Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 127 III 279



127 III 279

48. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 14 mai 2001 dans la
cause Fomento de Construcciones y Contratas S.A. contre Colon Container
Terminal S.A. (recours de droit public) Regeste

    Internationale Schiedsgerichtsbarkeit; Zuständigkeit des
Schiedsgerichts; Rechtshängigkeit (Art. 9 Abs. 1 und Art. 190 Abs. 2
lit. b IPRG).

    Eintretensvoraussetzungen der staatsrechtlichen Beschwerde gegen einen
Zwischenentscheid bezüglich der Zuständigkeit eines Schiedsgerichts im
Bereich der internationalen Schiedsgerichtsbarkeit (E. 1).

    Ein Schiedsgericht mit Sitz in der Schweiz muss Art. 9 IPRG anwenden,
wenn in der gleichen Sache bereits ein Verfahren vor einem schweizerischen
oder ausländischen staatlichen Gericht hängig ist; die Verletzung dieser
Regel kann im Rahmen von Art. 190 Abs. 2 lit. b IPRG geltend gemacht werden
(E. 2).

Sachverhalt

    A.- Par contrat du 26 avril 1996, la société panaméenne Colon Container
Terminal S.A. (ci-après: CCT) a chargé la société espagnole Fomento de
Construcciones y Contratas S.A. (ci-après: FCC) d'exécuter des travaux
de génie civil en vue de la réalisation d'un terminal portuaire au Panama.

    Le règlement auquel se réfère le contrat prévoit, en cas de litige
entre les parties, que le différend pourra être porté devant un ou
plusieurs arbitres.

    En cours d'exécution, un litige est survenu entre les parties. Le
contrat a été résilié de part et d'autre. CCT a chargé un autre
entrepreneur d'achever les travaux.

    Le 12 mars 1998, FCC a déposé devant les tribunaux panaméens une
demande sur le fond dirigée notamment contre CCT. Cette dernière a soulevé
une exception d'arbitrage.

    Le 26 juin 1998, le juge de première instance a estimé que l'exception
d'arbitrage n'avait pas été présentée dans les délais.

    B.- Sans attendre l'épuisement des instances nationales, CCT a
introduit la procédure d'arbitrage le 30 septembre 1998.

    Le siège du Tribunal arbitral, composé de trois arbitres, a été fixé
à Genève. Les parties ont prévu l'application du règlement d'arbitrage
de la Chambre de commerce internationale et, subsidiairement, de la loi
fédérale de procédure civile (PCF; RS 273).

    FCC a soulevé devant le Tribunal arbitral une exception
d'incompétence. Principalement, elle soutient qu'elle a proposé de renoncer
à l'arbitrage en saisissant les tribunaux panaméens et que sa partie
adverse a accepté par acte concluant, en ne soulevant pas l'exception
d'arbitrage en temps utile.

    En cours de procédure d'arbitrage, un tribunal supérieur panaméen,
statuant sur recours, a estimé - contrairement au juge de première instance
- que l'exception d'arbitrage avait été soulevée en temps utile.

    Se référant à cette décision et sans attendre l'épuisement des
instances nationales, le Tribunal arbitral, par sentence du 30 novembre
2000, a tranché dans le même sens, se déclarant compétent pour connaître
de la cause.

    Postérieurement à cette sentence, la Cour suprême du Panama, par
arrêt du 22 janvier 2001, a considéré que l'exception d'arbitrage avait
été soulevée tardivement et a ordonné la poursuite de la procédure devant
les tribunaux panaméens.

    C.- FCC exerce un recours de droit public au Tribunal
fédéral. Soutenant que le Tribunal arbitral s'est déclaré compétent à tort
principalement en méconnaissant les règles sur la litispendance, elle
conclut à l'annulation de la sentence attaquée et à ce que le Tribunal
arbitral soit déclaré incompétent.

    L'intimée conclut au rejet des conclusions de la recourante et à ce
que le Tribunal arbitral soit déclaré compétent.

    Le Tribunal arbitral se réfère à sa décision.

    Le Tribunal fédéral admet le recours et annule la sentence attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert
contre une sentence arbitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP (RS 291;
art. 85 let. c OJ).

    Comme le siège du Tribunal arbitral a été fixé en Suisse et que l'une
des parties au moins n'avait, au moment de la conclusion de la convention
d'arbitrage, ni son domicile, ni sa résidence habituelle en Suisse
(art. 176 al. 1 LDIP), les art. 190 ss LDIP sont applicables, puisque
les parties n'en ont pas exclu l'application par écrit et qu'elles ne
sont pas convenues d'appliquer exclusivement les règles de la procédure
cantonale en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP).

    Le recours au Tribunal fédéral contre la sentence arbitrale est ouvert
(art. 191 al. 1 LDIP), dès lors que les parties ne l'ont en rien exclu
conventionnellement (art. 192 al. 1 LDIP), ni n'ont choisi, en lieu et
place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP).

    Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de
manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 119 II 380 consid. 3c
p. 383).

    La procédure devant le Tribunal fédéral est régie par les dispositions
de la loi d'organisation judiciaire (OJ) relatives au recours de droit
public (art. 191 al. 1, 2e phrase, LDIP).

    b) En matière de compétence, une sentence incidente est susceptible
d'un recours immédiat (art. 190 al. 3 LDIP).

    La recourante est personnellement touchée par la sentence attaquée
qui l'oblige à continuer de procéder devant le Tribunal arbitral, de sorte
qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que
cette décision n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant
de l'art. 190 al. 2 LDIP; en conséquence, elle a qualité pour recourir
(art. 88 OJ).

    Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 et art. 34 al. 1 let.  c OJ),
dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en
principe recevable.

    Hormis certaines exceptions, il n'a qu'un caractère cassatoire (ATF
127 II 1 consid. 2c; 126 III 534 consid. 1c; 124 I 327 consid. 4a et
les références). Lorsque le litige porte sur la compétence d'un tribunal
arbitral, il a été admis, par exception, que le Tribunal fédéral pouvait
lui-même constater la compétence ou l'incompétence (ATF 117 II 94
consid. 4).

    c) Dès lors que les règles de procédure sont celles du recours de
droit public, la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément
aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 117 II 604 consid. 3
p. 606). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine
que les griefs admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés
dans l'acte de recours (cf. ATF 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b;
125 I 492 consid. 1b p. 495). La recourante devait donc indiquer quelles
hypothèses de l'art. 190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et,
en partant de la sentence attaquée, montrer de façon circonstanciée en
quoi consisterait la violation du principe invoqué (cf. ATF 110 Ia 1
consid. 2a); ce n'est qu'à ces conditions qu'il est possible d'entrer
en matière.

Erwägung 2

    2.- a) A titre d'argumentation principale, la recourante soutient
que le Tribunal arbitral était incompétent pour rendre la sentence
attaquée, parce qu'il devait surseoir à statuer en vertu du principe de
la litispendance.

    Elle invoque ainsi le motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2
let. b LDIP.

    La suspension du procès en cas de litispendance est une règle de
compétence (ATF 123 III 414 consid. 2b), et non pas - comme semble l'avoir
pensé le Tribunal arbitral - une simple règle de procédure. La violation
de cette règle peut donc être invoquée dans le cadre de l'art. 190 al. 2
let. b LDIP.

    b) Il est contraire à l'ordre public qu'il existe, dans un ordre
juridique déterminé, deux décisions judiciaires contradictoires sur la
même action et entre les mêmes parties, qui sont également et simultanément
exécutoires (cf. ATF 116 II 625 consid. 4a).

    Pour éviter une telle situation, il existe fondamentalement deux
principes: la litispendance et l'autorité de chose jugée (ATF 114 II 183
consid. 2a et les références citées). Lorsqu'un juge est saisi d'une cause
déjà pendante devant un autre, le principe de la litispendance lui interdit
de statuer avant une décision définitive dans la première procédure; ce
premier mécanisme a donc pour effet de paralyser la compétence du juge
saisi en second lieu. Quant à l'autorité de chose jugée, ce principe
interdit au juge de connaître d'une cause qui a déjà été définitivement
tranchée; ce mécanisme exclut définitivement la compétence du second juge.

    Les mécanismes qui viennent d'être rappelés ne sont pas seulement
applicables sur le plan interne. Selon l'ordre juridique suisse, ils
valent également sur le plan international, à la condition que le jugement
étranger puisse être reconnu en Suisse (ATF 114 II 183 consid. 2b p. 186
et les références citées). Sous réserve des traités internationaux, les
règles applicables sur le plan international sont contenues aux art. 9 LDIP
(litispendance) et 27 al. 2 let. c LDIP (autorité de chose jugée).

    Ainsi, l'ordre juridique suisse admet sur le plan international
le devoir pour le juge saisi en second lieu de surseoir à statuer aux
conditions de l'art. 9 LDIP (sur l'ensemble du problème de la litispendance
internationale, cf. KNOEPFLER/SCHWEIZER, Droit international privé suisse,
2e éd., p. 303 s. n. 700 ss).

    Comme il n'est pas contesté que les tribunaux panaméens ont été saisis
en premier lieu d'une demande qui oppose notamment les mêmes parties
et qui semble avoir pour objet le même complexe litigieux, il n'est pas
douteux qu'un tribunal étatique suisse, s'il avait été placé dans la même
situation que le tribunal arbitral siégeant à Genève, aurait dû surseoir
à statuer aux conditions de l'art. 9 LDIP (pour un cas d'application,
cf. ATF 127 III 118 consid. 3).

    c) Il reste à examiner si la conclusion doit être différente pour le
motif qu'on ne se trouve pas en présence d'un tribunal étatique suisse,
mais d'un tribunal arbitral siégeant en Suisse.

    aa) Il est vrai qu'un tribunal arbitral, en raison de sa nature privée,
ne doit pas être assimilé sans autre examen à un tribunal étatique.

    S'agissant du problème qui se pose ici, il faut cependant observer
que les sentences arbitrales sont exécutoires de la même manière que les
jugements. Il y a donc le même intérêt à éviter, au sein du même ordre
juridique, des décisions contradictoires sur la même cause qui seraient
également et simultanément exécutoires.

    Cette première constatation milite fortement en faveur d'une
application analogique du principe de la litispendance.

    bb) Il semble par ailleurs aujourd'hui admis qu'un tribunal arbitral,
en invoquant sa nature particulière, ne pourrait pas s'affranchir du
principe de l'autorité de chose jugée.

    En effet, si un tribunal étranger a admis sa compétence par
un jugement qui doit être reconnu en Suisse, l'arbitre siégeant en
Suisse est lié par cette décision (ATF 120 II 155 consid. 3b/bb p. 164;
LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international
en Suisse, n. 17 ad art. 186 LDIP).

    Comme l'autorité de chose jugée et la litispendance sont des principes
étroitement connexes qui remplissent la même fonction, il paraît logique
de traiter de la même façon le principe de la litispendance et d'admettre
que l'arbitre saisi en second lieu doit surseoir à statuer jusqu'à décision
du tribunal étatique saisi en premier lieu, pour autant que celle-ci soit
susceptible d'être reconnue au siège de l'arbitrage.

    cc) La doctrine majoritaire estime également qu'un tribunal arbitral
siégeant en Suisse doit appliquer l'art. 9 LDIP s'il est saisi de la
même cause que celle déjà pendante devant un tribunal étatique, suisse
ou étranger (WENGER, Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht,
n. 9 ad art. 186 LDIP p. 1572; RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches
Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., p. 231).

    La jurisprudence a déjà pris position dans ce sens, en affirmant que
les conflits que peut engendrer un concours de compétences doivent être
résolus par l'application des règles régissant la litispendance, l'autorité
de chose jugée ou la reconnaissance et l'exécution des décisions étrangères
(ATF 121 III 495 consid. 6c p. 502). Il est vrai qu'un arrêt plus récent
a laissé la question ouverte, mais pour le seul motif qu'il n'était pas
nécessaire de la trancher (cf. ATF 124 III 83 consid. 5a p. 85).

    Il faut donc admettre que la règle de compétence figurant à l'art. 9
LDIP, qui repose sur des considérations d'ordre public, doit également
être appliquée par un tribunal arbitral siégeant en Suisse.

    dd) Les arguments que l'on peut opposer à cette solution ne résistent
pas à l'examen.

    Il n'y a pas lieu de prendre en considération ici le risque qu'un
tribunal étranger, par une sorte d'hostilité à l'égard de la justice
arbitrale, se refuse à tenir compte d'une convention d'arbitrage. En effet,
un tel jugement ne serait pas susceptible d'être reconnu en Suisse (ATF 124
III 83 consid. 5b p. 87). Or, le principe de la chose jugée et le principe
de la litispendance ne s'appliquent qu'à l'égard d'un jugement étranger
susceptible d'être reconnu en Suisse (ATF 114 II 183 consid. 2b p. 186).

    L'argument du Tribunal arbitral selon lequel la suspension pour cause
de litispendance n'est prévue ni par le règlement d'arbitrage ni par la
loi de procédure choisie ne peut pas être suivi. Il s'agit en effet ici -
comme on l'a vu - d'une question de compétence, et non pas simplement de
déroulement de la procédure. Au demeurant, il est inexact de dire que la
loi fédérale de procédure civile - choisie par les parties - ne permet pas
une suspension pour cause de litispendance aux conditions de l'art. 9 LDIP
(cf. art. 6 al. 2 et 22 PCF).

    Quant à l'argument du Tribunal arbitral selon lequel la mission
d'arbitrage lui permettrait de trancher la question par priorité sur les
autorités panaméennes, il ne repose sur aucune constatation objective. Il
ne ressort pas des constatations du Tribunal arbitral que les parties
seraient convenues, au moment de signer la mission, de charger le Tribunal
arbitral de trancher la question à la place des tribunaux panaméens
déjà saisis.

    Qu'il y ait également d'autres parties dans la procédure panaméenne
n'exclut en rien que le litige qui divise la recourante et l'intimée
puisse être entièrement vidé devant les tribunaux panaméens déjà saisis.

    Les développements de l'intimée sur la Convention de New York
du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences
arbitrales étrangères (RS 0.277.12) sont sans pertinence, puisque ce
traité international ne règle pas la question qui se pose ici.

    ee) Il faut enfin se demander si le tribunal arbitral, en raison de
sa nature particulière, n'aurait pas une vocation privilégiée à statuer
sur sa propre compétence.

    On trouve effectivement dans la doctrine l'idée que le tribunal
arbitral aurait, par rapport aux juridictions étatiques, une compétence
prioritaire (dans ce sens: BUCHER, Le nouvel arbitrage international en
Suisse, p. 55 n. 139).

    Il est vrai que l'art. 186 al. 1 LDIP donne au tribunal arbitral le
pouvoir de statuer sur sa propre compétence. Cela ne signifie cependant
pas qu'un tribunal étatique saisi de la même demande serait dépouillé
du droit de statuer sur sa propre compétence; on ne peut pas non plus en
déduire que le tribunal étatique serait obligé de suspendre sa procédure,
si elle est antérieure, pour céder la priorité au tribunal arbitral.

    La jurisprudence a néanmoins tenu compte de cette conception,
en affirmant que le juge étatique suisse devait se limiter à un examen
sommaire de sa compétence lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve
en Suisse (ATF 124 III 139 consid. 2b). Cet arrêt ne concerne cependant
pas un ordre de priorité pour statuer, mais exclusivement l'étendue du
pouvoir d'examen appartenant au juge étatique. Il est de surcroît limité
à l'hypothèse d'un juge étatique suisse amené à suivre la jurisprudence
du Tribunal fédéral.

    On ne trouve d'ailleurs pas de base juridique sérieuse à un droit de
priorité en faveur du tribunal arbitral (dans ce sens: WENGER, ibid.). Le
juge étatique saisi d'une action sur le fond - l'hypothèse d'une action
en constatation de droit touchant la compétence des arbitres étant ici
laissée de côté (cf. l'arrêt du 26 janvier 1987 reproduit in SJ 1987
p. 230 consid. 2a) - doit statuer sur sa compétence, même s'il doit pour
cela se prononcer sur la validité d'une clause d'arbitrage (arrêt non
publié du 16 juillet 1997, dans la cause 4C.206/1996, consid. 7b/bb). Le
juge étatique peut examiner, selon l'art. II al. 3 de la Convention de
New York ou l'art. 7 let. b LDIP (cf. ATF 122 III 139 consid. 2a p. 141),
si la clause d'arbitrage est caduque, inopérante ou non susceptible d'être
appliquée (ATF 121 III 495 consid. 6c). Tel pourrait être le cas si les
parties ont renoncé à la clause d'arbitrage (LALIVE/POUDRET/REYMOND,
op. cit., n. 5 ad art. 7 LDIP).

    Lorsqu'une des parties fait valoir une convention d'arbitrage et
que l'autre soutient qu'un accord ultérieur est intervenu en faveur
des tribunaux étatiques, il apparaît d'emblée que les deux tribunaux en
concours (le tribunal arbitral et le tribunal étatique) ont une égale
vocation à trancher la question litigieuse.

    Il n'y a donc pas lieu d'accorder au tribunal arbitral une priorité
qui n'a aucun fondement juridique et ne trouve pas de justification. Il
faut s'en tenir à la règle de la litispendance, consacrée à l'art. 9 LDIP,
qui donne la priorité au premier tribunal saisi.

    Si l'on examine plus avant la question litigieuse en l'espèce, on
peut même soutenir que les tribunaux panaméens sont mieux placés que le
Tribunal arbitral pour trancher la question.

    Il n'est pas contestable qu'une convention d'arbitrage peut être
remplacée par un accord ultérieur (cf. ATF 121 III 495 consid. 5). Un
tel accord peut résulter d'actes concluants (ATF 121 III 495
consid. 5a). L'attitude des parties est susceptible d'être interprétée
selon le principe de la confiance (ATF 121 III 495 consid. 5). Il est donc
possible d'imputer à une partie le sens objectif de son comportement, même
si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (WIEGAND, Commentaire
bâlois, n. 8 ad art. 18 CO; KRAMER, Commentaire bernois, n. 101 s. ad
art. 1er CO; ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd.,
p. 216 s.).

    En l'espèce, l'intimée, en saisissant les tribunaux panaméens, a
manifesté sa volonté de renoncer à la convention d'arbitrage. La question
litigieuse est de savoir si la recourante a accepté cette offre. On
peut attendre d'une grande société, représentée par un avocat du lieu,
qu'elle procède correctement si elle entend contester la compétence du
tribunal étatique et se prévaloir de la convention d'arbitrage. Savoir si
l'exception d'arbitrage a été soulevée en temps utile ne relève ni de
la Convention de New York ni de la LDIP, mais de la lex fori (ATF 111 II
62 consid. 2 p. 66). La question litigieuse ressortit donc en définitive
au droit panaméen, que les autorités de ce pays sont mieux placées pour
connaître et appliquer correctement.

    Le Tribunal arbitral l'a d'ailleurs admis expressément, en soulignant
qu'il attachait de l'importance à la décision du tribunal supérieur. On
ne comprend dès lors pas pourquoi il n'a pas attendu l'arrêt de la Cour
suprême. Cette position est insoutenable.

    Il semble que le Tribunal arbitral, profitant du fait qu'il statue en
instance unique, a voulu prendre de vitesse les instances panaméennes. Une
telle manière de procéder est dépourvue de tout fondement juridique. Le
critère de priorité fixé par l'art. 9 LDIP est la date de la saisine,
et non pas la date de la décision en dernière instance.

    d) Il résulte des considérations qui précèdent que le Tribunal arbitral
siégeant en Suisse devait appliquer l'art. 9 LDIP.

    Il ne pouvait donc continuer la procédure arbitrale qu'en constatant
qu'il n'était pas saisi de la même cause ou que la juridiction étrangère
ne sera pas en mesure de rendre, dans un délai convenable, une décision
pouvant être reconnue en Suisse (art. 9 al. 1 LDIP).

    La sentence attaquée n'est pas fondée sur une telle constatation,
de sorte qu'il faut conclure qu'elle viole l'art. 9 al. 1 LDIP.

    Dès lors qu'il est constant que les tribunaux panaméens ont été saisis
en premier lieu d'un litige au fond opposant les parties et se rapportant
apparemment au même complexe litigieux, le Tribunal arbitral devait en
principe suspendre la procédure. Il n'aurait pu passer outre qu'en montrant
que les conditions de l'art. 9 al. 1 LDIP n'étaient pas réalisées, ce
qu'il n'a pas fait. En statuant sur sa compétence plutôt que de surseoir,
le Tribunal arbitral a violé la règle de compétence contenue à l'art. 9
al. 1 LDIP et sa sentence doit être annulée (art. 190 al. 2 let. b LDIP).

    Il n'y a pas lieu de statuer maintenant sur la compétence, puisqu'il
faut en principe suspendre la procédure arbitrale (art. 9 al. 1 LDIP).

    Comme l'action est toujours pendante devant les tribunaux panaméens
(sur la base d'une décision définitive de compétence), le Tribunal
arbitral ne pourrait reprendre sa procédure qu'en constatant qu'il n'est
pas saisi de la même action ou que la juridiction étrangère n'est pas en
mesure de rendre, dans un délai convenable, une décision pouvant être
reconnue en Suisse. Une telle décision de la part du Tribunal arbitral
serait susceptible d'un nouveau recours de droit public.

    Dans ces conditions, il est inutile d'examiner les autres griefs
invoqués.