Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 519



127 III 519

87. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 25 juin 2001 dans la
cause A. et B. contre C., D. et E. (recours en réforme)

Regeste

    Beweis des entgeltlichen Charakters einer Ingenieurleistung.

    Liefert ein Ingenieur Pläne und ist der entgeltliche Charakter des
Vertrages bestritten, obliegt dem Ingenieur der Beweis der Vereinbarung
einer Entschädigung (E. 2a).

    Rechtsnatur des unentgeltlichen Ingenieurvertrages.

    Verpflichtet sich ein Ingenieur zur unentgeltlichen
Leistungserbringung, wird kein Werkvertrag, sondern ein Innominatkontrakt
geschlossen (E. 2b).

    Bestimmung des Preises des Werks nach Art. 374 OR.

    Art. 374 OR gelangt nur zur Anwendung, wenn die Parteien zwar die
Entgeltlichkeit der Leistung vereinbart haben, die Höhe der Entschädigung
des Unternehmers jedoch nicht genau bestimmt wurde (E. 2c).

Sachverhalt

    A.- Au mois de juillet 1995, C. (dessinatrice), D. et E. (tous deux
architectes) se sont associés afin de participer au concours d'idées
en deux temps lancé par l'Etat de Vaud pour la réalisation du Relais
autoroutier de Bavois sur l'autoroute N1 Lausanne-Yverdon.

    Parmi les 120 projets présentés, celui de C., D. et E. a été
retenu, avec 11 autres projets, pour prendre part à la seconde phase du
concours. Cette phase impliquait la collaboration d'un bureau d'ingénieurs.

    Les trois concurrents sont entrés en contact avec les ingénieurs A. et
B., grâce auxquels le bureau d'ingénieurs civils F., G., X. S.A. a accepté
de mettre son nom à disposition, les ingénieurs A. et B. intervenant comme
consultants. Une première rencontre a eu lieu à Orbe, le 16 janvier 1996,
entre les trois concurrents et les ingénieurs A. et B. Au cours de cette
séance, les concurrents ont présenté l'avancement de leurs travaux et
les modalités du concours; il n'est pas

établi que la question d'une rémunération des ingénieurs aurait alors
été discutée ni même évoquée.

    Le 16 mars 1996, les ingénieurs ont envoyé aux concurrents les plans
de trois variantes de ponts pour le franchissement de l'autoroute; des
plans, des esquisses et des croquis ont encore été transmis ultérieurement.

    Le 12 avril 1996, C. a exprimé à B. sa déception pour le travail
fourni. Par courrier du 16 avril 1996, A. et B. ont répondu, sur un ton
acide, en ajoutant la phrase suivante: "Sur ce, nous vous communiquons
notre numéro de compte pour le versement de la somme correspondant à la
moitié de l'éventuel prix attribué à notre projet".

    Le 19 avril 1996, les concurrents se sont adressés au bureau F., G.,
X. S.A., en réponse à la lettre du 16 avril 1996, en précisant qu'il n'a
jamais été question d'honorer les prestations d'ingénieurs.

    Le 30 mai 1996, le jury du concours a accordé le premier prix, d'un
montant de 18'000 fr. - auxquels s'ajoutent 8'000 fr. d'indemnisation
fixe -, au projet présenté par C., D. et E.

    Par lettre du 12 septembre 1996, l'avocat des deux ingénieurs a mis
en demeure les trois concurrents de leur payer la somme de 16'672 fr. 60
avec intérêts à 5% dès le 31 mai 1996.

    B.- Cette mise en demeure étant restée vaine, A. et B.  ont déposé
devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, le 28 novembre 1996,
une demande en paiement dirigée contre C., D. et E., concluant à ce que
ces derniers soient condamnés solidairement à leur verser la somme de
16'672 fr. 60 avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mai 1996.

    Par jugement du 21 juillet 2000, la Cour civile a rejeté la demande. En
substance, elle a estimé que les circonstances ne permettaient pas de
présumer le caractère onéreux du contrat passé entre les parties.

    C.- A. et B. exercent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils
concluent à la réforme du jugement attaqué en ce sens que les défendeurs
sont condamnés, solidairement entre eux, à leur verser la somme de
10'005 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 31 mai 1996.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé le jugement
attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) A lire le mémoire de recours, il apparaît que les recourants
invoquent tout d'abord une violation de l'art. 8 CC, et non 8 CPC/VD.

    Selon cette disposition, chaque partie doit, si la loi ne prescrit
le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

    Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF
125 III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve (ATF
122 III 219 consid. 3c) - en l'absence de disposition spéciale contraire
- et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les
conséquences de l'échec de la preuve (ATF 126 III 189 consid. 2b; 125
III 78 consid. 3b). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles
sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III
219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de
refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves
(ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut
forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c;
118 II 142 consid. 3a).

    En l'espèce, il est constant que les recourants, qui sont des
ingénieurs professionnels, ont fourni des plans. Une telle prestation,
par sa nature, peut faire l'objet d'un contrat d'entreprise (cf. ATF 119
II 40 consid. 2d). La question litigieuse est de savoir si la prestation
des ingénieurs a été convenue à titre onéreux.

    Comme les recourants se prétendent créanciers, c'est à eux qu'il
incombe - selon la règle contenue à l'art. 8 CC - de prouver les faits dont
on peut déduire leurs droits. Lorsque le litige porte sur le caractère
onéreux du contrat, il incombe à l'entrepreneur de prouver qu'une
rémunération a été convenue (GAUCH, Le contrat d'entreprise, adaptation
française par Benoît Carron, n. 112, p. 34; TERCIER, Les contrats spéciaux,
2e éd., n. 3642, p. 447; BÜHLER, Commentaire zurichois, n. 68 ad art. 363
CO; ZINDEL/PULVER, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 5 ad art. 363 CO).

    Etant parvenue - à l'issue d'une appréciation des preuves qui ne peut
faire l'objet d'un recours en réforme - à la conclusion que la question
était douteuse, la cour cantonale n'a pas renversé le fardeau de la preuve
et violé l'art. 8 CC en tranchant le litige en défaveur de la partie qui
avait le fardeau de la preuve.

    Quand les recourants reprochent à l'autorité cantonale de ne pas avoir
suivi l'opinion de l'expert, ils soulèvent une question qui ne relève pas
de l'art. 8 CC, puisque cette disposition ne règle pas comment le juge peut
parvenir à une conviction; il s'agit d'une pure question d'appréciation
des preuves, qui ne peut donner lieu à un recours en réforme.

    Et lorsque les recourants énumèrent des éléments qui leur paraissent
favorables à leur version, ils invitent le Tribunal fédéral à revoir
l'appréciation des preuves, alors que celle-ci ne relève pas de l'art. 8
CC et ne saurait être critiquée en instance de réforme.

    Il n'y a donc pas trace d'une violation de l'art. 8 CC.

    b) Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir violé
l'art. 363 in fine CO, qui prévoit que le contrat d'entreprise revêt un
caractère onéreux.

    Il résulte de la définition légale qu'il ne peut y avoir contrat
d'entreprise que si l'une des parties s'oblige à exécuter un ouvrage,
moyennant un prix que l'autre partie s'engage à lui payer (art. 363
CO). L'obligation de rémunérer l'entrepreneur est un élément essentiel de
ce contrat, sans lequel la qualification de contrat d'entreprise ne peut
pas être retenue (ATF 122 III 10 consid. 3). Si une personne s'engage à
livrer gratuitement un ouvrage, il résulte clairement de l'art. 363 CO que
la qualification de contrat d'entreprise est exclue; la doctrine actuelle
considère qu'il s'agit alors d'un contrat innommé (GAUCH, op. cit., n.
115, p. 35; TERCIER, op. cit., n. 3643, p. 447; BÜHLER, op. cit., n. 68
ad art. 363 CO; ZINDEL/PULVER, op. cit., n. 6 ad art. 363 CO; KOLLER,
Commentaire bernois, n. 51 ad art. 363 CO).

    Dès l'instant où l'autorité cantonale a acquis la conviction, en
appliquant la règle sur le fardeau de la preuve, que la prestation des
ingénieurs devait être fournie gratuitement, elle n'a nullement violé
l'art. 363 CO en constatant qu'elle ne se trouvait pas en présence d'un
contrat d'entreprise au sens de cette disposition.

    c) Les recourants font grief à la Cour civile d'avoir violé
l'art. 374 CO, qui prévoit le mode de calcul de la rémunération de
l'entrepreneur lorsque le prix n'a pas été fixé d'avance ou ne l'a été
qu'approximativement.

    Selon son texte clair, cette disposition ne concerne que la
détermination du montant de la rémunération; elle s'applique lorsque -
faute d'accord des parties sur ce point - il faut fixer après coup la
quotité de la rémunération (GAUCH, op. cit., n. 110, p. 34; TERCIER, op.
cit., n. 3647, p. 447; ZINDEL/PULVER, op. cit., n. 4 ad art. 363 CO;
KOLLER, op. cit., n. 83 ad art. 363 CO; ENGEL, Contrats de droit suisse,
2e éd., p. 456 s.).

    Pour que cette disposition soit applicable, il faut que les parties
aient conclu un contrat d'entreprise au sens de l'art. 363 CO, c'est-à-dire
un contrat onéreux. Cette disposition suppose que les parties soient
d'accord sur le caractère onéreux de la prestation, mais qu'elles n'aient
pas fixé le montant de la rémunération due à l'entrepreneur.

    Comme il a été retenu en l'espèce que la prestation a été convenue
à titre gratuit, il est évident que l'art. 374 CO ne trouvait pas
application, de sorte que cette disposition n'a pas été enfreinte par la
cour cantonale.

    d) L'autorité cantonale a constaté en fait - d'une manière qui lie
le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) -
que les plaideurs n'ont pas passé un accord écrit ou un accord verbal
sur le caractère onéreux de la prestation des ingénieurs.

    Il reste à examiner si un tel accord ne peut pas être déduit
de l'attitude des parties, notamment en fonction d'un usage en la
matière (KOLLER, op. cit., n. 77 ad art. 363 CO). La preuve d'un usage
incombe cependant à l'entrepreneur (KOLLER, op. cit., n. 78 ad art. 363
CO). Autrement dit, il y a lieu d'interpréter l'attitude respective des
parties selon la théorie de la confiance et examiner s'il en résulte
une manifestation de volonté concordante (sur l'interprétation des
manifestations de volonté selon la théorie de la confiance: cf. ATF 126
III 375 consid. 2e/aa; sur le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral en
cette matière: cf. ATF 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5a, 375 consid.
2e/aa; 125 III 305 consid. 2b, 435 consid. 2a/aa).

    La cour cantonale a retenu qu'il n'était pas prouvé qu'il y ait un
usage selon lequel les prestations d'un ingénieur dans le cadre d'un
concours donneraient lieu à rémunération. La constatation sur l'existence
ou l'inexistence d'un usage relève des faits, de sorte qu'elle ne peut
être revue par le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (ATF
113 II 25 consid. 1a).

    D'un point de vue théorique, la participation des ingénieurs à un
concours peut être réglée de différentes manières.

    On peut imaginer tout d'abord que les architectes et les ingénieurs
conviennent d'unir leurs efforts en vue d'obtenir le prix et constituent
entre eux une société simple (art. 530 al. 1 CO). En l'espèce, il
ressort des constatations cantonales qu'il s'agissait principalement d'un
concours d'architecture (c'est d'ailleurs aux architectes que le prix a
été remis), que les architectes sont intervenus seuls lors de la première
étape du concours et que les ingénieurs n'ont apporté qu'une prestation
d'appoint dans la seconde phase (sur laquelle les architectes ont porté
une appréciation); dans une telle situation, on ne discerne pas une
participation sur pied d'égalité, de sorte qu'il ne peut être constaté
d'animus societatis. La cour cantonale n'a donc pas violé les règles du
droit fédéral sur l'interprétation des manifestations de volonté en ne
retenant pas en l'occurrence cette construction juridique.

    On aurait aussi pu imaginer que les ingénieurs fournissent les plans et
croquis en tant que prestation professionnelle donnant lieu à rémunération
selon les tarifs usuels. Il est toutefois improbable que des

architectes acceptent de payer une telle rémunération dans le cadre
d'un concours, alors qu'il y a objectivement peu de probabilités qu'ils
obtiennent eux-mêmes une prestation pécuniaire (autre qu'une modeste
indemnisation) à l'issue de celui-ci. En l'absence de preuve d'un accord
contraire, la décision de la cour cantonale de ne pas retenir cette
hypothèse n'est pas critiquable et procède d'une saine interprétation
des circonstances.

    Il était possible de convenir d'une rémunération conditionnelle,
en ce sens que les ingénieurs ne seraient payés au tarif professionnel
que si le prix était obtenu. Mais on pouvait tout aussi bien imaginer
une rémunération correspondant à une quote-part du montant du prix. Il
n'était pas davantage exclu que les ingénieurs acceptent de collaborer
gratuitement, par esprit de compétition ou dans l'espoir d'obtenir
ensuite un mandat. La cour cantonale a d'ailleurs vu un indice en faveur
de cette dernière hypothèse dans une lettre adressée par les ingénieurs à
la commission des concours SIA. On voit donc que diverses hypothèses sont
également concevables, y compris celle de la gratuité. L'interprétation
de l'attitude des parties selon la théorie de la confiance aboutit donc
à une incertitude, si bien qu'aucun accord n'est prouvé.

    Dans une telle situation, la cour cantonale n'a pas violé le droit
fédéral en tranchant en défaveur de la partie qui avait le fardeau de la
preuve (art. 8 CC), même si cette solution n'est peut-être pas entièrement
satisfaisante en équité.

    Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner l'argumentation des
recourants relative à la quotité de la rémunération.