Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 IV 49



127 IV 49

7. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 1er février 2001
dans la cause A. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 71 Abs. 2 StGB und Art. 140 Ziff. 1 aStGB; Beginn der Verjährung
bei der Begehung mehrerer Serien von Veruntreuungen.

    Kriterien nach denen mehrere strafbare Handlungen eine
verjährungsrechtliche Einheit bilden; Zusammenfassung der Rechtsprechung
(E. 1b).

    Wenn der Täter mehrere Serien von Veruntreuungen begangen hat,
stellen die verschiedenen Veruntreuungen, die für sich je eine Serie
bilden, eine verjährungsrechtliche Einheit dar, sofern sie in Verletzung
einer andauernden Pflicht des Täters, das anvertraute Gut im Einklang mit
den Instruktionen und zu einem bestimmten Verwendungszweck zu nutzen,
verübt worden sind (E. 1d); im Gegensatz dazu bilden die verschiedenen
Serien von Veruntreuungen keine verjährungsrechtliche Einheit, wenn der
Täter mehrere unabhängige andauernde Pflichten verletzt hat, die sich aus
unterschiedlichen Rechtsverhältnissen ergaben, welche mit verschiedenen
Personen eingegangen wurden, und die unabhängig voneinander waren
(E. 1e). In einem solchen Fall beginnt die Verjährung nicht mit dem Tag,
an welchem die letzte aller Veruntreuungen begangen worden ist, sondern,
für jede Serie, mit dem Tag, an welchem die letzte der Veruntreuungen,
die die Serie bilden, ausgeführt worden ist (E. 1f).

Sachverhalt

    A.- Par jugement du 16 novembre 1999, le Tribunal correctionnel du
district d'Aigle a condamné A., pour abus de confiance (art. 140 ch. 1
al. 2 aCP) et complicité de faux dans les titres commis dans l'exercice de
fonctions publiques (art. 317 CP), à la peine de 2 ans d'emprisonnement, le
libérant en revanche des chefs d'accusation d'abus de confiance qualifié,
de faux dans les titres et d'obtention frauduleuse d'une constatation
fausse. Il a par ailleurs condamné un coaccusé, B., pour des infractions
similaires, statuant en outre sur le sort d'avoirs séquestrés, sur des
conclusions civiles et sur les frais.

    B.- La condamnation de A. pour abus de confiance repose, en résumé,
sur les faits suivants.

    a) Né en 1931, A., après avoir exercé diverses activités, a ouvert
un bureau de gérance immobilière à Aigle. Dès 1984, il s'est consacré
exclusivement au courtage immobilier.

    En mai 1987, il s'est associé avec B., architecte, et feu C., notaire
bien implanté de la place, pour constituer une société simple, en vue
d'une importante promotion immobilière sur une parcelle d'Ormont-Dessous,
où se trouvait un hôtel voué à la démolition. Souscrit le 15 mai 1987,
le contrat de société simple conférait notamment à A. le pouvoir de gérer
le compte bancaire de la promotion, ouvert auprès de la Banque vaudoise
de crédit, d'arrêter les prix de vente, de signer les actes de vente et
les actes administratifs nécessaires à la réalisation du but de la société
et de signer et avaliser les plans et documents à établir par l'architecte
B. La vente immobilière a été instrumentée le même jour par le notaire C.,
A. devenant propriétaire de l'immeuble.

    b) Le 4 mars 1988, A. et ses deux associés se sont vus accorder
par la Banque vaudoise de crédit un prêt de fr. 10'500'000.-, sous la
forme d'un crédit de construction "exploitable au fur et à mesure de
l'avancement des travaux et sur le vu de bons signés par l'architecte et
visés par les propriétaires". Comme A. était au bénéfice d'une procuration
lui permettant d'exploiter le crédit de construction et qu'il était
également le propriétaire formel de l'immeuble ainsi que le maître de
l'ouvrage, la banque n'a rien objecté au fait qu'il utilise le crédit de
construction à la manière d'un compte courant, donc sous son seul nom et
sans présentation de bons d'architecte. C'est dans ces conditions que, de
novembre 1988 à mai 1991, A. a débité, à l'insu des autres sociétaires,
un montant total de fr. 1'640'008.- du crédit précité, qu'il a affecté
à l'achat de bijoux et d'une villa pour sa maîtresse, à l'aménagement de
cette villa ainsi qu'au financement d'un salon de beauté déficitaire.

    De mars 1989 à octobre 1990, A., avec B., a en outre débité, à l'insu
de C., le compte crédit de construction d'un montant de fr. 20'680.-,
qui a été utilisé pour financer des sorties nocturnes sans rapport avec le
projet immobilier. Il a encore retiré, sans quittance et à l'insu de C.,
une somme de fr. 31'300.- que B. avait reçue, en dehors de son mandat
d'architecte, entre décembre 1989 et avril 1990.

    c) Lié par une amitié ancienne à A., D. lui a confié, le 8 janvier
1988, fr. 87'000.- pour "être conservés chez lui ou pour placement
éventuel selon possibilités". Le 19 juin 1990, D., qui comptait
s'installer en Thaïlande, a confié un mandat et une procuration plus
larges à A., l'autorisant à traiter, avec toutes les instances communales
et cantonales, les affaires pouvant concerner D., ainsi qu'à retirer tous
mandats postaux adressés à ce dernier. A. a payé les factures de D. et
lui a rétrocédé le solde de l'argent, utilisant toutefois une partie des
fonds pour sa satisfaction personnelle. Le 30 décembre 1992, il a débité
le compte de D. d'une somme de fr. 7'000.-, qu'il s'est attribuée. Il
a admis avoir prélevé et déposé sur son compte personnel auprès de l'UBS
un montant de fr. 70'270.- provenant des avoirs de son mandant.

    d) De fin 1988 au milieu de l'année 1992, alors qu'ils étaient
respectivement administrateur et président de la société E. SA, A. et
B. ont exploité leur position pour puiser régulièrement dans les comptes de
la société ouverts auprès de la Banque vaudoise de crédit afin de financer
des sorties nocturnes sans rapport avec leur mandat. Ils ont pu agir à
l'insu du conseil d'administration, en répartissant leurs prélèvements
dans des comptes de charges. Le montant total des détournements a été
évalué à quelques 60'000 francs.

    En 1990, A. et B. ont en outre retiré fr. 30'000.- du compte de la
société à titre d'honoraires de surveillances de chantier. Ils se sont
répartis la somme à concurrence de fr. 20'000.- pour A. et de fr. 10'000.-
pour B. Ces montants n'ont en réalité aucunement profité à la société
anonyme.

    e) Dès 1985, F. et G., employés au cabaret H. à Monthey, ont fait la
connaissance de A., qui fréquentait régulièrement l'établissement. En 1991,
les deux employés ont acquis le cabaret. A. a mené les tractations avec
la Banque vaudoise de crédit en vue d'obtenir les crédits nécessaires.
Les nouveaux propriétaires de l'établissement lui ont alors confié un
mandat de gestion pour la rénovation de l'immeuble ainsi que pour la
comptabilité. A. s'est vu conférer la signature individuelle sur le
compte commercial ouvert auprès de la Banque vaudoise de crédit, avec
une limite de crédit arrêtée à 1'100'000 francs. Il a abusé de son mandat
pour détourner environ fr. 98'000.- entre mai 1991 et décembre 1992.

    f) En 1991, les époux I., avec lesquels A. s'était lié d'amitié,
ont vendu quatre cabarets dont ils étaient propriétaires, retirant
de l'opération un bénéfice de fr. 6'000'000.-, qui a été réparti sur
différents comptes ouverts auprès de la Banque vaudoise de crédit au
nom de l'épouse. Le 9 juillet 1991, peu avant le décès de son mari,
celle-ci a rédigé une procuration générale en faveur de A., par laquelle
elle conférait à ce dernier le pouvoir d'agir en toutes circonstances et
en tous lieux au mieux de ses intérêts, en la représentant devant toutes
autorités, administrations, régies immobilières ou autres, en gérant et
administrant tous ses biens tant mobiliers qu'immobiliers et en prenant
toutes les décisions utiles. Après le décès de son mari, elle a confirmé,
le 6 août 1991, les pouvoirs ainsi conférés.

    A. a débité abusivement les comptes bancaires de sa mandante, soit
en opérant des prélèvements directs, soit en faisant bonifier des sommes
sur son compte personnel auprès de l'UBS. Il a en outre fait verser
sur ce compte les indemnités, représentant une somme totale d'environ
fr. 1'000'000.-, allouées par deux assurances ensuite du décès de Monsieur
I. A. a ainsi détourné au total quelques 1'732'961 francs. Il a affecté
fr. 1'000'000.- à une promotion immobilière pour le compte d'une tierce
personne, dont il répondait en qualité de codébiteur solidaire, a utilisé
fr. 380'000.- pour combler des retraits abusifs sur le compte du crédit
de construction du projet d'Ormont-Dessous, a financé à concurrence de
fr. 64'331.- le train de vie de sa maîtresse et a utilisé le solde pour
lui-même.

    g) Considérant que l'accusé, soit parce qu'il n'avait pas de pouvoir
décisionnel entier, soit parce qu'il n'avait pas été prévu qu'il soit
rémunéré pour ses services, n'avait agi dans aucun des cas en tant que
gérant de fortune, le tribunal a estimé que l'abus de confiance qualifié
ne pouvait être retenu.

    Le tribunal a par ailleurs constaté que les divers abus de confiance
avaient tous été commis avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1995,
du nouvel article 138 CP; il a observé que le nouveau droit érige l'abus
de confiance simple en crime, alors qu'il s'agissait d'un délit selon
l'ancien droit; il en a déduit que l'art. 140 aCP était applicable,
parce que plus favorable à l'accusé en ce qui concerne la prescription.

    Examinant la question de la prescription, le tribunal a considéré
que les actes de l'accusé constituaient une entité sous l'angle de la
prescription; l'art. 71 al. 2 CP était donc applicable; comme les derniers
actes commis par l'accusé remontaient au 31 décembre 1992, la prescription
absolue n'était pas encore acquise au moment du jugement.

    C.- Par arrêt du 15 mai 2000, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A. contre ce jugement. Elle
a notamment considéré qu'aucun des abus de confiance reprochés à l'accusé
n'était atteint par la prescription absolue au moment où elle statuait.

    D.- A. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral, par le dépôt
d'un mémoire motivé et d'un mémoire complémentaire déposés en temps
utile. Soutenant que la quasi totalité des abus de confiance retenus sont
prescrits, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, sollicitant par
ailleurs l'assistance judiciaire et l'effet suspensif. Ce dernier a été
accordé superprovisoirement le 5 juillet 2000.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Invoquant une violation de l'art. 71 al. 2 CP en relation avec
l'art. 140 ch. 1 aCP, le recourant fait valoir que, sous réserve de celui
qui a été commis au préjudice de D. le 30 décembre 1992, tous les abus
de confiance qui lui sont reprochés sont absolument prescrits.

    a) Les abus de confiance simples reprochés au recourant, dont le
dernier remonte au 31 décembre 1992, ont tous été commis avant l'entrée
en vigueur, le 1er janvier 1995, du nouvel art. 138 ch. 1 CP et du nouvel
art. 70 al. 2 CP. L'ancien droit, sous l'angle de la prescription, étant
plus favorable au recourant (cf. art. 2 al. 2 et art. 337 CP; ATF 124 IV
5 consid. 2a p. 6), il a été admis à juste titre qu'il est applicable.

    b) Conformément à l'art. 71 al. 2 CP, si le délinquant a exercé son
activité coupable à plusieurs reprises, la prescription court du jour du
dernier acte.

    Pour déterminer si plusieurs infractions doivent être considérées
comme une entité au sens de l'art. 71 al. 2 CP, c'est-à-dire comme
une activité globale pour laquelle le délai de prescription commence à
courir du jour où le dernier acte a été commis, l'ancienne jurisprudence
se fondait sur la notion de délit successif, mais aussi de délit par
métier; plusieurs infractions de même nature étaient considérées comme une
entité juridique, si elles lésaient le même bien juridiquement protégé
et procédaient d'une intention unique. La notion de délit successif
a toutefois été abandonnée dans l'ATF 117 IV 408; désormais, savoir si
et à quelles conditions une pluralité d'infractions doit être réunie en
une entité juridique au regard de l'art. 71 al. 2 CP doit être tranché
exclusivement en fonction de critères objectifs; le critère subjectif de
l'intention unique n'entre plus en considération; plusieurs infractions
doivent être considérées comme une entité au sens de l'art. 71 al. 2
CP, si elles sont identiques ou analogues, si elles ont été commises
au préjudice du même bien juridiquement protégé et si elles procèdent
d'un comportement durablement contraire à un devoir permanent de l'auteur
(andauerndes pflichtwidriges Verhalten), sans que l'on soit toute-fois en
présence d'un délit continu au sens de l'art. 71 al. 3 CP; la question de
savoir si cette condition est réalisée ne peut être définie exhaustivement
en une formule abstraite; elle doit être tranchée en fonction du cas
concret, en tenant compte du sens et du but de la prescription ainsi que
des circonstances de l'état de fait du cas d'espèce; dans tous les cas,
il faut que l'infraction en cause implique, expressément ou par son but,
la violation durable d'un devoir permanent (ATF 126 IV 141 consid. 1a
p. 142 s.; 124 IV 5 consid. 2b p. 7 et les arrêts cités).

    L'existence d'une unité du point de vue de la prescription ne doit
être admise que restrictivement, pour éviter de réintroduire sous une
autre forme la notion de délit successif (ATF 124 IV 59 consid. 3b/aa
p. 61). Le Tribunal fédéral a notamment admis la réunion de plusieurs
infractions en une seule entité sous l'angle de la prescription en cas de
gestion déloyale, de violation d'une obligation d'entretien, d'infractions
répétées à la loi sur les douanes ou encore d'actes d'ordre sexuel avec
des enfants commis sur les mêmes élèves par un maître d'école primaire
(ATF 124 IV 5 consid. 2b p. 8, 59 consid. 3b/aa p. 61 et les arrêts
cités); récemment, il a également admis qu'une unité du point de vue
de la prescription pouvait se présenter en cas de corruption au sens
de l'art. 288 CP (ATF 126 IV 141 consid. 1b et c p. 143 s.). Il l'a en
revanche nié en cas d'acceptation d'un avantage et en cas d'atteinte à
l'honneur (ATF 124 IV 5 consid. 2b p. 8, 59 consid. 3b/aa p. 61 et les
arrêts cités); il a aussi nié que plusieurs escroqueries constituent une
unité sous l'angle de la prescription, même si l'auteur a agi par métier,
car la condition d'un comportement durablement contraire à un devoir
permanent de l'auteur fait défaut en cas d'escroquerie, dont les éléments
constitutifs objectifs n'impliquent pas l'existence d'un tel comportement
(ATF 124 IV 59 consid. 3b p. 60 s.).

    En ce qui concerne l'abus de confiance, le Tribunal fédéral a notamment
été amené à examiner la question dans l'ATF 124 IV 5 ss, où il a admis
que plusieurs abus de confiance formaient une unité du point de vue de la
prescription dans le cas d'un responsable financier qui avait détourné à
des intervalles réguliers pendant une longue durée des sommes d'argent qui
lui avaient été confiées par son employeur pour qu'il les gère (ATF 124
IV 5 consid. 3a p. 8). Antérieurement, il l'avait également admis dans un
arrêt non publié 6S.201/1994 du 9 juin 1994, soit celui auquel se réfère
la cour cantonale à la page 29 let. c de son arrêt, s'agissant de divers
abus de confiance liés à des préfinancements; dans ce cas, l'auteur s'était
attribué des sommes d'argent destinées à des sociétés qu'il administrait;
or, en sa qualité d'administrateur, il avait une obligation générale et
permanente d'appliquer toute la diligence nécessaire à la gestion des
affaires sociales, en vertu de l'art. 722 aCO qui était applicable dans
le cas particulier, de sorte qu'il était tenu de veiller constamment aux
intérêts des sociétés qu'il administrait (arrêt 6S.201/1994 consid. 3b).

    c) Il est établi en fait que le recourant a commis plusieurs
séries d'abus de confiance. Dans le cadre de la promotion immobilière
d'Ormont-Dessous, profitant notamment d'une procuration qui lui avait
été confiée, il a détourné, en plusieurs fois, un montant total de plus
de fr. 1'600'000.- entre novembre 1988 et mai 1991, agissant parfois de
connivence avec B., mais toujours à l'insu de C. Dans le cadre du mandat
que lui avait confié un ami, D., il a détourné à son profit une partie des
avoirs que celui-ci lui avait confiés en 1988, le dernier acte délictueux
remontant au 30 décembre 1992. En tant qu'administrateur de la société
E. SA, dont B. était le président, il a, avec ce dernier, détourné,
en plusieurs fois, quelques fr. 90'000.- au total entre la fin 1988 et
le milieu de l'année 1992, à l'insu du conseil d'administration. Entre
mai 1991 et décembre 1992, il a détourné une partie de l'argent qui lui
avait été confié pour la rénovation du cabaret "H.", s'appropriant ainsi
quelques fr. 98'000.- au préjudice des propriétaires, F. et G. Enfin,
entre octobre 1991 et juillet 1992, il a détourné un montant total de
plus de fr. 1'700'000.- au préjudice de dame I. dans le cadre du mandat
que celle-ci lui avait confié. Dans chacun de ces cinq cas, le recourant
a agi en plusieurs fois, détournant au total plus de fr. 3'500'000.-;
il a toujours utilisé cet argent en sa faveur ou en faveur de tiers,
notamment de sa maîtresse.

    d) Dans le cas de la promotion immobilière d'Ormont-Dessous
(cf. supra, let. B/b), le recourant a toujours agi de la même manière,
en profitant de la procuration qui lui avait été confiée et des fonctions
qu'il occupait dans le cadre du projet immobilier, pour détourner des
montants. Par le contrat de société simple conclu le 15 mai 1997,
les associés du recourant lui avaient confié la gestion du compte
bancaire de la promotion immobilière, de sorte qu'il pouvait disposer
de ce compte, mais uniquement dans le but de régler les travaux en
relation avec la construction de l'immeuble; envers ses associés, le
recourant avait donc un devoir permanent d'utiliser le compte de crédit
de la construction conformément aux instructions et au but fixés par le
contrat; en utilisant les avoirs de ce compte à son profit ou au profit de
tiers entre novembre 1988 et mai 1991, il a durablement violé ce devoir.
Les divers abus de confiance commis par le recourant dans le cadre de la
promotion immobilière d'Ormont-Dessous forment donc une entité du point
de vue de la prescription.

    Dans le cas de la société E. SA (cf. supra, let. B/d), le recourant a
exploité sa position d'administrateur pour puiser régulièrement dans les
comptes bancaires de la société, agissant de concert avec son coaccusé B.,
qui en était le président. Là encore, le recourant a toujours procédé
de la même manière et lésé le même bien juridiquement protégé, soit le
patrimoine de la société. En tant qu'administrateur, il avait un devoir
permanent d'utiliser les comptes bancaires de la société conformément aux
instructions reçues et au but prévu, devoir qu'il a violé durablement en
puisant à réitérées reprises dans ces comptes pour financer des sorties
nocturnes sans aucun rapport avec son mandat d'administrateur. Les divers
abus de confiance ainsi commis forment donc également une entité du point
de vue de la prescription.

    Il en va de même dans chacun des trois autres cas (cf. supra, let. B/c,
B/e et B/f). Le recourant a abusé des mandats qui lui avaient été confiés,
respectivement, par D., par les propriétaires du cabaret H. et par dame
I., pour s'attribuer, par des prélèvements ou des virements, une partie
des avoirs de ses différents mandants, qu'il a utilisés à son profit ou
au profit de tiers. Envers chacun de ses mandants, il avait un devoir
d'utiliser de la manière et dans le but convenus les avoirs confiés;
il a durablement violé ce devoir par les divers détournements qu'il a
commis au préjudice de chacun d'eux, entre la fin 1988 et le milieu de
l'année 1992 dans le cas de la société E. SA, entre mai 1991 et décembre
1992 dans le cas du cabaret "H." et entre octobre 1991 et juillet 1992
dans le cas de dame I.

    Ainsi, dans chacun des cinq cas évoqués, les divers abus de confiance
commis par le recourant forment une unité sous l'angle de la prescription.

    e) Reste à examiner si, comme l'a admis la cour cantonale, tous les
abus de confiance perpétrés doivent être considérés comme formant ensemble
une seule entité du point de vue de la prescription.

    Certes, contrairement à ce qu'estime le recourant, les divers abus de
confiance commis sont de même nature et lèsent le même bien juridiquement
protégé. Que ce soit en tant que promoteur, administrateur d'une société
anonyme ou mandataire, le recourant a toujours abusé de pouvoirs qui lui
avaient été conférés par les personnes qui ont été lésées pour s'attribuer,
en puisant dans leurs comptes, et utiliser, à son profit ou au profit de
tiers, une partie des avoirs qu'elles lui avaient confiés. Il a toujours
porté atteinte au même bien juridiquement protégé, soit le patrimoine
d'autrui.

    Peu importe que, dans chacun des cinq cas, le recourant n'ait pas
commencé et terminé son activité coupable aux mêmes dates; cela ne fait
que souligner qu'il a agi à plusieurs reprises, sans quoi la question de
l'application de l'art. 71 al. 2 CP ne se poserait pas. De même, le nombre
des victimes n'est pas déterminant; que l'auteur s'en soit pris à plusieurs
personnes n'exclut pas que ses actes puissent être considérés comme une
entité au sens de l'art. 71 al. 2 CP (cf. ATF 120 IV 6 ss). Quant au fait
que les agissements du recourant n'aient pas procédé d'une décision unique,
il ne saurait être pris en compte, dès lors que le critère de l'intention
unique n'entre plus en considération depuis que la jurisprudence a
abandonné la notion de délit successif (cf. supra, let. 1b).

    Toutefois, dans chacun des cinq cas évoqués, le recourant s'est vu
confier des avoirs par des personnes physiques ou morales distinctes,
sans lien entre elles, de sorte que le devoir permanent qu'il avait
d'utiliser conformément aux instructions reçues et dans le but prévu les
avoirs qui lui avaient été confiés par ces différentes personnes reposait
sur un rapport juridique distinct. Contrairement à ce qui était le cas
dans les affaires où, jusqu'ici, le Tribunal fédéral a admis la réunion de
plusieurs infractions en une seule entité sous l'angle de la prescription
(cf. supra, let. 1b), le recourant a donc violé durablement plusieurs
devoirs permanents indépendants, résultant de rapports juridiques
distincts, établis avec des personnes différentes et sans lien entre
elles. On se trouve dès lors en présence non pas d'une seule, mais de
plusieurs activités coupables. Dans la mesure où chacune d'elles s'est
exercée à plusieurs reprises, il se justifiait de faire application de
l'art. 71 al. 2 CP. En revanche, ces diverses activités coupables ne
sauraient être considérées comme formant une entité au sens de l'art.
71 al. 2 CP, c'est-à-dire comme une seule activité globale pour laquelle
le délai de prescription commencerait à courir du jour où le dernier acte
a été commis. Admettre le contraire pourrait aboutir à réintroduire sous
une autre forme la notion de délit successif.

    f) Il résulte de ce qui précède que, dans chacun des cinq cas évoqués,
les divers abus de confiance perpétrés doivent être considérés comme une
entité au sens de l'art. 71 al. 2 CP, c'est-à-dire comme une activité
globale pour laquelle le délai de prescription commence à courir du
jour où le dernier acte a été commis. Le recourant ne saurait donc
être suivi lorsqu'il soutient que la prescription a commencé à courir,
pour chacun des abus de confiance qui lui sont reprochés, du jour où
il a été perpétré et en conclut que, sous réserve de celui qui a été
commis au préjudice de D. le 30 décembre 1992, tous les abus de confiance
retenus sont absolument prescrits. En revanche, c'est à tort que l'arrêt
attaqué considère que l'ensemble des abus de confiance commis forment
une seule entité du point de vue de la prescription et en déduit que,
les derniers actes du recourant - soit ceux commis au préjudice de D. -
remontant au 31 décembre 1992, aucun des abus de confiance qui lui sont
reprochés n'est atteint par la prescription absolue.

    Comme le dernier des abus de confiance perpétrés dans le cadre
de la promotion immobilière d'Ormont-Dessous remonte à mai 1991, la
prescription absolue - de 7 1/2 ans - était acquise, pour ces infractions,
depuis novembre 1998, donc depuis environ 1 an et demi, au moment où la
cour cantonale a statué, le 15 mai 2000. De même, le dernier des abus de
confiance commis au préjudice de la société E. SA remontant au milieu de
l'année 1992 et le dernier de ceux commis au préjudice de dame I. remontant
à juillet 1992, ces infractions étaient absolument prescrites, depuis
plusieurs mois, au moment où l'arrêt attaqué a été rendu. En revanche, le
dernier des abus de confiance commis au détriment de D. remontant au 30
décembre 1992 et le dernier des abus de confiance commis au détriment des
propriétaires du cabaret "H." remontant à décembre 1992, ces infractions
n'étaient pas encore atteintes par la prescription absolue à la date de
l'arrêt attaqué.

    Le pourvoi doit par conséquent être admis, l'arrêt attaqué annulé et
la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.