Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 I 168



126 I 168

21. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 29 février 2000
dans la cause A. c. Juge I du district de Monthey, Président du Tribunal
cantonal du canton du Valais (recours de droit public) Regeste

    Art. 58 aBV; Art. 6 Ziff. 1 EMRK; richterliche Unbefangenheit;
Ausstand.

    Der Scheidungsrichter, der einen Zeugen einvernommen hat, gilt nicht
als unbefangen in einem späteren Strafverfahren gegen diesen Zeugen wegen
falschen Zeugnisses (E. 2 - 4).

Sachverhalt

    Le Juge I du district de Monthey a été saisi pour jugement de la
cause pénale opposant A. à son père et au Ministre public du Bas-Valais,
qui l'accusent d'avoir déposé un faux témoignage (art. 307 CP) lors de la
procédure de divorce de ses parents. A. a requis la récusation de ce juge,
au motif qu'il avait traité du divorce. Celui-ci contesta sa récusation et
transmit la cause au Président du Tribunal cantonal du canton du Valais,
qui rejeta la requête formée par A. le 22 octobre 1999, sans allouer de
dépens à son avocat d'office. Agissant par la voie du recours de droit
public, A. s'est plainte en premier lieu d'une violation de l'art. 6
par. 1 CEDH, de l'art. 58 de l'ancienne Constitution fédérale (aCst.),
ainsi que d'une application arbitraire de l'art. 33 al. 1 let. b du code
de procédure pénale du canton du Valais (CPP/VS).

    Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était
recevable, et annulé l'arrêt du Président du Tribunal cantonal.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le Président du Tribunal cantonal a considéré que l'audition de la
recourante par le magistrat intimé dans le cadre de la procédure de divorce
n'était pas de nature à faire naître un doute quant à son impartialité dans
l'affaire pénale. Dans la procédure de divorce, le juge ne se serait pas
fait d'opinion sur sa culpabilité, il n'aurait agi qu'en simple auditeur.

    a) La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par
l'art. 6 par. 1 CEDH (RS 0.101), à l'instar de la protection conférée
par l'art. 58 aCst., permet au plaideur de s'opposer à une application
arbitraire des règles cantonales sur l'organisation et la composition des
tribunaux, qui comprennent les prescriptions relatives à la récusation des
juges. Elle permet aussi, indépendamment du droit cantonal, d'exiger la
récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature
à faire naître un doute sur son impartialité; elle tend notamment
à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent
influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle
n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du
juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère
être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la
prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules
des circonstances constatées objectivement doivent être prises en
considération; les impressions purement individuelles d'une des parties
au procès ne sont pas décisives (ATF 125 I 119 consid. 3a p. 122; 124 I
255 consid. 4a p. 261; 120 Ia 184 E. 2 S. 186 f.). Le fait notamment
qu'un magistrat ait déjà agi dans une cause peut éveiller un soupçon
de partialité. Le cumul des fonctions n'est alors admissible que si le
magistrat, en participant à des décisions antérieures relatives à la même
affaire, n'a pas déjà pris position au sujet de certaines questions de
manière telle qu'il ne semble plus à l'avenir exempt de préjugés et que,
par conséquent, le sort du procès n'apparaisse plus indécis. Pour en juger,
il faut tenir compte des faits, des particularités procédurales ainsi
que des questions concrètes soulevées au cours des différents stades
de la procédure (ATF 119 Ia 221 consid. 3 p. 226 et les arrêts cités;
cf. aussi ATF 120 Ia 82 consid. 6 p. 83 ss).

    b) La Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst.), entrée en
vigueur le 1er janvier 2000, n'ayant pas amené de changement à l'égard
du droit à un tribunal indépendant et impartial (cf. art. 30 al. 1
Cst.; Bull. off. 1998, Réforme de la Constitution fédérale, CN p. 234;
Bull. off. 1998, Réforme de la Constitution fédérale, CE p. 50), c'est à
la lumière de la jurisprudence rappelée ci-dessus qu'il convient d'examiner
le recours.

Erwägung 3

    3.- La recourante fait valoir que l'arrêt incriminé viole l'art. 33
al. 1 let. b CPP/VS, selon lequel un juge doit se récuser dans une affaire
en laquelle il a agi précédemment à un autre titre.

    a) Une décision est arbitraire selon la jurisprudence portant
sur l'art. 4 aCst. lorsqu'elle viole gravement une règle de droit ou
un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit
d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le
Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit
certain. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable, encore
faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (pour l'art. 4 aCst.:
ATF 125 I 161 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée). La nouvelle
Constitution n'a pas amené de changements à cet égard (cf. art. 8 et
9 Cst.).

    b) Le Président du Tribunal cantonal a indiqué que la jurisprudence
cantonale interprète la notion "d'affaire" de manière restrictive, et en
a déduit qu'ici, le divorce et la procédure pénale représentaient deux
affaires distinctes, de sorte que l'art. 33 al. 1 let. b CPP/VS n'était
pas applicable. Cette interprétation est soutenable, une cause civile
pouvant légitimement être distinguée d'une cause pénale. La disposition en
question peut en outre être interprétée dans le sens qu'elle ne règle pas
les cas où, comme ici, le magistrat récusé agit deux fois au même titre,
c'est-à-dire en tant que juge.

Erwägung 4

    4.- L'arrêt attaqué viole en revanche le droit de la recourante à un
juge impartial tel qu'il est garanti par la Constitution fédérale.

    a) Tout d'abord, les moyens de défense de la recourante se trouvent
réduits par l'union personnelle du juge de divorce et du juge pénal. Comme
le fait valoir la recourante, le magistrat récusé a pris une part
active aux faits qui doivent être éclaircis et jugés dans la procédure
pénale. Par conséquent, elle ne peut, par exemple, remettre en cause
la forme de l'audition elle-même, sans faire de reproches indirects au
magistrat chargé de l'affaire.

    Par ailleurs, le juge de divorce ne peut être comparé à un "auditeur"
neutre, comme le soutient l'arrêt attaqué, puisqu'il recueille non
seulement les témoignages, mais statue en plus - indirectement, dans
le cadre de l'appréciation des preuves - sur leur véracité. Enfin,
la recourante se voit jugée par la personne même qui a recueilli sa
déposition. S'agissant d'un délit contre l'administration de la justice,
le magistrat aux dépens duquel le faux témoignage aurait été commis
se trouve dans une position proche de celle d'une victime. Il est donc
légitime que la recourante ait des doutes concernant la capacité du juge
intimé à apprécier de manière indépendante et impartiale sa culpabilité.

    Dans ces conditions, il est inutile d'examiner le rôle des faits
nouveaux remettant en question l'appréciation par le juge de divorce du
témoignage de la recourante - la recourante reconnaît que sa déposition ne
correspondait pas à la vérité -, et de comparer les questions tranchées
par le juge de divorce à celles qui se posent dans la procédure pénale.
La récusation du magistrat intimé s'impose d'autant plus qu'il statue
comme juge unique, et non comme membre d'un tribunal (cf. ATF 114 Ia 143
consid. 7b p. 153).

    b) Le cas présent n'est pas comparable à celui qui a donné lieu
à l'arrêt non publié du 16 février 1998 (1P.562/1998), dans lequel le
Tribunal fédéral a constaté que le juge de divorce qui avait ordonné des
mesures provisoires pouvait, sans violer le droit à un juge impartial,
juger de l'accusation d'insoumission à celles-ci (art. 292 CP); en effet,
dans ce dernier cas, les faits reprochés s'étaient produits après la
procédure dans laquelle le magistrat avait agi, et il n'y avait pris
aucune part active. Le cas présent diffère également de celui publié aux
ATF 116 Ia 387 ss, où le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion qu'un
magistrat pouvait statuer sur la détention du prévenu, puis participer
à la décision sur la demande d'indemnité relative à cette détention
(cf. aussi ATF 119 Ia 221 consid. 2 p. 223 ss). Le fait que d'autres
instances jugent différemment de la légitimité de la détention n'est pas
susceptible, objectivement, de faire naître un conflit d'intérêts. Sinon,
les membres de chaque tribunal devant prendre une nouvelle décision suite
à l'admission d'un moyen de droit par une instance judiciaire supérieure
devraient toujours se récuser.