Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 IV 193



127 IV 193

32. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 22 août 2001 dans
la cause B. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)

Regeste

    Art. 28 Abs. 3 und Art. 31 Abs. 1 StGB; Einreichung und Rückzug des
Strafantrages durch einen urteilsfähigen Bevormundeten.

    Ist eine urteilsfähige entmündigte Person verletzt, steht das
Strafantragsrecht unabhängig voneinander dem Verletzten selbst, seinem
gesetzlichen Vertreter und der Vormundschaftsbehörde zu. Der Rückzug des
Strafantrages durch einen Berechtigten hat keine Auswirkungen auf die
von den anderen Berechtigten gestellten Anträge (E. 5).

Sachverhalt

    Par jugement du 8 juin 2000, le Tribunal correctionnel du district de
Vevey a reconnu B. coupable, notamment, de lésions corporelles simples,
injure, menaces, contrainte et faux témoignage, infractions commises à
l'encontre de dame C., placée sous tutelle volontaire.

    Statuant le 6 novembre 2000 sur recours de l'intéressé, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé les infractions
retenues.

    Dans le pourvoi en nullité formé devant le Tribunal fédéral contre cet
arrêt, B. a contesté en particulier la validité de la plainte à l'origine
de sa condamnation pour lésions corporelles simples, injure et menaces
perpétrées à l'encontre de dame C.

    Le Tribunal fédéral a rejeté ce grief.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 5

    5.- Le Tribunal cantonal a retenu que dame C., placée sous tutelle
volontaire mais âgée de plus de dix-huit ans et capable de discernement,
a valablement retiré la plainte qu'elle avait elle-même déposée contre le
recourant pour lésions corporelles simples, injure et menaces. Les juges
cantonaux ont cependant estimé que les conditions de la poursuite pénale
subsistent, dès lors que ce retrait n'implique pas celui de la plainte
portée conjointement par le tuteur. Sur ce dernier point, le recourant
soutient au contraire que le retrait de la plainte de dame C. a entraîné
du même coup le retrait de la plainte du tuteur.

    a) Selon l'art. 28 CP, lorsqu'une infraction n'est punie que sur
plainte, toute personne lésée pourra porter plainte (al. 1). Si le lésé n'a
pas l'exercice des droits civils, le droit de porter plainte appartiendra à
son représentant légal; s'il est sous tutelle, le droit de porter plainte
appartiendra également à l'autorité tutélaire (al. 2). Si le lésé est
âgé de dix-huit ans au moins et capable de discernement, il aura aussi
le droit de porter plainte (al. 3).

    Précisons que cet alinéa 3 est devenu partiellement lettre morte,
dès lors que toute personne âgée de dix-huit ans révolus est désormais
majeure (cf. nouvel art. 14 CC, entré en vigueur le 1er janvier 1996;
voir également JÖRG REHBERG/ANDREAS DONATSCH, Strafrecht I, 7e éd.,
Zurich 2001, § 37 note 24).

    b) Il convient en premier lieu d'examiner si l'interdit capable de
discernement et son tuteur disposent chacun d'un droit indépendant à
déposer plainte pénale.

    aa) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. D'après la
jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair
par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de
penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition
en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires,
du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la
loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations
de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher

quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous
les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires,
du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles
elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales
(ATF 126 II 71 consid. 6d; 125 II 113 consid. 3a, 238 consid. 5a, 480
consid. 4 et les références citées).

    bb) Selon la loi, si le lésé est sous tutelle, le droit de porter
plainte appartient à son représentant légal et à l'autorité tutélaire
(cf. art. 28 al. 2 CP); toutefois, l'interdit âgé de dix-huit ans au moins
et capable de discernement a "aussi" le droit de porter plainte (cf. art.
28 al. 3 CP). L'adverbe "aussi" indique ainsi que l'interdit peut former
une plainte pénale "en plus" du représentant légal et de l'autorité
tutélaire, à savoir agir de manière indépendante à cet égard. La version
francophone correspond du reste aux versions germanophone ("so ist 'auch
er' zum Antrage berechtigt") et italophone ("può essa 'pure' presentare
la querela"). Si le législateur avait entendu limiter en ce domaine la
compétence propre du tuteur, de l'autorité tutélaire ou de l'interdit, il
aurait vraisemblablement opté pour une autre formulation. En conséquence,
l'adverbe "aussi" institue le droit indépendant d'un interdit âgé de
dix-huit ans au moins et capable de discernement de former une plainte
pénale, sans pour autant supprimer le droit indépendant de son représentant
légal ou de l'autorité tutélaire à agir de même.

    cc) Les travaux préparatoires relatifs à l'art. 28 al.  3 CP
corroborent cette interprétation littérale.

    La question de savoir si et à quelles conditions il fallait
accorder au lésé interdit ou mineur, mais capable de discernement, le
droit indépendant de porter plainte a précisément fait l'objet de larges
débats aux Chambres. Le Conseil national a d'abord adhéré au projet du
Conseil fédéral (alors art. 27, cf. Message du 23 juillet 1918, FF 1918
IV 1 ss, spéc. p. 127), selon lequel "si le lésé est âgé de seize ans
au moins et capable de discernement, il aura aussi le droit de porter
plainte" (Bull.Stén. 1928 CN p. 97 ss). Cependant, le Conseil des Etats a
préféré supprimer cette compétence, évoquant la possibilité de chantage
(Bull.Stén. 1931 CE p. 141 s.). Au vu de cette divergence, le Conseil
national a alors proposé une nouvelle formulation, selon laquelle "si le
lésé est âgé de 'dix-huit' ans au moins et capable de discernement, il
aura 'seul' le droit de porter plainte"; le Conseil national se fondait à
cet égard sur l'art. 19 al. 2 CC, qui autorise les mineurs et interdits
capables de discernement à exercer leurs droits strictement personnels
sans le consentement de

leur représentant légal, ainsi que sur l'art. 15 CC, qui fixe à dix-huit
ans l'âge minimum permettant l'émancipation (Bull.Stén. 1933 CN p. 825). En
réponse, le Conseil des Etats a accepté d'élever l'âge prévu à dix-huit
ans, mais a refusé de permettre au seul interdit d'agir, dès lors qu'il
restait sous tutelle et que l'autorité tutélaire devait également être
habilitée à déposer plainte (Bull.Stén. 1935 CE p. 194 s.). Le Conseil
national s'est rallié à ce point de vue (Bull.Stén. 1935 CN p. 496
ss), ce qui a permis aux Chambres d'adopter la formulation actuelle de
l'art. 28 al. 3 CP.

    Il ressort ainsi des travaux des Chambres que le législateur a
accordé au lésé remplissant les conditions de l'art. 28 al. 3 CP un
droit indépendant de porter plainte, mais a expressément refusé de lui en
octroyer l'exclusivité, dès lors qu'il a attribué ce même droit indépendant
au représentant légal et à l'autorité tutélaire.

    dd) La doctrine reconnaît également au représentant légal, à l'autorité
tutélaire et à l'interdit remplissant les conditions de l'art. 28 al. 3
CP un droit indépendant à déposer plainte (PAUL LOGOZ, Commentaire du Code
pénal suisse, partie générale, 2e éd. 1976, n. 2 et 3 ad art. 28; REHBERG,
Der Strafantrag, in RPS 85/1969 p. 247 ss, spéc. p. 254; WALTER HUBER,
Die allgemeinen Regeln über den Strafantrag im schweizerischen Recht
[StGB 28-31], thèse Zurich 1967, p. 18; voir aussi REHBERG/DONATSCH,
op. cit., § 37 n. 5a).

    ee) En conséquence, force est de retenir que l'interdit âgé de
dix-huit ans au moins et capable de discernement, son représentant légal
et l'autorité tutélaire disposent tous trois d'un droit indépendant à
porter plainte pénale, cette triple compétence ayant pour but de protéger
au mieux les intérêts de l'interdit.

    Certes, une autre solution aurait pu entrer en ligne de compte. En
effet, l'art. 19 al. 2 CC, auquel s'est référé le législateur, non
seulement autorise les interdits (ou les mineurs) capables de discernement
à exercer seuls leurs droits strictement personnels (dit "absolus", cf. ATF
117 II 6 consid. 1b), mais exclut toute compétence de leur représentant
légal. Ainsi, les interdits (et les mineurs) capables de discernement
peuvent, seuls et de manière exclusive, exercer notamment les actions
aménagées par la loi pour protéger leur personnalité (art. 28a al. 1
ch. 1 à 3 CC) et celles qui tendent à la réparation d'un tort moral
(art. 28a al. 3 et 29 al. 2 CC, art. 47 et 49 CO), dans la mesure où
elles n'ont pas un caractère essentiellement pécuniaire (ANDREAS BUCHER,
Personnes physiques et protection de la personnalité, 4e éd. 1999, n. 153
ss; MARTIN STETTLER, Le droit suisse de la filiation, Fribourg 1987,
p. 434 ss; EUGEN BUCHER, Das Personenrecht,

Berner Kommentar, 3e éd. 1976, n. 196, 222 et 225 ad art. 19). En droit
pénal, ce principe appliqué par analogie les autorise à assurer seuls leur
défense en tant qu'accusés, même contre la volonté de leur représentant
légal (ATF 88 IV 111; E. BUCHER, op. cit., n. 294 ss ad art. 19).

    Le droit de porter plainte pénale pourrait effectivement suivre la
même règle, ce qui permettrait de l'harmoniser avec le droit civil et
la procédure pénale. Cependant, c'est délibérément que le législateur
ne s'est pas fidèlement calqué sur l'art. 19 al. 2 CC et a entendu
doublement amoindrir le caractère strictement personnel du droit de porter
plainte pénale accordé à l'interdit capable de discernement, d'une part en
attribuant un tel droit indépendant à son tuteur et à l'autorité tutélaire,
d'autre part en fixant la limite d'âge à dix-huit ans (cf. HUBER,
op. cit., p. 15 ss let. b). Il n'y a pas lieu de s'écarter de sa volonté.

    Du reste, encore peut-on souligner qu'en un sens l'art. 28 al. 3 CP
accorde à l'interdit un droit plus étendu que l'art. 19 al. 2 CC, dès lors
qu'il l'autorise à exercer une action judiciaire même dans les domaines
qui ne touchent pas directement sa personnalité, tels que certaines
infractions contre le patrimoine commises par des proches ou des familiers.

    c) Il sied maintenant de déterminer les personnes habilitées à retirer
une plainte pénale au sens de l'art. 31 al. 1 CP et d'examiner ce qu'il
advient d'une plainte pénale portée par plusieurs ayants droit lorsque
l'un d'entre eux refuse de la retirer.

    aa) Aux termes de l'art. 31 al. 1 CP, la plainte pourra être retirée
tant que le jugement de première instance n'aura pas été prononcé. Le
droit de retirer la plainte est rattaché au droit de la déposer, si bien
que le premier n'appartient qu'à celui qui a effectivement exercé le second
(HUBER, op. cit., p. 60 let. f).

    bb) Selon la majorité de la doctrine, quand une plainte a été
portée à la fois par plusieurs ayants droit bénéficiant d'une compétence
indépendante à cet égard, le retrait émanant de l'un d'eux demeure sans
effet sur la plainte déposée par les autres (REHBERG/DONATSCH, op. cit.,
§ 37 n. 9a; REHBERG, op. cit., p. 278 s. n. 1a; LOGOZ, op. cit., n. 1 ad
art. 31; HUBER, loc. cit.; ERNST HAFTER, Lehrbuch des schweizerischen
Strafrechts, Allg. Teil, 2e éd., Berne 1946, p. 140 n. 5). Ainsi, par
exemple, le mineur ou l'interdit qui a entre-temps acquis l'exercice
des droits civils ne peut retirer la plainte formée auparavant par son
représentant légal (REHBERG, loc. cit.; HUBER, loc. cit.).

    En revanche, selon STEFAN TRECHSEL (Schweizerisches Strafrecht,
Allg. Teil I, 5e éd., Zurich 1998, p. 291; du même auteur, Kurzkommentar,
2e éd., Zurich 1997, n. 2 ad art. 31), en cas de divergence d'opinions
entre le lésé direct et son représentant légal (ou l'autorité tutélaire)
sur l'opportunité de retirer la plainte, la volonté du lésé est
prépondérante dès lors qu'il exerce un droit strictement personnel.

    cc) L'avis de la doctrine majoritaire doit être confirmé. L'interdit,
le tuteur et l'autorité tutélaire bénéficiant chacun d'un droit indépendant
à porter plainte pénale, il en découle que la décision de retrait de l'un
d'eux n'a pas d'effet sur la plainte des autres. Certes, cela autorise
le tuteur ou l'autorité tutélaire à s'opposer à la volonté du lésé
direct, alors que celui-ci exerce un droit strictement personnel, mais
cet inconvénient n'est que le corollaire de la décision du législateur
d'accorder à chacune de ces trois parties une compétence indépendante.
Les droits indépendants du tuteur et de l'autorité tutélaire seraient
pratiquement annihilés si l'interdit était habilité, à lui seul, à retirer
les plaintes portées par ces autorités.

    d) En conclusion, il convient de confirmer en l'espèce que la plainte
du tuteur de dame C. reste valide en dépit du retrait de la plainte de
la lésée directe.