Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 129 III 186



129 III 186

30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause D. contre
T. et S. ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de
droit administratif)

    5A.23/2002 du 13 février 2003

Regeste

    Art. 6 ff. und 84 BGBB; Zuständigkeit der Verwaltungsbehörde bzw. des
Zivilrichters für die Konkretisierung der allgemeinen Begriffe gemäss
den Art. 6 ff. BGBB.

    Die Konkretisierung der in den Art. 6 bis 9 BGBB enthaltenen
allgemeinen Begriffe ergibt sich aus dem öffentlichen Recht und fällt
grundsätzlich in die sachliche Zuständigkeit der Verwaltungsbehörde. Sind
in einem Zivilverfahren privatrechtliche Bestimmungen des BGBB
anzuwenden, kann der Zivilrichter die allgemeinen Begriffe vorfrageweise
konkretisieren, solange die sachlich zuständige Verwaltungsbehörde
noch nicht entschieden hat. An den Entscheid über die Vorfrage ist die
für die Erteilung der Bewilligung zuständige Verwaltungsbehörde nicht
gebunden. Zur Vermeidung sich widersprechender Urteile erscheint es
allerdings dann angebracht, das Zivilverfahren auszusetzen, wenn eine
Partei ein Feststellungsbegehren (Art. 84 BGBB) stellt, das einen für den
Ausgang des Zivilverfahrens wesentlichen allgemeinen Begriff zum Gegenstand
hat. Jedenfalls darf die Verwaltungsbehörde das Feststellungsbegehren
nicht mit der Begründung für unzulässig erklären, der Zivilrichter sei
hiefür ausschliesslich zuständig (E. 2).

Sachverhalt

    M., décédé en 1995, a laissé pour héritières sa veuve, sa fille
T. et sa petite-fille D. Il était propriétaire d'immeubles d'une surface
totale de 69'312 m2, comprenant d'une part diverses parcelles sises en
zone agricole, et d'autre part une parcelle (no x) située pour partie en
zone constructible et pour partie en zone agricole, et bâtie d'une ferme
rénovée comportant plusieurs logements.

    Dans le cadre de la procédure de partage pendante devant le Président
du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, T., dont
le mari est exploitant agricole, a demandé l'attribution à la valeur de
rendement de l'ensemble des immeubles compris dans la succession de son
père. Elle a exposé que ces immeubles constituaient une entreprise agricole
dont elle et son mari avaient assuré l'exploitation depuis de nombreuses
années, respectivement qu'ils constituaient le centre de l'exploitation
de tout leur domaine agricole, qui incluait d'autres terres apportées ou
prises à bail par son mari. Le 3 avril 2001, le Président du Tribunal
d'arrondissement a imparti au conseil de T. un délai de trente jours
"pour saisir la Commission foncière rurale de la manière dont il l'entend".

    Par requête du 2 mai 2001, T. a demandé à la Commission foncière
rurale, section I, de constater qu'avec les immeubles exploités par son
mari, les immeubles de la succession constituaient une entreprise agricole
(I), de constater qu'elle était fondée à en obtenir l'attribution à leur
valeur de rendement, subsidiairement au double de cette valeur (II),
et de fixer la valeur de rendement des parcelles en cause (III).

    Par décision du 28 septembre 2001, la Commission foncière rurale,
se fondant notamment sur une expertise qu'elle avait demandée d'office,
a constaté que les immeubles de la succession ne constituaient pas une
entreprise agricole au sens de l'art. 7 de la loi fédérale du 4 octobre
1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11) et n'étaient par
conséquent pas soumis à l'interdiction de partage matériel. Elle a en outre
fixé la valeur de rendement de la surface en nature de prés-champs des
immeubles de la succession et celle des bâtiments édifiés sur la parcelle
no x. Pour le surplus, elle a considéré que seul le juge du partage était
compétent pour statuer sur l'objet de la conclusion II de la requête.

    Par arrêt du 28 août 2002 rendu sur recours de T., le Tribunal
administratif du canton de Vaud a réformé la décision de la Commission
foncière rurale en ce sens qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de
la requête du 2 mai 2001 tendant à faire constater d'une part l'existence
d'une entreprise agricole et d'autre part la faculté d'en obtenir
l'attribution à la valeur de rendement ou au double de cette valeur. Il
a par ailleurs annulé la fixation de la valeur de rendement et renvoyé
la cause à la Commission foncière rurale pour nouvelle décision sur ce
point dans le sens des considérants.

    S'agissant de l'irrecevabilité des conclusions en constatation de
l'existence d'une entreprise agricole - seul point litigieux devant le
Tribunal fédéral - ainsi que de la faculté d'en obtenir l'attribution à la
valeur de rendement ou au double de cette valeur, le Tribunal administratif
a considéré que seul le juge du partage était compétent pour trancher la
question de savoir "s'il existe une entreprise agricole imputable sur la
part d'un héritier exploitant ou si un héritier a droit à l'attribution
d'un immeuble agricole", tandis que le rôle de la Commission foncière
rurale se bornait à estimer la valeur de rendement. Selon le Tribunal
administratif, la Commission foncière rurale était certes habilitée par
l'art. 84 LDFR à rendre des décisions de constatation, notamment sur le
point de savoir si une entreprise ou un immeuble agricole était soumis à
l'interdiction de partage matériel, ce qui impliquait de statuer à titre
préalable sur l'existence d'une telle entité agricole. Toutefois, elle
n'intervenait alors qu'en sa qualité d'autorité cantonale compétente en
matière d'autorisation au sens de l'art. 83 al. 1 LDFR, dans les seules
causes susceptibles d'être examinées en vertu des dispositions de droit
public de la LDFR; en revanche, pour les causes relevant du droit privé
- ainsi lorsqu'il était question de l'exercice d'un droit de préemption
ou, comme en l'espèce, du droit à l'attribution dans une succession -,
le juge civil était seul compétent.

    Le Tribunal fédéral admet le recours de droit administratif formé
par D. contre l'arrêt du Tribunal administratif.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.  La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir violé le
droit fédéral en déclarant irrecevables les conclusions en constatation
de l'existence d'une entreprise agricole pour le motif que seul le juge
du partage était compétent pour trancher cette question.

    2.1  Aux termes de l'art. 84 LDFR, celui qui y a un intérêt légitime
peut en particulier faire constater par l'autorité compétente en matière
d'autorisation si : (a) une entreprise ou un immeuble agricole est soumis
à l'interdiction de partage matériel, à l'interdiction de morcellement,
à la procédure d'autorisation ou au régime de la charge maximale;
(b) l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole peut être
autorisée.

    L'utilisation des termes "en particulier" ne laisse aucun doute sur le
fait que cette énumération n'est pas exhaustive. La doctrine admet que, de
manière générale, toutes les causes susceptibles d'être examinées en vertu
des dispositions de droit public de la LDFR peuvent faire l'objet d'une
décision de constatation au sens de l'art. 84 LDFR; s'y ajoutent toutes les
questions en rapport avec le champ d'application à raison du lieu (art. 2-5
LDFR), comme par exemple la question de savoir si un bien-fonds est (ou
non) assujetti à la LDFR (BEAT STALDER, Le droit foncier rural, Commentaire
de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg
1998 [ci-après: Commentaire LDFR], n. 4 ad art. 84 LDFR; REINHOLD HOTZ,
Verfahrensrechtliche Probleme bei der Konkretisierung allgemeiner Begriffe
des bäuerlichen Bodenrechts [ci-après: Verfahrensrechtliche Probleme],
in Communications de droit agraire 2001 p. 67 ss, n. 9.2 p. 76).

    Peuvent également faire l'objet d'une décision de constatation les
notions définies aux articles 6 à 10 LDFR : il est ainsi possible de
faire constater s'il s'agit (ou non) d'un immeuble agricole au sens de
l'art. 6 LDFR ou d'une entreprise agricole au sens de l'art. 7 LDFR,
ou si une personne remplit (ou non) les conditions d'une exploitation à
titre personnel conformément à l'art. 9 LDFR (STALDER, Commentaire LDFR,
n. 4 ad art. 84 LDFR; HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 9.2 p. 76).

    En revanche, les questions de droit privé - comme par exemple celle
de savoir s'il y a cas de préemption ou si les conditions personnelles
et objectives de l'exercice du droit de préemption ou du droit à
l'attribution sont remplies - ne peuvent pas faire l'objet d'une décision
de constatation au sens de l'art. 84 LDFR et doivent être tranchées par
le juge civil (STALDER, Commentaire LDFR, n. 5 ad art. 84 LDFR; HOTZ,
Verfahrensrechtliche Probleme, n. 9.3 p. 76).

    2.2  Les dispositions générales de la LDFR définissent quatre notions
- celles de l'immeuble agricole (art. 6 LDFR), de l'entreprise agricole
(art. 7 et 8 LDFR), de l'exploitation à titre personnel (art. 9 LDFR) et
de la valeur de rendement (art. 10 LDFR) - qui sont utilisées de manière
uniforme dans l'ensemble de la loi, aussi bien dans ses dispositions de
droit public que dans celles de droit privé (HOTZ, Verfahrensrechtliche
Probleme, n. 10.1 p. 77; Message du Conseil fédéral à l'appui du projet
de loi fédérale sur le droit foncier rural, FF 1988 III 889 ss, 903). Il
se pose dès lors la question de savoir qui, des tribunaux civils ou des
autorités administratives respectivement des tribunaux administratifs,
va concrétiser dans le cas d'espèce ces notions générales lorsqu'elles
sont utilisées dans des dispositions de droit privé de la loi (HOTZ,
Verfahrensrechtliche Probleme, n. 10.2 p. 77 et n. 16.1 p. 83).

    Les dispositions de droit privé de la LDFR règlent, selon l'intitulé
du titre deuxième de cette loi, les restrictions de droit privé dans
les rapports juridiques concernant les entreprises et les immeubles
agricoles: dans le partage successoral, dans la fin de la propriété
collective fondée sur un contrat et dans les contrats d'aliénation (HOTZ,
Verfahrensrechtliche Probleme, n. 16.2 p. 83). Toutefois, ces restrictions
de droit privé, tout comme les restrictions de droit public figurant au
titre troisième de la LDFR, ont été édictées en vue d'atteindre les buts
mentionnés à l'art. 1 LDFR (BENNO STUDER, Commentaire LDFR, remarques
préalables aux articles 11-27 LDFR), dans l'idée que ces buts, d'intérêt
public, ne sont pas - ou ne sont qu'insuffisamment - réalisés par le droit
ordinaire (HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 16.2 p. 83; le même,
Commentaire LDFR, n. 1 ad art. 1 LDFR). Ainsi, qualifier dans un cas
d'espèce un bien-fonds d'immeuble agricole au sens de l'art. 6 LDFR ou
une exploitation d'entreprise agricole au sens de l'art. 7 LDFR revient
à déterminer s'il faut ou non, dans l'intérêt public, les soumettre aux
restrictions (de droit public et privé) prévues par la LDFR; de même,
constater concrètement qu'une personne remplit (ou non) les critères
de l'exploitation à titre personnel au sens de l'art. 9 LDFR revient
à résoudre la question, de politique foncière, de savoir s'il est dans
l'intérêt public que cette personne en particulier puisse acquérir une
entreprise agricole à la valeur de rendement (HOTZ, Verfahrensrechtliche
Probleme, n. 11.4 p. 78, 12.2 p. 79, 13.3 p. 81 et 16.6 p. 84).

    Il s'ensuit que lorsqu'un tribunal civil, appelé à trancher des
questions qui relèvent en principe du droit privé, concrétise des notions
générales de la LDFR - à l'exception de la valeur de rendement, qui,
en vertu de l'art. 87 LDFR, est fixée dans tous les cas par l'autorité
administrative, d'une manière qui lie le juge civil (Message précité
du Conseil fédéral, FF 1988 III 999; EDUARD HOFER, Commentaire LDFR,
n. 2 ad art. 87 LDFR; HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 14.4 p. 82
et n. 18.2 p. 86) -, il remplit une tâche de droit public en tant qu'il
répond à des questions de politique agraire et foncière qui relèvent de
l'intérêt public (HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 16.7 p. 85). En
même temps, dès lors que cette concrétisation ressortit au droit public,
elle peut, sans réserve, faire l'objet d'une décision de constatation au
sens de l'art. 84 LDFR (HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 17.1 et
17.2 p. 85 s.), conformément au principe général exposé plus haut (cf.
consid. 2.1 supra).

    2.3  Il convient par conséquent d'examiner comment les compétences
concurrentes du juge civil et de l'autorité administrative pour concrétiser
les notions générales de la LDFR - à l'exception de la valeur de rendement,
toujours fixée par l'autorité administrative - doivent s'articuler
entre elles.

    Généralement, la décision du juge civil qui aura nécessité la
concrétisation de notions générales de la LDFR devra de toute manière
être suivie par une décision de l'autorité administrative compétente en
matière d'autorisation, avec le risque de décisions contradictoires. Ainsi,
par exemple, le fermier qui obtient gain de cause devant le juge civil en
ce qui concerne l'exercice de son droit de préemption sur une entreprise
agricole, ce qui aura nécessité la concrétisation des notions d'entreprise
agricole et d'exploitation à titre personnel (cf. art. 47 al. 1 LDFR),
devra encore obtenir de l'autorité administrative l'autorisation d'acquérir
(art. 61 LDFR; HOTZ, Commentaire LDFR, n. 26 ad art. 47 LDFR; STALDER,
Commentaire LDFR, n. 20 ad art. 62 LDFR), ce qui impliquera une nouvelle
concrétisation de ces notions (cf. art. 63 al. 1 let. a LDFR). De même,
dans un cas tel que la présente espèce, où le juge civil doit notamment
concrétiser la notion d'entreprise agricole (cf. art. 11 al. 1 LDFR), si le
procès successoral aboutit à un partage matériel, l'autorité administrative
appelée à statuer sur l'interdiction de partage matériel devra à son tour
concrétiser la notion d'entreprise agricole (cf. art. 58 al. 1 LDFR).

    Or, si l'on admet que la concrétisation des notions générales de
la LDFR, ressortissant au droit public (cf. consid. 2.2 supra), est
naturellement de la compétence matérielle de l'autorité administrative et
que, dans un procès civil, elle ne constitue qu'une question préjudicielle
de droit public (HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 18.2 p. 86
s.), l'autorité administrative matériellement compétente n'est pas liée
par la décision préjudicielle du juge civil (cf. ULRICH HÄFELIN/GEORG
MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4e éd., 2002, n. 69), de sorte
que le risque de décisions contradictoires est réel. C'est pourquoi,
même si le juge civil est habilité à concrétiser à titre préjudiciel les
notions générales de la LDFR - à l'exception susmentionnée de la valeur de
rendement - tant que l'autorité administrative matériellement compétente
n'a pas statué (HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 18.2 p. 86 s.),
il apparaît préférable, dans le cas où une partie au procès civil a
saisi l'autorité administrative d'une demande de constatation portant
sur la concrétisation dans le cas d'espèce d'une notion générale de la
LDFR qui est pertinente pour l'issue du procès civil, que le juge civil
suspende la procédure jusqu'à la décision sur la demande de constatation
(HOTZ, Verfahrensrechtliche Probleme, n. 18.3 p. 87). Cela permet en
effet d'éviter des décisions contradictoires, puisque le juge civil est
alors en principe lié par la décision de l'autorité administrative (HOTZ,
Verfahrensrechtliche Probleme, n. 18.2 p. 86), laquelle est en principe
elle-même liée par sa propre décision dans le cadre d'une procédure
d'autorisation subséquente (STALDER, Commentaire LDFR, n. 9 ad art. 84
LDFR).

    En tout cas, l'autorité administrative saisie de conclusions en
constatation portant sur la concrétisation de notions générales de
la LDFR qui sont pertinentes pour l'issue d'un procès civil pendant
ne saurait déclarer de telles conclusions irrecevables pour le motif
qu'elles relèveraient de la seule compétence du juge civil. Le Tribunal
administratif a ainsi erré en déclarant irrecevables les conclusions en
constatation de l'existence d'une entreprise agricole pour le motif que
seul le juge saisi de la procédure de partage pendante était compétent
pour trancher cette question. (...)