Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 I 15



126 I 15

3. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 24 novembre 1999
dans la cause N. contre Ministère public du canton de Vaud (recours de
droit public) Regeste

    Art. 4 BV; Anspruch auf rechtliches Gehör; Protokollierung wichtiger
Zeugenaussagen.

    Anspruch der Parteien eines Strafverfahrens darauf, dass die für
den Verfahrensausgang wichtigen, während der Hauptverhandlung erfolgten
Zeugenaussagen in einem Protokoll festgehalten werden.

Sachverhalt

    N. a été condamnée le 12 janvier 1999 par le Tribunal correctionnel du
district de Lausanne à une peine de douze mois de réclusion pour diverses
infractions contre le patrimoine. Elle a recouru contre ce jugement, en
se plaignant notamment du fait qu'une déposition à décharge d'un témoin
entendu pendant l'audience de jugement n'avait pas été transcrite dans
un procès-verbal par le Tribunal correctionnel. Par arrêt du 12 février
1999, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
a rejeté ce pourvoi. Agissant par la voie du recours de droit public,
N. a demandé au Tribunal fédéral l'annulation de cet arrêt. Invoquant
les art. 4 Cst. et 6 CEDH, elle se plaignait notamment d'une violation
du droit d'être entendu. Le Tribunal fédéral rejette le recours dans la
mesure où il est recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Dans un grief formel qu'il convient d'examiner en premier lieu,
la recourante reproche aux juridictions cantonales d'avoir violé le droit
d'être entendu, tel qu'il découle de l'art. 4 Cst., en omettant de tenir
un procès-verbal des déclarations du témoin A.

    a) La portée du droit d'être entendu et les modalités de sa mise
en oeuvre sont tout d'abord déterminées par la législation cantonale,
dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application que sous l'angle de
l'arbitraire. Lorsque la protection accordée par le droit cantonal est
inférieure ou équivalente aux garanties minimales déduites de l'art. 4
Cst., dont le Tribunal fédéral vérifie librement le respect, le justiciable
peut invoquer celles-ci directement. La recourante ne se plaignant pas
de la violation de règles du droit cantonal de procédure régissant son
droit d'être entendue, c'est à la lumière de l'art. 4 Cst. qu'il convient
d'examiner son grief (ATF 125 I 257 consid. 3a; 124 I 49 consid. 3a,
241 consid. 2; 122 I 109 consid. 2a et les arrêts cités).

    aa) Le droit d'être entendu garanti par l'art. 4 Cst. comprend, de
manière générale, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du
dossier, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement
offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et
de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer
sur la décision à rendre (ATF 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2; 122 I
109 consid. 2a; 114 Ia 97 consid. 2a et les références citées). Selon
la jurisprudence récente du Tribunal fédéral des assurances, le droit
d'être entendu tiré de l'art. 4 Cst. confère également aux parties le
droit d'obtenir que les déclarations de parties, de témoins ou d'experts
qui sont importantes pour l'issue du litige soient consignées dans un
procès-verbal, tout au moins dans leur teneur essentielle (ATF 124 V 389
consid. 3a et 4, commenté par BERNARD ABRECHT in JdT 1999 I p. 78). Ainsi
établie dans le domaine de la procédure administrative, cette règle est
également pertinente en procédure pénale, où le droit d'être entendu a
une portée tout à fait générale (cf. ATF 116 Ia 455 consid. 3/cc; 101
Ia 292 consid. 1d; GÉRARD PIQUEREZ, Précis de procédure pénale suisse,
Lausanne, 1994, p. 203 ss). La transcription des déclarations importantes
pour l'issue du litige vise notamment à permettre aux parties de participer
à l'administration de la preuve testimoniale et, surtout, de se prononcer
sur son résultat (cf. ATF 119 V 208 consid. 4c; 117 V 282 consid. 4c;
106 Ia 73 consid. 2a; arrêt non publié du 25 novembre 1987 en la cause
B. c. canton de Lucerne, consid. 3a). Le droit à la verbalisation des
témoignages découle également du droit à la consultation du dossier,
lequel ne peut valablement être exercé que si tous les éléments pertinents
y sont consignés (GEORG MÜLLER, in Commentaire de la Constitution fédérale,
n. 111 ad art. 4 Cst.; JÖRG PAUL MÜLLER, Grundrechte in der Schweiz, Berne,
1999, p. 531 s.). Enfin, un procès-verbal des dépositions pertinentes
doit permettre à l'autorité de recours de contrôler, s'il y a lieu, que
les faits ont été constatés correctement, ou du moins, selon le pouvoir
d'examen que lui ménage le droit cantonal, sans arbitraire (ATF 124 V 389
consid. 4a; cf. ATF 112 Ia 369 consid. 2b; 109 Ia 217 consid. 5c; JÖRG
PAUL MÜLLER, op. cit., p. 531; BERNARD ABRECHT, L'absence de verbalisation
des témoignages en procédure civile et pénale vaudoise est-elle compatible
avec l'art. 4 Cst.? in JdT 1997 III p. 34 ss, 39 s.). A cet égard, le droit
à la verbalisation apparaît aussi comme le complément de l'obligation faite
au juge de motiver ses décisions, également imposée par le droit d'être
entendu. Cette dernière exigence a pour but que l'intéressé comprenne la
décision qui le touche et puisse le cas échéant l'attaquer utilement;
elle tend également à permettre à l'autorité de recours de contrôler
l'application du droit (ATF 125 II 369 consid. 2c; 124 V 180 consid. 1a;
123 I 21 consid. 2c; 122 IV 8 consid. 2c). Dans ce contexte, l'art.
6 CEDH, comme l'admet la recourante, n'a pas de portée indépendante.

    bb) Selon l'art. 325 du code de procédure pénale du canton de Vaud
(ci-après CPP vaud.), l'instruction principale est faite aux débats et
elle est orale. Par conséquent, les dépositions des témoins ne sont pas
verbalisées d'office, sauf s'il y a des raisons sérieuses de penser que
leurs déclarations sont fausses (art. 339 et 351 al. 2 CPP vaud.). Le
résultat de l'appréciation des preuves ne figure ainsi que dans l'état de
fait du jugement (art. 373 al. 2 let. a CPP vaud.), et ce qui a été dit
aux débats ne laisse pas d'autres traces que celles qui pourraient figurer
dans les considérants du jugement de première instance (ROLAND BERSIER,
Le recours à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal en procédure
vaudoise, in JdT 1996 III p. 66 ss, 80). Le Tribunal fédéral a relevé,
dans deux arrêts récents, que la non-verbalisation des témoignages lors
de la phase des débats était susceptible, en procédure pénale vaudoise,
de consacrer une violation du droit d'être entendu (arrêts non publiés du
19 mars 1999 en la cause C., et du 28 avril 1999 en la cause B). En effet,
le droit d'être entendu, en tant qu'il garantit le droit de participer
à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos, est
largement vidé de son sens si le juge du fond choisit unilatéralement les
déclarations de témoins dignes d'être retenues dans le jugement, ainsi
que leur formulation, sans que les parties puissent y participer. De
plus, en l'absence d'un procès-verbal, l'établissement des faits,
en tant qu'il repose sur l'appréciation des preuves testimoniales, ne
peut faire l'objet d'aucun contrôle - ne serait-ce que sous l'angle de
l'arbitraire - par l'autorité cantonale de recours, dès lors que celle-ci
ignore le contenu des dépositions faites en première instance (BERNARD
ABRECHT, op. cit., in JdT 1997 III p. 34 ss, 45 s.; BENOÎT BOVAY/MICHEL
DUPUIS/LAURENT MOREILLON/CHRISTOPHE PIGUET, Procédure pénale vaudoise,
code annoté, Lausanne 1995, ad art. 411, p. 357 s. no 10.3). Partant,
la simple constatation, dans les considérants du jugement, du résultat
de l'appréciation des témoignages ne saurait pallier l'absence d'un
procès-verbal de ceux-ci. Le droit d'être entendu tiré de l'art. 4 Cst.,
corollaire du droit de participer à l'administration des preuves et
d'obtenir des décisions motivées, permet aux parties d'exiger du juge
de première instance la verbalisation des témoignages importants, et de
recourir auprès d'une juridiction supérieure - en l'espèce la Cour de
cassation cantonale - contre un refus éventuel.