Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 128 II 112



128 II 112

15. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause
Grande Dixence SA c/ Conseil d'Etat du canton du Valais (recours de droit
administratif et de droit public)

    2A.525/2000 / 2P.272/2000 du 17 janvier 2002

Regeste

    Art. 76 Abs. 4 BV; Art. 49 Abs. 1 und 2 WRG; Gesetzmässigkeit der
besonderen Wasserkraftsteuer des Kantons Wallis; allfällige wohlerworbene
Rechte des Konzessionärs

    Obwohl die der besonderen Steuer zu Grunde liegende Bestimmung
des kantonalen Rechts weder das Objekt der Besteuerung noch die
Bemessungsgrundlage dieser Steuer unmittelbar festlegt, genügt sie als
gesetzliche Grundlage. Die entsprechenden Parameter lassen sich leicht aus
anderen Bestimmungen des kantonalen Gesetzes ableiten, deren systematische,
historische und teleologische Auslegung in diesem Punkt übereinstimmt
(E. 5 und 6). Zur Bestimmung des Satzes der besonderen Steuer darf das
kantonale Gesetz zulässigerweise auf den bundesrechtlich vorgesehenen
Maximalsatz verweisen (E. 7-9).

    Rechtsnatur der besonderen Wasserkraftsteuer im Verhältnis zum
Wasserzins; Tragweite allfälliger wohlerworbener Rechte des Konzessionärs
(abgeleitet aus dem Grundsatz von Treu und Glauben und aus der
Eigentumsgarantie) im Falle einer Erhöhung der besonderen Steuer (E. 10).

Sachverhalt

    La société Grande Dixence SA (ci-après: la Société) bénéficie de
deux concessions octroyées par l'Etat du Valais pour l'utilisation des
eaux du Rhône provenant de la Viège et de la Borgne; elle est également
au bénéfice de concessions délivrées par diverses communes valaisannes
pour l'exploitation des forces hydrauliques des eaux de la Viège, de la
Borgne et de la Fara. Certaines de ces concessions avaient initialement
été établies, en 1948, en faveur de la société Energie de l'Ouest-Suisse
SA (sur l'état actuel et la répartition de ces concessions, cf. HANS
WYER, Rechtsfragen der Wasserkraftnutzung, thèse Berne 2000, Annexe II:
Extrait du Répertoire des concessions de forces hydrauliques valaisannes
[état 1999], p. 34/35).

    Le 3 décembre 1997, le Conseil d'Etat du canton du Valais (ci-après:
le Conseil d'Etat) a décidé que, pour l'année civile 1997, le calcul de la
redevance hydraulique et de l'impôt spécial se ferait sur la base d'un taux
maximum de 54 fr. par kilowatt théorique jusqu'au 30 avril 1997, et de 80
fr. par kilowatt théorique dès le 1er mai 1997. Ce nouveau taux faisait
suite à une modification, intervenue le 1er mai 1997 (RO 1997 p. 991 ss,
p. 998), de l'art. 49 al. 1 de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur
l'utilisation des forces hydrauliques (ci-après: LFH ou loi fédérale;
RS 721.80).

    Le Département de la santé, des affaires sociales et de l'énergie du
canton du Valais (ci-après: le Département) a fixé l'impôt spécial sur les
forces hydrauliques dû par la Société pour les années 1997 et 1998 sur la
base du nouveau taux maximum (décisions des 31 janvier 1998 et 1999). La
Société a formé réclamation contre ces décisions, en faisant valoir que,
malgré la modification de la législation fédérale intervenue le 1er mai
1997, l'impôt spécial sur les

forces hydrauliques devait continuer de se calculer selon l'ancien taux
de 32 fr. 40 par kilowatt théorique (correspondant à 60 pour cent du taux
maximum admis par la législation fédérale, qui était de 54 fr. jusqu'au
30 avril 1997). Elle soutenait en effet que l'application du nouveau taux
de 48 fr. par kilowatt théorique (correspondant à 60 pour cent du taux
maximum de 80 fr. admis par la législation fédérale à partir du 1er mai
1997) violait le principe de la légalité et portait atteinte à ses droits
acquis. Elle se réservait également le droit, selon l'issue de discussions
qui étaient en cours avec le Conseil d'Etat, de contester l'existence
même d'une base légale suffisante permettant de prélever l'impôt spécial.

    Sous réserve d'une légère réduction du montant de l'impôt spécial dû
pour l'année civile 1998 (résultant de la prise en compte de l'ancien
taux d'imposition pour les quatre premiers mois de cette année-là),
le Département a rejeté les réclamations dont il était saisi, par deux
décisions du 30 septembre 1999. Le Tribunal cantonal a également rejeté,
dans un seul et même arrêt du 20 septembre 2000, les recours formés par
la Société contre les deux décisions précitées.

    La Société dépose au Tribunal fédéral un recours de droit administratif
(cause no 2A.525/2000) et un recours de droit public (cause no 2P.272/2000)
contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2000 par le Tribunal cantonal. Dans
son recours de droit administratif, elle conclut, sous suite de frais
et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi du dossier
au Département pour, s'il y a lieu, nouvelle taxation. Aux termes de
son recours de droit public, elle conclut à l'annulation de l'arrêt
attaqué sous suite de frais et dépens. Elle se plaint, en substance,
de l'absence de base légale et de l'arbitraire de l'impôt spécial qui
lui est réclamé et invoque la force dérogatoire du droit cantonal (sic)
ainsi que la violation de ses droits acquis, du principe de la bonne foi
et de la garantie de la propriété.

    Après avoir joint les causes, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable
le recours de droit administratif et rejeté le recours de droit public.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- a) Aux termes de l'art. 76 al. 4 Cst. - qui a clarifié l'art. 24bis
al. 3 aCst. sans y apporter de changement matériel (cf. Message du Conseil
fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale,
in FF 1997 I 1, p. 254 ad art. 60 al. 4 du projet de nouvelle Constitution;
HANS WYER, op. cit., p. 16) -, les

cantons disposent des ressources en eau et peuvent prélever, dans
les limites prévues par la législation fédérale, une taxe pour leur
utilisation.

    Les limites que doit prévoir la législation fédérale, selon la
disposition constitutionnelle précitée, sont fixées à l'art. 49 LFH,
dont la teneur est la suivante:
      "1 La redevance hydraulique annuelle ne peut excéder 80 francs par

    kilowatt théorique (...).
       2 Les usines faisant l'objet d'une concession et l'énergie qu'elles

    produisent ne peuvent être grevées d'impôts spéciaux. Toutefois, si la

    législation cantonale fixe une redevance maximum inférieure au
taux admis

    par les prescriptions fédérales, le canton peut percevoir un impôt

    spécial, pourvu que les deux taxes réunies n'excèdent pas ce taux.
       3 (...)  4 (...)."

    b) Le prélèvement de la redevance et de l'impôt spécial font l'objet,
dans la loi cantonale, de deux chapitres distincts (respectivement des
chapitres 2 et 3).

    aa) Intitulé "Des concessions des forces hydrauliques", le chapitre
2 de la loi cantonale traite notamment, sous la lettre D, des "taxes et
redevances" (art. 63 ss de la loi du 28 mars 1990 sur l'utilisation des
forces hydrauliques [ci-après: LFH/VS ou loi cantonale]).

    Ainsi, l'art. 63 LFH/VS pose le principe d'une "taxe initiale"
que doit payer le concessionnaire au concédant pour tout octroi,
renouvellement ou transfert de concession de droits d'eau, tandis que
l'art. 64 LFH/VS met à la charge du concessionnaire un "émolument" en
faveur de l'Etat dans un certain nombre de situations proches de celles
décrites à l'art. 63 (notamment en cas d'octroi, de modification, de
renouvellement ou de transfert d'une concession de forces hydrauliques
cantonales ou communales). Quant aux art. 65 et 66 LFH/VS, ils fixent le
principe et les modalités de calcul de la redevance de la manière suivante:
      "Art. 65 Redevance
       1 Dès le moment où le premier groupe commence à produire
       régulièrement

    du courant, le concessionnaire est tenu de verser à la communauté qui

    dispose de la force la redevance pour le droit d'eau concédé, redevance

    calculée d'après la puissance théorique et payable pour chaque année
à la

    fin janvier de l'année suivante.
       2 Aussi longtemps que le prix de la matière première force
       hydraulique

    n'est pas déterminé selon le marché libre, la redevance correspond
au plus

    à 40% du montant maximum tel que fixé par la loi fédérale sur

    l'utilisation

    des forces hydrauliques et dans la mesure où la concession de droit

    d'eau n'a pas expressément prévu un montant inférieur. Si la redevance

    maximum selon le droit fédéral est modifiée, le maximum de la redevance

    appliqué dans le canton subira une modification proportionnelle.
       3 (...)  Art. 66 Calcul de la puissance théorique 1 Fait règle
       pour le calcul de la redevance hydraulique la puissance

    théorique moyenne, calculée d'après la hauteur de chute et le débit

    utilisables.
       2 La hauteur de chute utilisable correspond à la différence
       de niveau

    dans le cours d'eau naturel entre la prise d'eau et le point de

    restitution.
       3 Est considérée comme débit utilisable la quantité d'eau
       disponible en

    vertu de la concession de droits d'eau pour autant que celle-ci
ne dépasse

    pas la capacité d'absorption des installations autorisées.
       4 Si la détermination de la puissance théorique moyenne rencontre
       des

    difficultés d'ordre technique particulières, celle-ci peut être
calculée

    sur la base de l'énergie produite, compte tenu de la hauteur de
chute et

    du débit disponible non utilisés. Le département décide dans quels
cas ce

    mode de calcul peut être adopté et ordonne au besoin les mesures

    nécessaires. Il tient à la disposition des communes toutes les données

    techniques nécessaires et les assiste de ses conseils pour le calcul
de la

    redevance.
       5 (...)"

    bb) L'impôt spécial fait, quant à lui, l'objet du chapitre 3 de la
loi cantonale, qui comprend les art. 71 à 74 LFH/VS.

    L'art. 71 LFH/VS dispose notamment ceci:
      "1 Le canton perçoit de toute entreprise utilisant des forces

    hydrauliques, dès la mise en service de l'usine, un impôt spécial
sur les

    forces hydrauliques égal à 60% du taux maximum prévu dans la loi
fédérale

    sur l'utilisation des forces hydrauliques.
       2 Le 15% de l'impôt spécial brut revenant au canton est versé chaque

    année dans un fonds de financement destiné à l'augmentation du capital

    social des Forces motrices valaisannes (FMV). Ce fonds est à
disposition

    du canton et des communes qui pourront l'utiliser proportionnellement à

    leurs droits dans la société organisée selon la présente loi.
       3 Ce fonds de financement est exempté de tous impôts et est géré
       par le

    département compétent.
       4 (...)  5 Le Conseil d'Etat peut, sur demande, réduire pour
       une durée

    indéterminée l'impôt spécial sur l'énergie produite dans le canton, si

    cette énergie est consommée par des exploitations économiquement

    importantes installées dans le canton et que celles-ci en tirent profit

    directement.
       6 (...)"

    Les art. 72 et 73 LFH/VS règlent des questions particulières
(répartition de l'indemnité versée par la Confédération pour perte d'impôts
et calcul de l'impôt spécial en cas de modernisation des installations)
alors que l'art. 74 LFH/VS délègue au Conseil d'Etat la compétence
d'édicter dans un règlement d'exécution les dispositions concernant
notamment les modalités du calcul et de la perception des redevances et
de l'impôt spécial sur les forces hydrauliques.

Erwägung 5

    5.- La recourante fait valoir que l'art. 71 LFH/VS ne constitue pas
une base légale suffisante pour la perception d'un impôt spécial sur les
forces hydrauliques.

    a) En matière de contributions publiques, le principe de la légalité
est un droit constitutionnel indépendant dont la violation peut être
directement invoquée dans un recours de droit public (cf. dans ce sens,
en rapport avec l'art. 4 aCst., ATF 126 I 180 consid. 2a/aa p. 182). Il
est concrétisé par l'art. 127 al. 1 Cst. qui prévoit que la qualité de
contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul sont définis par
la loi. Cette disposition reprend la jurisprudence rendue sous l'empire
de l'ancienne Constitution fédérale et vaut aussi bien pour les impôts
fédéraux que cantonaux (cf. Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996
relatif à une nouvelle Constitution fédérale, FF 1997 I 1 ss, p. 351 s.).

    Le principe de la légalité, qui vise notamment à protéger l'administré
contre tout comportement arbitraire de l'Etat, s'applique de façon générale
à toutes les contributions publiques, mais avec des nuances visant à
tenir compte de la nature spécifique de certaines contributions. Ainsi,
il peut notamment être assoupli lorsque d'autres principes remplissent
également une fonction protectrice, tels ceux de la couverture des frais
et de l'équivalence qui permettent, dans une certaine mesure, de contrôler
le montant de la contribution (cf. ATF 126 I 180 consid. 3a p. 188). Ces
principes ne sauraient toutefois remplacer complètement et entièrement
l'exigence d'une base légale formelle (cf. ATF 125 I 173 consid.
9c p. 180).

    b) Dans le cas particulier, l'impôt spécial est destiné, pour une
petite part seulement, à alimenter des fonds spéciaux (cf. art. 70 al. 1 et
art. 71 al. 2 LFH/VS), sans toutefois qu'on puisse dire que ceux-ci servent
directement les intérêts des entreprises qui y sont assujetties (sur les
buts de ces fonds, cf. art. 70 al. 2 et 89 LFH/VS). La contribution en
cause ne saurait donc être qualifiée de charge de préférence (sur cette
notion, cf. ATF 122 I 305 consid. 4b p. 309 s.). Au demeurant, dans sa
plus grande part, il faut admettre - en

l'absence d'indications contraires - que l'impôt spécial sert au
financement des dépenses générales du canton. Il doit par conséquent
reposer sur une base légale formelle possédant la densité normative requise
pour les impôts au sens strict du terme (cf. ATF 125 I 182 consid. 4a
p. 193; 124 I 11 consid. 6a p. 19).

Erwägung 6

    6.- a) Selon la recourante, la loi cantonale ne définit pas l'objet
de l'impôt spécial, le renvoi de l'art. 71 al. 1 LFH/VS à la législation
fédérale ne permettant pas de remédier à cette insuffisance. Elle considère
en effet que ce point devrait être réglé directement dans la loi cantonale
elle-même, la possibilité de déterminer l'objet de l'impôt par le recours
à une interprétation systématique de la loi n'étant pas, à ses yeux, en
accord avec les exigences qui découlent du principe de la légalité. Par
ailleurs, en ce qui concerne l'assiette de l'impôt spécial, l'art. 71 al. 1
LFH/VS ne comporterait pas réellement de renvoi au droit fédéral, le texte
de la disposition précitée étant "muet à ce sujet". Un tel renvoi ne serait
d'ailleurs pas suffisamment clair pour être pris en considération, car
la loi fédérale ne définit nullement l'assiette de l'impôt spécial, mais
seulement celle de la redevance (cf. art. 51 LFH). Enfin, la recourante
souligne que la législation fédérale ne pose qu'une seule limite, à savoir
que, cumulés, redevance et impôt spécial ne doivent pas dépasser le taux
maximum fixé à l'art. 49 al. 1 LFH. L'application de l'art. 71 LFH/VS
conduirait ainsi à "un résultat absurde qui débouche en réalité sur un
renvoi circulaire", allant de la législation cantonale à la législation
fédérale pour fixer le taux d'imposition, puis de la législation fédérale
à la législation cantonale pour déterminer les bases de calcul applicables.

    b) Il est vrai que, considéré isolément, l'art. 71 al.  1 LFH/VS
ne permet pas de déterminer précisément l'objet de l'impôt spécial
et la manière de le calculer. Toutefois, en prévoyant que cet impôt
"est égal à 60 pour cent du taux maximum prévu dans la loi fédérale sur
l'utilisation des forces hydrauliques", la disposition précitée renvoie
clairement au montant maximum prévu à l'art. 49 al. 1 LFH, soit 80 fr.
par kilowatt théorique (54 fr. jusqu'au 30 avril 1997). Avec l'autorité
intimée, il faut donc convenir que ce renvoi permet aisément de déterminer
tant l'objet de l'impôt spécial (les kilowatts théoriques) que son taux
(48 fr. par kilowatt théorique, soit les 60 pour cent du taux maximum
admis par la loi fédérale). Que seule soit définie dans la loi fédérale
la manière de calculer la redevance (cf. art. 51 LFH), mais non celle de
calculer l'impôt spécial, n'est d'aucun secours à la recourante. En effet,
le législateur cantonal a manifesté

de manière reconnaissable son intention, par le renvoi à la législation
fédérale, d'établir un impôt spécial qui reprenne l'objet et les bases
de calcul applicables à la redevance, tant il serait contraire à toute
logique que le taux d'imposition prévu à l'art. 71 al. 1 LFH/VS, qui est
égal à 60 pour cent du montant - exprimé en kilowatt théorique - fixé à
l'art. 49 al. 1 LFH, soit finalement destiné à taxer autre chose que des
kilowatts théoriques.

    c) Certes, on peut se demander si le droit cantonal peut valablement,
par le simple jeu d'un renvoi, laisser au droit fédéral le soin de définir
l'objet et l'assiette d'un impôt cantonal. Cette question peut toutefois
rester ouverte.

    Il apparaît en effet que, dans le cas particulier, la loi cantonale
décrit de manière claire et précise les contours de la redevance
hydraulique, en prévoyant que c'est la puissance théorique moyenne,
calculée d'après la hauteur de chute et le débit utilisables, qui fait
généralement règle pour le calcul de cette contribution (cf. art. 65 al. 1
et 66 al. 1 LFH/VS), sauf difficultés d'ordre technique particulières
(cf. art. 66 al. 4 LFH/VS). Or, le renvoi à la loi fédérale qui,
s'agissant de la redevance, procède de l'art. 65 al. 2 LFH/VS, est formulé
de manière tout à fait comparable à celui que consacre l'art. 71 al. 1
LFH/VS pour déterminer le taux de l'impôt spécial. Il existe donc, dans
la loi cantonale, une évidente symétrie entre la redevance et l'impôt
spécial en ce qui concerne l'objet et l'assiette de ces contributions.
Cette symétrie est encore soulignée par la complémentarité que présentent
les taux d'imposition applicables à chacune des contributions en cause,
soit respectivement 60 et 40 pour cent (au plus) du montant maximum fixé à
l'art. 49 al. 1 LFH. Ces similitudes témoignent clairement de la volonté du
législateur cantonal de voir appliquer à l'impôt spécial les mêmes bases
d'imposition qu'à la redevance, à savoir la puissance théorique moyenne
calculée selon la hauteur de chute et le débit utilisables. Cette volonté
a d'ailleurs été explicitée à l'art. 13 du règlement valaisan du 4 juillet
1990 concernant l'exécution de la loi du 28 mars 1990 sur l'utilisation
des forces hydrauliques (ci-après: RLFH/VS ou le règlement cantonal).

    Il s'ensuit que, bien que la disposition formelle de droit cantonal
instituant l'impôt spécial (art. 71 LFH/VS) ne définisse pas elle-même
directement l'objet et l'assiette de cette contribution, l'un et l'autre
de ces paramètres se laissent facilement déduire d'autres dispositions
du texte même de la loi cantonale (soit les art. 65 ss LFH/VS relatifs
à la redevance), sans que celui-ci ne puisse donner lieu à

aucune autre interprétation, ce qui satisfait à l'exigence d'une base
légale formelle (cf. ATF 109 Ib 308 consid. 6b p. 316).

    d) L'analyse historique que propose la recourante ne permet pas
d'aboutir à une autre conclusion.

    Certes, il est exact qu'avant l'entrée en vigueur de la loi valaisanne
du 5 février 1957 sur l'utilisation des forces hydrauliques (ci-après:
la loi cantonale de 1957), l'impôt spécial ne se calculait pas, comme
aujourd'hui, sur la base d'une puissance théorique (kilowatt théorique),
mais sur la base de l'énergie qui était effectivement produite (cf. art.
1er de la loi valaisanne du 25 mai 1923 concernant l'établissement d'un
impôt sur les forces hydrauliques; cf. art. 3 de la loi valaisanne du 15
novembre 1946, modifiée le 13 novembre 1953, concernant les redevances et
l'impôt spécial sur les forces hydrauliques [ci-après: la loi cantonale de
1946]). Il en allait différemment pour la redevance qui était déterminée
en cheval-moyen année calculé sur l'arbre de la turbine (cf. art. 1 de
la loi de 1946), soit, semble-t-il, par référence à l'énergie pouvant
être produite par l'eau concédée (cf. art. 2 de la convention du 24 mars
1948 entre la commune d'Evolène et la société Energie de l'Ouest-Suisse
SA); certaines concessions établies en 1948 faisaient toutefois également
référence à l'énergie effectivement produite (cf. art. 1 de la convention
du 4 mars 1948 entre la commune d'Hérémence et la société Energie de
l'Ouest-Suisse SA; art. 2 de la convention du 4 mars 1948 entre la
commune de Vex et la société Energie de l'Ouest-Suisse SA).

    Dans le souci de coordonner et de compléter la législation cantonale
sur les forces hydrauliques et de l'adapter à la législation fédérale, le
législateur cantonal a toutefois clairement opté, lors de l'adoption de la
loi cantonale de 1957 (cf. le préambule de cette loi), pour le système qui
est encore actuellement en vigueur, à savoir la détermination de l'impôt
spécial et de la redevance en prenant en compte, comme matière imposable,
la puissance théorique (calculée à l'époque en cheval-théorique) et, comme
taux d'imposition, un pourcentage du montant maximum admis par l'art. 49
al. 1 LFH (cf. Message du Conseil d'Etat du 27 septembre 1955 concernant
la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques, Bulletin des séances du
Grand Conseil du Canton du Valais, session ordinaire de mai 1956, p. 33 ss,
p. 37-41). L'art. 70 de la loi cantonale de 1957 reflète particulièrement
bien la volonté du législateur d'harmoniser le droit cantonal avec le
droit supérieur en disposant que "le canton perçoit de toute entreprise
utilisant des forces hydrauliques, dès la mise en service de l'usine,
un impôt spécial sur les forces hydrauliques égal

à la différence entre le maximum de la redevance prévu à l'art. 65 (alors
calculée en cheval-théorique) et le maximum autorisé par l'art. 49 modifié
de la loi fédérale".

    Par ailleurs, lorsqu'il s'est agi de remplacer la loi cantonale de
1957, le législateur s'est expressément prononcé en faveur du maintien
des mêmes principes qu'auparavant en matière de taxes et de redevances,
en considérant que ce système avait "fait ses preuves" (cf. Message
accompagnant le projet de révision de la loi du 5 février 1957 sur
l'utilisation des forces hydrauliques [LFH/VS], Bulletin des séances du
Grand Conseil du Canton du Valais, session prorogée de mai 1989 [deuxième
partie septembre/octobre 1989], p. 304 ss, p. 321, p. 337 ss).

    Est donc sans fondement le doute émis par la recourante qui l'amène
à "se demander si l'impôt (spécial), tel qu'il est prévu par la loi
valaisanne de 1990, ne devrait pas être toujours perçu sur l'énergie
effectivement produite": depuis plus de quarante ans maintenant, le
législateur valaisan a ouvertement choisi, en harmonie avec le droit
fédéral, d'imposer la force hydraulique (redevance et impôt spécial)
sur la base de la puissance théorique.

    e) C'est en vain que la recourante cherche à mettre en doute cette
conclusion en s'appuyant sur l'art. 71 al. 4 (recte: 71 al. 5) LFH/VS.

    Cette disposition vise à attirer dans le canton du Valais des
entreprises nouvelles en leur fournissant de l'énergie bon marché (cf. les
débats parlementaires consacrés à cette disposition in Bulletin des
séances du Grand Conseil du Canton du Valais, session prorogée de mai 1989
[deuxième partie septembre/octobre 1989], p. 677 ss, en particulier p.
682). A cette fin, l'art. 71 al. 5 LFH/VS autorise le Conseil d'Etat,
sur demande, à réduire pour une durée indéterminée l'impôt spécial sur
l'énergie produite dans le canton, si cette énergie est consommée par
des exploitations économiquement importantes installées dans le canton et
que celles-ci en tirent profit directement. Au regard du but recherché,
la référence à l'énergie produite, par opposition à l'énergie théorique,
se comprend dès lors aisément et n'est pas de nature à jeter un doute sur
l'objet de l'impôt spécial qui demeure, en règle générale, la puissance
théorique.

    D'ailleurs, le fait que le concessionnaire doive, en cas de
modernisation des installations, faire une demande expresse pour que
l'impôt spécial soit calculé sur la force hydraulique "réellement utilisée"
durant la période de construction (cf. art. 73 LFH/VS) atteste bien que
c'est ordinairement la puissance théorique qui sert de base de calcul.

    A l'argumentation de la recourante s'oppose donc non seulement
l'interprétation historique de la loi cantonale, mais encore son
interprétation téléologique et systématique.

    f) En résumé, tant l'objet de l'impôt spécial que son assiette trouvent
un fondement suffisant dans la loi cantonale (art. 71 en relation avec
les art. 65 ss LFH/VS).

Erwägung 7

    7.- La recourante conteste également la légalité du renvoi à la
législation fédérale pour déterminer le taux de l'impôt spécial.

    Comme l'a justement rappelé l'autorité intimée dans l'arrêt attaqué, le
Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur une question analogue (cf. arrêt
2A.517/1998 du 13 avril 2000 dans la cause Kraftwerke Oberhasli AG
contre canton de Berne, partiellement publié aux ATF 126 II 171 ss). Il
s'agissait, dans cette affaire, d'examiner la légalité de l'art. 72 al. 1
(let. b) de la loi bernoise du 3 décembre 1950 sur l'utilisation des eaux
(ci-après: la loi bernoise), en vigueur jusqu'au 31 décembre 1997. Pour
la détermination du montant de la redevance, la disposition cantonale
précitée renvoyait au "taux maximal fixé par le droit fédéral". Or, sans
trancher la question de manière générale et définitive, le Tribunal fédéral
a considéré qu'un tel renvoi était compatible avec les exigences découlant
du principe de la légalité, car la valeur prise comme référence par le jeu
du renvoi à la loi fédérale (soit le taux maximal fixé par l'art. 49 al. 1
LFH) était dans un rapport direct et particulier avec la contribution
cantonale litigieuse (consid. 5b non publié de l'arrêt précité). Ces
considérations sont transposables mutatis mutandis à la présente affaire.

    En effet, contrairement à ce que soutient la recourante, la loi
fédérale ne traite pas seulement de la redevance, puisqu'elle réserve
précisément aux cantons le droit de percevoir un impôt spécial, pourvu
que les deux contributions réunies (impôt et redevance) n'excèdent pas
le taux maximum de 80 fr. par kilowatt théorique. Pour ce motif déjà, il
existe donc bel et bien, comme l'a retenu l'autorité intimée, un rapport
privilégié entre l'impôt spécial et le taux maximum autorisé par la loi
fédérale. Ce rapport est d'autant plus étroit, en l'occurrence, que le
législateur cantonal a fait le choix, comme on l'a vu (supra consid. 6b à
6f), de déterminer l'impôt spécial selon le même objet et la même assiette
que la redevance, seul le taux applicable à chacune de ces contributions
étant différent.

    Sous cet angle également, le moyen tiré de la violation du principe
de la légalité apparaît ainsi mal fondé.

Erwägung 8

    8.- a) La recourante soutient encore que l'autorité intimée aurait
violé de manière grossière les art. 74 et 107 LFH/VS en procédant

à une taxation directement fondée sur l'art. 71 LFH/VS, sans que le
règlement cantonal n'ait été modifié.

    C'est un fait que le nouveau taux maximum admis par la loi fédérale
à partir du 1er mai 1997 (80 fr.) n'a pas été transposé dans le règlement
d'exécution (cf. l'art. 13 RLFH/VS où il est toujours question d'un taux
maximum de 54 fr.). Du moment toutefois que l'art. 71 LFH/VS constitue,
ainsi qu'on l'a vu, une base légale suffisante (en relation avec les
art. 65 ss LFH/VS ainsi que l'art. 49 al. 1 LFH) pour déterminer l'objet,
l'assiette et le taux de l'impôt spécial, le principe de la hiérarchie des
normes conduit à rejeter purement et simplement le grief de la recourante,
les dispositions de la loi devant, en cas de conflit avec des dispositions
réglementaires, l'emporter sur celles-ci (cf. ATF 111 V 310 consid. 2b
p. 314). Au demeurant, l'art. 74 LFH/VS prévoit expressément que seules
les modalités du calcul et de la perception de l'impôt spécial doivent
être précisées dans le règlement d'exécution; or, le taux d'imposition
applicable est assurément un élément essentiel pour déterminer l'impôt
spécial, et non une simple modalité de son calcul. Au demeurant, la loi
cantonale ne laisse aucune latitude au Conseil d'Etat pour influencer le
taux de l'impôt spécial, qui correspond invariablement à 60 pour cent du
montant maximum admis par la loi fédérale.

    En définitive, bien qu'on puisse regretter que le Conseil d'Etat
n'ait pas pris soin de répercuter dans le règlement d'exécution le
nouveau taux maximum, sa négligence est sans incidence sur le taux de
l'impôt spécial. La modification de l'art. 71 al. 1 LFH entraînait donc,
à partir du 1er mai 1997, ipso iure le prélèvement de l'impôt spécial
sur la base d'un taux maximum de 80 fr. par kilowatt théorique (cf.
consid. 5b de l'arrêt précité Kraftwerke Oberhasli AG c/ canton de Berne).

    L'arrêt attaqué échappe donc, de ce point de vue également, à toute
critique.

    b) Il est certes exact que le renvoi au droit fédéral, tel qu'aménagé
dans la loi cantonale, conduit à l'adaptation quasi automatique du taux de
l'impôt spécial sur le nouveau taux maximum autorisé par la loi fédérale,
c'est-à-dire en dehors de toute intervention ponctuelle du législateur
valaisan. Celui-ci a toutefois voulu cet automatisme en adoptant le renvoi
prévu à l'art. 71 al. 1 LFH/VS. Vu par ailleurs le lien objectif et étroit
qui existe entre l'impôt spécial et ledit taux maximum, cette solution
est, comme on l'a déjà dit, tout à fait admissible dans son principe (cf.
supra consid. 7). Au demeurant, rien n'empêche le législateur cantonal
de modifier en tout temps l'art. 71 LFH/VS si

ce système devait ne plus lui paraître satisfaisant, par exemple en
prévision ou à la suite d'une modification du taux maximum.

    Les craintes de la recourante relatives à une entorse au principe
démocratique sont donc, en toute hypothèse, infondées.

Erwägung 9

    9.- a) Se référant à certains auteurs (ANDREAS AUER/GIORGIO
MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I,
Berne 2000, n. 1011 ss p. 355 ss), la recourante invoque également,
en se fondant sur l'art. 3 Cst., le "principe de la force dérogatoire
du droit cantonal". Selon ce principe, le droit fédéral ne primerait le
droit cantonal que pour autant que le premier soit lui-même conforme à la
répartition des compétences opérée par la Constitution et la législation
fédérales; quant au second, lorsqu'il est conforme à la répartition des
compétences, il devrait l'emporter sur le droit fédéral, même si ce dernier
prend la forme d'une loi fédérale (ANDREAS AUER/GIORGIO MALINVERNI/MICHEL
HOTTELIER, op. cit., n. 1016 p. 358 s.). Ceci exposé, la recourante fait
valoir qu'en laissant à la Confédération, par le renvoi de l'art. 71 al. 1
LFH/VS, le soin de déterminer le taux de l'impôt spécial, le législateur
cantonal aurait porté atteinte à la répartition des compétences découlant
de l'art. 24bis aCst.

    On comprend mal cette argumentation, qui est formulée de manière
confuse et contradictoire. En effet, dès l'instant où la loi cantonale
ne serait pas conforme à la répartition des compétences prévue par la
Constitution fédérale, comme semble finalement le soutenir la recourante,
l'invocation du principe de la force dérogatoire du droit cantonal n'a
pas de sens. Pour peu qu'on en saisisse le sens et la portée, ce principe
présupposerait en effet que le droit cantonal soit lui-même en accord
avec la répartition des compétences prévue dans la Constitution fédérale,
contrairement au droit fédéral. Or, tel ne serait précisément pas le cas
en l'occurrence si l'on en croit la recourante.

    Tel qu'il est allégué, le grief ne semble donc pas répondre aux
exigences de motivation posées par la jurisprudence (cf. ATF 125 I 71
consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 consid. 2b
p. 318). Peu importe toutefois, puisque le moyen est de toute façon
manifestement mal fondé.

    b) D'une part, on ne voit en effet pas que le droit fédéral serait
de quelque manière que ce soit contraire à l'art. 76 al. 4 Cst. (ou 24bis
al. 3 aCst.) en réservant aux cantons le droit de prévoir un impôt spécial
sur les forces hydrauliques (sur la répartition des compétences entre la
Confédération et les cantons, cf. HANS WYER, op. cit.,

p. 4 ss). Au demeurant, la recourante se trompe lorsqu'elle laisse entendre
que la nouvelle Constitution fédérale (cf. art. 191 Cst.) autoriserait
désormais l'examen de la constitutionnalité des lois fédérales (cf. ATF
126 IV 236 consid. 4b p. 248).

    D'autre part, il est inexact de prétendre que le canton du Valais se
serait dessaisi d'une de ses compétences propres en renvoyant à l'art. 49
al. 1 LFH pour la détermination du taux de l'impôt spécial: un tel renvoi,
loin de s'apparenter à un dessaisissement de compétence, reflète au
contraire la volonté et la détermination du législateur cantonal d'imposer
l'énergie hydraulique jusqu'à concurrence du maximum autorisé par le droit
fédéral. De surcroît, le législateur cantonal reste parfaitement libre,
ainsi qu'on l'a vu, d'adopter une nouvelle solution si et quand bon lui
semble (cf. supra consid. 8b), de sorte qu'il est tout simplement abusif
de parler d'un dessaisissement de compétence.

Erwägung 10

    10.- Invoquant la garantie de la propriété et le principe de la bonne
foi, la recourante soutient qu'elle est au bénéfice de droits acquis qui
lui permettent de s'opposer au relèvement de l'impôt spécial, voire même
à son prélèvement.

    a) Le Tribunal fédéral admet que la protection des droits acquis
peut découler aussi bien de la garantie de la propriété que du principe
de la bonne foi. Selon que sont avant tout en cause, dans les relations
juridiques considérées, la réglementation de droits réels (voire de
droits analogues) ou des rapports de confiance entre l'administré
et l'Etat, il faut considérer au premier chef comme décisif, soit la
garantie de la propriété, soit le principe de la bonne foi, l'autre
droit constitutionnel devant être pris en compte à titre secondaire
(cf. ATF 118 Ia 245 consid. 5a p. 255; 106 Ia 163 consid. 1b p. 167
et les références citées; RENÉ RHINOW/BEAT KRÄHENMANN, Schweizerische
Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, n. 122 III p. 366).

    En l'espèce, il y a lieu d'envisager la problématique des droits acquis
sous ses deux aspects, dès lors que la recourante soutient, d'une part,
que l'Etat du Valais aurait manqué à sa parole en lui imposant des charges
nouvelles postérieurement à l'octroi de la concession et, d'autre part,
que celles-ci emporteraient les effets d'une expropriation matérielle.

    b) aa) Ancré à l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité
étatique, le principe de la bonne foi confère au citoyen, à certaines
conditions, le droit d'exiger des autorités qu'elles se conforment aux
promesses ou assurances précises qu'elles lui ont faites et ne trompent
pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces dernières

(cf. ATF 126 II 377 consid. 3a p. 387; 124 II 265 consid. 4a p. 269/270;
118 Ia 245 consid. 4b p. 254 et les arrêts cités). Ce principe lie
également le législateur, en particulier s'il a promis dans la loi que
celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant
un certain temps, créant ainsi un droit acquis (ATF 102 Ia 331 consid.
3c et les références citées; voir aussi ATF 118 Ia 245 consid. 5b p. 256;
BLAISE KNAPP, Précis de droit administratif, éd. 1991, n. 514 p. 109 s.).

    bb) La garantie de la propriété inscrite à l'art. 26
Cst. (cf. art. 22ter aCst.) s'étend aussi aux droits acquis découlant,
par exemple, d'actes de concession (RENÉ RHINOW, Wirtschafts- und
Eigentumsverfassung, in Daniel Thürer/Jean-François Aubert/Jörg Paul
Müller, Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, n. 27 ad par. 35;
GEORG MÜLLER, Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération
suisse, Zurich 1993, n. 2 ad art. 22ter Cst.).

    En matière fiscale, elle ne va toutefois pas au-delà de l'interdiction
d'une imposition confiscatoire. Ainsi, une prétention fiscale ne doit pas
porter atteinte au noyau essentiel de la propriété privée. Il incombe au
législateur de conserver la substance du patrimoine du contribuable et
de lui laisser la possibilité d'en former un nouveau. Pour juger si une
imposition a un effet confiscatoire, le taux de l'impôt exprimé en pour
cent n'est pas seul décisif; il faut examiner la charge que représente
l'imposition sur une assez longue période, en faisant abstraction des
circonstances extraordinaires; à cet effet, il convient de prendre
en considération l'ensemble des circonstances concrètes, la durée
et la gravité de l'atteinte ainsi que le cumul avec d'autres taxes ou
contributions et la possibilité de reporter l'impôt sur d'autres personnes
(cf. ATF 122 I 305 consid. 7 p. 313; 112 Ia 240 consid. 6 p. 247; 106 Ia
342 consid. 6a p. 348; 105 Ia 134 consid. 3a p. 139 et les références; sur
l'évolution de cette jurisprudence, voir DANIELLE YERSIN, Les protections
constitutionnelles et légales contre les impositions confiscatoires, in
Publications de l'Institut suisse de droit comparé, vol. 12, Zurich 1990,
p. 271 ss, en particulier p. 274-278).

    c) En matière de concessions de forces hydrauliques, la redevance
hydraulique, soit la contre-prestation annuelle due en échange du droit
d'utiliser les droits d'eau concédés (cf. DOMINIK STRUB, Wohlerworbene
Rechte insbesondere im Bereich des Elektrizitätsrechts, thèse Fribourg
2001, p. 196; WERNER DUBACH, Die wohlerworbenen Rechte im Wasserrecht,
expertise publiée par l'Office fédéral des eaux, novembre 1979, p. 104),
est un élément essentiel du rapport

juridique entre le concédant et le concessionnaire; à ce titre, elle
doit impérativement figurer dans l'acte même de concession en vertu de
l'art. 54 let. f LFH.

    La jurisprudence a très tôt admis que la redevance hydraulique
relevait des droits acquis. A cet égard, l'art. 74 al. 3bis LFH -
en vigueur depuis le 8 octobre 1976 (RO 1977 p. 171) - n'a donc fait
que formaliser un principe établi depuis longtemps en posant que c'est
seulement dans la mesure où il ne porte pas atteinte à des droits acquis
que le taux maximum de l'art. 49 al. 1 LFH est applicable (cf. ATF 126
II 171 consid. 3b p. 177 et les références; DOMINIK STRUB, eod. loc.;
ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. II,
p. 594). Au plan valaisan, la loi cantonale instaure également une
protection semblable en prévoyant que "les prestations et charges du
concessionnaire en vertu de la concession relèvent de la législation
en force au moment de l'octroi de la concession de droits d'eau, pour
autant que celle-ci n'ait pas réservé expressément ou dans le cas d'espèce
l'application du nouveau droit" (art. 102 al. 3 let. b LFH/VS).

    En raison de sa nature, la redevance hydraulique ne peut être
modifiée par l'autorité concédante que s'il existe, dans l'acte même de
concession, une réserve expresse et précise l'y autorisant (cf. ATF 126
II 171 consid. 3b p. 177 ss; DOMINIK STRUB, op. cit., p. 199).

    d) A l'inverse, l'impôt spécial n'a pas le caractère d'une
contre-prestation, mais est indépendant de la décision d'octroi de
la concession hydraulique. Il n'est donc pas un simple supplément de
redevance, mais un véritable impôt (cf. CHARLES OSER, Les concessions
hydrauliques dans le canton du Valais, thèse Lausanne 1927, p. 83 s.;
WALTER SPILLMANN, Die bundesrechtliche Beschränkung der öffentlichen
Abgaben der Wasserkraftwerke, thèse Zurich 1936, p. 55; voir aussi DOMINIK
STRUB, op. cit., p. 98). En conséquence, l'impôt spécial ne relève pas des
prestations économiques imposées au concessionnaire, au sens de l'art. 54
let. f LFH in initio, telles que notamment la redevance hydraulique
annuelle; en outre, vu son caractère de contribution publique, il n'entre
pas non plus dans les "autres prestations qui, en vertu de prescriptions
spéciales, résultent de l'utilisation de la force hydraulique", au sens de
l'art. 54 let. f LFH in fine (cf. l'art. 54 let. d LFH dans sa version en
vigueur jusqu'au 30 avril 1997, qui parlait "de charges ne résultant pas
de prescriptions généralement obligatoires"). Au reste, est assujettie à
l'impôt spécial valaisan toute entreprise utilisant des forces hydrauliques
(art. 71 al. 1 LFH/VS), mais non nécessairement le concessionnaire

lui-même. Redevance et impôt spécial visent donc, abstraitement du moins,
des "contribuables" distincts, même si ceux-ci se recoupent le plus
souvent dans la pratique. Enfin, sous réserve du cas - exceptionnel -
où l'Etat du Valais est lui-même autorité concédante, la redevance et
l'impôt spécial sont tous deux rattachés à la souveraineté fiscale de
collectivités publiques différentes, soit les communes concédantes pour la
première des contributions en cause, et l'Etat du Valais pour la seconde.

    Ainsi donc, contrairement à la redevance hydraulique qui ne peut
en principe pas être modifiée - du moins pendant un certain temps -
après l'octroi de la concession (sauf si l'acte de concession réserve
cette possibilité), l'impôt spécial n'est pas à l'abri de modifications
ultérieures (cf. WERNER DUBACH, op. cit., p. 105 s. à propos de l'art.
54 let. d aLFH précité, disposition dont le contenu était semblable à celui
de l'art. 54 let. f LFH, en dépit d'un texte sensiblement différent);
réserve doit néanmoins être faite de l'existence de droits acquis
qui auraient valablement été constitués, soit par l'effet de la loi,
soit par une disposition prise dans l'acte même de concession, pour peu
toutefois, dans cette dernière hypothèse, que l'impôt spécial entre bien
dans la sphère de compétence de l'autorité concédante (cf. WERNER DUBACH,
op. cit., p. 106; voir aussi DOMINIK STRUB, op. cit., p. 98 s. et p.
198 s.).

    e) En l'espèce, ni la loi fédérale, ni la loi cantonale ne contiennent
de disposition ayant pour effet de conférer à l'impôt spécial la protection
des droits acquis. Il n'existe, par ailleurs, aucune promesse ou assurance
à ce sujet, ni de la part de l'autorité intimée, ni de la part de l'une
des autorités concédantes. Les actes de concession n'en font en tout cas
pas mention et la recourante ne soutient pas que de telles garanties lui
auraient été accordées. Au demeurant, à l'exception de l'Etat du Valais,
qui n'intervient comme autorité concédante que dans deux conventions
octroyant le droit d'utiliser une partie des eaux du Rhône, les autres
autorités concédantes sont toutes des communes (Riddes, Sion, Evolène,
St-Martin...) qui, l'auraient-elles souhaité, n'auraient de toute façon
pas eu la compétence d'accorder des garanties au sujet de l'impôt spécial,
cette contribution étant du ressort exclusif du canton.

    La recourante soutient toutefois que l'impôt spécial doit, au même
titre que la redevance hydraulique, bénéficier de la protection des
droits acquis, à défaut de quoi les cantons seraient libres, pourvu
qu'ils respectent le taux maximum fixé à l'art. 49 al. 1 LFH, de réduire
de manière substantielle le montant de la redevance pour

augmenter dans la même proportion le montant de l'impôt spécial. De l'avis
qu'une telle manière de procéder "n'a rien d'hypothétique si l'on considère
qu'en Valais, l'impôt spécial représente, pour les concessionnaires,
aujourd'hui déjà, une charge plus lourde que la redevance", la recourante
y voit le risque de voir ses droits acquis en matière de redevance
hydraulique être vidés de leur substance.

    f) Pour être pertinente, cette argumentation présuppose que
l'intéressée soit au bénéfice de la protection des droits acquis en ce
qui concerne le montant de la redevance. On peut toutefois se demander
si tel est le cas ou, du moins, si la protection en cause est aussi
nette et rigide que ne le soutient la recourante. En effet, toutes les
concessions concernées (soit dix-sept au total selon les pièces au dossier)
soumettent la redevance au principe de la révision décennale; par ailleurs,
sur l'ensemble de ces concessions, douze d'entre elles précisent que la
révision est également possible en cas d'augmentation du taux maximum,
tandis que trois d'entre elles vont jusqu'à prévoir une adaptation
automatique en cas d'augmentation dudit taux maximum (sur les principes
applicables pour interpréter de telles clauses d'une concession, cf.
ATF 126 II 171 consid. 4 p. 179 ss; voir aussi WERNER DUBACH, op. cit.,
p. 107 ss).

    La question n'a toutefois pas à être examinée plus avant ici, car
le moyen tiré de la protection des droits acquis est, comme on le verra,
mal fondé pour une autre raison.

    g) En 1953, lorsque le taux maximum a été porté de 6 fr. à 10
fr. par cheval théorique, il n'a pas échappé au Conseil fédéral que,
"sous le titre de l'impôt spécial, (les cantons pourraient) chercher à
utiliser la marge qui pourrait exister entre la redevance maximum fixée
par le droit cantonal et le taux maximum prescrit par le droit fédéral"
(Message du 13 novembre 1951 du Conseil fédéral relatif à une modification
partielle de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques, FF 1951
III 565 ss, p. 572). Ce risque avait cependant alors été jugé limité,
si bien qu'aucune mesure n'avait été proposée (cf. Message précité du
Conseil fédéral, eod. loc.).

    Par ailleurs, dans deux arrêts déjà anciens (ATF 38 I 341; 48 I 580),
le Tribunal fédéral avait jugé admissible l'introduction d'un impôt spécial
cantonal bien qu'une redevance n'eût - en raison notamment du caractère
privé des eaux utilisées - pas pu être prélevée. Pour l'essentiel, le
Tribunal fédéral avait alors considéré que le prélèvement de l'impôt
spécial répondait à d'autres motivations et exigences que celui de la
redevance, vu la nature différente de ces contributions. Il n'y avait
dès lors ni violation du principe de

l'égalité de traitement ou de la bonne foi, ni atteinte à la garantie
de la propriété, ni même fraude à la loi, dans le fait d'introduire,
en lieu et place d'une redevance que la législation ne permettait pas de
prélever, un impôt spécial. Seul comptait que le taux maximum fixé par
le droit fédéral ne fût pas dépassé. Critiquée par WALTER SPILLMANN (op.
cit., p. 56 ss, p. 58), cette jurisprudence a été abandonnée, le Tribunal
fédéral ayant finalement estimé qu'il était contraire au principe de
l'égalité de traitement de mettre à la charge des usines exploitées en
vertu de droits privés - exemptes de toute redevance - un impôt spécial
équivalant au montant de la redevance prélevée sur les usines exploitées
en vertu du droit public (ATF 68 I 18 consid. 4 et 5 p. 30 ss).

    L'argumentation de la recourante n'est donc, en soi, pas dénuée de
pertinence lorsqu'elle s'en prend au risque - ou à la tentation - pouvant
exister de prélever sous couvert de l'impôt spécial des contributions qui
ne pourraient l'être au titre de la redevance en raison de la protection
des droits acquis dont cette dernière bénéficie. La présente contestation
se situe toutefois sur un tout autre terrain.

    h) Ce qui est en cause en effet, ce n'est pas de savoir si l'impôt
spécial contesté a été utilisé comme un moyen déguisé pour augmenter, au
mépris des droits acquis de la recourante, le montant de la redevance. Une
telle situation se présenterait notamment si, dans la charge contributive
totale, la proportion entre la redevance et l'impôt spécial était
soudainement modifiée au profit de cette dernière contribution. Mais rien
de tel ne s'est passé en l'occurrence, puisque le relèvement de l'impôt
spécial à l'origine de la présente contestation résulte de la seule
augmentation du taux maximum et ne s'accompagne nullement d'un transfert
des charges dues sous le titre de la redevance vers celles prélevées au
titre de l'impôt spécial: aujourd'hui comme avant la modification légale
intervenue le 1er mai 1997, l'impôt spécial représente toujours 60 pour
cent du taux maximum, contre 40 pour cent (au plus) pour la redevance.

    Dans cette mesure, l'impôt spécial peut, comme n'importe quelle autre
contribution générale, subir une augmentation, à la seule réserve que
celle-ci n'ait pas un effet confiscatoire mettant en péril la pérennité
de l'activité concédée. La recourante ne démontre toutefois pas que tel
serait le cas en l'espèce, se bornant à émettre à ce sujet de vagues
allégués qui ne satisfont pas aux exigences de motivation déduites de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

    i) En définitive, c'est donc sans fondement que la recourante se
plaint d'une violation de ses droits acquis.