Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 IV 145



128 IV 145

22. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale dans la cause
X. contre Procureur général du canton de Genève (pourvoi en nullité)

    6S.82/2002 du 11 juin 2002

Regeste

    Art. 270 lit. h BStP; Legitimation zur eidgenössischen
Nichtigkeitsbeschwerde.

    Der Inhaber von eingezogenen Bankguthaben ist zur eidgenössischen
Nichtigkeitsbeschwerde legitimiert (E. 1a).

    Art. 3 bis 7 und 59 StGB; schweizerische Gerichtsbarkeit, Einziehung
von Vermögenswerten.

    Die Einziehung von Vermögenswerten kann nur angeordnet werden, wenn
die Anlasstat unter die schweizerische Gerichtsbarkeit fällt (E. 2).

Sachverhalt

    A.- En juin 1992, le Ministère public genevois a ordonné l'ouverture
d'une enquête préliminaire à l'encontre de X., titulaire d'un passeport
diplomatique de la République du Yémen et d'un passeport argentin,
domicilié en Espagne, pour blanchiment d'argent, défaut de vigilance
en matière d'opérations financières, ainsi que faux dans les titres et
certificats étrangers. Le 18 juin 1992, le Ministère public a ordonné
la saisie de 6'240'177.40 US$ déposés sur le compte no 1964 auprès de la
Banque Audi (Suisse) SA à

Genève. En juillet 1992, les mêmes fonds ont également été saisis à titre
conservatoire dans le cadre d'une requête d'entraide internationale émanant
des autorités espagnoles. La mesure de blocage des fonds requise par les
autorités espagnoles a par la suite été levée, la procédure espagnole
s'étant achevée par l'acquittement de X.

    Les fonds sont cependant restés bloqués car les faits reprochés à
X. dans le cadre de l'enquête genevoise étaient distincts de ceux qui
étaient à l'origine de la procédure espagnole. Le 31 juillet 1995, le
Ministère public genevois a clôturé son enquête préliminaire et introduit
une requête en confiscation des fonds saisis. Cette requête reposait en
particulier sur l'implication de X. dans un trafic illicite d'armes à
destination de pays de l'ex-Yougoslavie (Croatie et Bosnie). Il lui était
reproché d'avoir fourni aux autorités espagnoles un document qui contenait
une indication mensongère quant à la destination d'armes chargées sur
le navire "Nadia" et d'avoir de la sorte obtenu l'autorisation pour le
navire de quitter le port espagnol où il transitait.

    B.- Par arrêt du 22 septembre 1997, la Chambre pénale de la Cour de
justice genevoise a déclaré infondée la requête en confiscation. Elle
a notamment relevé que l'infraction de trafic d'armes à destination de
l'ex-Yougoslavie était certes réalisée mais qu'elle n'était pas punissable
en Suisse, car les armes n'y avaient pas transité et X. n'était pas
citoyen suisse ni domicilié dans ce pays.

    C.- Statuant sur le pourvoi cantonal du Ministère public, la Cour de
cassation genevoise l'a partiellement admis par arrêt du 8 mai 1998. En
bref, il ressort de cet arrêt que le trafic illicite d'armes reproché
à X. constitue une infraction en droit suisse, soit celle réprimée par
l'art. 11 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 18 décembre 1991 sur
l'acquisition et le port d'armes à feu par des ressortissants yougoslaves
(RO 1992 p. 25); il n'existe cependant aucun rattachement avec la Suisse
dès lors que les armes n'y ont pas transité, que X. n'est pas domicilié
dans ce pays, et qu'il n'en est pas citoyen; pour la Cour de cassation
genevoise, cette situation n'exclut pourtant pas la confiscation en vertu
du droit suisse du produit de l'infraction, pour autant que celle-ci soit
également punissable dans le pays de commission - condition de la double
incrimination abstraite; la Cour de cassation genevoise a ainsi renvoyé
la cause à la Chambre pénale pour déterminer si le comportement imputé
à X. tombait également sous le coup du droit espagnol.

    Dans la suite de la procédure, le Ministère public a ordonné la levée
partielle de la saisie sur les fonds, laquelle a été maintenue à

concurrence de 3'315'000 US$, montant qui correspondait au prix d'achat
des armes livrées en ex-Yougoslavie, majoré des intérêts courus. La Chambre
pénale genevoise a sollicité un avis de l'Institut suisse de droit comparé
(ISDC) sur le droit espagnol. L'ISDC a remis son avis le 10 février 1999,
complété par un courrier du 16 juillet 1999.

    D.- Par un nouvel arrêt du 22 novembre 1999, la Chambre pénale
genevoise a admis la requête en confiscation du Ministère public.

    E.- X. a formé un pourvoi cantonal contre l'arrêt du 22 novembre
1999. La Cour de cassation genevoise a admis ce pourvoi par arrêt du 15
septembre 2000. Elle a rappelé que l'acquittement prononcé en Espagne
concernait d'autres faits que ceux liés au trafic d'armes. Selon elle,
l'infraction au droit espagnol n'avait pas été déterminée avec une
précision suffisante; cette infraction ne pouvait pas trouver sa source
dans l'embargo des Nations Unies sur le commerce d'armes à destination
des pays de l'ex-Yougoslavie car la résolution du Conseil de sécurité
n'avait pas encore été mise en oeuvre en Espagne à l'époque des faits
reprochés, contrairement à la Suisse avec l'ordonnance du Conseil fédéral
du 18 décembre 1991 sur l'acquisition et le port d'armes à feu par
des ressortissants yougoslaves; par conséquent, seule une infraction
"ordinaire" de la législation espagnole pouvait entrer en ligne de
compte. La Cour de cassation genevoise a ainsi renvoyé la cause à la
Chambre pénale pour qu'elle procède à un complément d'instruction quant
au droit espagnol.

    L'ISDC a rendu un avis complémentaire le 2 février 2001.

    F.- Statuant à nouveau par arrêt du 25 juin 2001, la Chambre pénale
genevoise a derechef admis la requête en confiscation du Ministère public.

    G.- Par arrêt du 1er février 2002, la Cour de cassation genevoise a
rejeté le pourvoi cantonal formé par X. contre l'arrêt du 25 juin 2001.

    La Cour de cassation genevoise a retenu les faits suivants: Chargé
d'armes, le navire "Nadia" a quitté, probablement en avril 1992, le port
de Ceuta (Espagne) sur la base d'une autorisation des autorités espagnoles
obtenue grâce à une fausse déclaration de destination, qui mentionnait
le Yémen à la place de l'ex-Yougoslavie. X. possédait la maîtrise de ce
trafic d'armes vers l'ex-Yougoslavie et a agi avec conscience et volonté
s'agissant de la fausse déclaration de destination.

    La Cour de cassation genevoise a relevé que, de son point de vue et
alors que le Tribunal fédéral ne s'était encore jamais exprimé sur

cette question, il était possible de prononcer une confiscation en vertu du
droit suisse même en l'absence de tout rattachement avec notre pays. Il
fallait pour cela que le comportement en cause fasse l'objet d'une
disposition pénale en droit étranger comme en droit suisse et que soit
ainsi réalisée la condition de la double incrimination abstraite. Cette
condition était remplie en l'espèce. En droit suisse, le comportement
reproché à X., soit le fait d'avoir porté sur un document administratif une
indication mensongère concernant la destination d'une cargaison d'armes,
tombait sous le coup de la loi fédérale sur le matériel de guerre du 30
juin 1972 (RO 1973 p. 107), en vigueur au moment des faits, dont l'art. 17
al. 1 let. b réprime le comportement de celui qui donne des indications
fausses ou incomplètes dans une demande en vue d'une autorisation
d'exporter du matériel de guerre. Le comportement de X. tombait également
sous le coup d'une norme espagnole de droit pénal administratif, l'art. 1.1
al. 1 ch. 6 de la "Ley Organica 7/82" du 13 juillet 1982. Dans la suite
de son raisonnement, la Cour de cassation genevoise a considéré que les
fonds saisis auprès de la banque genevoise se trouvaient dans un rapport
de connexité directe avec l'établissement de la fausse déclaration et
représentaient ainsi le résultat de l'infraction. Elle a prononcé leur
confiscation en vertu de l'art. 58 aCP et non de l'art. 59 CP, lequel
est entré en vigueur le 1er août 1994, soit postérieurement aux faits
reprochés.

    H.- X. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre l'arrêt
de la Cour de cassation genevoise du 1er février 2002. Il conclut à
son annulation.

    Le Tribunal fédéral a admis le pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) S'opposant à la confiscation d'avoirs bancaires lui appartenant,
le recourant est légitimé à se pourvoir en nullité en vertu de l'art. 270
let. h PPF (RS 312.0).

    b) Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle
l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de
fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1
let. b et 277bis al. 1 PPF). Le raisonnement juridique doit donc être
mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont le
recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

Erwägung 2

    2.- a) Il ne ressort pas de la procédure cantonale que l'Espagne
aurait sollicité de la Suisse la confiscation des avoirs bancaires du

recourant en raison des faits qui lui sont reprochés dans l'arrêt
attaqué. Quoique ces faits se soient passés hors de la Suisse, que le
recourant ne soit pas citoyen de ce pays et qu'il n'y soit pas domicilié,
la Cour de cassation genevoise a admis qu'elle était compétente pour
confisquer les avoirs bancaires de ce dernier en vertu du droit suisse. Le
recourant le conteste.

    b) La confiscation des valeurs patrimoniales a été prononcée en vertu
de l'art. 58 aCP, qui dispose qu'alors même qu'aucune personne déterminée
n'est punissable, le juge prononcera la confiscation des objets et valeurs
qui sont le produit ou le résultat d'une infraction, qui ont été l'objet
d'une infraction ou qui ont servi à la commettre ou qui étaient destinés
à la commettre, s'il y a lieu de supprimer un avantage ou une situation
illicite ou si les objets compromettent la sécurité des personnes, la
morale ou l'ordre public.

    Il n'est pas contesté que sur le point ici litigieux - la compétence
des autorités suisses pour confisquer les valeurs patrimoniales -,
l'art. 58 aCP n'a pas de portée distincte par rapport à la nouvelle
réglementation sur la confiscation, en vigueur depuis le 1er août
1994. Celle-ci sépare désormais la confiscation d'objets dangereux (art. 58
CP) et la confiscation de valeurs patrimoniales (art. 59 CP). L'art. 58
CP prévoit qu'alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable,
le juge prononcera la confiscation d'objets qui ont servi ou devaient
servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction,
si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre
public. Selon l'art. 59 ch. 1 al. 1 CP, le juge prononcera la confiscation
des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui
étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction,
si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de
ses droits.

    c) La question de savoir si une confiscation peut intervenir ou non du
seul fait que les valeurs patrimoniales sont situées en Suisse, alors que
l'infraction qui en est à l'origine n'est pas poursuivable dans ce pays,
est débattue en doctrine.

    Le courant majoritaire considère que la confiscation suppose que la
compétence territoriale suisse soit établie en vertu des art. 3 à 7 CP
ou d'une disposition spécifique, comme l'art. 24 de la loi fédérale du 3
octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup;
RS 812.121), selon lequel les avantages pécuniaires illicites qui se
trouvent en Suisse seront également acquis à l'Etat lorsque l'infraction
aura été commise à l'étranger (cf. URSULA CASSANI, Combattre le crime en
confisquant les profits: Nouvelles perspectives

d'une justice transnationale, in Criminalité économique, Groupe suisse
de travail de criminologie, vol. 17, 1999, p. 262/263 et les références
citées sous note 7; cf. aussi les références citées in ATF 122 IV 91
consid. 3b p. 94). Autrement dit, sous réserve d'une loi spéciale, une
confiscation n'est possible que si l'infraction en relation avec les
biens à confisquer ressortit à la compétence du juge suisse.

    Deux auteurs sont d'avis que la compétence territoriale pour
la confiscation appartient au juge du lieu où se trouve les valeurs
patrimoniales, indépendamment de la compétence pour l'action pénale contre
l'auteur, lorsque l'infraction est punissable aussi bien dans l'Etat où
elle a été commise qu'en Suisse - principe de la double incrimination
abstraite (cf. NIKLAUS SCHMID, Kommentar Einziehung, organisiertes
Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, art. 58 CP n. 30 ss,
art. 59 CP n. 28 et 230; le même, Das neue Einziehungsrecht nach StGB
Art. 58 ff., in RPS 113/1995 p. 321 ss, spéc. 325 et 332; MAURICE HARARI,
Corruption à l'étranger: quel sort réserver aux fonds saisis en Suisse?,
in RPS 116/1998 p. 1 ss, spéc. 11 ss). Pour fonder sa solution, la Cour
de cassation genevoise s'est référée à ces deux auteurs.

    La jurisprudence a jusqu'ici suivi la doctrine dominante et considère
ainsi que, sous réserve d'une norme spéciale comme l'art. 24 LStup, la
confiscation implique que la juridiction suisse soit compétente au sens
des art. 3 à 7 CP pour poursuivre l'infraction qui est à l'origine des
biens à confisquer, ou dont ces derniers sont le produit ou l'instrument
(ATF 117 IV 233 consid. 4 p. 238; 115 Ib 517 consid. 7g/aa p. 538 et 13c
p. 553; arrêt 1P.299/1993 du 8 novembre 1993, traduit in SJ 1994 p. 110).
Mais plus récemment, en référence à la position émise par SCHMID, elle
a relevé que la question faisait l'objet d'une controverse doctrinale
(ATF 122 IV 91 consid. 3b p. 94).

    d) Pour motiver sa solution, la doctrine minoritaire se réfère au
libellé de l'art. 58 CP, selon lequel une confiscation peut être prononcée
"alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable" ("ohne
Rücksicht auf die Strafbarkeit einer bestimmten Person"; "indipendentemente
dalla punibilità di una data persona"), qu'elle applique également à
l'art. 59 CP. Cette clause est reprise de l'art. 58 aCP. Son extension à
l'art. 59 CP ne prête pas le flanc à la critique (cf. FF 1993 III 298).
Cependant, la vocation de cette clause n'est pas de régler la compétence
territoriale, mais d'assurer la possibilité de confisquer, alors même
que l'auteur de l'infraction ne peut être identifié, qu'il est décédé
ou irresponsable ou qu'il ne peut être poursuivi en Suisse pour d'autres
raisons, par exemple parce

qu'il s'est enfui à l'étranger et qu'il n'a pas été extradé (cf. CASSANI,
op. cit., p. 262).

    Selon le message du Conseil fédéral relatif à la révision qui a
abouti aux actuels art. 58 ss CP, la possibilité de confisquer des valeurs
patrimoniales "alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable"
n'a pas d'autre portée que le droit alors en vigueur (l'art. 58 aCP)
et vise en particulier les cas où l'auteur n'est pas identifié ou si un
acquittement doit être prononcé, bien que les éléments constitutifs de
l'infraction soient réalisés, par exemple en raison de l'irresponsabilité
de l'auteur (cf. FF 1993 III 298/299). Au moment de cette révision,
la jurisprudence précitée (ATF 117 IV 233 consid. 4 p. 238; 115 Ib 517
consid. 7g/aa p. 538 et 13c p. 553) avait déjà relevé que la confiscation
implique la compétence de la juridiction suisse quant à l'action pénale
selon les art. 3 à 7 CP ou une loi spéciale. Si le législateur fédéral
avait souhaité ouvrir la confiscation indépendamment de toute compétence
pour l'action pénale contre l'auteur, il l'aurait clairement spécifié,
comme il l'a par exemple fait à l'art. 24 LStup.

    La révision en cours de la partie générale du Code pénal ne modifie pas
cette solution. Le projet (art. 69 ss) reprend les dispositions actuelles
relatives à la confiscation (cf. FF 1999 p. 1914; BO 1999 CE 1129;
BO 2001 CN 584). Les art. 3 à 8 du projet reprennent par ailleurs les
principes définis actuellement aux art. 3 ss CP, sous réserve des délits
sexuels contre les mineurs, qui sont soumis à une compétence universelle
(cf. FF 1999 p. 1798 ss). Les Chambres fédérales débattent d'introduire
à l'art. 7 du projet une compétence universelle en cas de violation
"des principes généraux de droit reconnus par la communauté des peuples"
(cf. BO 2001 CN 541). Quoi qu'il en soit, il n'est pas envisagé d'admettre
une compétence générale pour le prononcé d'une confiscation au lieu de
situation des avoirs.

    Les art. 3 à 7 CP posent les règles d'application du Code pénal, dont
l'art. 59 CP fait précisément partie. Pour qu'il puisse être question
d'une infraction selon le droit pénal suisse, il est indispensable qu'il
existe un point de rattachement avec notre pays, tel que défini aux art. 3
à 7 CP. La confiscation selon l'art. 59 CP de valeurs patrimoniales en
relation avec une infraction est aussi soumise aux art. 3 à 7 CP. Elle ne
peut être ordonnée que si l'infraction en cause ressortit à la compétence
de la juridiction suisse.

    Il ne faut d'ailleurs pas minimiser la compétence territoriale du
juge suisse en matière de confiscation, en particulier telle qu'elle

peut découler de l'art. 7 CP (cf. infra, let. e) ou encore de
l'art. 305bis ch. 3 CP, qui prévoit que les avoirs issus d'un crime à
l'étranger peuvent constituer un blanchiment en Suisse; par ce biais,
les fonds blanchis peuvent être considérés comme le résultat au sens de
l'art. 59 CP d'une infraction commise en Suisse et ainsi être confisqués
(cf. CASSANI, op. cit., p. 264/265). En outre, il faut évidemment
réserver la coopération internationale et la saisie d'avoirs en Suisse
à la requête d'un Etat étranger (cf. notamment art. 63 al. 2 let. d EIMP
[RS 351.1]; art. 13 ss de la Convention no 141 du Conseil de l'Europe du 8
novembre 1990, relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation des produits du crime [RS 0.311.53]). D'ailleurs, en matière
de collaboration internationale, la possibilité d'une confiscation autonome
en vertu des art. 3 à 7 CP ou d'une loi spéciale a une incidence. Par
exemple, l'art. 13 de la Convention no 141 précitée oblige les Etats
contractants à se prêter mutuellement assistance en aménageant l'une des
voies suivantes: soit exécuter la décision de confiscation rendue par
l'Etat requérant (art. 13 ch. 1 let. a), soit prononcer la confiscation
par une voie autonome (art. 13 ch. 1 let. b); dans son message relatif à
la ratification de la Convention, le Conseil fédéral expose que la Suisse
empruntera la voie de la confiscation autonome lorsqu'elle est compétente
en vertu des art. 3 à 7 CP ou d'une norme spéciale comme l'art. 24 LStup,
alors que s'il n'existe aucun rattachement, elle exécutera la décision
étrangère de confiscation (cf. FF 1992 VI 21/22). Une telle conception
n'aurait aucun sens si l'on admettait, en suivant la doctrine minoritaire,
qu'une confiscation autonome en Suisse est possible en raison du seul
lieu de situation des valeurs patrimoniales.

    e) En l'espèce, l'Espagne n'a pas requis la coopération de la Suisse
pour les faits dont il est question ici. La qualification de blanchiment
n'a pas été retenue. Il ne reste que l'art. 7 CP qui puisse fonder la
compétence du juge suisse pour l'action pénale, aucun autre rattachement
en vertu des art. 3 ss CP n'étant réalisé.

    Selon l'art. 7 al. 1 CP, un crime ou un délit est réputé commis tant
au lieu où l'auteur a agi, qu'au lieu où le résultat s'est produit. Il
a été reproché au recourant d'avoir porté sur un document administratif
une indication mensongère concernant la destination d'une cargaison
d'armes et d'avoir ainsi obtenu des autorités espagnoles l'autorisation
pour le navire de quitter le port. Pour la Cour de cassation genevoise,
ce comportement est en droit suisse constitutif de l'infraction réprimée
par l'art. 17 al. 1 let. b de la loi fédérale sur le matériel de guerre
du 30 juin 1972 (RO 1973 p. 107). A ce stade de la

procédure, une autre qualification juridique ne saurait être
envisagée. L'art. 17 al. 1 let. b précité punit de l'emprisonnement ou
d'une amende jusqu'à 500'000 francs, voire de la réclusion pour cinq
ans au plus dans les cas graves, celui qui intentionnellement donne dans
une demande formulée en vertu de la présente loi des indications fausses
ou incomplètes, déterminantes pour l'octroi d'une autorisation, ou fait
usage d'une telle demande établie par un tiers.

    Pour admettre un for pour l'action pénale relativement à cette
infraction, il faudrait qu'elle ait produit un résultat en Suisse au sens
de l'art. 7 CP. Le Tribunal fédéral a longtemps considéré, à la suite
d'un revirement de sa jurisprudence, que la notion de résultat selon
l'art. 7 CP s'interprétait de la même manière que pour la définition
du délit matériel (ATF 105 IV 326 consid. 3c à g p. 327 ss). Il s'est
récemment distancié de cette solution et est revenu à une interprétation
plus large de la notion de résultat. Il a ainsi estimé que la lecture en
Suisse de lettres diffamatoires par des personnes à qui elles avaient été
adressées depuis l'étranger était une conséquence suffisante de l'acte
en Suisse pour admettre un résultat au sens de l'art. 7 CP et, partant,
l'application du droit suisse, même si cette prise de connaissance ne
devait pas constituer un résultat au sens technique des délits matériels
(ATF 125 IV 177 consid. 2 et 3 p. 180 ss). Le Tribunal fédéral a également
examiné la question du résultat relativement à la qualification d'abus
de confiance. Il s'agissait d'un acte commis à l'étranger ayant conduit
à l'appauvrissement d'une société anonyme avec siège en Suisse, du fait
que le compte de celle-ci en Suisse n'avait pas été crédité du montant
correspondant à des marchandises soustraites. Le Tribunal fédéral a admis
que cet appauvrissement constituait un résultat au sens de l'art. 7 CP pour
le motif qu'il représentait une diminution de patrimoine, immédiatement
provoquée en Suisse par l'infraction, ce que ne pouvait ignorer l'auteur
dès lors que le siège de la société lésée était en Suisse (ATF 124 IV
241 consid. 4c et d p. 244/245).

    Rien en l'occurrence ne permet d'appréhender les versements opérés
sur le compte bancaire à Genève comme le résultat de l'infraction prise
en considération, qui réprime uniquement la fausse indication donnée par
le recourant aux autorités espagnoles afin d'obtenir une autorisation
de départ pour le navire. Cette indication représente certes l'un des
éléments qui a permis de concrétiser le trafic d'armes. Mais elle n'a pas
eu comme conséquence directe et immédiate les versements d'argent auprès
de la banque genevoise. Contrairement à l'avis de la Cour de cassation
genevoise, la présente

configuration ne peut être assimilée à celle visée dans l'arrêt du
Tribunal fédéral 6S.819/1998 du 4 mai 1999 (publié in SJ 1999 I p.
417), où la remise d'un chèque falsifié, réalisant la qualification de
faux dans les titres (art. 251 CP), à une banque avait permis d'obtenir
indûment de l'argent de celle-ci; car dans ce dernier cas, c'est l'emploi
du titre falsifié auprès de la banque lésée qui avait directement procuré
l'avantage illicite. En outre, il ne ressort pas de l'état de fait que le
prix des armes aurait directement été versé sur le compte à Genève. Or, il
ne suffit pas pour fonder un résultat au sens de l'art. 7 CP que le prix
payé ailleurs soit ensuite transféré en Suisse. Encore peut-on relever
que les versements sont pour partie intervenus à des dates antérieures
à celle d'avril 1992 retenue pour le départ du navire.

    Faute de connexité immédiate entre les versements et l'infraction
imputée au recourant, celle-ci n'a donc pas produit de résultat en Suisse
au sens de l'art. 7 CP, susceptible de fonder la compétence des tribunaux
suisses. Il en découle qu'une confiscation en vertu de l'art. 58 aCP,
respectivement de l'art. 59 CP, est exclue (cf. supra, consid. 2d). La
confiscation prononcée viole le droit fédéral. Le grief du recourant
est fondé.

    Il résulte de ce qui précède qu'en dehors de toute coopération
internationale requise de la Suisse par un Etat étranger et de tout
rattachement de l'infraction avec la Suisse, des valeurs patrimoniales
ne sauraient, en l'état du droit, faire l'objet d'une confiscation. Le
cas échéant, il appartient au législateur fédéral de définir à quelles
conditions une mesure de confiscation autonome pourrait intervenir en
pareille situation.