Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 III 604



129 III 604

97. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause Swisscom Fixnet
SA contre A. (recours en réforme)

    4C.50/2003 du 5 juin 2003

Regeste

    Beanstandung einer Telefonrechnung - Anrufe bei Telefonsex-Anbietern.

    Der Telefonabonnementsvertrag ist ein Innominatkontrakt (E. 2). Dem
Grundversorgungskonzessionär obliegt keine vertragliche Nebenpflicht,
den Abonnenten darauf aufmerksam zu machen, dass die Gebühren für seinen
Anschluss im laufenden Monat eine bestimmte Höhe überschritten haben
(E. 4).

    Die Verträge zwischen dem Benützer des Telefonanschlusses und den
Anbietern von erotischen oder pornografischen Dienstleistungen sind im
beurteilten Fall weder widerrechtlich noch unsittlich im Sinne von Art. 20
Abs. 1 OR (E. 5).

Sachverhalt

    A.- Le 16 février 1999, Swisscom SA (ci-après: Swisscom) a conclu
avec A., né en 1978, un contrat d'abonnement portant sur un raccordement
téléphonique analogique fixe, destiné à être utilisé au domicile privé
sous le numéro ...

    L'appareil sans fil de A. était relié à une station de base branchée
sur la prise du téléphone; il n'était pas homologué par l'Office fédéral
des communications (OFCOM).

    La première facture, datée du 10 mars 1999, correspondait à la période
du 19 au 28 février 1999; elle se montait à 171 fr. 85. Les factures des
14 avril et 11 mai 1999 s'élevaient respectivement à 549 fr. 35 et 472
fr. 55. Quant à la facture du 11 juin 1999, d'un montant de 285 fr.
15, elle comportait, pour la première fois, une rubrique intitulée
"Communications Premium Rate Services - Télékiosque 156", au regard de
laquelle figurait la somme de 120 fr. 10.

    Le 23 juin 1999, Swisscom a répondu à A., qui s'étonnait de ne plus
pouvoir téléphoner, que sa ligne sortante avait été coupée parce que
le montant des appels effectués au cours du mois atteignait la somme de
15'955 fr. 95. Le relevé détaillé transmis à l'abonné laissait apparaître,
du 4 au 23 juin 1999, 378 appels, dont 376 se rapportaient à des numéros
de téléphone commençant par les chiffres "0906" et "156", soit des lignes
érotiques ou pornographiques ("téléphone rose").

    A. a contesté le bien-fondé de ce relevé; il a nié avoir composé les
numéros du "téléphone rose" et n'a admis que deux appels, à savoir les
renseignements (111) et les informations internationales (0848 808030).

    Le 12 juillet 1999, Swisscom a envoyé à l'abonné une facture de
15'955 fr. 95, qui est demeurée impayée. Trois jours plus tard, elle lui a
fait savoir qu'aucune erreur de facturation n'entachait le relevé de ses
communications; elle lui adressait toutefois le questionnaire prévu en
cas de contestation de facture. A. a rempli ledit document, dans lequel
il suggérait la possibilité d'un piratage de son raccordement.

    Le 9 août 1999, une technicienne de Swisscom a effectué un contrôle
complet du raccordement ...; cet examen n'a rien révélé d'anormal.

    Par courrier du 11 avril 2000, Swisscom a adressé une mise en demeure
à A. Le 16 août 2000, elle lui a fait notifier un commandement de payer;
l'abonné a formé opposition.

    B.- Par acte déposé en conciliation le 26 avril 2001, Swisscom a
ouvert action contre A. en paiement de 15'955 fr. 95 avec intérêts à 5%
dès le 1er août 2000 et de 733 fr. 55 représentant les intérêts échus au
31 juillet 2000.

    Par jugement du 30 mai 2002, le Tribunal de première instance du canton
de Genève a admis la demande à concurrence de 29 fr. 45 plus intérêts à
5% dès le 11 avril 2000. Dans un premier temps, le juge a estimé que la
demanderesse aurait dû aviser le défendeur, en date du 8 juin 1999, de
la progression très importante de son trafic téléphonique; faute d'avoir
respecté cette obligation, la demanderesse ne pouvait réclamer le paiement
des communications établies après cette date. Dans un second temps, le
tribunal a considéré que, pour la période antérieure au 8 juin 1999, le
défendeur n'avait pas à régler le prix des appels à des numéros débutant
par "156" ou "0906", car de telles communications reposaient sur un contrat
immoral au sens de l'art. 20 CO. Sur une facture totale de près de 16'000
fr., seul un montant de 29 fr. 45 pouvait ainsi être exigé du défendeur.

    A partir du 1er juillet 2002, Swisscom Fixnet SA a repris de Swisscom
les activités d'opérateur pour le réseau fixe, ainsi que les actifs et
passifs liés à celles-ci.

    Statuant le 13 décembre 2002 sur appel de Swisscom Fixnet SA (qui a
pris la place de Swisscom dans la procédure), la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève a annulé le jugement de première instance et
condamné le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 5'500 fr., plus
intérêts à 5% dès le 12 avril 2000. Qualifiant le contrat d'abonnement
téléphonique de contrat innommé présentant des analogies avec le contrat
d'entreprise, la cour cantonale a mis à la charge de la demanderesse une
obligation de conseil et de renseignement, impliquant de donner un signal
d'alerte lorsque le trafic des communications sortant du raccordement de
l'abonné est dix fois supérieur au montant mensuel le plus élevé facturé
jusqu'alors. N'ayant pas respecté cette obligation, la demanderesse n'est
fondée à réclamer au défendeur que 5'500 fr., représentant, en chiffres
ronds, dix fois la facture du 14 avril 1999. Pour le surplus, les juges
genevois ont estimé qu'en l'absence de toute défectuosité technique du
raccordement ..., la demanderesse ne pouvait être tenue pour responsable
du dommage causé par un éventuel piratage lié à l'utilisation d'un appareil
non homologué en Suisse. Ils ont également exclu l'application de l'art. 20
CO en l'occurrence.

    C.- Swisscom Fixnet SA interjette un recours en réforme. Elle demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué, puis, à titre principal,
de condamner A. à lui payer les sommes de 15'955 fr. 95, avec intérêts à
5% l'an dès le 1er août 2000, et de 733 fr. 95, représentant les intérêts
courus jusqu'au 31 juillet 2000; le recours tend également à la mainlevée
définitive de l'opposition faite au commandement de payer, poursuite no
..., notifié le 16 août 2000. La demanderesse conclut subsidiairement au
renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision.

    A. propose le rejet du recours.

    Swisscom Fixnet SA a également déposé un recours de droit public
contre l'arrêt cantonal.

    Après le dépôt des recours, la demanderesse a remis au Tribunal
fédéral une copie de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et
du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits
des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications
électroniques (ci-après: directive "service universel").

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.

    2.1  Depuis le 1er janvier 1998, la demanderesse est régie en
particulier par la loi fédérale du 30 avril 1997 sur l'organisation
de l'entreprise fédérale de télécommunications (LET; RS 784.11). La
LET est entrée en vigueur parallèlement à la nouvelle loi du 30 avril
1997 sur les télécommunications (LTC; RS 784.10), qui est orientée vers
la libéralisation du marché des télécommunications tout en assurant la
sauvegarde du service universel (Message du 10 juin 1996 concernant la
révision de la LTC, in FF 1996 III 1374; FRANZ A. ZÖLCH/RENA ZULAUF,
Manuel pratique du droit de la communication, traduction française
de Flavie Poncet, p. 135/136). Aux termes de l'art. 66 al. 1 LTC,
l'Entreprise fédérale de télécommunications a l'obligation d'assurer sur
tout le territoire national le service universel pendant les cinq ans
qui suivent l'entrée en vigueur de la LTC, soit jusqu'au 31 décembre 2002.

    Décrit de manière générale à l'art. 16 al. 1 LTC, le service universel
comprend le service téléphonique public, l'accès aux services d'urgence,
des cabines publiques en nombre suffisant, l'accès aux annuaires suisses
des usagers du service téléphonique public et un service de transcription
pour malentendants; le Conseil fédéral est chargé d'adapter périodiquement
les prestations relevant du service universel aux besoins de la société
et du monde économique et à l'état de la technique (art. 16 al. 3 LTC).

    2.2  Selon l'art. 18 al. 1 LET, les relations juridiques de la
demanderesse avec sa clientèle sont désormais réglementées par le droit
privé. L'art. 19 al. 1 LET précise que les contestations résultant de
ces rapports ressortissent aux tribunaux civils.

    En signant, le 16 février 1999, la formule de commande pour un nouveau
raccordement téléphonique analogique, le défendeur a conclu un contrat
d'abonnement téléphonique avec la demanderesse. Selon les constatations
de la cour cantonale, les prestations de l'opérateur consistaient
essentiellement à mettre un raccordement au réseau fixe à la disposition
de l'abonné, à lui offrir la possibilité de communiquer oralement avec
des tiers et à assurer l'entretien du raccordement. Selon l'art. 16 de
l'ordonnance du 6 octobre 1997 sur les services de télécommunications en
vigueur à l'époque des faits litigieux (OST 1997; RO 1997 p. 2833 ss),
le point de raccordement se trouve dans le bâtiment de l'abonné, les
communications avec d'autres installations de télécommunication devant être
possibles à partir de ce point (al. 1); par ailleurs, les installations
domestiques ne font pas partie du point de raccordement (al. 2). Pour
sa part, l'abonné s'engageait à payer la redevance de raccordement
et le prix des communications établies à partir de son raccordement,
même si elles avaient été effectuées par des tiers. La cour cantonale a
également retenu que, selon les documents contractuels liant les parties,
les relevés de communications sur la base desquels les factures étaient
établies faisaient foi dans la mesure où les investigations d'ordre
technique menées par Swisscom ne laissaient apparaître aucun élément
permettant de conclure à une erreur.

    Le contrat conclu par les parties ne correspond à aucun des contrats
spécialement réglés par la loi (contrats nommés). Si le raccordement
lui-même, en tant que point d'accès au réseau fixe, peut éventuellement
se définir comme un ouvrage, l'absence de livraison de l'installation à
proprement parler, impliquant un transfert de propriété, fait obstacle à la
qualification de contrat d'entreprise (cf. GAUCH, Le contrat d'entreprise,
adaptation française par Benoît Carron, n. 87 ss, p. 26 ss). Par ailleurs,
contrairement au contrat d'entreprise (cf. ATF 98 II 299 consid. 4a
p. 302/303), le contrat d'abonnement téléphonique est un contrat de
durée, puisque l'opérateur exécute nécessairement pendant un certain
temps son obligation de permettre la réception et l'établissement de
communications téléphoniques. On pourrait également imaginer qu'en mettant
en service le raccordement, l'opérateur en cède l'usage, à l'instar d'un
bailleur. La possibilité d'accès au réseau téléphonique fixe offerte à
l'abonné ne suppose toutefois aucune perte du droit d'utiliser la chose
pour l'opérateur, qui n'a pas à la "délivrer" (cf. art. 253 CO; TERCIER,
Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 1737, p. 253; ENGEL, Contrats de droit
suisse, 2e éd., p. 145). Les caractéristiques du contrat examiné ne
se concilient ainsi guère avec la définition du bail. Il convient dès
lors de ranger le contrat d'abonnement téléphonique dans la catégorie
des contrats innommés (RENÉ PFROMM, Les droits des consommateurs dans
le domaine de la téléphonie vocale: la législation communautaire et le
règlement juridique suisse, in sic! 1/2001 p. 8), sans qu'il apparaisse
d'emblée exclu de lui appliquer par analogie, selon le problème juridique
posé, certaines dispositions du contrat d'entreprise ou du bail.

Erwägung 3

    3.  Avant d'examiner le raisonnement suivi par la cour cantonale pour
rejeter en grande partie la demande, ainsi que les griefs que le recours
développe à son encontre, il sied de relever que, selon les faits établis
dans l'arrêt attaqué, aucun défaut ni traces de piratage n'ont été décelés
à la suite des contrôles techniques effectués sur le raccordement ...;
par ailleurs, la demanderesse a fourni une liste détaillée de tous les
appels enregistrés à partir dudit raccordement entre le 4 et le 23 juin
1999. Il faut en déduire que les communications litigieuses émanaient
bien du raccordement du défendeur. La cour cantonale a également constaté
que, selon le contrat liant les parties, l'abonné était responsable d'une
éventuelle utilisation par un tiers qui aurait eu accès à la station du
défendeur, avec ou sans autorisation. De plus, le défendeur disposait d'un
appareil non homologué par l'OFCOM (cf. art. 31 ss LTC; art. 3 ss, art. 25
et art. 31 al. 1 de l'ordonnance du 6 octobre 1997 sur les installations
de télécommunication en vigueur à l'époque des faits litigieux [OIT 1997;
RO 1997 p. 2853 ss]); à supposer qu'il puisse être démontré qu'un piratage
en relation avec cette circonstance soit à l'origine des communications
contestées, il appartiendrait donc également à l'abonné d'en supporter les
conséquences. Il s'ensuit que le défendeur est le débiteur de la facture
du 12 juillet 1999 par 15'955 fr. 95, sauf si la demanderesse a méconnu un
devoir de diligence contractuel envers l'abonné ou si l'obligation de payer
les communications litigieuses repose sur une cause illicite ou immorale.

Erwägung 4

    4.  Selon la demanderesse, la cour cantonale a violé le droit fédéral
en dégageant des art. 364 al. 1 et 321a al. 1 CO appliqués par analogie,
ainsi que des règles de la bonne foi, une obligation de diligence à charge
de l'opérateur consistant à adresser à l'abonné un signal d'alerte lorsque
le trafic des communications dépasse dix fois le montant mensuel le plus
élevé facturé jusqu'alors.

    En premier lieu, la demanderesse fait valoir que la LTC et
l'ordonnance du 31 octobre 2001 sur les services de télécommunication
(OST; RS 784.101.1) définissent exhaustivement les obligations assumées
par le concessionnaire du service universel; or, aucun devoir de diligence
particulier ne résulte de ces dispositions de droit public.

    Même en admettant l'application par analogie de certaines règles du
contrat d'entreprise, la demanderesse conteste tout devoir de renseignement
lié au nombre et au prix des appels téléphoniques établis à partir d'un
raccordement donné; elle ne voit pas en quoi sa qualité de spécialiste
en télécommunications la rendrait apte, tel un entrepreneur face au
maître, à se déterminer sur une disproportion entre le coût engendré par
des communications et l'intérêt que l'abonné leur porte. La demanderesse
s'en prend également à la manière dont la cour cantonale a défini l'usage
inapproprié de l'"ouvrage", soit un trafic téléphonique engendrant des
coûts inhabituels par rapport à la consommation enregistrée jusqu'à
présent; à son sens, une telle conception de l'utilisation inadéquate du
raccordement revient à empiéter de manière inadmissible sur la liberté
personnelle des particuliers et à ériger le fournisseur de services
de télécommunication en véritable tuteur de ses abonnés. En tout état
de cause, la demanderesse observe que l'obligation de diligence de
l'entrepreneur dépend des connaissances du maître. En l'occurrence,
l'abonné est précisément censé être au courant du risque financier que
peuvent représenter l'utilisation du raccordement et, en particulier,
le recours à des services téléphoniques à taux majoré; à cet égard,
la demanderesse fait remarquer que les prestataires de services de
télékiosque sont tenus d'indiquer clairement, dans toute annonce écrite
ou verbale, le tarif en francs et en centimes, par minute ou par appel,
applicable à leurs prestations.

    4.1  La cour cantonale s'est inspirée du devoir de diligence de
l'entrepreneur pour mettre à la charge de la demanderesse une obligation
de surveillance continue du trafic téléphonique des abonnés, assortie de
l'obligation de signaler tout dépassement d'un seuil fixé à dix fois la
facture mensuelle la plus élevée enregistrée jusqu'alors.

    Le devoir général de diligence de l'entrepreneur découle de l'art. 364
al. 1 CO, qui se réfère aux règles du contrat de travail. Selon l'art. 321a
al. 1 CO, le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié
et sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur. Le
devoir de diligence est une expression du devoir de fidélité, résultant
du rapport de confiance existant entre maître et entrepreneur (GAUCH,
op. cit., n. 820, p. 242; TERCIER, op. cit., n. 4046, p. 592). Des
devoirs de renseignement et de conseil ont été déduits de l'obligation de
diligence; ils reposent sur l'idée que l'entrepreneur, en sa qualité de
spécialiste, doit conseiller le maître et lui signaler toute circonstance
importante pour l'exécution de l'ouvrage (TERCIER, op. cit., n. 4051,
p. 592/593). Ainsi, pour prévenir un dommage, l'entrepreneur peut être
tenu de renseigner le maître sur l'utilisation adéquate de l'ouvrage; par
exemple, l'installateur d'un chauffage central devra indiquer précisément
la qualité d'eau à utiliser (ATF 94 II 157 consid. 5 p. 160). De manière
générale, si une utilisation de l'ouvrage non appropriée ou contraire
à sa destination est prévisible et porteuse de dangers, le maître doit
y être rendu attentif, lorsqu'il n'est pas censé connaître le risque
(GAUCH, op. cit., n. 836, p. 246).

    En l'espèce, la position de la demanderesse face à l'abonné ne
saurait être assimilée à celle d'un entrepreneur. Tout d'abord, la
relation de confiance résultant du contrat d'abonnement téléphonique
n'est pas comparable à celle créée par la conclusion d'un contrat
d'entreprise. Par ailleurs, si la demanderesse est bien une spécialiste
des télécommunications, cette qualité ne la rend pas, en elle-même,
apte à juger d'une utilisation adéquate du raccordement téléphonique
par un usager, soit des dépenses que celui-ci peut raisonnablement
engager pour ses communications. Faute de parallélisme des situations,
la référence à l'obligation de diligence de l'entrepreneur ne se justifie
pas en l'occurrence.

    4.2  Il reste à examiner si une obligation accessoire de surveillance
et d'avis peut être déduite par interprétation du contrat d'abonnement
téléphonique ou de la loi (cf. ATF 113 II 174 consid. 1b p. 177; MERZ,
Droit des obligations - Partie générale, traduction française de Pierre
Giovannoni, in Traité de droit privé suisse, vol. VI,1 [ci-après:
op. cit. I], p. 45; le même, Berner Kommentar [ci-après: op. cit. II],
n. 260 ad art. 2 CC).

    4.2.1  L'obligation accessoire (Nebenpflicht) se définit comme une
obligation - non principale - qui découle du rapport contractuel de
confiance existant entre les parties (ATF 120 II 252 consid. 3b/aa p.
258). En vertu des règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC), le débiteur
doit faire tout ce qu'exigent l'exécution régulière de l'obligation
principale et la réalisation du but assigné à la prestation (ATF 113 II
246 consid. 4 p. 247). Les obligations de surveillance et de protection
comptent parmi les obligations accessoires. En particulier, lorsqu'un
état de choses dangereux est créé en rapport avec l'exécution du contrat,
l'obligation principale est assortie d'un devoir général d'assurer la
sécurité du cocontractant, de protéger sa vie et sa santé; ainsi en va-t-il
notamment entre une entreprise de téléphérique et le skieur titulaire d'un
abonnement "libre parcours", s'agissant de la sécurité des pistes (ATF 113
II 246 consid. 4 p. 248 et consid. 7 p. 250/251), ou entre l'exploitant
d'un établissement public et un client (ATF 71 II 107 consid. 4 p. 114/115;
70 II 215 consid. 3 p. 218). Une obligation de renseigner et de communiquer
peut également être accessoire à une obligation principale. Par exemple,
celui qui sait qu'une situation juridique créée par lui-même est ambiguë
doit attirer l'attention de son partenaire sur ce point (cf. ATF 83 II
147 p. 150; MERZ, op. cit. I, p. 48; le même, op. cit. II, n. 275 ad
art. 2 CC). En revanche, le Tribunal fédéral a considéré qu'un organisme
de cartes de crédit n'était pas tenu de signaler à l'entreprise affiliée
toutes les pertes de cartes, même si lesdites pertes pouvaient être
sources de dommage pour le commerçant (ATF 113 II 174 consid. 1b p. 177).

    4.2.2  En admettant la faisabilité d'un système de contrôle permanent
du trafic téléphonique de chaque abonné, les règles de la bonne foi
imposent-elles au fournisseur de services de télécommunication un devoir
d'avertissement lorsque les taxes liées à un raccordement donné dépassent
un certain seuil durant le mois en cours? L'opérateur assume-t-il envers
le client un devoir de protection qui se concrétiserait sous la forme
d'une alerte?

    La particularité de la protection envisagée est qu'elle tendrait
avant tout à préserver l'abonné de dépenses inconsidérées que ses proches
ou lui-même sont susceptibles d'engager. Or, a priori, la conclusion
d'un contrat d'abonnement téléphonique n'implique pas une mise sous
surveillance de l'abonné, auquel il appartient de gérer et de contrôler
sa propre consommation téléphonique, ainsi que l'accès à son ou ses
appareils. Par ailleurs, un devoir accessoire de protection se rencontre
essentiellement lorsque la vie ou la santé du partenaire contractuel peut
être mise en péril, et non lorsque seuls des intérêts financiers sont en
jeu. Certes, la jurisprudence a admis que le médecin assumait un devoir
contractuel d'information minimale en matière économique, en ce sens qu'il
devait attirer l'attention du patient lorsqu'il sait qu'un traitement, une
intervention ou ses honoraires ne sont pas couverts par l'assurance-maladie
ou lorsqu'il éprouve ou doit éprouver des doutes à ce sujet (ATF 119
II 456 consid. 2d p. 460). Cependant, cette obligation a été reconnue
dans le cadre d'un mandat, soit d'un contrat conclu intuitu personae,
supposant une attention plus grande aux intérêts du partenaire contractuel,
ce qui n'est pas le cas du contrat d'abonnement téléphonique; de plus, le
mandataire-patient n'avait aucune prise sur l'aspect financier en cause,
contrairement à l'abonné qui est souvent le consommateur lui-même.

    Il est vrai qu'avec l'introduction des services à taxe majorée, la
facture téléphonique peut atteindre rapidement des montants importants. On
rappellera à cet égard que le prix des communications litigieuses était
de 2 fr. 13 la minute. Il n'y a pas lieu pour autant d'admettre la
création d'un état de choses dangereux propre à justifier un devoir de
surveillance et d'avertissement. En effet, les prestataires de services à
valeur ajoutée rattachés aux services de télécommunication ont l'obligation
d'indiquer le prix en francs suisses (art. 10 al. 1 let. q de l'ordonnance
du 11 décembre 1978 sur l'indication des prix [OIP; RS 942.211]); pour
les services proposés aux numéros de téléphone commençant par "156" ou
"0906", le prix des dix premières minutes doit même être indiqué dans la
langue correspondante, soit de vive voix soit par un message automatique
durant les vingt premières secondes qui suivent l'établissement de la
liaison (art. 11 al. 1bis OIP). Si ces deux dispositions sont entrées
en vigueur le 1er novembre 1999, soit après les faits litigieux, il n'en
demeure pas moins que, selon les constatations du jugement de première
instance auxquelles la cour cantonale se réfère, le tarif facturé au
client qui composait un numéro "rose" figurait alors dans les publicités
que les prestataires de service faisaient paraître. L'abonné disposait
donc des moyens de contrôler lui-même son trafic téléphonique, y compris
à destination de services à valeur ajoutée. Par ailleurs, la périodicité
de la facturation constitue également un garde-fou (PFROMM, op. cit.,
loc. cit.). Grâce à l'extrait de taxes mensuel, le point est ainsi fait
chaque mois et demi, la facture relative au trafic du mois précédent
étant transmise au milieu du mois suivant.

    En conclusion, il n'apparaît pas que le but de la prestation offerte
par la demanderesse, soit permettre l'établissement de communications
téléphoniques, y compris avec des services à valeur ajoutée, commande,
selon les règles de la bonne foi, de protéger l'abonné contre lui-même
ou contre un tiers que le client aurait laissé d'une manière ou d'une
autre accéder à sa station téléphonique.

    4.2.3  Il convient encore d'examiner si une obligation accessoire
d'avertissement peut être mise à la charge de la demanderesse en
interprétant la loi.

    En rapport avec la facturation des prestations, le fournisseur de
services de télécommunication est tenu, sur requête, de remettre une
liste détaillée comportant les numéros de téléphone appelés, la date,
l'heure et la durée des communications ainsi que la rémunération due
pour chaque liaison établie (art. 45 al. 1 LTC; art. 50 al. 2 OST 1997
= art. 60 al. 2 OST). On ne saurait tirer de cette obligation légale
accessoire un quelconque devoir de surveillance du nombre et du prix des
communications elles-mêmes.

    Quant aux prestations relevant du service universel, énumérées à
l'art. 16 al. 1 LTC, elles sont précisées et complétées à l'art. 15
al. 1 OST 1997. Au moment des faits litigieux, elles recouvraient en
particulier le raccordement et les services additionnels. Le premier
s'étendait au raccordement pour la transmission de la parole en temps
réel et la transmission des données par un canal vocal ou numérique,
la sélection à fréquence vocale au clavier et l'inscription principale
dans un annuaire d'abonnés (art. 15 al. 1 let. a OST 1997). Les services
additionnels consistaient dans l'obtention de renseignements sur les
appels abusifs, dans la déviation des appels, dans la suppression de
l'identification de la ligne appelante, dans le justificatif des taxes,
dans l'extrait de taxes et dans le blocage des communications sortantes
(art. 15 al. 1 let. b OST 1997). Un devoir de contrôler le trafic de chaque
raccordement ne peut manifestement être lié à l'une de ces prestations.

    Au surplus, les obligations du concessionnaire portent en particulier
sur la qualité des prestations de service universel, sur le respect des
prix plafonds fixés par le Conseil fédéral et sur la publication des prix
pratiqués (art. 17 LTC; art. 21 à 24 OST 1997). Aucune de ces obligations
ne suppose, même implicitement, une surveillance de la consommation
téléphonique de chaque abonné.

    Dans les Etats de l'Union européenne, les opérateurs assumant des
obligations de service universel ne sont pas tenus, à l'heure actuelle,
"d'avertir les abonnés lorsqu'un seuil prédéterminé de dépenses a
été franchi ou qu'une anomalie apparaît dans la structure des appels"
(considérant 15 in fine directive "service universel"). Le Parlement
européen et le Conseil de l'Union européenne reconnaissent néanmoins
qu'"un réexamen futur des dispositions législatives applicables devrait
considérer l'éventuelle nécessité d'alerter les abonnés dans de telles
circonstances" (considérant 15 in fine directive "service universel"). Il
faut rappeler à cet égard que le critère du prix abordable est essentiel
dans la notion du service universel en droit européen; il implique
notamment que l'utilisateur soit à même de gérer ses dépenses mensuelles
et hebdomadaires et de prévoir combien coûtera le téléphone par le biais de
l'information reçue (LEILA ROUSSIANOS-MOAYEDI, Les concessions de services
de télécommunication - Etude de droit suisse et de droit communautaire,
thèse Lausanne 2002, p. 240). La directive "service universel" insiste
également sur le lien entre le caractère abordable du service universel
et la capacité des consommateurs à maîtriser leurs dépenses (considérant
15 in initio).

    La notion de prix abordable est également présente dans le service
universel tel qu'il est conçu en droit suisse (cf. art. 92 al. 2 Cst.;
ROUSSIANOS-MOAYEDI, op. cit., p. 230 ss). A l'instar de ce qui est
proposé dans la directive européenne précitée, il appartient toutefois
au législateur d'adopter, s'il le juge nécessaire, les dispositions
légales propres à prévenir le risque d'une consommation téléphonique
disproportionnée aux moyens de l'abonné. Une telle intervention dans la
sphère privée des clients suppose une base légale claire. A ce sujet,
on peut imaginer non seulement un système d'alerte en cas de dépassement
d'un seuil de dépenses fixé en fonction des factures précédentes, mais
également la possibilité pour l'abonné de choisir lui-même une limite
mensuelle, qui ne peut être franchie sans son accord (cf., en droit
allemand, § 18 TKV [Telekommunikations-Kundenschutzverordnung]; RENÉ
PFROMM, Verbraucherrechte in der Sprachtelefonie: Gemeinschaftsrecht
und die Rechtsordnungen Deutschlands und der Schweiz, in Le droit des
télécommunications en mutation, Editions universitaires Fribourg Suisse,
2001, p. 361). On notera au passage qu'en Suisse, l'art. 31 OST impose déjà
aux fournisseurs de prestations relevant du service universel d'offrir
gratuitement la possibilité de bloquer les communications sortantes vers
des services à caractère érotique ou pornographique.

    Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale ne peut être suivie
lorsqu'elle met à la charge de la demanderesse une obligation accessoire
de surveillance de chaque raccordement et d'avertissement de l'abonné en
cas de consommation jugée excessive.

Erwägung 5

    5.  Le défendeur n'a pas déposé de recours joint. Il invoque toutefois
l'art. 20 CO à l'appui de son argumentation tendant au rejet du recours. A
son sens, les services du "téléphone rose" sont contraires aux bonnes
moeurs, de sorte que la demanderesse ne peut obtenir le paiement des
communications établies avec les numéros commençant par les chiffres
"0906" et "156".

    5.1  Aux termes de l'art. 20 al. 1 CO, le contrat est nul s'il a pour
objet une chose impossible, illicite ou contraire aux moeurs. En l'espèce,
il convient de préciser que le seul contrat susceptible de porter sur un
objet illicite ou immoral est celui liant l'appelant au prestataire de
services à caractère érotique ou pornographique.

    5.2  En matière pénale, il a été jugé punissable de rendre accessible
à tout public, sans distinction d'âge, l'enregistrement de propos obscènes
relevant de la pornographie douce (ATF 119 IV 145 consid. 2 p. 148 ss). Le
Directeur des télécommunications de l'entreprise des PTT a également été
reconnu complice de pornographie au sens de l'art. 197 ch. 1 CP pour avoir
mis à disposition les installations techniques du télékiosque 156, alors
même qu'il savait que certains fournisseurs utilisaient régulièrement et
constamment ces installations pour diffuser des messages pornographiques
accessibles aux jeunes de moins de 16 ans (ATF 121 IV 109 consid. 3
p. 119 ss).

    L'art. 18a de l'ordonnance du 25 mars 1992 sur les services de
télécommunications (OST 1992; RO 1992 p. 848) a été adopté le 6 décembre
1993; il a été remplacé dès le 1er août 1995 par l'art. 85a OST 1992 (RO
1995 p. 3544) dont la teneur est identique. Cette dernière disposition
prévoyait expressément que les fournisseurs du télékiosque n'avaient pas
le droit de mettre à disposition des messages illicites en vue de leur
consultation, ni de permettre des conversations ou des communications
illicites; les enregistrements et représentations pornographiques, au sens
de l'art. 197 CP, étaient notamment interdits (art. 85 al. 1 let. b OST
1992). L'art. 85a al. 2 OST 1992 prescrivait les mesures à prendre afin
que les personnes de moins de 16 ans n'eussent pas accès à des messages
ou conversations érotiques. Actuellement, il ressort d'un document de
l'OFCOM que le titulaire de numéros "0906" est tenu de ne pas utiliser les
numéros attribués pour offrir des services concernés par les dispositions
du code pénal, en particulier les art. 135, 197, 259 et 261bis; il doit
garantir en outre que les personnes de moins de 16 ans ne peuvent avoir
accès à des services de nature pornographique (cf. p. 2 de la notice de
l'OFCOM concernant l'attribution individuelle de numéros).

    En l'espèce, aucun élément du dossier ne laisse apparaître que les
communications litigieuses avec des services à caractère érotique ou
pornographique aient eu un contenu illicite. Par ailleurs, le défendeur
était âgé de 21 ans au moment des faits; il n'a pas été allégué, ni a
fortiori démontré qu'un mineur de moins de 16 ans aurait procédé aux
appels en question. Dans ces circonstances, force est d'admettre que les
communications établies en juin 1999 à partir du raccordement du défendeur
avec des numéros du "téléphone rose" n'avaient pas un objet illicite.

    5.3  Sont contraires aux moeurs au sens de l'art. 20 al. 1 CO les
contrats condamnés par la morale dominante, par le sentiment général des
convenances, par les principes et jugements de valeur qu'implique l'ordre
juridique considéré dans son ensemble; un contrat peut être contraire aux
moeurs soit en raison de la prestation promise, soit indirectement par le
but ou le résultat visé, soit encore par la combinaison d'une prestation
nécessairement gratuite avec une contre-prestation appréciable en argent
(ATF 115 II 232 consid. 4a p. 235). Il est ainsi admis que la promesse
d'une rétribution à une personne se livrant à la prostitution est immorale
(ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 290; CLAIRE
HUGUENIN JACOBS, Basler Kommentar, 2e éd., n. 38 ad art. 19/20 CO).

    En l'espèce, fournir des prestations de nature érotique ou
pornographique par téléphone n'équivaut pas à offrir son corps contre
rémunération. Par ailleurs, à l'heure actuelle, c'est l'OFCOM qui, sous
l'appellation de "divertissement pour adultes", attribue les numéros
commençant par "0906" (cf. p. 2 de la notice de l'OFCOM concernant
l'attribution individuelle de numéros). Si un office fédéral procède à
une telle attribution, il faut croire que les services en question ne
choquent pas la morale ambiante. Certes, à l'époque des faits litigieux,
l'attribution des numéros du "téléphone rose" était encore l'apanage de
Swisscom. Il n'apparaît toutefois pas que la perception morale des choses
se soit modifiée sur ce point en quatre ans.

    Dès l'instant où les contrats passés entre l'utilisateur du
raccordement et les prestataires de services à valeur ajoutée ne sont
ni illicites, ni immoraux, la demanderesse dispose envers l'abonné,
en tous les cas, d'une prétention en paiement des taxes relatives aux
communications litigieuses et en remboursement de la part déjà versée
par elle aux prestataires de services à valeur ajoutée. Contrairement à
l'avis du défendeur, le moyen fondé sur l'art. 20 CO ne permet pas de
maintenir le résultat de l'arrêt attaqué.