Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 IV 18



128 IV 18

4. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
B. contre Procureur général du canton de Berne (pourvoi en nullité)

    6S.504/2001 du 25 octobre 2001

Regeste

    Art. 22 Abs. 1 und Art. 146 StGB; vollendeter Betrugsversuch, Arglist.

    Zunächst ist zu entscheiden, ob das Vorgehen des Täters objektiv
arglistig war. Trifft dies zu, bleibt die Täuschung jedoch ohne Erfolg,
so ist versuchte arglistige Täuschung gegeben (E. 3b).

Sachverhalt

    A.- Par jugement du 29 novembre 2000, le Président 3 de
l'Arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville a reconnu
B. coupable de tentative d'escroquerie et l'a condamné à une peine de
dix jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

    Statuant sur l'appel de B. par jugement du 23 mai 2001, la IIème
Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a reconnu B. coupable
de délit manqué d'escroquerie et l'a condamné à une peine de dix jours
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

    B.- Ce jugement retient notamment les faits suivants:

    a) Par courrier du 15 mai 1998, la société Y.  Assurances (ci-après: la
société Y.) a dénoncé B. aux autorités pénales en lui reprochant d'avoir
annoncé le 20 décembre 1996 à la société Z. Assurances (ci-après: la
société Z.) un sinistre (le bris d'un pare-brise) avec l'indication qu'il
s'était produit le 2 septembre 1996, alors qu'il remontait au 28 février
1996 et avait déjà été indemnisé par la société Y. en novembre 1996.

    La société Y. a exposé avoir pris en charge le sinistre du 28 février
1996, annoncé le 29 février 1996. Le montant en jeu était de 1'239 francs
80 selon la facture du garagiste du 19 septembre 1996. Par courrier du 20
novembre 1996 adressé à B., la société Y. a accepté de couvrir l'entier
du préjudice, sous déduction des diverses primes d'assurance encore
dues par ce dernier. Après compensation, elle a donc versé le montant
résiduel revenant à B., soit 437 francs 50. La société Y. a affirmé que
B. avait demandé à la société Z. de l'indemniser pour le même sinistre
en remettant à cette dernière la facture du garagiste précitée.

    b) Sur la base de la dénonciation de la société Y., du rapport interne
de la société Z. du 22 février 1997, des déclarations de B., des témoins
entendus et du dossier, la Chambre d'appel a retenu ce qui suit:

    La police d'assurance de B. auprès de la société Z. a pris effet
le 3 septembre 1996. Cette assurance ne pouvait être tenue de couvrir
le sinistre du 28 février 1996 puisqu'il était antérieur à l'entrée en
vigueur de la police.

    De peur que le sinistre du 28 février 1996 ne soit pas pris en charge
par la société Y., B. l'a également annoncé à la société Z. sous une
date différente. L'annonce du sinistre à la société Z. s'est déroulée
en plusieurs étapes, soit en premier lieu par une déclaration orale de
B. à fin septembre 1996, ensuite par la présentation de la facture du
garagiste vers la mi-décembre 1996 et, enfin, par la rédaction d'une
déclaration de sinistre aux environs du 20 décembre 1996.

    En rédigeant cette déclaration, B. a indiqué que le sinistre s'était
produit le 2 septembre 1996 (alors que l'entrée en vigueur de la police
datait du 3 septembre 1996). Celui-ci a prétendu avoir volontairement
mentionné une date antérieure à l'entrée en vigueur de la police pour
éviter que la société Z. n'entrât en matière sur le dossier car il avait
été indemnisé entre-temps (le 20 novembre 1996) par la société Y. La
Chambre d'appel n'a pas suivi B. sur ce point. Elle a au contraire retenu
que la mention sur la déclaration de sinistre d'une date antérieure à
l'entrée en vigueur de la police d'assurance résultait d'une erreur de B.,
comme celui-ci l'avait expliqué en première instance.

    Après avoir réalisé que le sinistre annoncé était antérieur à l'entrée
en vigueur de la police d'assurance, la société Z. a demandé à la société
Y., soit la précédente assurance de B., si ce sinistre n'avait pas déjà
été couvert. Elle a ainsi appris que cela était le cas. Lorsque la société
Z. a transmis au juge d'instruction son rapport interne du 22 février 1997,
elle a précisé n'avoir versé aucune indemnité à B.

    Sur le plan personnel, B. a été employé en qualité d'agent par la
société Y. pendant deux ans et demi jusqu'en mars 1996 et a ensuite
exercé la même activité pour la société Z. jusqu'à la fin février 1997,
époque à laquelle il a été licencié en raison de la présente affaire.

    C.- Agissant en personne, B. se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral contre ce jugement, concluant implicitement à son annulation.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Le recourant conteste s'être rendu coupable de délit manqué
d'escroquerie, en faisant valoir l'absence d'astuce.

    a) Sur le plan objectif, l'escroquerie réprimée par l'art. 146
CP suppose en particulier que l'auteur ait usé de tromperie et que
celle-ci ait été astucieuse. L'astuce au sens de cette disposition
est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des
manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il
donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est
pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être
exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit,
en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un
rapport de confiance particulier (ATF 122 II 422 consid. 3a p. 426/427;
122 IV 246 consid. 3a p. 247/248 et les arrêts cités). Il y a notamment
manoeuvre frauduleuse lorsque l'auteur fait usage de titres falsifiés ou
obtenus sans droit ou de documents mensongers (arrêt 6S.370/1997 du 16
juillet 1997, reproduit in RVJ 1998 p. 180, consid. 3b; ATF 122 IV 197
consid. 3d p. 205; 116 IV 23 consid. 2c p. 25).

    L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger
avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence
que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y
ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et
qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles; la question
n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter
d'être trompée (arrêt 6S.740/1997 du 18 février 1998, reproduit in SJ 1998
p. 457, consid. 2; ATF 122 IV 246 consid. 3a p. 247/248). L'astuce n'est
exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle
n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient
(ATF 126 IV 165 consid. 2a p. 171; 119 IV 28 consid. 3f p. 38).

    Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de
prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se
demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à
la tromperie; il faut, au contraire, prendre en considération la situation
particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite,
par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience ou la sénilité, mais
aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la
dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de
semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques
de l'astuce (ATF 120 IV 186 consid. 1a p. 188).

    Le principe de coresponsabilité doit amener les victimes potentielles
à faire preuve d'un minimum de prudence. Il s'agit d'une mesure de
prévention du crime, la concrétisation d'un programme de politique
criminelle (cf. URSULA CASSANI, Der Begriff der arglistigen Täuschung als
kriminalpolitische Herausforderung, in RPS 117/1999 p. 174). Le principe
ne saurait dans cette mesure être utilisé pour nier trop aisément le
caractère astucieux de la tromperie (arrêt 6S.438/1999 du 24 février 2000,
reproduit in RVJ 2000 p. 310, consid. 3).

    b) Le délit manqué (art. 22 al. 1 CP) est une forme de tentative
au sens large (cf. art. 21 ss CP). Il y a tentative, au sens large,
d'escroquerie lorsque l'auteur, agissant intentionnellement et dans un
dessein d'enrichissement, a commencé l'exécution de cette infraction,
manifestant ainsi sa décision de la commettre, même si les éléments
objectifs font, en tout ou en partie, défaut. Conformément aux règles
générales, l'intention doit porter sur l'ensemble des éléments constitutifs
objectifs. A cet égard, ce qui est déterminant c'est que l'auteur a agi
en se représentant (donc en acceptant) une situation dans laquelle ces
éléments sont réalisés (ATF 122 IV 246 consid. 3a p. 248).

    Une tentative punissable d'escroquerie n'est réalisée que si
l'intention de l'auteur porte sur une tromperie astucieuse, donc sur un
comportement qui apparaît objectivement astucieux. On ne saurait conclure
que toute tromperie qui ne réussit pas est nécessairement dénuée de
caractère astucieux. Abstraction faite de l'échec de la tromperie, il
importe d'examiner si la tromperie prévue paraissait ou non facilement
décelable compte tenu des possibilités de protection dont disposait la
victime et dont l'auteur avait connaissance. Autrement dit, c'est dans le
cadre d'un examen hypothétique qu'il faut déterminer si le plan élaboré
par l'auteur était objectivement astucieux ou non. S'il l'était et que
la tromperie échoue parce que la victime

était plus attentive ou plus avisée que l'auteur ne se l'était figuré ou
en raison du hasard ou d'une autre circonstance non prévisible, il y a
alors lieu de retenir une tentative de tromperie astucieuse (cf. CASSANI,
op. cit., p. 164; cf. aussi ATF 122 IV 246 consid. 3c p. 249/250 où le
résultat a été empêché par une connaissance anticipée de la victime par
rapport à ce que supposait l'auteur).

    c) En l'espèce, le recourant a annoncé le même sinistre sous
des dates différentes à deux compagnies d'assurances auxquelles il a
présenté la même facture de garagiste, sachant que la seconde compagnie
(la société Z.) n'était en aucun cas tenue de couvrir le dommage. Il
a procédé en plusieurs phases pour tromper la société Z., s'adressant
d'abord oralement à elle, lui transmettant ensuite la facture du garage
et, enfin, remplissant la déclaration de sinistre. Il a ainsi mis sur
pied un stratagème par lequel il s'est appliqué à convaincre cette
société de l'existence d'un cas d'assurance. Il est très difficile pour
une assurance d'établir la fausseté des déclarations de son assuré,
d'autant plus lorsque celui-ci est également, comme c'est le cas ici,
son employé. Examiné de manière hypothétique, le plan adopté par le
recourant doit objectivement être qualifié d'astucieux dès lors qu'il
était propre à tromper la vigilance de la société Z., sans qu'on puisse
imputer à celle-ci une quelconque coresponsabilité.

    La tromperie a finalement échoué. Selon les constatations cantonales,
qui lient le Tribunal fédéral (art. 277bis al. 1 PPF [RS 312.0]), l'échec
est dû au fait que le recourant a indiqué par mégarde sur la déclaration
une date de sinistre antérieure à l'entrée en vigueur de l'assurance. En
niant le caractère involontaire de son erreur, le recourant s'en prend
aux faits retenus, ce qu'il n'est pas habilité à faire dans un pourvoi
(art. 273 al. 1 let. b PPF). Quoi qu'il en soit, en signalant d'abord
oralement à la société Z. le dommage puis en lui remettant ultérieurement
la facture du garagiste, le recourant est, par ces deux premières phases,
passé à l'exécution de la tromperie. Ces éléments suffisent en soi
à retenir une tentative astucieuse de tromperie. Que le recourant se
soit ensuite mépris en rédigeant la déclaration de sinistre, ce qui a
permis à la société Z. de découvrir la tromperie, ne modifie pas cette
qualification. C'est en effet à cause d'une erreur indépendante de la
volonté du recourant, même si c'est lui qui l'a commise, que la société
Z. a découvert la tromperie. Dans ces conditions, la Chambre d'appel
n'a pas violé le droit fédéral en retenant une tentative de tromperie
astucieuse et en appliquant en conséquence les art. 22 al. 1 et 146 al. 1
CP au cas du recourant. Le grief est infondé en tant qu'il est recevable.