Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 V 34



128 V 34

7. Arrêt dans la cause Office de l'assurance-invalidité du canton de
Genève contre S. et Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI,
Genève I 321/01 du 27 février 2002

Regeste

    Art. 8 Abs. 2, Art. 18 und 70 Abs. 2 BV: Übersetzung des Gutachtens
einer Medizinischen Abklärungsstelle der Invalidenversicherung (MEDAS)
in die Amtssprache des Kantons. Im Hinblick auf das sprachliche
Territorialitätsprinzip (Art. 70 Abs. 2 BV) ist es durchaus zulässig,
dass die kantonale Beschwerdeinstanz von der IV-Stelle eine Übersetzung
eines (vorliegend in italienischer Sprache verfassten) MEDAS-Gutachtens
in die Amtssprache des Kantons (französisch) verlangt.

Sachverhalt

    A.- L'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après:
l'office AI) a, le 22 septembre 1998, refusé d'allouer à S., ressortissant
portugais domicilié à Genève, les prestations qu'il demandait.

    Saisie d'un recours du prénommé contre cette décision, la Commission
cantonale de recours en matière d'AVS-AI-APG du canton de Genève (ci-après:
la commission) l'a annulée par jugement du 2 juillet 1999 et a renvoyé
la cause à l'office AI pour expertise médicale.

    Dans le cadre de cette instruction complémentaire, l'assuré a
été examiné par les médecins du Centre d'observation médicale de
l'assurance-invalidité de Bellinzone (ci-après: COMAI). En date du
4 novembre 1999, le COMAI a rendu son rapport, rédigé en italien et
accompagné de trois rapports psychiatrique, orthopédique et neurologique,
également en italien.

    Le 14 février 2000, S. a requis de l'office AI une traduction dudit
rapport, ce qui lui a été refusé par courrier du 31 mars 2000. En réponse,
l'assuré a précisé que le refus de traduire le document en question
l'empêchait de faire valoir son droit d'être entendu, dans la mesure où,
ne comprenant pas l'italien, il ne lui était pas possible de se déterminer.

    Par décision du 8 mai 2000, l'office AI a derechef rejeté la demande
de prestations. Se fondant sur l'expertise du COMAI, il a retenu que S.
disposait d'une capacité résiduelle de travail de 75% dans sa profession
de maçon, ce qui entraînait, par comparaison avec le revenu obtenu sans
invalidité, une perte de gain de "l'ordre de 27%", insuffisante pour
ouvrir le droit à une rente.

    B.- Se plaignant notamment d'une violation de son droit d'être entendu,
l'assuré a formé recours contre la décision du 8 mai 2000

devant la commission. Statuant en la voie incidente, la juridiction
cantonale a, par décision du 23 avril 2001, imparti un délai à l'office
AI "afin de faire procéder à ses frais à la traduction de l'expertise du
COMAI en langue française".

    C.- L'office AI interjette recours de droit administratif contre
cette décision dont il demande l'annulation, en concluant à ce que la
cause soit renvoyée à la commission pour jugement sur le fond.

    S. conclut, avec suite de dépens, à la confirmation de la décision
attaquée; il sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire.

    L'Office fédéral des assurances sociales préavise pour l'admission
du recours.

    Interpellées par le juge délégué, les parties ont procédé à un second
échange d'écritures et elles ont chacune maintenu leurs conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) La décision déférée au Tribunal fédéral des assurances, par
laquelle les premiers juges ordonnent au recourant de faire traduire
en français, à ses frais, le rapport d'expertise établi par le COMAI en
italien, ne tranche pas définitivement une question de droit matériel. Elle
ne statue pas davantage sur les droits des parties, mais porte sur un point
de procédure, de sorte qu'il s'agit d'une décision incidente. Le recours de
droit administratif n'est donc recevable - séparément d'avec le fond - que
si la décision attaquée, entre autres conditions, peut causer un préjudice
irréparable au recourant (art. 97 al. 1 et 128 OJ en corrélation avec
les art. 5 al. 2 et 45 PA; ATF 126 V 246 consid. 2a et les références).
S'agissant d'un recours de droit administratif, la jurisprudence admet
cependant qu'il suffit que le recourant ait un intérêt digne de protection
à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF
126 V 246 consid. 2a et les références). Un intérêt de nature juridique
n'est pas exigé; un simple intérêt économique peut aussi être digne de
protection (ATF 125 II 620 consid. 2a, 120 Ib 100 consid. 1c).

    b) Dans le cas particulier, l'exigence d'un intérêt digne de protection
est remplie, dans la mesure où le recourant pourrait être amené à faire
traduire le rapport d'expertise médicale en question. Cela supposerait
le recours éventuel à un traducteur spécialisé dans le domaine médical
et serait donc susceptible d'occasionner des frais assez importants,
dès lors que ledit rapport comporte quatorze pages et trois annexes,
de deux à trois pages chacune. La situation est à cet égard différente
de celle qui prévalait dans un arrêt non publié B. du

28 septembre 1988, I 239/88, où il s'agissait, pour la Caisse suisse
de compensation de produire une prise de position en allemand. En tant
qu'organisme trilingue, elle pouvait donner suite sans difficulté à
cette injonction, de sorte que l'existence d'un dommage irréparable avait
été niée.

Erwägung 2

    2.- a) Dans un arrêt rendu le 10 août 2001, publié aux ATF 127 V
219, le Tribunal fédéral des assurances, se fondant sur la garantie
constitutionnelle de la non-discrimination du fait notamment de la
langue (art. 8 al. 2 Cst.) et la liberté de la langue (art. 18 Cst.),
a jugé que, sauf exception justifiée pour des raisons objectives, il y a
lieu en principe de donner suite à la demande d'un assuré de désigner un
Centre d'observation médicale où l'on s'exprime dans l'une des langues
officielles de la Confédération qu'il maîtrise. A défaut, l'intéressé a
le droit non seulement d'être assisté par un interprète lors des examens
médicaux mais encore d'obtenir gratuitement une traduction du rapport
d'expertise du COMAI (ATF 127 V 226 consid. 2b/bb).

    b) En l'espèce, le problème se présente différemment dès lors que c'est
la juridiction cantonale qui, dans sa décision incidente, a ordonné au
recourant de fournir une traduction en français d'un rapport du COMAI. Il
faut donc se placer du point de vue des relations entre l'autorité
judiciaire et le justiciable; sous cet angle, la portée du principe de la
liberté de la langue est nuancée par les principes constitutionnels de la
langue officielle et de la territorialité des langues (art. 70 al. 2 Cst.).

    aa) D'après la jurisprudence rendue sous l'empire de la Constitution de
1874, la liberté de la langue faisait partie des libertés non écrites de
la Constitution fédérale. Elle garantit l'usage de la langue maternelle,
ou d'une autre langue proche, voire de toute langue de son choix. Lorsque
cette langue est en même temps une langue nationale, son emploi était
en outre protégé par l'art. 116 al. 1 aCst. Dans les rapports avec les
autorités toutefois, la liberté de la langue est limitée par le principe de
la langue officielle. En effet, sous réserve de dispositions particulières
(par exemple les art. 5 par. 2 et 6 par. 3 let. a CEDH), il n'existe en
principe aucun droit à communiquer avec les autorités dans une autre langue
que la langue officielle. Celle-ci est elle-même liée au principe de la
territorialité, au sens où elle correspond normalement à la langue qui
est parlée dans le territoire concerné. Ces principes ont été formalisés
dans la Constitution de 1999, notamment aux art. 18 et 70 (sur ces divers
points: ATF 127 V 225 consid. 3b/aa et les références citées).

    bb) Le principe de la territorialité des langues a pour conséquence
que les parties doivent s'adresser aux autorités judiciaires cantonales
dans la langue officielle du canton (ATF 108 V 208; RDAT 1993 II no
78 p. 215; MARCO BORGHI, Langues nationales et langues officielles,
in: THÜRER/AUBERT/MÜLLER [éd.], Droit constitutionnel suisse, Zurich
2001, § 37 ch. 39; en ce qui concerne la procédure administrative dans
le domaine de l'assurance-invalidité: STÉPHANE BLANC, La procédure
administrative en assurance-invalidité, thèse Fribourg 1999, p. 125
sv.). Selon la jurisprudence, dans les relations avec ses autorités, les
cantons peuvent imposer leur langue officielle comme langue judiciaire et
exiger la traduction des actes de procédure rédigés dans une autre langue,
fût-elle l'une des langues officielles de la Confédération (SJ 1998 p. 312
consid. 3 et les références).

    Si dans le canton de Neuchâtel par exemple, la jurisprudence cantonale
considère que l'exigence du dépôt d'une traduction littérale et rigoureuse
en langue française ne se justifie pas dans des cas simples (Recueil de
jurisprudence neuchâteloise [RJN] 1991 p. 230), il n'en va pas de même
à Genève où tout document soumis au juge doit être rédigé dans la langue
officielle ou accompagné d'une traduction dans cette langue; cette règle
vaut pour tous les écrits émanant directement du juge ou des parties,
ainsi que pour les pièces qu'elles produisent (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET,
Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, nos 2 et 3 ad art. 9;
BAUER/LÉVY, L'exception de traduction de pièces, in: SJ 1982 p. 50; voir
aussi l'art. 9 de la loi genevoise de procédure civile du 10 avril 1987
[LPC/GE; RSGE E 3 05]).

    Quoi qu'il en soit, l'importance de l'expertise ordonnée par l'office
AI comme moyen probatoire est telle que l'assuré a dans tous les cas le
droit d'en recevoir une copie et d'exprimer son opinion sur la façon dont
elle a été conduite et sur les faits et conclusions établis (ATF 127 V 223
consid. 1b; BLANC, op.cit., p. 143). Il s'agit d'une pièce essentielle du
dossier, qui est de nature à sceller le sort de la procédure. Il est donc
parfaitement admissible, au regard du principe de la territorialité, que
la juridiction cantonale en exige une traduction dans la langue officielle
du canton, en l'occurrence la langue française (cf. art. 9 LPC/GE).

    c) Quant aux arguments soulevés par le recourant, ils n'apparaissent
pas déterminants. Il en va ainsi de l'argumentation selon laquelle l'avocat
de l'intimé parlerait parfaitement l'italien, ce que celui-ci conteste
d'ailleurs. L'emploi de la langue officielle est un principe qui est dans
l'intérêt du plaideur tout autant que dans celui du tribunal.

    Au demeurant, une partie n'abuse pas de son droit si elle requiert
la traduction des pièces rédigées dans une langue qu'elle connaît
parfaitement (arrêt du Tribunal fédéral du 25 juin 1991 [5P.65/1991] en
la cause B. SA consid. 4a non publié dans la SJ 1991 p. 611, cité dans
la SJ 1998 p. 312 consid. 3). Cette jurisprudence s'impose à plus forte
raison quand c'est le mandataire qui connaît ou est censé connaître
la langue en question. On ne saurait de surcroît exiger d'un avocat
qu'il établisse à l'intention de son client une traduction littérale
d'un rapport d'expertise médicale. D'autre part, le médecin traitant ou
un autre médecin consulté par l'assuré à son lieu de domicile doit, au
besoin, être en mesure de prendre position sur le rapport d'expertise,
afin que l'intéressé soit à même d'exercer utilement ses droits.

    Enfin, les considérations d'ordre pratique avancées par le recourant,
relatives à l'existence d'un seul COMAI en Suisse romande et au nombre
croissant des demandes d'expertises pluridisciplinaires, ne justifient
pas de s'écarter du principe, indiscutable, selon lequel les parties
doivent s'adresser aux autorités dans la langue officielle du canton.

    d) Il suit de ce qui précède que le recours est mal fondé. Dès lors,
il appartiendra aux premiers juges d'impartir au recourant un nouveau délai
pour produire une copie du rapport d'expertise du COMAI du 4 novembre 1999,
accompagnée d'une traduction française.

Erwägung 3

    3.- (Frais et dépens)