Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 IV 101



127 IV 101

15. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 3 avril 2001
dans la cause X. contre Procureur général du canton de Genève (pourvoi
en nullité) Regeste

    Art. 63 ff. StGB; Strafzumessung.

    Wesentliche Elemente der Strafzumessung und Begründungsanforderungen
(E. 2 und 3).

Sachverhalt

    A.- Le 13 septembre 1999, décidé à mettre un terme à une relation
tumultueuse, X., né en 1960 et polytoxicomane depuis vingt ans, s'est
rendu, alors qu'il était aviné, chez son amie Y. Au cours de la dispute qui
a suivi, X. a planté un coupe-papier muni d'une lame de quinze centimètres
dans la poitrine de cette dernière, qui était allongée sur un canapé;
puis il lui a placé un coussin sur le visage. Réalisant la gravité de son
geste et pensant avoir tué son amie, il s'est précipité chez un voisin
et lui a demandé d'appeler une ambulance.

    Rentré à son domicile, X. a chargé son fusil d'assaut pour mettre fin
à ses jours mais n'est pas passé à l'acte. Alerté par les sirènes d'une
voiture de police arrivant sur les lieux, il a tiré, depuis une fenêtre
de son appartement, une première balle sur l'un des policiers en train
de sortir du véhicule, puis une seconde balle sur le véhicule lui-même.
Une balle est entrée dans l'aile de la voiture, a traversé le tableau de
bord et s'est logée dans la cuisse d'un policier. L'autre balle a ricoché
sur le sol, est entrée dans la voiture par le radiateur en se fragmentant;
un fragment a blessé le même policier à la tête.

    X. s'est alors rendu dans l'appartement de son voisin, qui a tenté de
le désarmer; un coup est parti, la balle se logeant dans le plafond. Par
la suite, X. a été maîtrisé par des policiers du groupe d'intervention
après une échauffourée durant laquelle la lanière du gant d'un policier
a été coupée par le couteau que X. refusait de lâcher.

    B.- Par arrêt du 14 septembre 2000, la Cour d'assises du canton de
Genève a reconnu X. coupable, d'une part, de délits manqués de meurtre à
l'encontre de Y. puis des deux policiers, retenant le repentir actif dans
le premier cas et la détresse profonde dans le second, et, d'autre part,
de mises en danger de la vie d'autrui, sans circonstance atténuante, à
l'encontre du voisin puis du policier du groupe d'intervention. Admettant
que la responsabilité pénale de X. était moyennement à fortement
restreinte, la Cour d'assises l'a condamné à neuf ans de réclusion; elle
a en outre révoqué un sursis à l'exécution relatif à une peine de trois
mois d'emprisonnement et elle a ordonné un traitement psychiatrique et
psychothérapeutique en détention.

    Par arrêt du 2 février 2001, la Cour de cassation genevoise a rejeté
le recours de X., qui portait uniquement sur la mesure de la peine.

    C.- X. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il
conclut à l'annulation de la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais
il ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF
[RS 312.0]). Les conclusions devant être interprétées à la lumière de
leur motivation, celle-ci circonscrit les points litigieux que le Tribunal
fédéral peut examiner (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités).

    Le recourant critique uniquement la fixation de la peine (art. 63
CP), soutenant pour l'essentiel que l'autorité cantonale a abusé de
son pouvoir d'appréciation en la matière. De l'avis du recourant, sa
responsabilité moyennement à fortement restreinte devait conduire à une
peine d'au moins 50% inférieure à celle qui aurait été infligée à un
auteur pleinement responsable. Condamné à neuf ans de réclusion, il en
conclut que pour l'autorité cantonale une peine de dix-huit ou vingt ans
de réclusion aurait en soi été justifiée et prétend qu'une telle peine
serait manifestement excessive compte tenu de son repentir actif dans l'un
des cas de tentative de meurtre et de sa détresse profonde dans l'autre.

Erwägung 2

    2.- Les critères en matière de fixation de la peine (art. 63 ss CP) ont
fait l'objet d'une abondante jurisprudence, qu'il convient de rappeler ici.

    a) Aux termes de l'article 63 CP, le juge fixera la peine d'après la
culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des antécédents
et de la situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est
celui de la gravité de la faute; le juge doit prendre en considération,
en premier lieu, les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir
sur le résultat de l'activité illicite, sur le mode et l'exécution et,
du point de vue subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi
que sur les mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté
de décision dont disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de
respecter la norme qu'il a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision
de l'avoir transgressée et partant sa faute (ATF 122 IV 241 consid. 1a
p. 243 et les arrêts cités).

    b) Lorsqu'il admet une responsabilité pénale restreinte (art. 11 CP),
le juge doit réduire la peine en conséquence, sans être tenu toutefois
d'opérer une réduction linéaire (ATF 123 IV 49 consid. 2c p. 51). Lorsque
le résultat de l'infraction ne s'est pas produit, la peine doit aussi être
atténuée; la mesure de cette atténuation dépend notamment de la proximité
du résultat et des conséquences effectives des actes commis (ATF 121 IV
49 consid. 1 p. 53 ss). Ces réductions, de même que celles découlant de
l'art. 64 CP, peuvent toutefois être compensées par une augmentation de
la peine s'il existe des circonstances aggravantes, ces dernières pouvant
de la sorte neutraliser les effets de circonstances atténuantes; il en
va de même en cas de concours d'infractions (art. 68 ch. 1 al. 1 CP). Un
délinquant peut par conséquent, selon les circonstances, être condamné à la
peine maximale prévue par la loi pour la ou les infractions commises même
en cas de responsabilité pénale restreinte et de circonstances atténuantes
(ATF 116 IV 300 consid. 2 p. 302 ss).

    En vertu de l'art. 68 ch. 1 al. 1 CP, lorsqu'un délinquant, par
plusieurs actes, aura encouru plusieurs peines privatives de liberté,
le juge le condamnera à la peine de l'infraction la plus grave et en
augmentera la durée d'après les circonstances, mais pas au-delà de la
moitié en sus du maximum de la peine prévue pour cette infraction et
pas au-delà du maximum légal du genre de peine. Il sera, en outre, lié
par le maximum légal du genre de peine. Pour satisfaire à cette règle,
le juge, dans un premier temps, fixera donc la peine pour l'infraction
abstraitement la plus grave, en tenant compte de tous les éléments
pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes
ou une éventuelle diminution de la responsabilité pénale. Dans un second
temps, il augmentera cette peine pour sanctionner les autres infractions,
en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF
116 IV 300 consid. 2c/dd p. 305).

    c) Le Tribunal fédéral examine librement s'il y a eu violation du
droit fédéral. Mais il ne peut admettre un pourvoi en nullité portant sur
la quotité de la peine, compte tenu du pouvoir d'appréciation reconnu en
cette matière à l'autorité cantonale, que si la sanction a été fixée en
dehors du cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à
l'art. 63 CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette disposition
n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément
sévère ou clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir
d'appréciation (ATF 123 IV 49 consid. 2a p. 51, 150 consid. 2a p. 153).

    S'agissant plus précisément de l'abus du pouvoir d'appréciation,
il faut relever que le Tribunal fédéral, qui n'interroge pas lui-même
les accusés ou les témoins et n'établit pas les faits, est mal placé
pour apprécier l'ensemble des paramètres pertinents pour individualiser
la peine; son rôle est d'interpréter le droit fédéral et de dégager des
critères et des notions qui ont une valeur générale. Le Tribunal fédéral
n'a donc en aucune façon à substituer sa propre appréciation à celle du
juge de répression. Il ne peut intervenir, en considérant le droit fédéral
comme violé, que si ce dernier a fait un usage vraiment insoutenable de
la marge de manoeuvre que lui accorde le droit fédéral (ATF 123 IV 150
consid. 2a p. 153).

    Cela étant, le juge doit exposer, dans sa décision, les éléments
essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de
manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents
ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce
soit dans un sens atténuant ou aggravant; il peut passer sous silence
les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui paraissent
non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit justifier
la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté; mais
le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages
l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. Plus la
peine est élevée, plus la motivation doit être complète; cela vaut
surtout lorsque la peine, dans le cadre légal, apparaît comparativement
très élevée. Un pourvoi ne saurait toutefois être admis simplement
pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue
apparaît conforme au droit (ATF 122 IV 265 consid. 2d p. 269; 121 IV 49
consid. 2a/aa p. 56; 120 IV 136 consid. 3a p. 143).

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, la Cour de cassation genevoise et la Cour d'assises
énumèrent certes les éléments pertinents qui entrent en ligne de compte
pour fixer la peine; le recourant ne soutient d'ailleurs pas qu'un
élément pertinent aurait été omis. Cependant, elles n'expliquent nullement
comment, à partir des éléments en question, elles sont parvenues à la peine
infligée. La première se limite à relever que le recourant était passible
d'une peine de réclusion de vingt ans et qu'"une sanction inférieure à
la moitié de cette durée tient compte de tous les paramètres qui, dans
le cas d'espèce, devaient être pris en considération, en particulier ceux
favorables au recourant telle sa responsabilité restreinte, son repentir
actif et sa détresse profonde". La Cour d'assises pour sa part est tout
aussi brève et note que s'il n'y avait pas la responsabilité restreinte,
le recourant "serait passible d'une peine extrêmement lourde".

    Une peine de neuf ans est en soi importante. Au vu des divers motifs
d'atténuation retenus en l'espèce, elle ne s'impose pas d'emblée. La Cour
de cassation genevoise observe d'ailleurs que cette peine peut paraître
lourde. Dans ces circonstances, la motivation de la peine contenue dans
l'arrêt attaqué est insuffisante. Elle ne permet en particulier pas de
saisir l'application de l'art. 68 CP, c'est-à-dire de voir de quelle façon
il a été tenu compte des circonstances atténuantes pour fixer la peine
de l'infraction la plus grave et comment cette peine a été augmentée en
fonction des autres infractions. Or, il n'incombe pas au Tribunal fédéral
de supputer le cheminement suivi par l'autorité cantonale pour aboutir
à la peine fixée ni de se substituer à elle en complétant lui-même la
motivation. Il s'ensuit l'admission du pourvoi conformément à l'art. 277
PPF.

    Le Tribunal fédéral admet le pourvoi en application de l'art.  277 PPF,
annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision.