Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 I 273



128 I 273

26. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause A. contre
X. et Cour de justice du canton de Genève (recours de droit public)

    4P.154/2002 du 17 septembre 2002

Regeste

    Gerichtsstandsvereinbarung. Verfahrenssprache; Aktenübersetzung
(Art. 9 und 30 Abs. 2 BV; Art. 9 ZPO/GE).

    Die Pflicht der Parteien, sich beim Prozessieren vor Genfer Gerichten
der französischen Amtssprache zu bedienen, schliesst auch diejenige ein,
eine Übersetzung der ins Recht gelegten und in einer anderen Sprache
abgefassten Dokumente einzureichen. Tragweite der letzteren Pflicht,
namentlich soweit sie eine Gerichtsstandsvereinbarung betrifft (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Par contrat du 4 mars 1988, la Banque X.  (ci-après: la banque)
a accordé à A. (ci-après: l'emprunteur) un prêt de 450'000 fr. garanti
par des cédules hypothécaires, qui était destiné à l'acquisition, sous
le régime de la propriété par étages, d'un appartement et d'une place de
parking dans l'immeuble sis à "Y." (Berne). L'emprunteur a signé, le 30
mars 1988, les conditions générales de la banque, incorporées au contrat,
qui prévoyaient, juste au-dessus de la signature, dans une clause mise en
évidence par un large trait marginal, que le for exclusif était à Spiez
(Berne), la banque se réservant toutefois le droit d'agir au domicile du
client ou de tout autre for compétent.

    Ce contrat de prêt a été remplacé par un autre contrat portant sur la
même somme, signé par les parties le 14 août 1989, qui indiquait, juste
au-dessus des signatures, que les conditions générales de la banque étaient
applicables, en particulier le for à Spiez, cette dernière mention étant
soulignée. A la même date, l'emprunteur a signé également les conditions
générales contenant, comme déjà indiqué, la clause de prorogation de for
en faveur des tribunaux de Spiez.

    Ce contrat a été modifié derechef par un nouveau contrat, portant
sur la même somme, signé par l'emprunteur le 18 avril 1991, qui indique
que les conditions générales sont applicables et que le for est à Berne,
cette dernière mention étant soulignée.

    La banque a accordé à l'emprunteur un autre prêt de 200'000 fr.,
garanti par une cédule hypothécaire; il a été également précisé que les
conditions générales de la banque étaient applicables.

    B.- En raison de difficultés financières, l'emprunteur a cessé de
payer les intérêts dus à la banque. Cette dernière a donc demandé le
remboursement des prêts.

    N'ayant pas obtenu satisfaction, elle a poursuivi son débiteur en
réalisation des gages immobiliers.

    La vente aux enchères n'ayant pas fourni des résultats suffisants,
la banque a reçu deux certificats d'insuffisance de gages.

    Sur cette base, la banque a fait notifier à son débiteur un
commandement de payer qui a été frappé d'opposition. La mainlevée
provisoire a été prononcée.

    L'emprunteur a alors déposé devant les tribunaux genevois une
action en libération de dette. D'entrée de cause, la banque a soulevé
une exception d'incompétence des tribunaux genevois, en invoquant les
clauses de prorogation de for précitées. Les conditions générales et les
contrats produits étant rédigés en allemand, l'emprunteur a fait valoir
que la banque aurait dû faire traduire en français l'intégralité de ces
documents et non pas seulement - comme elle l'a fait - les clauses de
prorogation de for.

    Par jugement du 8 novembre 2001, le Tribunal de première instance du
canton de Genève, considérant que les parties avaient valablement conclu
des clauses de prorogation de for excluant la compétence des tribunaux
genevois, a déclaré la demande irrecevable.

    Statuant sur appel de l'emprunteur le 17 mai 2002, la Chambre civile de
la Cour de justice a confirmé ce jugement avec suite de dépens. Relevant
que l'emprunteur n'était pas de bonne foi, parce qu'il avait lui-même
produit sans les traduire des pièces en allemand et qu'il n'avait jamais
prétendu ne pas comprendre les documents qu'il signait, la cour cantonale
a estimé que la traduction des passages pertinents était suffisante en
regard des exigences du droit cantonal.

    C.- A. a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral. Il
y invoque une violation arbitraire de l'art. 9 de la loi genevoise de
procédure civile, relatif à la langue du procès, et conclut à l'annulation
de l'arrêt attaqué.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.

    2.1  En l'espèce, l'unique grief constitutionnel invoqué est
l'interdiction de l'arbitraire.

    Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst.,
ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral
n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement
insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation
de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour
cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit
insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans
son résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125 I 166
consid. 2a; 124 I 247 consid. 5 p. 250; 124 V 137 consid. 2b).

    Lorsque - comme c'est le cas en l'espèce -, la partie recourante
invoque une violation arbitraire du droit cantonal, elle doit indiquer
avec précision quelle est la disposition cantonale qui aurait été violée
et l'examen se limite à cette question (ATF 110 Ia 1 consid. 2a).

    2.2  Le recourant invoque une violation arbitraire de l'art. 9 de la
loi genevoise de procédure civile (ci-après: LPC).

    Selon cette disposition, "les parties procèdent en langue française".

    Le droit cantonal oblige donc les parties à s'exprimer - que ce soit
par écrit ou oralement - devant le juge genevois en langue française. La
jurisprudence a toujours appliqué cette règle strictement lorsqu'il s'agit
des écritures ou plaidoiries des parties (arrêt 5P.63/1997 du 25 avril
1997, consid. 3, publié in SJ 1998 p. 312).

    Il a été admis que cette règle entraînait aussi l'obligation pour
les parties de fournir une traduction des documents qu'elles produisent à
l'appui de leur argumentation et qui sont libellés dans une autre langue
(BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure
civile du canton de Genève, n. 3 ad art. 9 LPC). Toutefois, l'obligation
de traduire en français les pièces produites en langue étrangère est
interprétée de manière moins rigoureuse que l'obligation faite aux parties
de s'exprimer en français devant le juge. Avant l'adoption du principe
consacré à l'art. 9 LPC, la jurisprudence cantonale avait déjà été
confrontée au problème d'une traduction partielle; il a été admis qu'il
suffisait que les passages pertinents soient traduits, pour autant que
la traduction ne soit pas contestée et qu'il ne soit pas allégué que des
passages non traduits contredisent ceux qui l'ont été (arrêt de la Cour
de justice publié in SJ 1977 p. 415 s.). Après l'adoption de l'art. 9
LPC, la doctrine cantonale a admis que cette jurisprudence continuait
de s'appliquer (HUBERT BAUER/LAURENT LÉVY, L'exception de traduction de
pièces, in SJ 1982 p. 52 à 54). Les commentateurs de la loi cantonale
relèvent également qu'il n'est pas rare que des pièces volumineuses,
comme des conditions générales, soient produites alors que seuls de brefs
passages sont invoqués; dans de tels cas, la traduction des passages
topiques suffit en principe (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMID, ibid.).

    En règle générale, une décision qui interprète une disposition
cantonale conformément à la jurisprudence publiée et à la doctrine unanime
ne peut pas être considérée comme arbitraire.

    Le texte laconique de l'art. 9 LPC ne dit pas que toutes les pièces
produites doivent être intégralement traduites en français. La règle
doit être interprétée conformément à son sens et son but (ATF 128 I 34
consid. 3b; 128 II 56 consid. 4, 66 consid. 4a; 128 III 113 consid. 2a),
en s'inspirant également des principes constitutionnels, qui prohibent
notamment le formalisme excessif (sur cette notion: cf. ATF 128 II 139
consid. 2a; 127 I 3 consid. 2a/bb p. 34; 125 I 166 consid. 3a p. 170; 121
Ia 177 consid. 2b/aa). Lorsqu'une partie produit un document relativement
long et qu'il est indiscutable que seul un passage est utile pour la
décision à rendre, on ne voit pas que la partie adverse puisse exiger
la traduction des passages qui sont manifestement sans pertinence; une
telle exigence n'aurait aucun sens; elle ne répondrait à aucun intérêt
légitime et compliquerait inutilement la mise en oeuvre du droit.

    Il n'est donc pas arbitraire d'interpréter l'art. 9 LPC en ce sens
qu'il n'exige que la traduction des passages pertinents des pièces
produites. Il n'en demeure pas moins qu'il faut avoir la certitude
raisonnable que tous les passages pertinents ont été traduits; une partie
ne pourrait pas, par une traduction sélective, dénaturer le sens d'un
document sur les points pertinents.

    2.3  Comme l'intimée avait en l'espèce soulevé d'entrée de cause
une exception d'incompétence ratione loci en invoquant des clauses
de prorogation de for, la seule question pertinente, à ce stade de la
procédure, était de savoir si les parties étaient valablement convenues
de clauses de prorogation couvrant les prétentions en litige et excluant
la compétence du tribunal saisi.

    La cour cantonale a constaté que l'intimée avait traduit intégralement
et correctement toutes les clauses relatives au for figurant dans les
documents produits. Le recourant ne tente pas de démontrer que cette
constatation serait arbitraire (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ).

    La prorogation de for est une question bien distincte des autres points
qui doivent être traités lors de la rédaction d'un contrat. Elle ne se
prête guère à des développements importants et complexes et donne lieu
habituellement à une clause unique, qui doit être claire et sans équivoque
et, lorsqu'elle se trouve dans des conditions générales préformées, être
mise en évidence et placée à un endroit bien visible (cf. ATF 118 Ia 294
consid. 2a). Il est donc normalement facile d'identifier la clause de
prorogation de for et, lorsque celle-ci est sans équivoque - comme c'est le
cas en l'espèce -, il n'y a aucune raison de penser qu'un autre passage du
document revient sur cette question. L'idée, suggérée de manière purement
théorique par le recourant, qu'un même document pourrait contenir plusieurs
clauses de prorogation de for contradictoires est tellement invraisemblable
que la cour cantonale pouvait l'écarter sans tomber dans l'arbitraire.

    Par les traductions produites (dont l'exactitude n'est pas contestée),
l'intimée a prouvé l'existence de clauses de prorogation de for claires et
sans équivoque. Si le recourant entendait soutenir que les parties avaient
par ailleurs conclu sur ce même sujet un accord spécial ou postérieur,
il lui incombait de l'alléguer et de le prouver, en produisant, le cas
échéant, la traduction du document en langue étrangère qui en établirait
l'existence.

    Ainsi, l'art. 9 LPC n'a pas été appliqué arbitrairement en l'espèce,
de sorte que le recours doit être rejeté.