Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 V 236



128 V 236

38. Arrêt dans la cause Fondation de prévoyance en faveur du personnel
de la Visana contre R. et Tribunal administratif du canton de Genève

    B 32/01 du 24 septembre 2002

Regeste

    Art. 63 OR; Art. 47 Abs. 1 AHVG: Rückerstattung unrechtmässig bezogener
Leistungen im Bereich der Beruflichen Vorsorge. Mangels statutarischer oder
reglementarischer Regelung stützt sich die Forderung auf Rückerstattung
von Leistungen der beruflichen Vorsorge, welche eine Vorsorgeeinrichtung
zu Unrecht ausgerichtet hat, auf die Art. 62 ff. OR. Erstreckung der in
BGE 128 V 50 für die weitergehende Vorsorge entwickelten Grundsätze auf
den obligatorischen Bereich. Verjährungseinrede.

    Art. 2 Abs. 2 ZGB: Rechtsmissbräuchliche Verjährungseinrede. Bei länger
anhaltendem Schweigen des Schuldners während der Einigungsverhandlungen
muss der Gläubiger reagieren. Der Schuldner, der sich auf die Verjährung
einer Forderung beruft, handelt nicht rechtsmissbräuchlich, wenn sein
Verhalten für die verspätete Handlung des Gläubigers nicht mehr kausal ist.

Sachverhalt

    A.- a) R. a travaillé pour la société suisse d'assurances Grütli de
1982 à fin décembre 1992; il a été admis à la fondation de prévoyance en
faveur du personnel de l'entreprise le 1er novembre 1986. Le 7 avril 1993,
il a demandé le décompte et le versement de sa prestation de libre passage.

    Selon décompte adressé à l'intéressé le 28 avril 1993, les cotisations
versées par l'employé s'élevaient à 18'816 fr., celles de l'employeur
à 30'996 fr. et les intérêts à 5266 fr. 75, soit un capital de 55'078
fr. 75 au 31 décembre 1992. La créance de libre passage selon le règlement
s'élevait à 27'634 fr. 15, alors que l'avoir de vieillesse acquis LPP se
montait à 16'216 fr. 40. Le 29 avril 1993, la fondation a versé la somme
de 28'095 fr. sur le compte de libre passage de l'intéressé auprès de la
banque A.; le 29 novembre 1993, elle a versé 28'900 fr. 70 sur un compte
"libre passage" auprès de la banque B.

    b) Le 22 août 1994, la fondation a invité R. à lui restituer le
montant versé sur le compte de la banque B. Sans réponse et après de
vaines démarches auprès de cet établissement, elle lui a fait notifier
le 14 février 1995 un commandement de payer de 28'900 fr. 70, auquel
celui-ci a fait opposition.

    Afin de pouvoir entrer en matière sur la demande de restitution, R. a
invité la fondation le 31 mars 1995 à retirer le commandement de payer et à
lui fournir un décompte détaillé par année des salaires et des cotisations
pris en considération dans le calcul de la prestation de libre passage.

    Le 12 juin 1995, la fondation a adressé à R. un décompte détaillé du
calcul de la prestation de libre passage et l'a invité à lui rembourser le
montant réclamé. Celui-ci l'a avisée le 29 septembre 1995 que les documents
étaient hermétiques et que le détail des salaires pris en considération
dans le calcul de la prestation n'y figurait pas. Le 23 février 1996,
la fondation lui a transmis de nouveaux documents et l'a invité à prendre
position. Il s'en est suivi un échange de correspondance portant sur les
salaires pris en considération et la notification d'un nouveau commandement
de payer le 6 mai 1999, auquel R. forma derechef opposition.

    B.- Le 2 mai 2000, la fondation de prévoyance en faveur du personnel
de la Visana, successeur de la Grütli, a ouvert action contre R. devant le
Tribunal administratif du canton de Genève; elle a conclu, principalement
au payement de 28'900 fr. 70 plus intérêts à 4% dès le 1er janvier 1994
et de 90 fr. de frais de poursuite, ainsi qu'à la mainlevée définitive
de l'opposition à la poursuite du 6 mai 1999.

    R. s'est opposé à la demande en excipant de la prescription et en
contestant implicitement un enrichissement illégitime, sous l'angle des
salaires retenus dans le calcul de la prestation de libre passage.

    Par jugement du 6 mars 2001, le Tribunal administratif a rejeté
la demande.

    C.- La fondation de prévoyance en faveur du personnel de la Visana
interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle
demande l'annulation, en reprenant les conclusions formulées devant
l'instance inférieure.

    R. conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours,
ce que propose également l'Office fédéral des assurances sociales.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) La contestation en cause relève ratione materiae des autorités
juridictionnelles mentionnées à l'art 73 LPP. Malgré l'absence d'une
disposition légale expresse, le Tribunal fédéral des assurances est en
effet compétent pour trancher les questions touchant à la restitution
des prestations de prévoyance professionnelle en général (ATF 128 V
51 consid. 1a et la référence); le recours de droit administratif est
recevable de ce chef.

    b) Le litige porte sur la prétention de la recourante au remboursement
de 28'900 fr. 70 plus accessoires, au titre d'une prestation de libre
passage versée à tort. L'instance cantonale a rejeté la demande aux
motifs que le droit de répéter l'indu était prescrit et que l'intimé
pouvait s'en prévaloir sans commettre un abus de droit.

    Les prétentions litigieuses concernent la prévoyance professionnelle
obligatoire et plus étendue.

Erwägung 2

    2.- a) Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer l'indu se
fonde en premier lieu sur les dispositions spéciales qui la prévoient et,
à défaut, sur les règles générales de l'enrichissement illégitime au sens
des art. 62 à 67 CO (ATF 115 V 118 consid. 3b et les références).

    La LPP, qui se rapporte pour l'essentiel de ses dispositions à la
prévoyance professionnelle obligatoire (art. 49 al. 2 LPP), ne renferme
pas de norme relative à la restitution de prestations payées à tort par
une institution de prévoyance.

    A défaut de norme statutaire ou réglementaire, la demande de
restitution de prestations de la prévoyance professionnelle plus étendue
versées à tort par une institution de prévoyance se fonde sur les art. 62
ss CO, notamment l'art. 63 al. 1 CO (ATF 128 V 52 consid. 3a); en revanche,
dans la prévoyance obligatoire, la question de savoir s'il y a lieu de
faire application de l'art. 47 LAVS, considéré comme l'expression d'un
principe de portée générale, ou s'il convient d'appliquer également les
règles du CO (ATF 115 V 118 consid. 3b) à une prétention en restitution
de l'indu, a été laissée ouverte.

    b) Les prétentions de la recourante touchant à la prévoyance
professionnelle obligatoire et plus étendue, il convient donc d'examiner
la prétention en restitution dans le domaine de la prévoyance obligatoire.

    L'application de l'art. 47 LAVS ou des art. 63 ss CO n'est pas
indifférente quant au sort des prétentions de la recourante. Outre la base
du remboursement de la prestation obligatoire, les deux systèmes divergent
sur l'étendue de la restitution: limitée, sauf dessaisissement de mauvaise
foi, à l'enrichissement encore présent chez le débiteur lors de la demande,
conformément à l'art. 64 CO, l'obligation de restituer peut être remise
si le débiteur est de bonne foi et dans une situation difficile selon
les art. 47 LAVS et 79 RAVS. Sous cet angle, aucune des solutions n'est
totalement satisfaisante (ROMAN SCHNYDER, Das nichtstreitige Verfahren in
Versicherungsfällen der obligatorischen und der erweiterten beruflichen
Vorsorge, thèse Fribourg 1994, p. 170 ss).

    L'art. 47 LAVS, comme fondement de l'obligation de restituer des
prestations versées à tort, s'applique dans la plupart des branches
du droit des assurances sociales, soit qu'elles renvoient expressément
à cette disposition, soit qu'elles contiennent une règle analogue. La
transposition de l'art. 47 LAVS dans la prévoyance professionnelle apparaît
toutefois difficile, car son application suppose entre le créancier et le
débiteur un rapport d'autorité, inconnu de la LPP, permettant au premier
d'exiger du second, par voie de décision, qu'il exécute son obligation
(ATF 115 V 118 consid. 3b déjà cité).

    A cet obstacle concret, militant pour l'application des règles
relatives à l'enrichissement illégitime (art. 62 ss CO), dans la prévoyance
obligatoire, s'ajoute la récente jurisprudence instaurant, à défaut de
norme réglementaire ou statutaire, l'application de ces mêmes règles au
remboursement de prestations de la prévoyance plus étendue versées à tort
(ATF 128 V 52 consid. 3a susmentionné). En effet, un traitement identique
de la même problématique, dans la prévoyance obligatoire et dans la
prévoyance plus étendue, apparaît souhaitable (SCHNYDER, op. cit., p. 173).

    Une différence de traitement dans le remboursement de prestations
versées à tort, selon qu'elles ressortissent à la première ou à la seconde,
n'apparaît pas justifiée par une raison objective, sauf à considérer
que l'art. 47 LAVS est un principe général dont l'application ne souffre
aucune exception dans le domaine des assurances sociales régies par le
droit fédéral. A cet égard cependant, l'art. 25 LPGA, qui reprend la
teneur de l'art. 47 LAVS et qui s'appliquera, dès l'entrée en vigueur de
la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales,
à la restitution des prestations indûment touchées, ne trouvera pas
application dans la prévoyance professionnelle.

    En définitive, les arguments militent pour l'application dans la
prévoyance obligatoire des règles dégagées par la Cour de céans relatives à
la restitution de prestations de la prévoyance plus étendue versées à tort.

    c) Aucune disposition statutaire ou réglementaire de la recourante ne
règle les modalités de la restitution de prestations versées à tort. Les
règles relatives à l'enrichissement illégitime (art. 62 ss CO) s'appliquent
donc à la prétention de l'institution de prévoyance au remboursement de
28'900 fr. 70 plus accessoires.

Erwägung 3

    3.- Le point de savoir si les conditions d'une répétition de l'indu
(art. 63 al. 1 CO) sont remplies peut demeurer indécis. En effet,
l'exception de prescription soulevée par le débiteur doit être admise.

    a) En vertu de l'art. 67 al. 1 CO, l'action pour cause d'enrichissement
illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée
a eu connaissance de son droit de répétition, et, dans tous les cas,
par dix ans dès la naissance de ce droit.

    b) La recourante a eu connaissance (sur ce point, cf. ATF 127 III
427 consid. 4b) du versement litigieux au plus tard le 22 août 1994,
date à laquelle elle a informé l'intimé qu'elle avait versé deux fois
par erreur le montant de la prestation de libre passage. Au regard de
l'art. 135 ch. 2 CO, la prescription annale a été interrompue valablement
le 14 février 1995 par la notification d'un commandement de payer, mais
elle était acquise le 15 février 1996, faute d'un nouvel acte interruptif
de prescription avant cette date. Le droit de répéter l'indu est dès lors
prescrit et ni la notification d'un commandement de payer le 6 mai 1999,
ni la demande en justice du 2 mai 2000, ne peuvent y remédier.

Erwägung 4

    4.- Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé a commis un
abus de droit en invoquant le moyen de la prescription.

    a) Selon la doctrine et la jurisprudence, le débiteur commet un
abus de droit (art. 2 al. 2 CC) en se prévalant de la prescription,
non seulement lorsqu'il amène astucieusement le créancier à ne pas
agir en temps utile, mais aussi, lorsque sans mauvaise intention, il a
un comportement qui incite le créancier à renoncer à entreprendre des
démarches juridiques pendant le délai de prescription et que, selon une
appréciation raisonnable, fondée sur des critères objectifs, ce retard
apparaît compréhensible (ATF 113 II 269 consid. 2e et les références). Des
considérations du même ordre se déduisent, en droit public, du principe
de la bonne foi (ATF 116 Ib 398 consid. 4e et 116 II 431 consid. 2).

    Le débiteur aura - alors que le délai courait encore - déterminé le
créancier à attendre (ATF 113 II 269 consid. 2e précité). L'abus de droit
ne consiste pas dans le comportement du débiteur qui incite le créancier
à ne pas entreprendre de démarches juridiques, mais dans le fait que
le débiteur ayant eu ce comportement se prévale de la prescription (ATF
83 II 93 ss; ALFRED KOLLER, Verjährung von Versicherungsansprüchen, in:
Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung 1993, St. Gallen 1993, p. 34
note 114). Le simple écoulement du temps pendant le délai de prescription
ne peut être interprété ni comme une renonciation à la prétention,
ni comme son exercice abusif (ATF 110 II 273). Pour admettre un abus
de droit, il faut que le comportement du débiteur soit en relation
de causalité avec le retard à agir du créancier (STEPHEN V. BERTI,
Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch [Commentaire zurichois],
Obligationenrecht, Das Erlöschen der Obligationen: Art. 127-142 OR, 3ème
édition, Zurich 2002, no 33 et 34 ad art. 142 CO). Lors de pourparlers, le
créancier doit réagir en cas de silence prolongé du débiteur. Selon KARL
SPIRO (Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs-
und Fatalfristen, Vol. I: Die Verjährung der Forderungen, Berne 1975,
p. 248 ss § 108 et 109), le temps de réaction dépend des circonstances,
mais il ne saurait dépasser le délai de prescription applicable en cas
d'interruption de la prescription.

    b) Ainsi que cela ressort du dossier, le comportement de l'intimé
a incité la recourante à renoncer à entreprendre d'autres démarches
juridiques pendant le délai de prescription et jusqu'en mai 1996. Sommé
par l'institution de prévoyance de prendre position, celui-ci, dans
sa réponse du 25 mai 1996, n'a pas pris position. Il s'en est suivi un
silence prolongé du débiteur. La créancière n'a pas réagi jusqu'au 12
mai 1998, date à laquelle elle a envoyé à l'intimé un nouveau décompte et
fixé un délai pour le remboursement. Il y a eu ensuite un nouveau rappel,
la notification d'un commandement de payer le 6 mai 1999 et l'ouverture
de l'action.

    L'astuce du débiteur n'est pas en cause. L'analyse du retard
compréhensible, selon une appréciation raisonnable fondée sur des critères
objectifs, doit permettre des exceptions à la règle absolue du délai de
prescription préconisée par Spiro. En l'espèce, il n'existe cependant
aucun élément objectif qui permette de retenir un abus de droit de la
part de l'intimé. Le retard à agir de la recourante dès le 25 mai 1996,
pendant près de deux ans jusqu'à la lettre du 12 mai 1998 et près de
trois ans jusqu'à la notification du commandement de payer du 6 mai 1999,
n'apparaît pas compréhensible. Il n'est en tous les cas plus causé par
le comportement de l'intimé. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.

Erwägung 5

    5.- L'intimé, qui obtient gain de cause, est avocat. Selon la
jurisprudence (ATF 110 V 132; VSI 2000 p. 337 consid. 5 non publié aux ATF
125 V 408), l'avocat qui agit dans sa propre cause peut exceptionnellement
prétendre une indemnité pour l'activité personnelle qu'il a déployée ainsi
que pour sa perte de temps ou de gain. Ces conditions, qui doivent être
remplies cumulativement, ne sont pas remplies dans le cas d'espèce. En
effet, il ne s'agit pas d'une affaire complexe portant sur un objet
litigieux élevé et nécessitant beaucoup de temps.