Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 IV 86



128 IV 86

16. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
X. contre Y. et Ministère public du canton de Neuchâtel (pourvoi en
nullité)

    6S.36/2002 du 22 mars 2002

Regeste

    Art. 217 StGB; Vernachlässigung von Unterhaltspflichten.

    Ein Gerichtsentscheid oder eine Vereinbarung zwischen den Ehegatten
betreffend die Unterhaltspflicht sind nicht Voraussetzung für die Anwendung
von Art. 217 StGB. Sie können aber die Unterhaltspflicht konkretisieren
und die Ermittlung des Sachverhalts sowie den Nachweis des Vorsatzes
erleichtern (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Les époux X. et Y. ont quatre enfants mineurs. En août 1999, ils
ont signé une convention de vie séparée pour la période du 1er septembre
au 31 décembre 1999; ils sont convenus d'attribuer la garde des enfants
à l'épouse, le mari s'engageant à verser pour l'entretien de celle-ci
et de ses enfants une contribution globale de 4'500 francs par mois. Le
mari a versé ce montant jusqu'au mois de janvier 2000 inclus. Au mois de
décembre 1999, les deux aînés sont allés vivre chez lui.

    Le 6 janvier 2000, l'épouse a sollicité des mesures protectrices
de l'union conjugale. Par ordonnance du 7 août 2000, le Président du
Tribunal civil a attribué la garde sur les deux aînés au mari et celle
sur les deux cadets à l'épouse. Il a condamné le mari à payer dès le 1er
février 2000 des contributions mensuelles d'entretien de 900 francs pour
chacun des deux cadets, allocations familiales non comprises, et de 2'700
francs pour l'épouse.

    B.- En septembre 2000, l'épouse a déposé plainte pénale contre son
mari pour violation d'une obligation d'entretien, lui reprochant de ne
lui avoir versé qu'un acompte de 590 francs pour le mois de février 2000
et de n'avoir plus rien payé ultérieurement.

    Le Tribunal de police a condamné le mari, pour violation d'une
obligation d'entretien, à trois mois d'emprisonnement avec sursis pendant
deux ans.

    La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a
confirmé ce jugement.

    C.- Le mari se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet
arrêt, invoquant une fausse application de l'art. 217 CP.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Au moment des faits, le recourant était séparé de sa femme dans
le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union

conjugale. Etait alors échue la convention préalablement signée par
les parties sur les conséquences de leur séparation, et les obligations
d'entretien du recourant n'étaient pas encore fixées judiciairement. Selon
la cour cantonale, l'absence de tout prononcé judiciaire et de toute
convention privée ne fait cependant pas obstacle à une condamnation du
recourant en vertu de l'art. 217 CP.

    a) Cette disposition punit celui qui n'aura pas fourni les aliments
ou les subsides qu'il doit en vertu du droit de la famille, quoiqu'il en
eût les moyens ou pût les avoir. Mais elle ne précise pas si le devoir
d'entretien doit résulter d'une décision du juge civil ou d'une convention
entre parties ou si le juge pénal est en droit de trancher lui-même, à
titre préjudiciel et au regard des dispositions du droit de la famille,
la question de savoir quelles prestations le débiteur aurait dû fournir.

    aa) Selon la jurisprudence, l'inexécution intentionnelle de
l'obligation d'entretien entre époux est punissable, même si les
prestations n'ont pas été fixées au préalable par le juge civil, lorsque
les époux font ménage commun (ATF 70 IV 166) ou lorsque le débiteur a
quitté le domicile conjugal sans autorisation du juge (ATF 74 IV 159). En
revanche, si les conjoints sont en instance de divorce, l'étendue du devoir
d'entretien doit être déterminée par un prononcé judiciaire ou un accord
entre parties; la jurisprudence explique que, dans cette hypothèse, les
prestations en argent remplacent l'entretien en nature et les circonstances
de fait exigent souvent une répartition des charges (ATF 74 IV 52, 159;
76 IV 118; 89 IV 22). Toutefois, même en cas de procédure en divorce,
le débiteur pourra être puni selon l'art. 217 CP sans que le montant des
prestations dues ait été fixé au préalable lorsqu'il ne paye rien ou ne
s'acquitte pas d'un montant que lui-même estime dû (ATF 89 IV 22). De
même, celui qui n'a aucune raison de douter de sa paternité et ne paye
rien, bien qu'il y ait été invité et qu'il soit en mesure de verser une
contribution, se rend coupable de violation d'une obligation d'entretien,
au sens de l'art. 217 CP, même en l'absence d'une convention ou d'un
jugement (ATF 91 IV 226).

    bb) La doctrine admet en règle générale l'application de l'art. 217
CP indépendamment de tout prononcé judiciaire et de toute convention
privée. Elle parle alors de méthode directe de fixation de la contribution
d'entretien; cette méthode s'oppose à la méthode indirecte, qui suppose
que l'étendue de la contribution ait été fixée sur le plan civil.

    Ainsi, suivant la jurisprudence, BRODER, REHBERG et J. A. MÜLLER
distinguent selon le type d'obligation d'entretien. Ils appliquent la

méthode directe et n'exigent ni prononcé ni convention en cas d'obligation
d'entretien entre époux, que les époux fassent ménage commun ou qu'ils
aient cessé de vivre ensemble; dans ce dernier cas, le créancier doit
cependant pouvoir requérir des mesures protectrices de l'union conjugale
(art. 175 et 176 al. 2 CC). Aux yeux de MÜLLER, il est important que le
juge pénal puisse appliquer la méthode directe, car il arrive souvent
que le prononcé civil traîne et que le débiteur refuse de verser quelque
chose tant qu'une pension n'est pas fixée. BRODER et REHBERG relèvent
que le nouveau droit du mariage et de la filiation, qui laisse aux époux
la liberté de fixer la nature de leurs contributions, pourra cependant
entraîner, pour le juge pénal, des difficultés de preuve. En conformité
avec la jurisprudence, ces trois auteurs considèrent que, en cas de
procédure en divorce ou en séparation de corps, le débiteur ne pourra
en revanche être puni selon l'art. 217 CP que s'il existe un jugement ou
une convention qui fixent l'étendue de l'obligation d'entretien. Enfin,
ils appliquent en principe la méthode directe à l'obligation d'entretien
des parents à l'égard de l'enfant. Ils divergent d'opinion en cas
d'introduction d'une action en divorce: pour BRODER et REHBERG, il faudra
en principe un prononcé judiciaire ou une convention, alors que, selon
J. A. MÜLLER, l'art. 217 CP est applicable même lorsque le juge n'a pas
fixé de pension (REHBERG, Strafrecht IV, 2e éd., Zurich 1996, p. 5 ss;
URS BRODER, Delikte gegen die Familie, insbesondere Vernachlässigung
von Unterhaltspflichten, in RPS 109/1992 p. 290 ss; JAKOB A. MÜLLER, Die
Vernachlässigung von Unterstützungspflichten im Sinne von Art. 217 StrGB,
in RPS 82/1966 p. 254 ss).

    ALBRECHT opte, de manière générale, pour la méthode directe. Il
relève cependant que l'application de cette méthode est limitée en
pratique, dès lors qu'il sera difficile de prouver l'intention du
débiteur. Celle-ci ne pourra être établie que si l'obligation légale
est manifeste et qu'elle s'impose au débiteur; tel sera notamment le cas
lorsque l'époux quitte la maison familiale sans s'occuper de l'entretien
de sa femme et de ses enfants (JENNY/SCHUBARTH/ALBRECHT, Kommentar zum
schweizerischen Strafrecht, vol. 4, Berne 1997, p. 173 ss, 188). Pour
STRATENWERTH, le choix entre la méthode directe et la méthode indirecte
dépend du point de savoir si, au vu des circonstances, la violation de
l'obligation apparaît comme évidente. Il admet que tel sera le cas lorsque
l'obligation d'entretien ne fait aucun doute et que le débiteur ne verse
rien (STRATENWERTH, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, 5e
éd., Berne 2000, n. 29 ad par. 26, p. 25 s.). Enfin, CORBOZ admet aussi
le recours à la méthode

directe, précisant que l'emploi de cette méthode est restreint par
l'intention que requiert l'infraction (CORBOZ, Les principales infractions,
vol. I, Berne 1997, p. 291 s.).

    b) Il ressort des travaux préparatoires que le législateur n'a pas
voulu subordonner l'application de l'art. 217 CP à l'existence d'une
constatation judiciaire. En effet, la Commission du Conseil national
pour la préparation du Code pénal a expressément renoncé à préciser
que l'obligation d'entretien devait être constatée par une décision
judiciaire ou administrative (voir les procès-verbaux de la Commission
du Conseil national pour la préparation du Code pénal, VIe session, 2-10
septembre 1926, p. 5). En outre, si l'on subordonnait la poursuite pénale
à l'existence d'une décision judiciaire ou d'un accord entre parties,
l'art. 217 CP tendrait davantage à protéger ceux-ci que la famille.

    Aussi, suivant la doctrine majoritaire et en précision de la
jurisprudence, faut-il admettre l'application de l'art. 217 CP,
même en l'absence de tout prononcé judiciaire et de toute convention
privée. L'auteur sera punissable s'il ne fournit pas les aliments ou les
subsides dus en vertu du droit de la famille. Une constatation judiciaire
préalable ne sera pas nécessaire dans la mesure où l'obligation d'entretien
découle directement de la loi. Un jugement ou une convention permettra
toutefois souvent de concrétiser l'obligation et rendra plus facile
l'établissement des faits. Ainsi, l'intention de ne pas payer le montant
dû sera en règle générale donnée si l'obligation a été fixée dans un
jugement ou une convention car elle sera alors connue du débiteur. En
revanche, l'intention du débiteur sera plus difficile à établir en
l'absence de toute décision et de tout accord; il n'en reste pas moins
que le juge pourra prouver l'intention au moins dans les cas patents,
notamment lorsque le débiteur n'aura rien payé ou aura versé seulement
un montant dérisoire alors qu'il disposait de ressources non négligeables.

Erwägung 3

    3.- Le recourant conteste le principe même d'une contribution
d'entretien dans la mesure où les deux aînés sont venus vivre chez lui en
décembre 1999, de sorte que les charges occasionnées par les enfants ont
été réparties équitablement entre les époux, et où son revenu a diminué
sensiblement tout au long de l'année 2000.

    Selon l'art. 163 CC, mari et femme contribuent, chacun selon ses
facultés, à l'entretien convenable de la famille. La loi laisse aux époux
toute liberté dans la répartition des charges leur incombant tant en ce
qui concerne le mode que la mesure des contributions. Un changement dans
la vie de la famille, telle la séparation des époux,

pourra entraîner une modification de cette répartition. Il faut examiner
dans chaque cas concret si et dans quelle mesure on peut exiger de
l'épouse qu'elle exerce une activité lucrative, compte tenu de son âge,
de son état de santé, de sa formation et, le cas échéant, du temps
plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie
professionnelle. En l'espèce, le recourant ne pouvait pas attendre que
son épouse retrouve un travail aussi peu de temps après leur séparation,
dès lors que, assistante dentaire de formation, elle n'avait pas exercé
sa profession durant l'union conjugale, mais s'était occupée des enfants
et de l'intendance. Il lui appartenait donc de continuer à pourvoir à
l'entretien de sa famille par le versement d'une pension alimentaire.

    Le droit de garde que le recourant exerçait sur ses deux aînés ne
pouvait le dispenser de verser toute pension en espèces. Les contributions
d'entretien doivent en effet assurer l'entretien courant du créancier
et elles doivent être versées, au moins partiellement, en espèces afin
que celui-ci puisse maintenir son train de vie. Sans activité lucrative,
son épouse ne disposait d'aucun revenu propre. Elle avait besoin d'une
somme minimale pour son entretien courant et celui des deux cadets. Le
recourant prétend que son revenu avait si fortement diminué dès le 1er
janvier 2000 qu'il n'avait plus les moyens de verser une quelconque
pension. Il ressort cependant de l'arrêt cantonal qu'il a perçu, durant
la période concernée par la plainte, soit de février à septembre 2000,
un revenu mensuel net moyen de 7'136 francs, comprenant 1'100 francs
versés à titre de compensation de frais et 2'000 francs comme avance sur
les commissions. Il a en outre reçu 17'899,60 francs le 2 février 2000
et 20'974,85 francs le 3 mars 2000 d'un fonds de placement. Comme l'a
retenu la cour cantonale, il aurait pu verser au moins des acomptes.

    Sur le plan subjectif, le recourant a agi intentionnellement. La
cour cantonale a en effet constaté que, vu les revenus qu'il réalisait,
il ne pouvait pas ignorer qu'il devait verser une pension à son épouse et
à ses deux cadets, dès lors qu'il savait que celle-ci n'exerçait aucune
activité lucrative et n'avait donc pas de revenu propre.

    Au vu de ce qui précède, les éléments constitutifs objectifs et
subjectifs de l'infraction définie à l'art. 217 CP sont réalisés, et
c'est donc à juste titre que la cour cantonale a condamné le recourant
pour violation d'une obligation d'entretien.