Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 IV 81



128 IV 81

15. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
L. contre Procureur général du canton de Genève (pourvoi en nullité)

    6S.544/2001 du 24 janvier 2002

Regeste

    Art. 28 und 186 StGB; Hausfriedensbruch; Tragweite des Strafantrags.

    Beim Dauerdelikt erstrecken sich die Wirkungen des Strafantrags
grundsätzlich auch auf angezeigtes Verhalten, das über den Strafantrag
hinaus andauert. So werden auch alle Beteiligten vom Strafantrag
miterfasst, die erst nach dessen Stellung am Dauerdelikt teilnehmen (E. 2).

    Begriff des Verletzten gemäss Art. 28 StGB (E. 3).

    Der Eigentümerwechsel einer Liegenschaft macht aus einer
unrechtmässigen Besetzung keine rechtmässige (E. 4).

    Unter welchen Voraussetzungen eine Räumung angeordnet wird, ist für
die Frage der Unrechtmässigkeit der Besetzung belanglos (E. 5).

Sachverhalt

    GPR Gérance, Placements & Réalisations SA (ci-après: GPR) a déposé
plainte pénale le 10 février 1997 en raison de l'occupation illicite
des locaux destinés à l'habitation et sous sa gérance, sis au no 10 de
la rue de la Ferme à Genève. Selon un rapport de police du 26 mai 1997,
L. se trouvait sur les lieux lors du contrôle de police effectué à une
date antérieure au rapport, non précisée dans l'arrêt cantonal.

    Le 10 décembre 1998, A. a acquis, à l'occasion d'enchères forcées,
l'immeuble géré par GPR. Il déposa plainte pénale auprès du Procureur
général pour violation de domicile le 11 décembre 1998, précisant
qu'il comptait procéder à des travaux de rénovation dès le 19 janvier
1999. La brigade des squatters de la police avisa les occupants qu'ils
devaient libérer les locaux, au plus tard pour le 5 janvier 1999. Dans
un communiqué de presse, les squatters annoncèrent début janvier qu'ils
allaient s'opposer à l'évacuation. Ils avaient barré à cet effet l'accès
de portes et de fenêtres. Lors de la libération des locaux qui eut lieu
le 4 janvier 1999, la police trouva L. à l'extérieur de l'immeuble,
suspendu à une corde tendue depuis le 4ème étage.

    A la suite d'une plainte pénale déposée par le Crédit Suisse First
Boston (ci-après: Crédit Suisse) le 5 février 1999 pour violation de
domicile, la police se rendit le 30 mars 1999 dans les locaux occupés,
sis au no 5, rue Guillaume Tell à Genève. Interpellé par la police,
L. reconnut qu'il occupait une chambre dans l'immeuble en question.

    Statuant sur opposition, le Tribunal de police a condamné L.  pour
violation de domicile à 20 jours d'emprisonnement avec sursis pendant
deux ans.

    Sur appel, le jugement entrepris fut confirmé par la Chambre pénale
de la Cour de justice.

    Le pourvoi en nullité interjeté par L. a été rejeté par le Tribunal
fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le recourant reproche en premier lieu à la cour cantonale d'avoir
étendu à tort les effets de la plainte pénale de GPR à sa personne, dès
lors qu'il aurait commencé à occuper l'immeuble géré par GPR seulement
après le dépôt de la plainte pénale. Il fait valoir

que GPR n'a pas manifesté son intention d'étendre sa plainte pénale
au-delà du 10 février 1997, laquelle ne saurait donc déployer d'effets
à son encontre.

    a) La plainte pénale au sens des art. 28 ss CP est une déclaration
de volonté inconditionnelle par laquelle le lésé demande l'introduction
d'une poursuite pénale. Elle constitue ainsi une simple condition de
l'ouverture de l'action pénale (ATF 98 IV 143 consid. 2 p. 146). La
violation de domicile est un délit continu (Dauerdelikt), poursuivable
aussi longtemps que l'auteur n'a pas quitté les lieux qu'il occupe sans
droit, de sorte que le délai de plainte (de trois mois; art. 29 CP) ne
commence à courir que lorsque l'auteur a quitté les lieux (ATF 118 IV
167 consid. 1c p. 172). En l'occurrence, la plainte a manifestement été
déposée avant l'échéance du délai.

    La plainte pénale est déposée à raison d'un état de fait délictueux
déterminé, dans le cas de la violation de domicile à raison de l'occupation
d'un lieu contre la volonté de l'ayant droit. Une fois l'action pénale
ouverte, l'autorité pénale est saisie "in rem" et non "in personam"
(DOMINIQUE PONCET, Le nouveau code de procédure pénale genevois annoté,
Genève 1978, p. 194; GÉRARD PIQUEREZ, Traité de procédure pénale bernoise
et jurassienne, tome I, Neuchâtel 1983, p. 453). La plainte pénale déposée
valablement contre inconnu ou contre l'un (ou certains) des participants
vaut aussi contre tous ceux qui, ne serait-ce que durant un certain
laps de temps, ont pris part à l'infraction (ATF 110 IV 87 consid. 1c
p. 90; cf. également ATF 80 IV 209 consid. 2 p. 212). Lorsqu'une plainte
pénale est déposée alors que le délit continu est toujours en cours de
réalisation, les effets de la plainte s'étendent en principe aussi aux
faits dénoncés qui perdurent après le dépôt de la plainte. La plainte
vaut alors également à l'égard de tout participant qui viendrait,
postérieurement au dépôt de plainte, prendre part au délit continu
(cf. dans le même sens SCHÖNKE/SCHRÖDER, Strafgesetzbuch, Kommentar,
26e éd., Munich 2001, § 77 n. 45 s.).

    b) Dans le cas d'espèce, rien n'indique que le plaignant ait
voulu limiter sa plainte ni dans le temps ni d'ailleurs à certaines
personnes. L'arrêt querellé ne précise pas si le recourant se trouvait
dans les locaux occupés illicitement au moment du dépôt de la plainte. Il
retient cependant que sa présence sur les lieux a été constatée dans
le rapport de police établi trois mois plus tard. De toute manière, le
recourant ne conteste pas que pendant un certain laps de temps en tout
cas il a occupé les locaux contre la volonté de l'ayant droit. Il a donc
pris part à l'infraction dénoncée dans la plainte, qui couvre

aussi son comportement. Fût-elle établie, la circonstance que la
durée de son activité délictueuse ait été plus brève que celle
des autres participants ne changerait rien au fait qu'il a commis
l'infraction. L'élément invoqué demeurerait donc sans incidence sur le
verdict de culpabilité; il jouerait tout au plus un rôle pour apprécier
l'importance de sa faute, donc pour la fixation de la peine.

    Ce qui précède vaut mutatis mutandis dans la mesure où le recourant
reproche à la dernière instance cantonale d'avoir étendu les effets de
la plainte du Crédit Suisse à sa personne.

Erwägung 3

    3.- En prolongement de son premier grief, le recourant estime que
A. ne pouvait pas reprendre à son compte la plainte pénale de GPR; en
d'autres termes, A. n'aurait pas valablement déposé plainte pénale.

    a) Selon l'art. 28 CP, toute personne lésée peut porter plainte. Le
lésé au sens de l'art. 28 CP est celui dont le bien juridique est
directement atteint par l'infraction. L'interprétation de l'infraction en
cause permettra seule de déterminer quel est le titulaire du bien juridique
protégé (ATF 118 IV 209 consid. 2 p. 211). La violation de domicile
est un délit contre la liberté. Plus particulièrement, le bien protégé
est la liberté du domicile qui comprend la faculté de régner sur des
lieux déterminés sans être troublé et d'y manifester librement sa propre
volonté. La liberté du domicile appartient donc à celui qui a le pouvoir
de disposer des lieux que ce soit en vertu d'un droit réel ou personnel ou
encore d'un rapport de droit public (ATF 118 IV 167 consid. 1c p. 172; 112
IV 31 consid. 3 p. 33). Il convient ainsi d'examiner dans le cas d'espèce
si A. disposait d'un droit réel ou personnel sur l'immeuble occupé.

    En principe, le transfert de propriété s'opère au moment de
l'inscription au grand livre (STEINAUER, Les droits réels, tome I,
Fribourg 1990, n. 713). Toutefois, lorsque l'acquisition a eu lieu par
voie d'exécution forcée, le transfert de propriété intervient au moment
de l'adjudication (art. 656 CC; art. 66 al. 1 ORFI [RS 281.42]; STEINAUER,
Les droits réels, tome II, n. 1586).

    b) Selon les constatations de faits cantonales, A. a acquis l'immeuble
à l'occasion d'enchères forcées en date du 10 décembre 1998. Dès cette
date, il avait qualité de lésé au sens de l'art. 28 CP et, partant,
était habilité à porter plainte.

    Quant à la question de savoir si A. a accompli les démarches
nécessaires pour se conformer aux exigences de forme auxquelles la plainte
pénale doit satisfaire, elle relève du droit cantonal, dont la violation
directe ne peut être invoquée dans un pourvoi en nullité

(art. 269 PPF [RS 312.0]; ATF 123 IV 202 consid. 1 p. 204 s.; ATF 118 IV
167 consid. 1 p. 169).

Erwägung 4

    4.- Le recourant soutient encore qu'il n'a commis aucune violation de
domicile à l'encontre de A. dès lors que celui-ci n'aurait pas manifesté
aux squatters son intention de les voir quitter l'immeuble avant la date
de l'évacuation.

    a) La violation de domicile peut revêtir deux formes: soit l'auteur
pénètre dans les lieux contre la volonté de l'ayant droit, soit il y
demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par l'ayant
droit. S'agissant de la première hypothèse, l'infraction est consommée dès
que l'auteur s'introduit contre la volonté de l'ayant droit dans le domaine
clos (ATF 87 IV 122). La Cour de céans a précisé qu'il y a intrusion
illicite lorsque l'auteur pénètre dans un local sans autorisation de celui
qui a le pouvoir d'en disposer (ATF 108 IV 33 consid. 5c). La volonté de
l'ayant droit d'autoriser l'accès peut être manifestée oralement, par
écrit, par geste ou résulter des circonstances. Dans ce dernier cas,
il faut examiner si la volonté de l'ayant droit était suffisamment
reconnaissable en fonction des circonstances (BERNARD CORBOZ, Les
principales infractions, vol. I, Berne 1997, p. 258). La seconde hypothèse
de l'article 186 CP vise le cas où l'auteur est déjà dans les lieux et
n'y a pas pénétré contre la volonté de l'ayant droit. L'infraction est
alors commise lorsque, malgré l'ordre intimé par l'ayant droit à l'auteur,
ce dernier ne quitte pas les lieux (BERNARD CORBOZ, op. cit., p. 255).

    b) Le recourant admet avoir occupé pendant un certain laps de
temps un appartement de l'immeuble sis au no 10, rue de la Ferme,
avant l'acquisition de ce dernier par A., et y être demeuré jusqu'au 4
janvier 1999. A juste titre, il ne prétend pas que le premier propriétaire,
représenté par GPR, aurait donné son accord à l'occupation des appartements
du 10, rue de la Ferme. L'occupation des lieux s'est donc faite contre
la volonté du premier propriétaire (première hypothèse de l'art. 186
CP). Contrairement à ce que soutient le recourant, le changement de
propriétaire n'a pas rendu licite l'occupation illicite. Certes, ce
changement a opéré une modification en la personne de l'ayant droit. Il
n'a toutefois pas conféré aux occupants de titre juridique qui leur
donnerait un droit de jouissance des lieux. L'on ne saurait inférer du
changement de propriétaire une sorte d'autorisation implicite du nouveau
propriétaire à ce que les squatters demeurent dans les lieux. A. a au
demeurant immédiatement manifesté son désaccord en déposant plainte le
11 décembre 1998 et la police a très rapidement informé les squatters de
l'évacuation prochaine de l'immeuble.

    Pour le surplus, il est évident que le fait que la police ait fixé la
date d'évacuation de l'immeuble au 5 janvier 1999 ne signifie nullement
que A. acceptait que les squatters restent dans son immeuble jusqu'à
cette date.

Erwägung 5

    5.- Le recourant se prévaut d'une "erreur de fait ou de droit". Il
allègue avoir cru que son comportement illicite cessait de l'être dès
l'acquisition de l'immeuble par un nouveau propriétaire, citant à l'appui
un jugement du Tribunal de police rendu le 15 décembre 1998. Ce jugement
aurait largement circulé dans le milieu des squatters. Il fait également
valoir que la pratique, selon lui notoire, du Procureur général de Genève
de n'ordonner l'évacuation d'immeubles occupés illicitement que si une
autorisation de démolir et de construire est entrée en force était de
nature à l'induire en erreur sur le caractère illicite de l'occupation
jusqu'à la date de l'évacuation.

    a) Sous réserve d'une inadvertance manifeste, la Cour de cassation est
liée par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 277bis
al. 1 PPF). Le recourant ne peut pas présenter de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 273 al. 1 let. b PPF).

    b) Il ne ressort pas de l'arrêt cantonal attaqué que le recourant
aurait invoqué une quelconque erreur ni qu'une erreur aurait été
constatée. Il n'est par ailleurs pas établi non plus si et à quelle date
le recourant aurait eu connaissance du jugement motivé du Tribunal de
police du 15 décembre 1998. En tant que le recourant fonde son grief sur
des faits non constatés par l'arrêt cantonal, celui-ci est irrecevable.

    Quant à la pratique, fût-elle notoire, du Procureur général de
retarder l'évacuation d'immeubles squattés jusqu'à la décision définitive
de démolir et de construire, il est évident qu'elle est sans influence
sur le caractère illicite de l'occupation.