Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 IV 203



127 IV 203

34. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 16 octobre 2001
dans la cause Gaston-Armand Amaudruz contre Ministère public du canton
de Vaud, Fédération Suisse des Communautés Israélites et cons. (pourvoi
en nullité)

Regeste

    Art. 261bis Abs. 4 i.f. StGB.

    Den Tatbestand erfüllt, wer öffentlich ein den Holocaust leugnendes
oder gröblich verharmlosendes Buch zum Verkauf anbietet. Unerheblich ist,
dass kein einziges Exemplar des Buches verkauft worden ist. Das öffentliche
Verkaufsangebot reicht aus (E. 3).

    Art. 58 Abs. 1 StGB.

    Einziehung von Büchern und Zeitschriften mit rassendiskriminierendem
und negationistischem Inhalt (E. 7).

    Art. 41 und 49 OR; Art. 271 Abs. 2 und 277quater Abs. 2 BStP.

    Auf die Nichtigkeitsbeschwerde im Zivilpunkt wird bei Abweisung
der Nichtigkeitsbeschwerde im Strafpunkt nur eingetreten, wenn die
Berufungssumme erreicht ist (E. 8).

Sachverhalt

    A.- Par jugement du 10 avril 2000, le Tribunal correctionnel
du district de Lausanne a reconnu Gaston-Armand Amaudruz coupable de
discrimination raciale (art. 261bis CP) et l'a condamné à la peine d'un
an d'emprisonnement ainsi qu'à verser des indemnités pour tort moral à
différentes parties civiles. Il a en outre ordonné la confiscation et la
destruction des ouvrages qui avaient été séquestrés chez le recourant et
la publication du dispositif du jugement.

    Par arrêt du 20 novembre 2000, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a admis le recours du condamné et a réformé le jugement en
réduisant la peine d'emprisonnement d'un an à trois mois et en réduisant
les indemnités dues aux associations parties civiles. Elle l'a confirmé
pour le surplus.

    B.- Cet arrêt retient notamment les faits suivants:

    a) Depuis 1946, Gaston-Armand Amaudruz édite et distribue, depuis
son domicile lausannois, un journal intitulé "Courrier du Continent". Il
procède lui-même au tirage de cette revue à raison de quatre cents à cinq
cents exemplaires, une dizaine de fois par année. En 1995, le journal en
question était diffusé auprès de deux cents abonnés

ainsi qu'à divers destinataires, notamment différents services
de presse. Gaston-Armand Amaudruz a aussi admis qu'il adressait
systématiquement des exemplaires à toutes les adresses de personnes qui
lui avaient été citées comme "intéressantes" par ses sympathisants.

    b) Au début de l'année 1995, Gaston-Armand Amaudruz a reçu quatre
exemplaires du livre "Grundlagen zur Zeitgeschichte". Il a fait état
de cet arrivage dans le "Courrier du Continent" du mois de juin 1995,
paru juste avant l'intervention de la police. Dans le bloc-notes de ce
journal, le recourant expliquait qu'il s'agissait d'une oeuvre collective
de quinze révisionnistes et que cet ouvrage était recherché par les
autorités allemandes en vue de destruction. Il annonçait qu'il avait
pu "mettre la main" sur quelques exemplaires et les vendait 50 francs
pièce. Le recourant ne paraît pas avoir pu honorer de commande avant le
9 juin 1995, date de la visite domiciliaire.

    Les premiers juges ont constaté que ce livre contenait effectivement un
avant-propos et une série d'articles mettant en doute ou niant l'existence
du génocide juif pendant la seconde guerre mondiale.

    C.- Gaston-Armand Amaudruz forme un pourvoi en nullité contre l'arrêt
du 20 novembre 2000 et conclut à son annulation.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Le recourant soutient que la cour cantonale a violé l'art. 261bis
al. 1 et 2 CP en le condamnant pour avoir mis en vente, en juin 1995,
le livre "Grundlagen zur Zeitgeschichte". Il estime que l'infraction
n'est pas réalisée puisqu'aucune vente n'a eu lieu. Son comportement ne
constituerait qu'un acte préparatoire non punissable.

    Contrairement à ce qu'affirme le recourant, le Tribunal correctionnel
n'a pas retenu l'art. 261bis al. 1 et 2 CP pour qualifier la mise en
vente du livre incriminé mais l'art. 261bis al. 4 i.f. CP. La question de
l'incitation (al. 1) ou de la propagation (al. 2) n'est donc pas pertinente
en l'espèce. Il importe uniquement de déterminer si, par la mise en vente
de l'ouvrage, le recourant a publiquement nié, minimisé grossièrement
ou cherché à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité
(al. 4 i.f.).

    Comme l'expose NIGGLI, les différents modes de commission énumérés à
la première phrase de l'alinéa 4 (soit par la parole, l'écriture ... et de
toute autre manière) concernent également la négation, la minimisation
grossière et la justification d'un génocide (NIGGLI, Discrimination
raciale, Zurich 2000, n. 1019). Ainsi, celui qui participe à la diffusion
publique d'un ouvrage négationniste contribue

à la négation ou à la minimisation grossière d'un génocide au sens de
l'art. 261bis al. 4 i.f. CP. A cet égard, il importe peu que l'ouvrage
n'ait pas été vendu. La mise en vente publique suffit.

    Il a été retenu que le recourant avait indiqué, dans son journal
de juin 1995, qu'il avait "pu mettre la main" sur quelques exemplaires
d'un ouvrage collectif rédigé par des révisionnistes, que cet ouvrage
était recherché par les autorités allemandes en vue de destruction et
qu'il le vendait au prix de 50 fr. Les premiers juges ont constaté que
ce livre contenait effectivement un avant-propos et une série d'articles
mettant en doute ou niant l'existence du génocide juif pendant la seconde
guerre mondiale. Il a en outre été retenu que le recourant avait agi avec
conscience et volonté.

    En conclusion, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
considérant que le recourant avait publiquement nié voire grossièrement
minimisé un génocide en mettant en vente par une annonce dans son journal
l'ouvrage "Grundlagen zur Zeitgeschichte". Sur le plan subjectif, la
question de savoir si l'auteur doit avoir été mû par des motifs liés à
la race, l'appartenance ethnique ou la religion du groupe de personnes
visé peut rester ouverte dans le cas d'espèce puisqu'il a été constaté
que le recourant était mû par des mobiles antisémites. Le grief se révèle
donc infondé.

Erwägung 7

    7.- Le recourant invoque enfin une violation des art. 58 al. 1 CP et
6 par. 1 CEDH (RS 0.101).

    a) Le Tribunal correctionnel a prononcé la confiscation, en vertu de
l'art. 58 CP, des ouvrages qui figuraient sur la liste de septembre 1994
sous "Révisionnisme historique", de revues, de documentation comprenant
des textes et tracts racistes et/ou antisémites ainsi que de certains
exemplaires du "Courrier du continent". Il a relevé que l'art. 58
CP n'exigeait pas qu'une personne déterminée soit punissable et que,
par conséquent, la confiscation pouvait toucher également les ouvrages
pour lesquels la violation de l'art. 261bis CP n'avait pas été retenue
à l'encontre du recourant.

    La cour cantonale a confirmé la confiscation ordonnée, considérant
que les ouvrages séquestrés en mains du recourant contenaient des propos
à caractère discriminatoire et révisionniste voire négationniste et que
l'existence de ces objets, qui étaient par leur nature destinés à être
diffusés, était propre à laisser subsister un risque pour l'ordre public.

    b) Selon le texte de l'art. 58 al. 1 CP, entré en vigueur le 1er
août 1994, "alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable,
le juge prononcera la confiscation d'objets qui ont servi ou devaient

servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction,
si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou
l'ordre public".

    Cette disposition permet donc notamment de confisquer des objets qui
ont servi à commettre une infraction ou devaient servir à la commettre
(les "instrumenta sceleris"; cf. TRECHSEL, Kurzkommentar, 2ème éd.,
Zurich 1997, art. 58 n. 7), à la condition toutefois qu'ils compromettent
la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. On ne saurait
cependant émettre des exigences élevées en ce qui concerne ce danger; il
suffit qu'il soit vraisemblable qu'il y ait un danger si l'objet n'est
pas confisqué en mains de l'ayant droit (TRECHSEL, op. cit., art. 58
n. 9; cf. également FF 1993 III 297 s.). Comme il ressort du texte légal,
la confiscation sera prononcée même si l'auteur n'est pas punissable
(cf. ATF 124 IV 121 consid. 2a p. 123).

    Pour admettre qu'un objet devait servir à commettre une infraction
au sens de l'art. 58 al. 1 CP, il n'est pas nécessaire que l'infraction
ait été commise ou même simplement tentée; certes il ne suffit pas qu'un
objet soit généralement destiné ou propre à être éventuellement utilisé
pour commettre une infraction; il faut, mais il suffit, qu'il existe
un risque sérieux que l'objet puisse servir à commettre une infraction
(ATF 125 IV 185 consid. 2a p. 186 s.).

    c) En l'espèce, la cour cantonale a retenu comme infraction le
fait d'avoir mis en vente, en juin 1995, un ouvrage révisionniste et
le fait d'avoir écrit et publié trois articles dans le "Courrier du
Continent". Elle a en revanche considéré que le recourant n'avait pas
commis d'infraction en conservant chez lui, à disposition d'éventuels
acheteurs, des livres au contenu révisionniste, négationniste et, pour
certains, raciste.

    Il a été constaté que les ouvrages séquestrés en mains du recourant
contenaient des propos à caractère discriminatoire et révisionniste, voire
négationniste. C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'ils
tombaient objectivement sous l'infraction de discrimination raciale au
sens de l'art. 261bis CP. Par ailleurs, il a été retenu que même après
l'entrée en vigueur de cette norme, le 1er janvier 1995, le recourant
avait gardé ces ouvrages à disposition d'éventuels acheteurs et qu'il
avait toujours été prêt à honorer toute commande qui lui était adressée.
Les ouvrages en question, dont certains titres étaient stockés en nombre
important (plus d'une centaine) par le recourant, étaient donc destinés
à la commission d'une infraction au sens de l'art. 58 al. 1 CP. Il en va
de même des tracts

et autres textes racistes saisis chez le recourant, qui étaient, par leur
nature, destinés à être diffusés.

    L'infraction prévue par l'art. 261bis CP est classée parmi les
infractions contre la paix publique (cf. ATF 123 IV 202 consid. 2 p. 205
s.) de sorte que l'on peut admettre que la propagation de propos visés
par cette disposition comporte un risque pour l'ordre public (cf. ATF
124 IV 121 consid. 2c p. 125 s.). Or comme l'a relevé à juste titre la
cour cantonale, l'existence de ces objets, par nature destinés à être
diffusés, était propre à laisser subsister ce risque. Le recourant objecte
que depuis 1995 il n'a diffusé aucun de ces livres et que par conséquent
la confiscation est disproportionnée. Il omet toutefois de relever que,
depuis le 9 juin 1995, il avait reçu l'injonction du juge d'instruction de
ne pas se dessaisir des ouvrages qui avaient été saisis mais laissés à son
domicile. Par conséquent, l'autorité cantonale était fondée à considérer
que la confiscation des ouvrages et documents séquestrés était le moyen
adéquat et proportionné pour éviter la mise en danger de l'ordre public
au sens de l'art. 58 al. 1 CP.

Erwägung 8

    8.- Sur le plan civil, le recourant allègue que la cour cantonale a
violé les art. 41 et 49 CO en allouant une indemnité pour tort moral de
1'000 francs à Sigmund Toman, partie civile. Il soutient que la négation
d'un génocide au sens de l'art. 261bis al. 4 CP lèse exclusivement la paix
publique et la dignité humaine des défunts. Cette infraction ne protégerait
pas la dignité individuelle d'un membre du groupe visé. A défaut de lésion
d'un intérêt personnel, les art. 41 et 49 CO seraient inapplicables.

    a) En l'espèce, Sigmund Toman s'est porté partie civile en son nom
propre. Il a notamment expliqué que ses parents étaient décédés dans un
camp de concentration durant la deuxième guerre mondiale et que lui même
avait été déporté. Les premiers juges et la cour cantonale ont condamné
le recourant à lui verser une indemnité pour tort moral de 1'000 francs,
sur la base de l'art. 49 CO.

    b) Lorsque les conclusions civiles ont été jugées en même temps que
l'action pénale, il appartient au condamné de se pourvoir en nullité en ce
qui concerne les conclusions civiles. Il n'y a pas de recours en réforme
(art. 271 al. 1 PPF [RS 312.0]).

    Lorsque la valeur litigieuse de la prétention civile n'atteint pas le
montant exigé par les dispositions applicables au recours en réforme en
matière civile (art. 46 OJ: 8'000 francs), et qu'en vertu de la procédure
civile, un recours en réforme sans égard à la valeur litigieuse n'est
pas possible (cf. art. 44 et 45 OJ), un pourvoi en nullité quant aux
conclusions civiles n'est recevable que si la Cour de cassation

est saisie en même temps de l'action pénale (art. 271 al. 2 PPF; cf. MARTIN
SCHUBARTH, Nichtigkeitsbeschwerde 2001, Berne 2001, n. 259 s.).

    Toutefois, la loi prévoit que, dans les cas visés à l'art.  271 al. 2
PPF, la Cour de cassation ne statue sur le recours quant aux conclusions
civiles que si elle déclare le pourvoi fondé quant à l'action pénale et
que son arrêt puisse avoir de l'importance aussi pour le jugement des
conclusions civiles (art. 277quater al. 2 PPF).

    c) En l'espèce, la valeur litigieuse devant la dernière instance
cantonale était de 1'000 francs, Sigmund Toman n'ayant pas recouru contre
cette somme et le recourant contestant toute responsabilité civile à
l'égard de cette partie. En outre, la Cour de cassation est également
saisie de l'action pénale puisque le recourant conteste sa condamnation
pour discrimination raciale. Cependant, le pourvoi quant à l'action pénale
sera rejeté; par conséquent, la Cour de cassation n'est pas habilitée à
statuer sur le grief relatif aux conclusions civiles.

Erwägung 9

    9.- (Suite de frais).

    Le pourvoi a été rejeté quant à l'action pénale et déclaré irrecevable
quant à l'action civile.