Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 IV 115



127 IV 115

18. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 14 mai 2001
dans la cause X. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) .-115-

Regeste

    Art. 24 Abs. 1 und Art. 286 StGB, Art. 16 BV, Art. 10 EMRK; Anstiftung
zur Hinderung einer Amtshandlung.

    Wer Manifestanten dazu auffordert, sich um ein Fahrzeug zu gruppieren,
um so ein Eingreifen der Polizei zu vereiteln, macht sich der Anstiftung
zur Hinderung einer Amtshandlung schuldig, wenn der Polizeieinsatz
tatsächlich behindert wird (E. 2).

    Eine solche Auslegung des Art. 286 StGB ist mit der
Meinungsäusserungsfreiheit vereinbar (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 1er novembre 1997, une manifestation a été organisée par
d'anciens squatters sur une parcelle sise au chemin de Primerose à
Lausanne; elle devait se poursuivre dans la soirée au centre autogéré de
Prélaz. X. y participait, de même qu'une quarantaine de personnes. Vers
23 h., les manifestants ont quitté le chemin de Primerose en direction du
centre de Prélaz; ils suivaient, au pas, un bus VW muni d'une installation
stéréophonique. A un moment donné, la police, qui avait reçu l'ordre de
mettre fin à la manifestation, a fait intervenir une équipe d'une dizaine
d'hommes. Un premier fourgon a dépassé les manifestants avant de s'arrêter
en travers de la route alors qu'un second fourgon prenait place à l'arrière
du cortège. La police souhaitait d'une part interpeller X., qui disposait
d'un mégaphone, et d'autre part isoler le bus et son conducteur du reste
de la manifestation. Ayant compris le but poursuivi par les forces de
l'ordre, X. a hurlé aux manifestants qu'ils ne devaient pas se disperser
mais au contraire demeurer groupés autour du véhicule. Il a été suivi,
de sorte que la police a été dans un premier temps empêchée d'approcher
du bus. Même s'il n'y a pas eu à proprement parler d'échauffourée, une
bousculade s'en est suivie et une ou deux bouteilles ont été lancées en
direction des policiers, qui ont fait usage de sprays au poivre pour se
dégager et, finalement, isoler et interpeller X. et le conducteur du bus.

    B.- Par jugement du 9 août 2000, le Tribunal de police du district de
Lausanne a reconnu X. coupable d'instigation à une opposition aux actes
de l'autorité et l'a condamné à la peine de 5 jours d'arrêts avec sursis
pendant 2 ans, mettant en outre à sa charge une partie des frais de la
cause, arrêtée à 500 fr.

    C.- Par arrêt du 3 octobre 2000, la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois rejette le recours interjeté par X. contre ce
jugement qu'elle confirme.

    La Cour admet que les propos imputés à X. avaient pour but d'entraver
l'opération de police et qu'ils ont effectivement différé le résultat
recherché par celle-ci, de sorte que l'on ne saurait les considérer comme
un simple acte de désobéissance n'ayant entraîné aucun obstacle.

    D.- X. se pourvoit en nullité contre cet arrêt.  Invoquant une
violation des art. 286 CP ainsi que 16 Cst. et 10 CEDH (RS 0.101), il
conclut, avec suite de frais, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.

    A l'appui de ses conclusions, le recourant fait valoir que la
disposition appliquée doit être interprétée de manière restrictive, qu'une
simple désobéissance ne suffit pas et que le comportement oppositionnel
doit se traduire par une activité d'une certaine importance. Selon lui,
l'arrêt attaqué étend excessivement le champ d'application de l'art.
286 CP et restreint par trop la liberté d'expression, de sorte qu'il est
contraire aux art. 16 Cst. et 10 CEDH qui consacrent celle-ci.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Le recourant a été reconnu coupable d'instigation à une opposition
aux actes de l'autorité.

    Aux termes de l'art. 24 al. 1 CP, "celui qui aura intentionnellement
décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourra, si l'infraction
est commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction".

    Comme la tentative d'instigation n'est punissable que lorsque
l'infraction envisagée est un crime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
il faut déterminer si le recourant a bien, comme le lui reproche l'autorité
cantonale, déterminé certains participants à la manifestation à commettre
le délit réprimé par l'art. 286 CP. Selon cette disposition, "celui qui
aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire
de faire un acte entrant dans ses fonctions sera puni de l'emprisonnement
pour un mois au plus ou de l'amende".

    Il n'est pas contesté que l'opération à laquelle la police entendait
procéder était bien un acte entrant dans ses fonctions. Il faut donc
déterminer si cet acte a été empêché, au sens de l'art. 286 CP.

    Selon la jurisprudence, pour qu'il y ait opposition aux actes de
l'autorité, il faut que l'auteur, par son comportement, entrave l'autorité
ou le fonctionnaire dans l'accomplissement d'un acte officiel; il ne
suffit pas qu'il se borne à ne pas obtempérer à un ordre qui lui est
donné (ATF 124 IV 127 consid. 3a p. 130; 120 IV 136 consid. 2a p. 139
et les références citées). Il n'est en revanche pas nécessaire que
l'auteur parvienne à éviter effectivement l'accomplissement de l'acte
officiel, il suffit qu'il le rende plus difficile, l'entrave ou le diffère
(ATF 124 IV 127 consid. 3a p. 129; 120 IV 136 consid. 2a p. 139 et les
références citées). L'art. 286 CP se distingue de l'art. 285 CP, relatif
aux violences ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires,
par le fait qu'il vise une résistance sans violence ni menaces; il
diffère de l'art. 292 CP, qui sanctionne l'insoumission à une décision
de l'autorité, en ce sens qu'une simple désobéissance ne suffit pas
(ATF 124 IV 127 consid. 3a). Au contraire, le comportement incriminé à
l'art. 286 CP suppose une résistance qui implique une certaine activité
(ATF 124 IV 127 consid. 3a; 120 IV 136 consid. 2a p. 140), qui peut par
exemple être réalisée par le fait de prendre la fuite (ATF 120 IV 136
consid. 2a p. 140 et les références citées).

    En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté en fait, d'une manière
qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité, qu'en demandant
aux participants au cortège de se rassembler et de rester groupés autour du
bus, le recourant savait qu'il allait empêcher les fonctionnaires de police
de procéder à des contrôles et interpellations, que c'est précisément
ce qu'il cherchait à faire et ce qui s'est produit puisque les forces
de police ont été empêchées d'approcher du bus, ce qui a entravé leur
travail et différé le résultat qu'elles poursuivaient.

    En agissant de la sorte, le recourant a incité les manifestants à
adopter un comportement actif, consistant à se concentrer à proximité
du bus, pour éviter les contrôles. Un tel comportement est tout à fait
comparable au fait de poursuivre le même résultat en prenant la fuite;
il ne s'agit pas d'une simple désobéissance, qui pourrait être réalisée
par exemple par le fait de refuser de produire une pièce d'identité
sans toutefois entreprendre quoi que ce soit pour empêcher l'autorité de
procéder aux vérifications souhaitées.

    Il ressort en outre des constatations de l'autorité cantonale que
la police a effectivement été empêchée d'approcher du bus, ce qui a eu
pour conséquence de différer le résultat poursuivi. Conformément à la
jurisprudence qui a été rappelée ci-dessus, cela suffit pour que l'on
doive admettre que l'infraction a été consommée. C'est donc sans violer
les dispositions pénales appliquées que l'autorité cantonale a admis que
le recourant s'était rendu coupable d'instigation à une opposition aux
actes de l'autorité.

Erwägung 3

    3.- Le recourant soutient en outre que l'arrêt attaqué étend
excessivement le champ d'application de l'art. 286 CP et restreint par trop
la liberté d'expression; il en conclut qu'il viole la liberté d'expression
et est donc contraire aux art. 16 Cst. et 10 CEDH.

    Dans le cadre d'un pourvoi en nullité, seul peut être invoqué le grief
tiré d'une violation indirecte de ces dispositions. Il faut donc uniquement
examiner la question de savoir si l'interprétation que l'autorité cantonale
a faite de la disposition relative à l'opposition aux actes de l'autorité
est incompatible avec la liberté d'expression consacrée par les art. 16
Cst. et 10 CEDH.

    Contrairement à ce que soutient le recourant, on ne voit pas en
quoi l'interprétation de la loi faite par l'autorité cantonale serait
incompatible avec la garantie de cette liberté fondamentale. En effet,
l'arrêt attaqué sanctionne le recourant pour avoir appelé à commettre une
infraction réprimée par la loi pénale; il n'a pas pour effet de limiter sa
liberté d'expression au-delà de ce qui est nécessaire à assurer le respect
de la norme pénale appliquée. Le recourant lui-même ne prétend pas que
son message aurait eu une portée différente de la simple exhortation à
commettre une opposition aux actes de l'autorité. Dans ces circonstances,
l'arrêt attaqué n'a pour conséquence de restreindre la liberté d'expression
du recourant que dans la mesure où celui-ci en a fait usage d'une manière
contraire à la loi interprétée de manière correcte, ainsi que cela a été
constaté au considérant précédent, et sans aboutir à vider de leur portée
les dispositions qui la consacrent. C'est donc à tort qu'il se plaint
d'une violation indirecte des art. 16 Cst. et 10 CEDH et son pourvoi doit
être rejeté.