pas liée par la clause arbitrale insérée dans le contrat d'entreprise.

    Par mémoire séparé, les recourants ont formé simultanément une demande
de révision à titre subsidiaire.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.  Les recourants ont déposé, parallèlement, un recours de droit
public et une demande de révision visant tous deux la même décision, à
savoir la sentence finale du 22 avril 2003, laquelle jouissait de la force
de chose jugée dès sa communication (art. 190 al. 1 LDIP). Le Tribunal
fédéral est compétent pour statuer sur l'un et l'autre de ces moyens de
droit extraordinaires (art. 191 al. 1 LDIP; ATF 118 II 199 consid. 2). Il
n'existe pas de disposition spécifique, tel l'art. 57 al. 1 OJ pour le
recours en réforme ou l'art. 6 al. 1 PCF en liaison avec l'art. 40 OJ
pour les autres recours, qui réglerait la priorité de traitement entre
le recours de droit public et la demande de révision dirigés contre une
sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international. Le but assigné
à ces dispositions - éviter, pour des motifs d'économie procédurale,
que le Tribunal fédéral ne s'occupe d'une affaire tant que la décision
attaquée est susceptible d'être annulée par une autorité cantonale
(ATF 83 II 422) - ne joue pas de rôle dans un tel contexte puisque
c'est la même autorité qui est appelée à statuer sur les moyens de droit
connexes. Cela étant, on observe, en particulier au niveau cantonal, que
la révision est généralement conçue comme une voie de recours subsidiaire
par rapport aux instruments prioritaires que constituent les autres voies
de recours mises à la disposition du justiciable (cf., parmi d'autres,
FABIENNE HOHL, Procédure civile, vol. II, n. 3079; PHILIPPE SCHWEIZER, Le
recours en revision, thèse Neuchâtel 1985, p. 331). Dans le même esprit,
la jurisprudence fédérale considère que les motifs mentionnés à l'art. 136
OJ ne sauraient fonder une demande de révision d'une sentence arbitrale
internationale dès lors qu'ils peuvent être invoqués à l'appui d'un recours
de droit public au sens de l'art. 190 al. 2 LDIP (arrêt 4P.104/1993 du 25
novembre 1993, consid. 2; ATF 118 II 199 consid. 4). La logique veut donc
que l'on traite en priorité le recours de droit public. Il ne s'agit là
cependant que d'une règle générale et il est tout à fait concevable que,
dans certaines hypothèses comme celle prévue par l'art. 137 let. a OJ,
il puisse se justifier de commencer par l'examen de la demande de révision.

    En l'espèce, il n'y a aucune raison de déroger à la règle. Le faire
s'impose d'autant moins que, dans sa réponse à la demande de révision,
l'intimée conclut à l'irrecevabilité de celle-ci du fait que ses auteurs
y articuleraient les mêmes griefs que ceux qu'ils formulent dans leur
recours de droit public parallèle et qui entreraient dans les prévisions
de l'art. 190 al. 2 LDIP. Il convient donc d'examiner en premier lieu
les moyens soulevés dans le recours de droit public.

    (...)

Erwägung 5

    5.  Il reste à examiner si le Tribunal arbitral était compétent pour
rendre sa sentence à l'égard de A., alors même que cette personne n'avait
pas signé le contrat d'entreprise incluant la clause compromissoire et
que son nom n'apparaît pas dans cette clause.

    5.1

    5.1.1  La majorité du Tribunal arbitral a tenu, en substance, le
raisonnement suivant pour justifier l'extension de la clause d'arbitrage
à A.:

    Le présent arbitrage revêt un caractère international au regard
tant du droit suisse que du droit libanais, contrairement à ce que
soutiennent les parties défenderesses, ce qui rend inopérants les moyens
que ces dernières entendent tirer des dispositions du Code de procédure
civile libanais relatives à l'arbitrage interne ainsi que d'autres
règles matérielles du droit libanais. Par conséquent, la jurisprudence
touchant l'extension, en matière d'arbitrage international, de la clause
compromissoire aux tiers non-signataires est applicable en l'espèce. A
cet égard, la jurisprudence française illustre bien la tendance actuelle
de la pratique arbitrale internationale. Selon cette jurisprudence,
le fondement juridique de l'extension de la clause compromissoire à un
tiers non-signataire réside dans les usages du commerce international,
en vertu desquels la participation du non-signataire à la conclusion ou
à l'exécution du contrat constitue l'élément déterminant. La possibilité
d'une telle extension est d'ailleurs admise par le droit suisse sur le
fondement de la volonté réelle des parties ou, à défaut, sur celui du
principe de la bonne foi. C'est à la lumière de ce droit qu'il convient
de rechercher si A. pouvait être mis en cause dans la procédure arbitrale
pendante. Cependant, conformément à l'art. 17 du Règlement d'arbitrage de
la CCI, le Tribunal arbitral doit aussi tenir compte de la lex mercatoria,
le recours aux usages du commerce étant de surcroît justifié par le
principe de l'autonomie de la clause d'arbitrage, selon lequel celle-ci
n'est pas nécessairement soumise au droit applicable au contrat.

    Il est constant que les terrains sur lesquels ont été construits les
immeubles objet du contrat d'entreprise du 15 octobre 1997 appartenaient
à A. qui les a transférés à une société - Y. - contrôlée par ses proches
et qui est demeuré titulaire du permis de construire jusqu'à une date
bien postérieure à celle de la conclusion dudit contrat. Il est également
possible, voire vraisemblable, que A. ait donné ou prêté à son épouse et à
ses fils les fonds nécessaires à la constitution du capital des sociétés
Y. et X. L'intéressé a en outre personnalisé à l'extrême la présentation
du projet immobilier à la presse et au public. Ces éléments de fait sont
toutefois insuffisants, à eux seuls, pour permettre à la demanderesse
de l'attraire dans la procédure d'arbitrage. En revanche, il ressort des
pièces du dossier que A. s'est manifestement et volontairement immiscé,
non seulement dans la direction des sociétés défenderesses en ce qui
concerne la gestion du projet immobilier, mais encore dans l'exécution
du contrat d'entreprise litigieux, dont il n'a pu, de ce fait, ignorer
les termes et conditions, en particulier la clause compromissoire
qui y figure. Aussi bien, il est clairement établi que les sociétés
Y. et X. n'ont été, à l'évidence, que les instruments de l'activité
personnelle de A., ce dernier ayant ainsi manifesté son intention
d'être personnellement partie à la convention d'arbitrage. Il serait du
reste contraire aux règles de la bonne foi, qui gouvernent les relations
commerciales internationales, qu'une personne physique qui est intervenue,
de façon constante et répétée, dans l'exécution d'un contrat, puisse, le
moment venu, s'abriter derrière la ou les personnes morales signataires
de celui-ci, en contestant être liée par les clauses qu'il contient,
et notamment la clause compromissoire. Dans ces conditions, la clause
arbitrale incluse dans le contrat doit être étendue à A. personnellement,
lequel a dès lors été attrait à bon droit dans la procédure d'arbitrage.

    5.1.2  Se fondant sur l'art. 190 al. 2 let.  b LDIP, les recourants
soutiennent que le Tribunal arbitral n'était pas compétent pour dire
que A. est conjointement responsable des condamnations prononcées à
l'encontre des sociétés Y. et X. Cette affirmation repose sur les motifs
ci-après résumés.

    Le chapitre 12 de la LDIP, relatif à l'arbitrage international,
est applicable en l'espèce. Aussi, en vertu de l'art. 178 al. 1 LDIP,
l'extension de la clause compromissoire, elle-même valable du point de
vue formel, à A. personnellement, devait, elle aussi, satisfaire aux
conditions de forme posées par cet article. Or, tel n'est pas le cas
puisque le dossier de l'arbitrage ne contient aucun document se rapportant
directement, indirectement ou par référence, à pareille extension. Par
conséquent, celle-ci n'est déjà pas valable quant à la forme prescrite.

    S'agissant du fond, la possibilité d'étendre les effets de la
clause compromissoire à A. supposait que cette extension répondît aux
conditions posées par l'un des trois droits envisagés à l'art. 178 al. 2
LDIP. En l'occurrence, seuls entraient en ligne de compte, d'une part,
le droit libanais, en tant que droit choisi par les parties et droit
applicable au contrat (lex causae) et, d'autre part, le droit suisse,
au titre du droit du siège de l'arbitrage (lex fori). Pourtant, au lieu
d'appliquer l'un ou l'autre de ces deux droits, le Tribunal arbitral a
préféré se fonder sur la jurisprudence arbitrale relative à l'extension de
la clause compromissoire à un tiers non-signataire, quand bien même elle
repose sur des circonstances de fait totalement étrangères à celles qui
caractérisent la cause en litige. S'il avait appliqué le droit libanais ou
le droit suisse, le Tribunal arbitral aurait dû nécessairement aboutir à
la conclusion qu'il n'existait aucune convention d'arbitrage valablement
passée entre la demanderesse et A., ce qui l'eût amené à refuser d'étendre
à cette personne les effets de la clause compromissoire insérée dans le
contrat d'entreprise litigieux.

    5.1.3  Dans sa réponse au recours, l'intimée commence par
relever un certain nombre de contradictions dans l'argumentation des
recourants. Rappelant qu'une convention d'arbitrage peut obliger même des
personnes qui ne l'ont pas signée, elle conteste ensuite l'existence du
vice de forme allégué par les recourants, en faisant valoir que la clause
compromissoire incluse dans le contrat d'entreprise du 15 octobre 1997
est formellement valable au regard de l'art. 178 al. 1 LDIP.

    Cela fait, l'intimée s'emploie à réfuter la thèse des recourants au
sujet de la validité de la convention d'arbitrage quant au fond. Elle
souligne, à ce propos, que cette thèse repose sur les dispositions
du droit procédural et matériel libanais, dont le Tribunal arbitral a
pourtant écarté à juste titre l'application, et qu'en sont totalement
absentes les considérations - laissées intactes par les recourants - des
arbitres majoritaires ayant trait à la portée subjective de la convention
d'arbitrage en droit libanais de l'arbitrage international. Le recours
serait donc irrecevable sur ce point, de l'avis de la recourante, laquelle
estime, au demeurant, que le Tribunal arbitral était fondé à interpréter
le droit libanais à la lumière de la jurisprudence développée en France
sur la question de l'extension de la clause arbitrale à un non-signataire,
étant donné la similitude des textes libanais et français réglementant
l'arbitrage international.

    L'intimée conteste, par ailleurs, que le Tribunal arbitral ait méconnu
la jurisprudence suisse relative à l'art. 178 al. 2 LDIP.

    Enfin, s'agissant de la conclusion du Tribunal arbitral voulant
que A. ait manifesté son intention d'être personnellement partie à la
convention d'arbitrage, l'intimée souligne que les arbitres y sont
arrivés, non pas par un processus d'interprétation normative, mais
bien par une reconstruction concrète de la volonté manifestée par les
parties, effectuée sur la base d'indices révélés par l'administration
des preuves. Il s'agit là, selon elle, d'une question de fait que le
Tribunal fédéral revoit uniquement sous l'angle de la compatibilité avec
l'ordre public et dont la solution ne saurait être remise en cause par
les critiques appellatoires que les recourants formulent sur ce point.

    5.2

    5.2.1  A. soutient que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort
compétent pour connaître des conclusions prises contre lui. Il invoque
ainsi le motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. Tel
est bien le motif correspondant au grief formulé par le recourant.
Effectivement, lorsqu'ils examinent s'ils sont compétents pour trancher le
différend qui leur est soumis, les arbitres doivent résoudre, entre autres
questions, celle de la portée subjective de la convention d'arbitrage. Il
leur appartient, notamment, de déterminer quelles sont les parties liées
par la convention (ATF 128 III 50 consid. 2b/aa; 117 II 94 consid. 5b
p. 98 et les auteurs cités).

    5.2.2  Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral
examine librement les questions de droit, y compris les questions
préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal
arbitral. Cependant, il revoit l'état de fait à la base de la sentence
attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - uniquement
lorsque l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à
l'encontre dudit état de fait ou lorsque des faits ou des moyens de preuve
nouveaux (cf. art. 95 OJ) sont exceptionnellement pris en considération
dans le cadre de la procédure du recours de droit public (ATF 128 III 50
consid. 2a et les arrêts cités).

    En l'espèce, les recourants n'ont pas motivé - d'une manière répondant
aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ - un grief fondé sur l'art. 190
al. 2 LDIP en relation avec les constatations de fait du Tribunal
arbitral. Ils présentent certes leur propre version des événements, mais
cette manière de procéder, qui est étrangère au recours de droit public,
n'est pas admissible. En l'absence d'un grief suffisamment motivé, il
faut s'en tenir aux constatations contenues dans la sentence attaquée.

    5.3  Le contrat d'entreprise conclu le 15 octobre 1997 par Y. et
X. avec Z. contient une clause compromissoire fixant le siège de
l'arbitrage en Suisse. Il n'est pas contesté, ni contestable au demeurant,
que cette convention d'arbitrage satisfait à l'exigence de forme de
l'art. 178 al. 1 LDIP, disposition applicable à tout arbitrage ayant
son siège en Suisse, au sens de l'art. 176 LDIP, comme c'est le cas du
présent arbitrage. Aussi, la clause compromissoire en question lie-t-elle
indubitablement les trois sociétés qui ont signé le contrat d'entreprise
litigieux. Le seul problème - délicat - à résoudre est de savoir si A.,
qui n'a pas signé ce contrat et n'y est pas non plus désigné en qualité
de partie, est également lié par la convention d'arbitrage.

    5.3.1  A suivre un courant doctrinal que l'on pourrait qualifier
de formaliste et dont le principal tenant est le professeur POUDRET,
il faudrait sans doute admettre que le défendeur A. n'a pas été
régulièrement attrait devant le Tribunal arbitral. En effet, selon cet
auteur, la volonté de compromettre de toutes les parties, y compris celle
à laquelle on souhaite étendre la clause compromissoire, doit résulter
d'un ou de plusieurs textes, si bien que l'on ne saurait se contenter de
la preuve par actes concluants non écrits, tels que la simple exécution
du contrat, seules des circonstances exceptionnelles, constitutives d'un
abus de droit, permettant à la rigueur de s'écarter de l'exigence de forme
posée par l'art. 178 al. 1 LDIP. Ce n'est que si cette exigence réduite -
la signature du tiers auquel on veut étendre la convention d'arbitrage
n'est plus nécessaire, alors qu'elle l'était sous l'empire du Concordat -
est remplie qu'il y a lieu d'interpréter le ou les textes pour déterminer
si toutes les parties ont réellement voulu que le tiers qui n'a pas signé
la convention d'arbitrage soit néanmoins lié par celle-ci (JEAN-FRANÇOIS
POUDRET, L'extension de la clause d'arbitrage: approches française et
suisse [cité ci-après: L'extension], in Journal du droit international
[JDI] 1995 p. 893 ss, 904; voir aussi: JEAN-FRANÇOIS POUDRET/SÉBASTIEN
BESSON, Droit comparé de l'arbitrage international, n. 258 p. 233,
n. 260 p. 236 et n. 264 p. 239; cf. également les auteurs mentionnés
par POUDRET/BESSON, op. cit., p. 233 note de pied 496) . Force serait
de constater, s'il fallait se rallier à cette opinion, l'absence de tout
texte dont on pourrait inférer l'existence, chez Z. et A., d'une volonté
commune de compromettre ou, à tout le moins, l'acceptation anticipée,
par le dernier nommé, de son éventuelle mise en cause dans la procédure
arbitrale ouverte par ladite société.

    Cependant, il n'est pas du tout certain que l'opinion professée par
JEAN-FRANÇOIS POUDRET puisse être qualifiée de majoritaire, ni qu'elle
corresponde à l'état actuel de la jurisprudence fédérale en la matière,
laquelle n'est pas empreinte de formalisme mais révèle bien plutôt une
approche libérale, par le Tribunal fédéral, des conditions de validité
de la convention d'arbitrage dans le domaine de l'arbitrage international
(cf., parmi d'autres, MARC BLESSING, Introduction to Arbitration - Swiss
and International Perspectives, n. 504; voir également la note de PHILIPPE
SCHWEIZER, in RSDIE 2002 p. 587).

    Aussi bien, dans un certain nombre d'hypothèses, comme la cession
de créance, la reprise (simple ou cumulative) de dette ou le transfert
d'une relation contractuelle, le Tribunal fédéral admet de longue date
qu'une convention d'arbitrage peut obliger même des personnes qui ne l'ont
pas signée et qui n'y sont pas mentionnées (voir déjà l'ATF 120 II 155
consid. 3b/bb p. 163 et, plus récemment, l'ATF 128 III 50 consid. 2b/aa;
cf. également l'arrêt 4P.126/2001 du 18 décembre 2001, consid. 2e/bb,
publié in Bulletin de l'Association suisse de l'arbitrage [ASA] 2002
p. 482 ss et in RSDIE 2002 p. 543 ss, et l'arrêt 4P.124/2001 du 7 août
2001, consid. 2c et d). Le libéralisme qui caractérise la jurisprudence
fédérale relative à la forme de la convention d'arbitrage en matière
d'arbitrage international se manifeste également dans la souplesse avec
laquelle cette jurisprudence traite le problème de la clause arbitrale par
référence (voir l'arrêt 4P.126/2001 précité, ibid.). Il apparaît encore
plus nettement dans deux décisions récentes où il a été retenu que, par une
simple démarche procédurale, une partie avait adhéré à une clause arbitrale
(arrêt 4C.40/2003 du 19 mai 2003, consid. 4; arrêt 4P.230/2000 du 7 février
2001, consid. 2, traduit in RSDIE 2002 p. 585 ss). Pour le surplus, il a
déjà été jugé, toujours dans la même optique et de manière plus générale,
que, suivant les circonstances, un comportement donné peut suppléer, en
vertu des règles de la bonne foi, à l'observation d'une prescription de
forme (ATF 121 III 38 consid. 3 p. 45 confirmé par l'arrêt 4P.124/2001,
précité, consid. 2c).

    En définitive et dans le droit fil de cette jurisprudence libérale,
il n'y a pas lieu de poser des exigences trop strictes en ce qui concerne
la validité formelle de l'extension d'une clause arbitrale à un tiers.
Sans doute n'est-il pas possible de faire abstraction de l'exigence
de forme posée à l'art. 178 al. 1 LDIP. Ainsi, à supposer que l'une des
deux parties à une convention d'arbitrage passée oralement assigne l'autre
partie et un tiers devant un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse et
que ce tribunal rejette l'exception d'incompétence soulevée uniquement par
le tiers mis en cause, ce dernier - l'hypothèse d'un abus de droit étant
réservée - pourra soutenir avec succès, dans un recours de droit public
fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, qu'il n'a pas pu être valablement
attrait dans la procédure arbitrale, étant donné que la convention
d'arbitrage ne respectait pas la forme requise par l'art. 178 al. 1
LDIP. Toutefois, cette exigence de forme ne s'applique qu'à la convention
d'arbitrage elle-même, c'est-à-dire à l'accord (clause compromissoire ou
compromis) par lequel les parties initiales ont manifesté réciproquement
leur volonté concordante de compromettre. Quant à la question de la
portée subjective d'une convention d'arbitrage formellement valable au
regard de l'art. 178 al. 1 LDIP - il s'agit de déterminer quelles sont
les parties liées par la convention et de rechercher, le cas échéant,
si un ou des tiers qui n'y sont pas désignés entrent néanmoins dans son
champ d'application ratione personae -, elle relève du fond et doit, en
conséquence, être résolue à la lumière de l'art. 178 al. 2 LDIP (dans ce
sens, cf., parmi d'autres, BLESSING, ibid.).

    Appliqués au cas particulier, ces principes conduisent à écarter
l'argument selon lequel A. n'a pas été valablement mis en cause dans la
procédure arbitrale pour n'avoir pas manifesté de manière formelle, au
sens de l'art. 178 al. 1 LDIP, sa volonté de se soumettre à la convention
d'arbitrage liant Z. aux sociétés Y. et X.

    5.3.2  Selon l'art. 178 al. 2 LDIP, la convention d'arbitrage est
valable, quant au fond, si elle répond aux conditions que pose soit le
droit choisi par les parties, soit le droit régissant l'objet du litige et
notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit
suisse. Cette disposition consacre ainsi trois rattachements alternatifs
in favorem validitatis, à savoir le droit choisi par les parties, la lex
causae et le droit du siège de l'arbitrage. Il n'existe aucune hiérarchie
entre ces rattachements et il suffit que la convention soit valable au
fond au regard de l'un de ces trois droits (arrêt 4P.124/2001, précité,
consid. 2c; BERNARD DUTOIT, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre
1987, 3e éd., n. 7 ad art. 178 LDIP).

    Dans le cas présent, seuls deux rattachements entreraient en ligne
de compte, au dire du recourant: d'une part le droit suisse, en tant que
droit du siège de l'arbitrage; d'autre part, le droit libanais, en tant
que droit auquel les parties ont choisi de soumettre la clause arbitrale
(cf. art. 67.1 du contrat d'entreprise), droit applicable au contrat
(art. 5.1 let. b du contrat en question) et droit applicable selon le § 53
de l'acte de mission. En réalité, il ressort de ce paragraphe dudit acte
que les parties ont élargi le domaine du droit applicable, en invitant
le Tribunal arbitral à tenir compte également "des usages du commerce
pertinents" conformément à l'art. 17 du Règlement d'arbitrage de la CCI.

    Le Tribunal arbitral, pour justifier l'extension de la clause
d'arbitrage à A., s'est référé notamment au droit libanais de l'arbitrage
international, qu'il a interprété à la lumière de la lex mercatoria
(cf. sentence attaquée, n. 246). Sur le vu de la jurisprudence française
qui, selon lui, illustre bien la tendance actuelle de la pratique
arbitrale internationale, il a rappelé que, selon cette jurisprudence,
le fondement juridique de l'extension de la clause compromissoire à un
tiers non-signataire réside dans les usages du commerce international,
lesquels font de la participation du non-signataire à la conclusion ou à
l'exécution du contrat le critère déterminant pour décider de l'extension
de la clause compromissoire à cette partie (sentence attaquée, n. 236 à
242). Examinant alors les circonstances du cas concret en fonction de ce
critère, il a constaté que A. s'était immiscé totalement dans l'exécution
du contrat d'entreprise et il en a déduit, en accord avec la jurisprudence
arbitrale citée par lui, que cette personne avait manifesté, ce faisant,
son intention d'être partie à la convention d'arbitrage (sentence attaquée,
n. 253 et 254).

    Comme l'intimée le souligne à juste titre dans sa réponse au recours,
les arguments avancés dans celui-ci ne visent pas les motifs retenus par le
Tribunal arbitral pour justifier l'extension de la clause compromissoire
à A., si bien qu'ils se révèlent inconsistants. De fait, le recourant
ne s'emploie nullement à critiquer l'interprétation que le Tribunal
arbitral a donnée du droit libanais de l'arbitrage international sous
l'éclairage des principes déduits de la lex mercatoria. Il ne reproche
pas aux arbitres majoritaires d'avoir tiré un parallèle entre ce droit et
le droit français correspondant (sur la parenté existant entre ces deux
droits, cf. MARIE SFEIR-SLIM, Le nouveau droit libanais de l'arbitrage
a dix ans, in Revue de l'arbitrage 1993 p. 543 ss), ni ne conteste le
recours qu'ils ont fait aux usages du commerce pertinents. Il se contente,
bien plutôt, d'exposer les principes gouvernant la conclusion des contrats
dans les droits libanais et suisse, bien que le Tribunal arbitral en ait
expressément (pour le droit libanais interne) ou implicitement (pour le
droit suisse) écarté l'application, sans que sa décision sur ce point
ne fasse l'objet d'un grief dûment motivé. Pour le surplus, le recourant
n'articule pas de grief recevable au sujet des constatations de fait du
Tribunal arbitral relatives à sa forte implication dans l'exécution du
contrat d'entreprise litigieux. Telle qu'elle est présentée, la critique
qu'il formule en rapport avec sa mise en cause dans la procédure arbitrale
tombe, dès lors, à faux.

    Cela étant, on peut se dispenser d'examiner si c'est à tort ou à raison
que le Tribunal arbitral a jugé que l'extension de la clause d'arbitrage
à A. était également conforme au droit suisse.

    5.4  Force est d'admettre, au terme de cet examen, que le Tribunal
arbitral ne s'est pas déclaré à tort compétent à l'égard de A.