Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 III 257



129 III 257

43. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause X. contre dame
X. (recours en réforme)

    5C.265/2002 du 1er avril 2003

Regeste

    Art. 122, 125 und 126 Abs. 2 ZGB; auf Art. 125 ZGB gestützter Ausgleich
von Lücken in der Vorsorge eines Ehegatten, der keinen Anteil an der von
seinem Ehepartner während der Ehe geäufneten Vorsorge beanspruchen kann.

    War derjenige Ehegatte, der während der Ehe mit seinem Erwerbseinkommen
für den Unterhalt der Familie gesorgt hat, keiner Einrichtung der
beruflichen Vorsorge (vgl. Art. 122 ZGB) angeschlossen und kann die während
der Ehe geäufnete private Vorsorge im Rahmen des gewählten Güterstandes
(Gütertrennung) nicht geteilt werden, so lassen sich die Lücken in der
Vorsorge des andern Ehegatten gegebenenfalls durch eine Kapitalleistung
gemäss Art. 125 und 126 Abs. 2 ZGB ausgleichen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- X., né en 1960, et dame X., née en 1965, se sont mariés en 1990
sous le régime de la séparation de biens. Après avoir cessé la vie commune
en 1995, ils ont réglé en 1997, à l'amiable et par écrit, les modalités
de cette séparation. Ils ont ainsi convenu que la garde de leurs trois
filles - nées respectivement en 1991, 1992 et 1994 - serait assumée par
l'épouse et que le mari bénéficierait d'un très large droit de visite. Le
mari s'est engagé à verser à son épouse une somme mensuelle de 10'900
fr. nette d'impôts à titre de contribution forfaitaire d'entretien de la
famille. Il s'est en outre engagé à prendre en charge l'intégralité des
frais d'école privée et de cantine de ses filles, ainsi qu'à accorder à
son épouse la jouissance gratuite d'un grand appartement à Genève.

    Administrateur et associé de diverses sociétés notamment dans le
domaine immobilier, le mari perçoit des revenus très élevés et bénéficie
d'une situation financière extrêmement aisée. Son revenu fiscal net pour
l'année 1999 se montait à 1'839'668 fr. Dans le cadre de la procédure de
divorce, il a déclaré ne pas disposer d'éléments de fortune notables. Sa
prestation de libre passage LPP s'élevait à 31'213 fr. au 31 mars 2002.

    L'épouse est architecte diplômée, profession qu'elle exerce à temps
partiel. Son revenu annuel, comme indépendante, était de 20'000 fr. environ
entre 1995 et 1999. Elle est aujourd'hui salariée, à raison de 3'481
fr. 60 net par mois, d'une société anonyme fondée en 2000 dont elle est
actionnaire à raison de 49% et où elle travaille à 60%. Sa prestation de
libre passage LPP s'élevait à 3'798 fr. 20 au 28 février 2002.

    B.- Le 29 novembre 2000, le mari a saisi le Tribunal de première
instance du canton de Genève d'une demande unilatérale en divorce, sur le
principe duquel l'épouse a déclaré consentir. Les parties ont alors déposé
des conclusions communes sur la plupart des effets accessoires de leur
divorce. Seul a subsisté un désaccord sur le principe et la quotité de la
contribution d'entretien en capital de 350'000 fr. réclamée par l'épouse.

    Par jugement du 6 février 2002, le Tribunal de première instance a
prononcé le divorce, attribué la garde ainsi que l'autorité parentale
sur les enfants à la mère et réservé au père un droit de visite selon les
modalités déjà exercées pendant la séparation de fait. Il a en outre donné
acte au demandeur de son engagement de verser pour l'entretien de chacun
de ses enfants, jusqu'à leur majorité, une contribution mensuelle indexée
de 3'440 fr., allocations familiales non comprises, de payer la totalité
des frais d'école privée et de cantine de ses enfants ainsi que d'inscrire
au Registre foncier, en faveur de la défenderesse, un droit d'habitation
valable jusqu'au 31 janvier 2012 sur l'appartement de Genève. Par ailleurs,
le Tribunal a donné acte au demandeur de son accord de partager par moitié
les prestations de sortie de son institution de prévoyance accumulées
pendant la durée du mariage, dont il a ordonné le transfert. Il a en
revanche débouté la défenderesse de ses conclusions tendant au paiement
d'une contribution d'entretien en capital de 350'000 fr., dont 100'000
fr. qu'elle réclamait "aux fins de pallier aux spectaculaires lacunes de
la prévoyance professionnelle de [son mari]".

    C.- Par arrêt rendu le 11 octobre 2002 sur appel de la défenderesse,
la Chambre civile de la Cour de justice a réformé ce jugement en ce qui
concerne le partage des prestations de sortie LPP, ainsi qu'en ce qui
concerne les contributions réclamées par la défenderesse au titre de
l'entretien après divorce et de la perte de prévoyance.

    Constatant d'abord que le demandeur avait expressément accepté en appel
qu'un montant de 13'800 fr. (correspondant à la moitié de sa prestation
de libre passage sous déduction de la moitié de celle de la défenderesse)
fût transféré à la défenderesse en application de l'art. 122 al. 1 CC,
la cour cantonale a décidé de fixer à 13'800 fr. le montant auquel la
défenderesse avait droit dans ce contexte.

    Ensuite, après avoir exposé les raisons pour lesquelles le principe
d'une contribution d'entretien en faveur de la défenderesse devait être
admis, les juges cantonaux ont estimé qu'une rente de 3'600 fr. par mois
jusqu'à ce que la cadette des enfants ait atteint sa majorité représentait
une contribution équitable.

    S'agissant du montant réclamé par la défenderesse à titre de perte
de prévoyance, la cour cantonale a constaté que le statut du demandeur
en tant qu'associé de la société en nom collectif X. & Cie avait fait
perdre à la défenderesse une part conséquente des avoirs LPP que son mari
aurait accumulés au cours du mariage s'il avait cotisé à une institution
de prévoyance en tant que cadre supérieur d'une entreprise constituée sous
forme de société anonyme. C'était en effet en sa qualité d'administrateur
délégué de la société Y. SA (laquelle avait remplacé X. & Cie) que le
demandeur était au bénéfice d'une prestation de libre passage de 31'213
fr. Or, pour les époux soumis au régime de la séparation de biens,
une compensation des lacunes de prévoyance individuelle se fondait sur
l'art. 125 al. 2 ch. 8 CC, la constitution d'une prévoyance vieillesse,
survivants et invalidité étant une composante du devoir d'assistance
selon l'art. 159 CC et de l'entretien de la famille selon l'art. 163 CC.

    Les juges cantonaux ont dès lors fait droit aux conclusions de
la défenderesse visant à l'attribution d'un montant supplémentaire de
100'000 fr. (sous déduction des avoirs LPP déjà partagés), qui tenait
compte à la fois des propres besoins de la défenderesse en matière de
prévoyance (art. 125 al. 2 ch. 8 CC) et, sans exagération (celui-ci ayant
été particulièrement discret sur ce point), de la capacité financière du
demandeur (art. 125 al. 2 ch. 5 CC). Comme le demandeur disposait d'un
patrimoine suffisant pour acquitter le montant réclamé de 100'000 fr. sous
forme de capital, la cour cantonale l'a condamné à verser à la défenderesse
la somme de 86'200 fr., compte tenu du montant de 13'800 fr. qu'il
acceptait de verser à son ex-épouse en application de l'art. 122 CC.

    D.- Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme du demandeur.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.  Le demandeur reproche à la cour cantonale d'avoir excédé les
compétences du juge du divorce en matière de prévoyance professionnelle en
le condamnant à verser à son ex-épouse, sur la base de l'art. 125 al. 2
ch. 8 CC et en sus de la contribution d'entretien mensuelle, un montant
en capital au titre de la prévoyance professionnelle.

    3.1  Il découle de l'art. 163 CC que les époux contribuent,
chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille,
en convenant de la façon dont chacun apporte sa contribution et en
tenant compte des besoins de l'union conjugale ainsi que de leur
situation personnelle. L'art. 163 CC impose à l'époux qui couvre les
besoins économiques de la famille par le revenu de son travail de se
constituer une prévoyance appropriée, lui permettant de continuer à
pourvoir après sa retraite à l'entretien convenable de la famille (HEINZ
HAUSHEER/RUTH REUSSER/THOMAS GEISER, Berner Kommentar, vol. II/1/2,
1999, n. 19 ad art. 163 CC; VERENA BRÄM/FRANZ HASENBÖHLER, Zürcher
Kommentar, vol. II/1c, 1998, n. 34 ad art. 163 CC; MARTA TRIGO TRINDADE,
Prévoyance professionnelle, divorce et succession, in SJ 2000 II
p. 467 ss, 467 n. 4; THOMAS SUTTER/DIETER FREIBURGHAUS, Kommentar zum
neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, n. 17 ad art. 125 CC; ATF 116 II
101). Cette prévoyance inclut, outre l'AVS/AI (1er pilier) et selon la
nature de l'activité professionnelle et de la couverture nécessaire,
la prévoyance professionnelle (2e pilier) et la prévoyance privée sous
forme d'épargne individuelle (3e pilier), que celle-ci soit liée (3e
pilier A) ou libre (BRÄM/HASENBÖHLER, op. cit., n. 34 ad art. 163 CC;
HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op. cit., n. 19 ad art. 163 CC).

    3.2  Lorsque les conjoints ont adopté une répartition traditionnelle
des tâches pendant le mariage, dans lequel l'homme exerçait l'activité
professionnelle et constituait au moyen des revenus de cette activité
la prévoyance de l'union conjugale, la dissolution de cette union par le
divorce laisse l'épouse défavorisée sur le plan de la prévoyance, en raison
du rattachement de celle-ci à l'activité lucrative du mari (JACQUES-ANDRÉ
SCHNEIDER/CHRISTIAN BRUCHEZ, La prévoyance professionnelle et le divorce,
in Le nouveau droit du divorce, publication CEDIDAC 41, 2000, p. 193 ss,
195; SUTTER/FREIBURGHAUS, op. cit., Vorb. ad art. 122-124 CC, n. 10;
BRÄM/HASENBÖHLER, op. cit., n. 52 ad art. 159 CC).

    C'est pourquoi divers correctifs ont été mis en place par le
législateur pour répartir de manière équilibrée les expectatives de
prévoyance en cas de divorce. Ainsi, l'art. 122 CC prévoit en principe le
partage par moitié des prétentions en matière de prévoyance professionnelle
acquises pendant le mariage, l'art. 123 CC prévoyant des exceptions à ce
partage par moitié et l'art. 124 CC réglant le cas où les prétentions ne
peuvent être partagées (parce qu'un cas de prévoyance est déjà survenu
ou pour d'autres motifs).

    Ces dispositions prévues par le droit du divorce ne concernent que
la prévoyance professionnelle (2e pilier), à l'exclusion du premier et du
troisième pilier: depuis la dixième révision de l'AVS, en vigueur depuis
le 1er janvier 1997, le sort des expectatives du premier pilier est réglé
exclusivement, en cas de divorce également, par l'AVS/AI fédérale; quant
au troisième pilier, ce qu'un époux a épargné pendant le mariage - que
ce soit dans le cadre de la prévoyance privée libre ou de la prévoyance
liée - doit être partagé selon les règles du régime matrimonial auquel
sont soumis les époux (THOMAS GEISER, Le nouveau droit du divorce et les
droits en matière de prévoyance professionnelle, in De l'ancien au nouveau
droit du divorce, 1999, p. 53 ss, 65; HERMANN WALSER, Basler Kommentar,
Zivilgesetzbuch I, 2e éd., 2002, n. 4 ad art. 122 CC; SUTTER/FREIBURGHAUS,
op. cit., Vorb. ad art. 122-124 CC, n. 13-15; KATERINA BAUMANN/MARGARETA
LAUTERBURG, in Ingeborg Schwenzer [éd.], Praxiskommentar Scheidungsrecht,
2000, n. 25-27 ad art. 122 CC).

    3.3  Il résulte de ce qui précède que lorsque, comme en l'espèce,
le conjoint qui pourvoit (principalement) à l'entretien de la famille
n'a pas (ou peu) accumulé de prétentions de prévoyance professionnelle
(2e pilier) parce qu'il exerce (essentiellement) une activité lucrative
indépendante, et que les époux ont choisi le régime de la séparation de
biens, le conjoint qui n'a pas (ou peu) pu se constituer de prévoyance
propre pendant le mariage se retrouve en cas de divorce avec une prévoyance
lacunaire (cf. ATF 129 III 7 consid. 3.2 p. 11). La question qu'il
convient de résoudre ici est de savoir si de telles lacunes peuvent être
compensées par l'allocation d'une contribution d'entretien après divorce
au sens de l'art. 125 CC, comme l'a admis - à tort selon le demandeur -
la cour cantonale.

    3.4  L'art. 125 al. 1 CC prévoit expressément que l'entretien
convenable d'un époux, auquel l'autre époux peut être tenu de contribuer
après le divorce, comprend la constitution d'une prévoyance vieillesse
appropriée. En outre, parmi les éléments que le juge doit retenir pour
décider du principe et, le cas échéant, du montant ainsi que de la
durée de la contribution d'entretien, la loi cite "les expectatives de
l'assurance-vieillesse et survivants et de la prévoyance professionnelle
ou d'autres formes de prévoyance privée ou publique, y compris le résultat
prévisible du partage des prestations de sortie" (art. 125 al. 2 ch. 8 CC).

    Considérant que l'art. 125 CC ne vise clairement que l'entretien
après le divorce, comme l'indique son titre marginal, les auteurs du
commentaire bâlois estiment que cette disposition permet uniquement la mise
à disposition de moyens destinés à combler d'éventuelles lacunes futures
(après le divorce) dans la prévoyance vieillesse (URS GLOOR/ANNETTE
SPYCHER, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd., 2002, n. 4 ad
art. 125 CC).

    En revanche, TRIGO TRINDADE soutient que pour les époux soumis
au régime de la séparation de biens, une compensation des lacunes de
prévoyance individuelle (3e pilier) peut se fonder sur l'art. 125
CC (TRIGO TRINDADE, op. cit., p. 476). Dans le même sens, mais de
manière plus générale, d'autres auteurs se prononcent en faveur de la
possibilité de compenser sur la base de l'art. 125 CC un déficit de
prévoyance existant au moment du divorce (SUTTER/FREIBURGHAUS, op. cit.,
n. 94 ad art. 125 CC); ils citent en particulier le cas où le partage du
deuxième pilier n'est pas possible et où l'indemnité équitable selon l'art.
124 CC ne permet pas à l'époux créancier de se constituer une prévoyance
vieillesse et invalidité appropriée (SUTTER/FREIBURGHAUS, op. cit., n. 100
ad art. 125 CC, auxquels semblent se rallier sur ce point GLOOR/SPYCHER,
op. cit., n. 33 ad art. 125 CC). Quant à GEISER, il relève d'une part
que la prévoyance indépendante de l'époux qui n'a pas exercé d'activité
lucrative pendant le mariage doit être constituée immédiatement après le
divorce, quand bien même elle ne servira à l'entretien que dans un futur
éloigné, et d'autre part que les relations entre les ex-époux devraient
être réduites autant que possible après le divorce, selon le principe du
"clean break" (GEISER, op. cit., p. 63).

    3.5  Le fait que l'art. 125 CC vise l'entretien après divorce ne
saurait empêcher de compenser, par le biais d'une contribution fondée sur
cette disposition, des lacunes dans la prévoyance vieillesse et invalidité
de l'époux créancier, lorsque ces lacunes ne peuvent pas être comblées
par le partage, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial,
de la prévoyance privée accumulée par l'autre époux durant le mariage
dans le but de pourvoir à l'entretien futur de la famille. En effet, si
ces lacunes de prévoyance ont leur origine dans la répartition des tâches
adoptée d'un commun accord durant le mariage - ce qui justifie au demeurant
l'application du principe de la solidarité -, la (re)constitution, après
le divorce, d'une prévoyance vieillesse appropriée est une composante de
l'entretien convenable, qui, si l'on ne peut raisonnablement attendre de
l'époux créancier qu'il y pourvoie lui-même, peut le cas échéant justifier
l'allocation d'une contribution fondée sur l'art. 125 CC.

    Une telle solution est d'ailleurs conforme à la jurisprudence récente
du Tribunal fédéral. Il a en effet été admis que lorsque le mari - il
s'agissait en l'occurrence d'un médecin indépendant à la retraite - n'a
pas constitué de deuxième pilier et qu'en raison du régime matrimonial
qui a été choisi (séparation des biens ou ancien régime de l'union
des biens), il conserve l'entier, ou une part supérieure à la moitié,
de l'épargne accumulée aux fins de prévoyance durant la vie commune, il
se justifie d'exiger de lui qu'il entame la substance de cette fortune
pour contribuer à l'entretien convenable de son conjoint (ATF 129 III 7
consid. 3.2 p. 11). La différence est qu'il s'agissait dans cette affaire
d'une contribution d'entretien, sous la forme d'une rente viagère, à une
épouse qui était elle-même déjà à la retraite, tandis qu'il s'agit dans
le présent litige de permettre à la défenderesse, qui est encore jeune
et capable de travailler, de se constituer une prévoyance vieillesse
appropriée. En pareil cas, eu égard à la nature de ce besoin et au
fait qu'une telle contribution devrait pouvoir être financée au moyen de
l'épargne accumulée aux fins de prévoyance par le conjoint débiteur, le
juge peut imposer un règlement définitif en capital en vertu de l'art. 126
al. 2 CC, ce qui permet de constituer immédiatement après le divorce la
prévoyance indépendante de l'époux créancier ainsi que de respecter au
mieux le principe du "clean break" (cf. GEISER, op. cit., p. 63).