Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 IV 84



126 IV 84

13. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 1er mars 2000
dans la cause X. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 24 ff. StGB, Art. 90 Ziff. 2 SVG, Mittäterschaft bei
Verkehrsdelikten.

    Mittäter einer groben Verletzung von Verkehrsregeln kann auch sein,
wer das Fahrzeug nicht selbst gelenkt hat; so im Besonderen derjenige,
welcher die im Zusammenhang mit Versicherungsbetrügen vom Fahrzeuglenker
verschuldeten Verkehrsunfälle mitgeplant und gewollt hat (E. 1 und 2).

Sachverhalt

    Par jugement du 23 décembre 1998, le Tribunal correctionnel du
district de Lausanne a, notamment, condamné X. pour escroquerie par
métier, induction de la justice en erreur et violation grave des règles
de la circulation routière à la peine de trois ans d'emprisonnement. Il
a également condamné Y. pour complicité d'escroquerie, escroquerie par
métier, induction de la justice en erreur et violation grave des règles
de la circulation routière à la peine de trois ans d'emprisonnement.

    Par arrêt du 11 mars 1999, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours de X. et a confirmé le jugement
attaqué.

    Cet arrêt se fonde notamment sur les faits suivants: Y. et X. se
sont associés durant le premier semestre de 1989 dans le commerce de
véhicules d'occasion. Rapidement, les accusés ont décidé de commettre des
escroqueries à l'assurance. Il appartenait à Y. de provoquer volontairement
des accidents avec des tiers et de s'arranger pour ne pas commettre
de fautes de circulation qui auraient eu pour effet d'interdire toute
prestation d'assurance. Quant à X., sa tâche était d'assurer le financement
de l'achat des véhicules d'occasion et de participer à l'élaboration
des accidents.

    L'arrêt attaqué décrit plus de 60 accidents de la circulation provoqués
intentionnellement par Y., pour lesquels la cour cantonale a retenu qu'il
avait agi d'entente avec X. Ces accidents ont, dans la grande majorité
des cas, conduit à l'encaissement d'indemnités de la part de plusieurs
compagnies d'assurance. Ils se sont produits entre le 14 septembre 1989
et le 4 janvier 1993.

    X. a déposé un pourvoi en nullité, qui a été rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extraits des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 90 ch. 2
LCR (RS 741.01). Selon cette disposition, celui qui, par une violation
grave d'une règle de la circulation, aura créé un sérieux danger pour la
sécurité d'autrui ou en aura pris le risque, sera puni de l'emprisonnement
ou de l'amende.

    b) Le Tribunal correctionnel, suivi par la cour cantonale, a reconnu
le recourant coupable d'escroquerie par métier et de violation grave
des règles de la circulation routière. Il s'est déclaré convaincu que le
recourant voulait pour siens les délits commis par Y. car il finançait
totalement ou partiellement les véhicules achetés par son associé, qu'il
tirait profit des prestations d'assurance qu'il savait indues, que les
accidents étaient discutés à l'avance selon un stratagème préétabli et
que le modus, arrêté d'entente entre Y. et le recourant, était connu de
ce dernier et accepté par lui. Le Tribunal correctionnel a donc considéré
que l'intention délictueuse du recourant était telle qu'il devait être
considéré comme le coauteur des infractions commises par Y., même si,
sous l'angle des délits relatifs à la circulation routière, il ne causait
pas lui-même les accidents.

    c) Le recourant ne conteste pas s'être rendu coupable d'escroquerie
par métier en coactivité avec Y. Il conteste en revanche s'être rendu
coupable d'infraction grave aux règles de la circulation routière. Il
soutient que la notion de coauteur intellectuel n'existe pas en matière
de stricts délits de circulation routière car le but du législateur n'a
jamais été de rendre responsable un tiers qui n'a pas pris le volant et
n'était pas présent dans le véhicule, d'une violation d'une règle de la
circulation commise par le conducteur.

    Le Ministère public rappelle que la partie générale du code pénal
est applicable aux infractions prévues par d'autres lois fédérales,
à moins que celles-ci ne contiennent des dispositions sur la matière;
tel n'est pas le cas de la LCR.

Erwägung 2

    2.- a) Selon l'art. 102 ch. 1 LCR, à défaut de prescriptions
contraires de cette loi, les dispositions générales du code pénal
sont applicables. Aucune disposition spécifique de la LCR n'exclut la
coactivité comme forme de participation. Celle-ci est donc en principe
possible pour la violation grave des règles de la circulation au sens de
l'art. 90 ch. 2 LCR.

    b) A l'appui de son grief, le recourant se réfère à la jurisprudence
relative à la conduite en état d'ébriété (art. 91 al. 1 LCR). En effet,
pour cette infraction, le Tribunal fédéral a jugé que seule la personne qui
conduisait le véhicule pouvait être l'auteur de l'infraction de conduite
en état d'ébriété. Celui qui n'avait pas pris une part déterminante à
la conduite du véhicule ne pouvait se rendre coupable que d'instigation
ou de complicité de conduite en état d'ébriété (ATF 116 IV 71). Cette
jurisprudence a été confirmée (ATF 117 IV 186) mais a donné lieu à un
vif débat au sein de la doctrine.

    REHBERG s'est prononcé en faveur de cette solution (REHBERG, Neuere
Bundesgerichtsentscheide zum Thema "Alkohol am Steuer", recht 14/1996
p. 85) tandis que SCHUBARTH l'a critiquée (SCHUBARTH, Eigenhändiges Delikt
und mittelbare Täterschaft, RPS 114/1996 p. 333/334). Ce dernier article
a inspiré STRATENWERTH et WOHLERS qui y ont répondu dans la même revue
(STRATENWERTH, Gibt es eigenhändige Delikte ?, RPS 115/1997 p. 86 s.;
WOHLERS, Trunkenheitsfahrten als eigenhändige Delikte, RPS 116/1998 p. 95
s.). SCHUBARTH a encore publié deux articles relatifs à la question
(SCHUBARTH, Binnenstrafrechtsdogmatik und ihre Grenzen, ZStW 1998 p.
827 s., spéc. p. 839/840 et N. N. wird verurteilt wegen Führens eines
Motorfahrzeuges in angetrunkenem Zustand - Zur Strafbarkeit des Teilnehmers
bei FiaZ, Collezione Assista, Genève 1998, p. 680 s.).

    En l'espèce toutefois, la seule question pertinente est de savoir si
une personne qui présente les caractéristiques d'un coauteur (cf. ATF 125
IV 134 consid. 3a p. 136) peut être condamnée pour infraction à l'art. 90
ch. 2 LCR alors qu'elle n'a pas elle-même pris le volant. Le débat suscité
par la jurisprudence relative à l'art. 91 LCR sera repris et discuté dans
la mesure où il concerne aussi l'art. 90 ch. 2 LCR.

    c) aa) S'agissant tout d'abord de REHBERG, cet auteur soutient depuis
de nombreuses années que seul le conducteur du véhicule peut être l'auteur
de l'infraction de conduite en état d'ébriété (REHBERG, "Fremdhändige"
Täterschaft bei Verkehrsdelikten ?, Festgabe für Hans Schultz, RPS 95/1977
p. 72, spéc. p. 82). En effet, les dispositions de la LCR régissent,
au contraire de la partie spéciale du code pénal, une activité à but
licite. Cette activité ne devient punissable qu'en raison de certaines
circonstances qui en augmentent inutilement la dangerosité (op. cit.,
p. 75). L'illicéité ne résulte pas du but de l'activité mais de la manière
dont elle est exécutée. Elle est donc intimement liée à l'exécution de
l'activité de sorte que celui qui n'a pas conduit le véhicule ne saurait
être auteur d'une violation d'une règle de la circulation (op. cit.,
p. 79).

    Il est exact que la LCR contient des injonctions et des interdictions
régissant une activité licite, soit notamment la conduite d'un véhicule. Il
est également exact que cette activité est illicite et réprimée pénalement
lorsque des règles de la circulation sont violées. Toutefois, cela ne
suffit pas à justifier l'exclusion de la notion de coactivité en ce qui
concerne l'art. 90 ch. 2 LCR.

    REHBERG ajoute que l'art. 90 LCR ne fait aucune différence entre l'acte
intentionnel et l'acte résultant d'une négligence. Cela démontre à son avis
que le critère décisif pour déterminer qui est l'auteur de l'infraction
n'est pas à rechercher dans la maîtrise de l'événement, mais dans la
violation des devoirs qu'implique la conduite d'un véhicule (op. cit.,
p. 81). Il estime également que si l'on veut étendre la qualité d'auteur
à d'autres personnes que le conducteur, cette extension doit logiquement
s'appliquer tant à la violation intentionnelle des règles de la LCR qu'à
leur violation par négligence. Cela aurait cependant pour conséquence
que le piéton qui traverse imprudemment la rue et contraint ainsi un
automobiliste à se déporter sur l'autre moitié de la route, se rendrait
coupable par négligence de violation de l'art. 34 LCR. REHBERG ne peut
admettre cette solution et estime qu'elle conduirait à la dissolution
de la notion d'auteur (op. cit., p. 80). Cet argument ne saurait
être suivi. En effet, la notion de coauteur présuppose que celui-ci
collabore intentionnellement et de manière déterminante avec d'autres
personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation
ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants
principaux. La coactivité suppose une décision commune, mais qui n'est pas
nécessairement expresse; elle peut aussi résulter d'actes concluants et le
dol éventuel quant au résultat suffit (ATF 125 IV 134 consid. 3a p. 136
et les arrêts cités). Par conséquent, la coactivité par négligence n'est
pas concevable. Ainsi, le fait que l'art. 90 ch. 2 LCR ne distingue pas
en deux alinéas séparés l'infraction intentionnelle et l'infraction par
négligence n'est pas en soi suffisant pour exclure la notion de coactivité
lorsqu'un participant présente les qualités d'un coauteur.

    Certes le texte de l'art. 90 ch. 2 LCR ne vise que celui qui, par
une violation grave d'une règle de la circulation, aura créé un sérieux
danger pour la sécurité d'autrui ou en aura pris le risque. Il est
également exact que les règles de la circulation sur la conduite d'un
véhicule constituent des injonctions ou des interdictions adressées au
conducteur. On peut toutefois relever que les infractions de la partie
spéciale du code pénal ne semblent aussi s'adresser qu'à la personne
qui commet personnellement l'infraction réprimée. Ainsi l'art. 137 CP
ne semble à priori concerner que celui qui se sera approprié une chose
mobilière appartenant à autrui. La notion de coactivité permet toutefois
de punir celui qui a planifié l'infraction mais n'a pas pris part à son
exécution proprement dite (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 22 s.).

    Le Tribunal fédéral a récemment admis que même si l'auteur direct
d'un viol ne peut être que celui qui, par la contrainte, fait subir
l'acte sexuel à une personne de sexe féminin, il est possible qu'une
autre personne, aussi une femme, se rende coupable de cette infraction
comme auteur médiat ou comme coauteur (ATF 125 IV 134 consid. 2 p.
135). Le fait que l'art. 90 ch. 2 LCR ne s'adresse qu'au conducteur ne
justifie donc pas que la coactivité soit exclue et que le participant à
l'infraction ne puisse être qualifié que de complice ou d'instigateur.

    bb) STRATENWERTH estime que le conducteur pris de boisson enfreint
une norme de comportement qui est liée à un rôle et à la responsabilité
particulière de celui qui crée une source de danger en conduisant un
véhicule (STRATENWERTH, op. cit., p. 93).

    Si l'on considère l'art. 229 CP, qui régit la violation des règles de
l'art de construire, il apparaît également que l'auteur de cette infraction
est celui qui enfreint les règles de l'art en dirigeant ou en exécutant
une construction ou une démolition. L'auteur de cette infraction enfreint
donc également une norme de comportement (respecter les règles de l'art)
liée à un rôle (direction ou exécution de travaux) et à la responsabilité
particulière de celui qui crée une source de danger en construisant ou
en démolissant un ouvrage. Il n'est cependant pas contesté que la notion
de coauteur peut s'appliquer à cette infraction.

    STRATENWERTH considère que les dispositions légales confirment la
relation entre le rôle de conducteur et la responsabilité pénale qu'elle
engendre. Il prend pour exemple l'art. 93 ch. 2 LCR. Cette disposition
prévoit que celui qui aura conduit un véhicule dont il savait ou devait
savoir en prêtant toute l'attention commandée par les circonstances
qu'il ne répondait pas aux prescriptions, sera puni des arrêts ou de
l'amende. L'alinéa 2 précise que sera passible des mêmes peines le
détenteur ou celui qui, responsable comme un détenteur de l'état de
sécurité d'un véhicule, aura toléré intentionnellement ou par négligence
l'emploi d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions. STRATENWERTH
considère que si la punissabilité ne dépendait pas du rôle de la personne
impliquée, il serait totalement superflu que la loi désigne, à l'art. 93
ch. 2 al. 2 LCR, quelles personnes, en plus du conducteur, peuvent être
les auteurs de cette infraction. Punir une autre personne que celles
décrites dans cette disposition constituerait une violation claire de
l'art. 1 CP (STRATENWERTH, op. cit., p. 93).

    Ces conclusions ne peuvent être suivies. L'extension par le ch. 2
al. 2 du cercle des personnes susceptibles d'être auteur de l'infraction
ne signifie pas que le ch. 2 al. 1 exclut le coauteur non conducteur. En
effet, le ch. 2 al. 2 va au-delà de la notion de coauteur puisqu'il
englobe le détenteur ou celui qui, responsable comme un détenteur de
l'état de sécurité d'un véhicule, aura toléré intentionnellement ou par
négligence l'emploi d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions. Le
ch. 2 al. 2 n'est donc pas superflu comme l'affirme STRATENWERTH.

    cc) L'opinion émise par WOHLERS concerne principalement la conduite
en état d'ébriété. Il considère que le but de l'art. 91 LCR ne s'oppose
pas en soi à ce que la personne qui utilise le conducteur comme un objet
dépourvu de volonté pour réaliser une infraction soit reconnue coupable de
conduite en état d'ébriété en tant qu'auteur médiat. Il estime cependant
que le texte de la loi exige que l'auteur conduise un véhicule et qu'il
se trouve simultanément en état d'ébriété. La qualité d'auteur suppose
donc que soient réunies, chez la même personne, la position de conducteur
d'une part et l'incapacité de conduire d'autre part (WOHLERS, op. cit.,
p. 106-111).

    dd) De son côté, SCHUBARTH s'oppose à la thèse soutenue par REHBERG
et par la jurisprudence (ATF 116 IV 71 et 117 IV 186). Il estime que le
but des dispositions pénales de la LCR n'est pas de donner du poids à
un devoir hautement personnel du conducteur de conduire correctement
ou de rester sobre. Elles ont pour objectif d'éviter la survenance
d'accidents et donc de protéger en particulier la vie et l'intégrité
corporelle. Personne ne songerait à exclure la notion d'auteur médiat en
cas de délits contre la vie ou l'intégrité corporelle; dès lors, cette
notion est également concevable pour l'infraction de conduite en état
d'ébriété. Dans ce cas, la peine se justifie parce que la violation des
règles de la circulation augmente le risque d'accidents. Il importe peu que
l'augmentation du risque soit provoquée par celui qui conduit le véhicule
ou par un tiers qui induit le conducteur en erreur et l'amène à violer
une règle de la circulation. L'illicéité de l'ivresse au volant réside
exclusivement dans le danger qu'elle engendre, de sorte que toute personne
peut réaliser cette illicéité, également en qualité d'auteur médiat
(SCHUBARTH, Eigenhändiges Delikt, p. 333/334; Binnenstrafrechtsdogmatik,
p. 840; N. N. wird verurteilt, p. 680 s.).

    Le raisonnement de cet auteur concerne plus particulièrement la
participation en qualité d'auteur médiat. Il n'y a toutefois aucun motif
pour ne pas l'appliquer à la coactivité, autre forme de participation
principale. L'interprétation de SCHUBARTH, fondée sur le but des
dispositions pénales de la LCR, emporte la conviction. Comme il a été vu
ci-dessus, le texte de l'art. 90 ch. 2 LCR ne justifie pas d'exclure la
forme de la coactivité. L'objectif de cette norme en revanche justifie
de la traiter, sous l'angle de la participation, de la même manière que
les normes protégeant la vie (art. 111 ss CP) et l'intégrité corporelle
(art. 122 ss CP) et d'admettre, par conséquent, qu'elle peut être commise
par un coauteur, même lorsque celui-ci n'a pas pris part à la conduite
du véhicule.

    d) Il résulte de la discussion qui précède que la cour cantonale n'a
pas violé le droit fédéral en reconnaissant le recourant coupable comme
coauteur de violation grave des règles de la circulation (art. 90 ch. 2
LCR), alors même qu'il n'a pas pris part à l'exécution de l'infraction. Le
grief du recourant est dès lors infondé.

Erwägung 3

    3.- (Circonstance atténuante).