Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 I 165



126 I 165

20. Extrait de l'arrêt de la IIe CCivile du 7 juillet 2000 dans la cause
X. contre Présidente de la Cour de justice du canton de Genève (recours
de droit public) Regeste

    Art. 29 Abs. 3 BV; unentgeltliche Rechtspflege, Scheinehe.

    Es ist verfassungswidrig, einem Ehegatten die unentgeltliche
Rechtspflege für den Scheidungsprozess deshalb zu verweigern, weil es
sich um eine Scheinehe handle (E. 3).

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- S'appuyant sur les propres dires de la recourante, qui admettait
avoir contracté un "mariage blanc" afin que son époux, citoyen tunisien,
obtienne une autorisation de séjour en Suisse (cf. art. 7 al. 1 de la loi
fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
[LSEE; RS 142.20]), la Présidente de la Cour de justice a confirmé la
révocation de l'assistance juridique en considérant qu'il "n'appartient pas
à l'Etat de supporter les frais de l'annulation d'une situation juridique
instaurée abusivement par le justiciable". Selon la recourante, un tel
motif viole le droit à l'assistance judiciaire découlant de l'art. 29
al. 3 Cst., moyen dont le Tribunal fédéral connaît librement (ATF 124 I
1 consid. 2 p. 2, 304 consid. 2c p. 306 et la jurisprudence citée).

    a) Sur le vu des déclarations de la recourante - telles qu'elles
ressortent notamment du procès-verbal de comparution personnelle du
16 février 2000 devant le juge du divorce -, l'existence d'un mariage
fictif n'est pas douteuse (ATF 121 III 149 consid. 2a p. 150 et les
citations). En l'absence de base légale expresse (cf. FF 1996 I 79),
une pareille union ne peut être annulée pour ce motif et sortit tous les
effets propres au mariage (ATF 125 IV 148 consid. 2b p. 151; 121 III 149
consid. 2b p. 150; arrêt de la Cour de cassation pénale du 28 août 1997,
publié in JdT 1998 IV p. 82); son annulation n'eût, d'ailleurs, pas pu
davantage être prononcée en vertu de l'art. 120 ch. 4 aCC - abrogé avec
effet au 1er janvier 1992 (RO 1991 p. 1041) -, cette disposition n'étant
pas applicable au mariage conclu afin d'éluder les règles sur le séjour
et l'établissement des étrangers (JdT 1998 IV p. 82 et les références). Il
s'ensuit que l'action en nullité dont la recourante affirme avoir saisi le
19 février 2000 le Tribunal de première instance de Genève se révèle, dans
cette mesure, d'emblée vouée à l'échec. Tel n'est, en revanche, pas le cas
pour l'action en divorce (ATF 121 III 149 et les nombreuses références;
SANDOZ, Le point sur le droit de la famille, RSJ 96/2000 p. 135 ss,
spéc. p. 136 et l'arrêt argovien cité; pour le nouveau droit du divorce:
FANKHAUSER, in Praxiskommentar Scheidungsrecht, N. 4 ad art. 114 CC).

    b) En tant qu'ils imposent des règles de comportement générales aux
parties, les principes déduits de l'art. 2 CC valent aussi dans le domaine
de la procédure (ATF 107 Ia 206 consid. 3a p. 211; 102 Ia 574 consid. 6
p. 579). Quoi qu'en dise la recourante, le refus ou la révocation de
l'assistance judiciaire n'enfreint pas l'art. 29 al. 3 Cst. lorsque cette
mesure sanctionne un abus de droit du requérant. Le Tribunal fédéral
l'a admis dans l'hypothèse où l'intéressé a provoqué sa propre indigence
en renonçant à un emploi ou à un revenu précisément en considération du
procès à soutenir (ATF 104 Ia 31 consid. 4 p. 34; 99 Ia 437 consid. 3c
p. 442). Récemment, la IIe Cour civile a qualifié d'abusif au sens de
l'art. 36a al. 2 OJ le recours d'une épouse étrangère qui faisait valoir
qu'un mariage fictif ne pouvait être dissous en application de l'art. 142
al. 1 aCC, alors qu'elle ne tenait au maintien du lien conjugal que pour
pouvoir demeurer en Suisse et parer au risque d'un renvoi; et de refuser
l'assistance judiciaire pour l'instance fédérale parce qu'on ne peut
exiger de l'Etat qu'il supporte les frais d'un tel procédé (arrêt non
publié du 28 janvier 1999 dans la cause 5C.245/1998).

    Cette solution ne saurait, cependant, être transposée à la présente
espèce. En effet, dans la cause susmentionnée, la recourante se prévalait
d'une jurisprudence qui, en soi, lui donnait raison (cf. ATF 121 III 149),
mais pour atteindre un but contraire à la finalité de l'institution (sur
cette forme d'abus de droit: cf. ATF 125 V 307 consid. 2d p. 310; 123 II
49 consid. 5c p. 52, ainsi que les références citées dans ces arrêts). Or,
en l'occurrence, la recourante ne s'oppose pas au maintien d'une union qui
n'existe que formellement; étant de nationalité suisse, elle ne craint
pas d'être renvoyée de Suisse. L'ordre juridique attribuant au mariage
fictif tous les effets d'un mariage valable, l'introduction d'une action
en divorce - qui constitue, à défaut d'une cause de nullité, le seul
moyen pour en prononcer la dissolution - ne peut être qualifiée d'abusive
(ATF 121 III 149 consid. 2b p. 151; dans le même sens: ATF 113 II 472,
pour l'action en nullité fondée sur l'art. 120 ch. 4 aCC). De surcroît,
la décision attaquée consacre une discrimination injustifiable (cf. ATF
99 Ia 437 consid. 3c p. 441/442) entre le conjoint démuni et celui qui,
ayant aussi contracté un mariage fictif, dispose des moyens nécessaires
pour assumer les frais du procès, en particulier grâce aux revenus qu'il
a réalisés en Suisse, si ce n'est la prestation financière qu'il a perçue
en contrepartie de son consentement au mariage. Partant, l'époux qui
a contracté un mariage fictif peut prétendre à l'assistance judiciaire
pour mener un procès en divorce, autant que les autres conditions sont
réalisées; telle est également l'opinion majoritairement professée en
Allemagne (STEIN/JONAS/BORK, Kommentar zur ZPO, 21e éd., N. 50 ad § 114;
v. STAUDINGER/RAUSCHER, Kommentar zum BGB, Familienrecht, N. 122 ad §
1564 et les références). Sur ce point, le recours apparaît dès lors fondé.