Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 II 63



126 II 63

8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 18 janvier 2000 dans la
cause 2'206 agriculteurs suisses contre Confédération suisse (recours de
droit administratif) Regeste

    Art. 69 aBV; Art. 3 VG; Tierseuchengesetz vom 1. Juli 1966 (TSG);
Verantwortlichkeit des Bundes für die wirtschaftlichen Folgen der Krise
im Zusammenhang mit dem Rinderwahnsinn (BSE).

    Die Tierseuchengesetzgebung bezweckt, auch Einzelpersonen gegen
wirtschaftlichen Schaden zu schützen (E. 3a).

    Die Entschädigung durch den Bund (Art. 32 ff. TSG in Verbindung
mit Art. 3 des Bundesbeschlusses vom 13. Dezember 1996 über befristete
Sofortmassnahmen gegen die BSE im schweizerischen Rindviehbestand [RS
916.41]) schliesst die betroffenen Landwirte von der Möglichkeit einer
Schadenersatzklage für den ungedeckten Teil ihres Verlustes nicht aus
(E. 3b).

Sachverhalt

    A.- a) L'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), communément appelée
"maladie de la vache folle", est une maladie infectieuse des bovins causée
par des prions, à savoir des protéines transmissibles sans substance
héréditaire propre; l'agent pathogène est situé essentiellement dans
la cervelle, les yeux et la moelle épinière. Elle se manifeste par une
diminution de la productivité et des troubles du comportement, tels que
l'anxiété et l'agressivité. La période d'incubation dure en moyenne cinq
ans. En l'état actuel des connaissances, la contamination a pour origine
des aliments pour animaux qui ont subi un traitement thermique insuffisant
et contiennent de la cervelle ou de la moelle épinière provenant d'animaux
infectés. La maladie conduit à la mort en quelques mois; il n'existe encore
ni vaccin ni traitement. Le diagnostic ne peut être posé qu'après le décès
sur la base d'examens au microscope et d'analyses immuno-histochimiques
d'échantillons de cervelle. Parmi les encéphalopathies spongiformes se
manifestant chez l'homme, la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) est la
plus importante. La transmission de l'ESB à l'homme et à d'autres espèces
animales doit être considérée comme vraisemblable.

    b) Apparue en Grande-Bretagne en 1986, l'ESB a été, pour la première
fois, diagnostiquée en Suisse le 2 novembre 1990; au 15 juin 1999, elle
a été constatée chez 304 vaches, dont 66 cas de "born after ban" (BAB),
à savoir de bovins nés après l'entrée en vigueur, le 1er décembre 1990,
de l'interdiction d'utiliser des farines animales pour l'alimentation
des ruminants. La propagation de la maladie en Suisse a pour cause des
composants d'aliments pour le bétail issus d'animaux atteints et dont
le traitement thermique a été insuffisant; selon le Conseil fédéral,
"il s'agit vraisemblablement de farines de viande ainsi que de farines
de viande et d'os provenant de Grande-Bretagne qui ont été munies,
semble-t-il, de nouvelles indications d'origine et de qualité en Europe
continentale, puis importées en Suisse" (Message concernant des mesures
temporaires destinées à combattre l'ESB dans le cheptel bovin suisse et
à en atténuer les conséquences économiques du 16 septembre 1996, FF 1996
IV 1294 in fine).

    c) Pour lutter contre l'ESB, la Suisse a, notamment, pris les mesures
suivantes (FF 1996 IV 1295 ch. 131):

    - en 1989, l'Office vétérinaire fédéral (OVF) a informé les
vétérinaires sur les caractéristiques de la maladie et veillé à
l'installation d'un laboratoire de référence à la faculté de médecine
vétérinaire de l'Université de Berne;

    - par ordonnance du 13 juin 1990, l'OVF a interdit l'importation des
animaux de l'espèce bovine, de la viande bovine et certains aliments pour
animaux en provenance de Grande-Bretagne (RS 916.443.39);

    - dès l'apparition du premier cas d'ESB en Suisse, l'OVF a ordonné,
le 8 novembre 1990, que les organes et les tissus d'animaux de l'espèce
bovine âgés de plus de six mois susceptibles de contenir l'agent pathogène
(cervelle, moelle épinière, rate, thymus et intestin, tissus lymphatiques
et nerveux visibles ainsi que ganglions lymphatiques) ne soient plus mis
dans le commerce comme denrées alimentaires;

    - le 29 novembre 1990, l'OVF a interdit, avec effet au 1er décembre
suivant, d'affourager de la farine de viande, de la farine de viande
et d'os, de la farine animale, de la farine de cretons ainsi que de la
farine d'os dégraissés aux animaux des espèces bovine, ovine et caprine
(RO 1990 1920);

    - toutes ces mesures ont été finalement intégrées dans l'ordonnance du
27 juin 1995 - modifiée les 17 avril et 16 septembre 1996 (RO 1996 1215,
2559) - sur les épizooties (OFE; RS 916.401);

    - le 3 avril 1996, le Conseil fédéral a étendu, avec effet au 1er
mai suivant, à la viande et aux produits à base de viande vendus à l'étal
l'obligation de déclarer le pays de production (RO 1996 1211);

    - le 13 décembre 1996, les Chambres fédérales ont adopté un arrêté
fédéral concernant des mesures temporaires urgentes destinées à combattre
l'ESB dans le cheptel bovin suisse (RS 916.41), complété par l'ordonnance
d'exécution du Conseil fédéral du 18 décembre 1996 (RS 916.411);

    - le 1er juillet 1998, le Conseil fédéral a décidé de soumettre les
graisses animales à un traitement thermique à 133oC pendant 20 minutes
(RO 1998 1578).

    d) Selon les données du Département fédéral des finances, l'évolution
du prix du bétail de boucherie entre 1985 et fin avril 1999 a été la
suivante:

    Catégorie   Taureaux MT T3      Vaches VK T3      Vaches VK T3

    Année     fr./kg poids mort  fr./kg poids mort    fr. par vache

    1985             10.88              8.74              2447

    1986             10.52              8.20              2296

    1987             11.11              7.66              2145

    1988             12.50              9.36              2621

    1989             12.05              9.44              2643

    1990             11.13              8.34              2335

    1991             10.31              7.16              2005

    1992             10.33              6.26              1753

    1993             10.99              7.34              2055

    1994             10.81              8.50              2380

    1995              9.29              7.24              2027

    1996              7.71              3.88              1086

    1997              7.75              4.34              1215

    1998              7.48              4.56              1277

    1999              6.40              4.30              1204

    B.- Le 19 mars 1997, 2'165 agriculteurs suisses ont saisi le
Département fédéral des finances d'une réclamation en dommages-intérêts
contre la Confédération suisse; en bref, ils ont reproché aux offices
concernés (OVF; Office fédéral de l'agriculture [OFAG]; Office fédéral
des affaires économiques extérieures [OFAEE]) de n'avoir pas adopté les
mesures propres à empêcher la propagation de l'ESB en Suisse et, dès
lors, d'être responsables des pertes qu'ils ont subies à la suite de la
chute du prix du bétail de boucherie et du bétail d'élevage. Le 7 avril,
41 nouveaux agriculteurs ont introduit une demande analogue.

    Par décision du 12 février 1999, le Département a rejeté la demande.

    C.- Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit administratif des
demandeurs, annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à l'autorité
inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Celui qui réclame des dommages-intérêts fondés sur l'art.
3 al. 1 de la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la
Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires
(LRCF; RS 170.32) doit établir l'illicéité de l'acte ou de l'omission
commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions (ATF 106 Ib
357 consid. 2b p. 361; JOST GROSS, Schweizerisches Staatshaftungsrecht,
Berne 1995, N. 11.6). En l'espèce, après avoir implicitement retenu que
les omissions dénoncées par les recourants étaient susceptibles d'engager
la responsabilité de la Confédération (ATF 89 I 483 consid. 6 p. 489 ss
[concernant précisément une affaire d'épizooties]; en général: ATF 123
II 577 consid. 4d/ff p. 583; 118 Ib 473 consid. 2b p. 476/477 et les
citations), le Département a nié que l'atteinte alléguée fût illicite
(en général: ATF 123 II 577 consid. 4d/aa - cc et les citations), car
la législation en matière d'épizooties "a pour but de protéger la santé
des animaux et des hommes, et non de protéger la valeur marchande des
animaux". Cette opinion ne saurait être suivie.

    a) Il faut souligner d'emblée que l'art. 69 aCst., dans sa teneur
adoptée le 4 mai 1913, répond davantage à des préoccupations d'ordre
économique et social qu'à des motifs purement sanitaires; il s'ensuit
que seules tombent dans la compétence de la Confédération les maladies
transmissibles d'une certaine gravité ayant des conséquences néfastes sur
le plan économique et social (MALINVERNI, in Commentaire de la Constitution
fédérale de la Confédération suisse, N. 15 ad art. 69 aCst.; MARKUS
MÜLLER, Zwangsmassnahmen als Instrument der Krankheitsbekämpfung, Bâle
1992, p. 26/27). Aussi est-ce en se référant à des "dommages économiques"
que le Conseil fédéral a constamment rappelé la nécessité de combattre les
épizooties frappant le cheptel (FF 1911 V 323; 1915 I 536 et 1965 II 1082;
cf. ég. FRITSCHI/NABHOLZ/RIEDI, Eidgenössische Tierseuchengesetzgebung, 2e
éd., p. 1; MICHAEL KREIENBÜHL, Rechtskritische Behandlung der allgemeinen
staatlichen Tierseuchenbekämpfungsmassnahmen in der Schweiz, thèse Fribourg
1972, p. 7/8 et 33); il l'a clairement réaffirmé à propos de l'ESB (FF 1996
IV 1303: "La lutte ... ne doit pas seulement tenir compte de la protection
de la santé, mais aussi des conséquences économiques et des incidences sur
le commerce international"). C'est donc logiquement que l'art. 1er al. 1
let. d de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur les épizooties (LFE; RS
916.40) considère comme épizooties les maladies animales transmissibles
qui peuvent avoir des conséquences économiques importantes; de l'avis
du Conseil fédéral, il s'agit là d'un critère d'appréciation essentiel
"pour les maladies qui ne présentent pas ou peu de danger pour l'homme"
(FF 1992 V 48), encore que, vu ce qui précède, cette précision semble
superfétatoire (cf. déjà KREIENBÜHL, op. cit., p. 103; A. NABHOLZ, Neue
Wege in der Tierseuchenbekämpfung, in Festschrift zum 50Jährigen Bestehen
des Eidgenössischen Veterinäramtes, Berne 1964, p. 77).

    Comme l'expose le Département, le but de la loi est d'éradiquer,
combattre et surveiller les épizooties (art. 1a al. 2 LFE, en relation avec
les art. 1er et 3 let. h OFE, en vigueur depuis le 1er septembre 1995);
ce but n'était pas expressément mentionné dans l'ancienne loi, mais n'en
découlait pas moins de l'art. 9 aLFE (RO 1966 1624), qui prescrivait à la
Confédération et aux cantons de prendre toutes les mesures qui, d'après
les données de la science et de l'expérience paraissent propres à empêcher
une propagation de l'épizootie et à protéger la santé de l'homme et des
animaux (cf. ATF 103 Ib 134 consid. 4c p. 140). L'ESB ne figurait pas dans
l'énumération de l'art. 1er al. 1 aLFE (RO 1966 1621), mais son al. 3
prévoyait que, si une maladie animale transmissible ou particulièrement
dangereuse, non citée dans cet article, survenait brusquement, menaçant
la santé de l'homme ou des animaux, ou s'il y avait danger qu'une telle
maladie soit introduite dans le pays, l'OVF devait, avec l'accord du
Département fédéral de l'économie publique (DFEP), ordonner sans délai les
mesures de police des épizooties lui paraissant nécessaires pour combattre
et supprimer la maladie. C'est en se fondant sur cette disposition que
l'OVF a promulgué, le 29 novembre 1990, l'ordonnance concernant des
mesures immédiates contre l'encéphalopathie spongiforme des ruminants
(RO 1990 1920; OESR), entrée en vigueur le 1er décembre suivant.

    Il découle de ces considérations que les autorités sont tenues de
prendre toutes les mesures propres à éviter la propagation d'épizooties
susceptibles, notamment, d'entraîner des conséquences économiques;
sous cet angle, la "santé des animaux" (art. 9 aLFE) est un concept qui
se réfère au rendement tiré du cheptel (cf. FF 1965 II 1082; NABHOLZ,
op. cit., p. 78). Or, en qualité d'agriculteurs, les recourants sont à
l'évidence touchés par les actes ou omissions des autorités sanitaires qui,
au mépris des règles de comportement que leur dicte l'ordre juridique,
porteraient atteinte à la valeur économique du bétail et, partant, à sa
productivité (qui est, du reste, l'une des manifestations de la maladie:
FF 1996 IV 1293 ch. 121). D'ailleurs, l'art. 27 al. 4 LFE, tant dans sa
nouvelle que son ancienne teneur, institue une responsabilité objective
pour le dommage causé par les instituts officiels ou privés ainsi que les
personnes qui détiennent ou utilisent des microorganismes pathogènes;
ni le Conseil fédéral, ni la doctrine n'excluent, pour autant, la
réparation du préjudice économique éprouvé de ce chef par un agriculteur
(FF 1965 II 1097; FRITSCHI/NABHOLZ/RIEDI, op. cit., N. 7 ad art. 27 LFE,
qui parlent de "zivilrechtliche Haftung"). Au demeurant, le Tribunal
fédéral a eu l'occasion, dans le cadre du procès en dommages-intérêts qui
opposait un producteur de fromages à la Confédération, de qualifier de
"trop étroite" la conception selon laquelle "la loi fédérale sur les
épidémies tend exclusivement à la protection de la santé publique,
le cas échéant à celle des personnes qui pourraient tomber malades,
mais non à la protection de dommages matériels"; tout en rappelant que
les "intérêts de la santé publique (...) l'emportent sur les intérêts
patrimoniaux des particuliers", il a considéré que les normes de
cette législation poursuivent simultanément le but "de protéger aussi
les personnes concernées des mesures ordonnées; cela implique que les
atteintes aux biens patrimoniaux en découlant demeurent dans le cadre des
prescriptions légales, sinon la responsabilité de l'Etat est engagée"
(arrêt non publié de la IIe Cour de droit public du 13 novembre 1992,
dans la cause 2A.276/1989, consid. 2d).

    b) L'indemnité versée par l'Etat (art. 32 ss LFE), en l'espèce la
Confédération (art. 3 de l'AF du 13 décembre 1996 concernant des mesures
temporaires urgentes destinées à combattre l'ESB dans le cheptel bovin
suisse [RS 916.41); FF 1996 IV 1304), doit certes mettre le propriétaire
intéressé à l'abri de dommages économiques trop lourds (FF 1975 II 119;
FRITSCHI/NABHOLZ/RIEDI, op. cit., N. 2 ad art. 31 LFE); mais elle
diffère, tant par son but que par sa nature, de celle qui découle
de l'art. 3 LRCF. D'une part, elle vise à inciter le propriétaire
à déclarer les cas d'épizooties frappant son cheptel (FF 1975 II 119;
1965 II 1098). D'autre part, elle compense l'atteinte que, dans l'intérêt
général, la collectivité publique porte à la propriété privée (FF 1915
I 540/541; FRITSCHI/NABHOLZ/RIEDI, ibid.; F. RIEDI, Kompetenzen und
Verfahren nach den Bestimmungen der eidgenössischen Tierseuchengesetzgebung
unter besonderer Berücksichtigung der Befugnisse und Obliegenheiten bei
Tierausmerzungen, Zbl 65/1964 p. 430); d'après KREIENBÜHL (op. cit., p. 66
ss), elle s'apparente à une indemnité pour expropriation (cf. ég. ETIENNE
GRISEL, La définition de la police, in Stabilité et dynamisme du droit dans
la jurisprudence du Tribunal Fédéral Suisse, Bâle 1975, p. 111/112, qui
commente la jurisprudence selon laquelle une telle indemnité n'est allouée
que pour des restrictions de la propriété ordonnées dans l'intérêt public,
et non pour celles n'ayant que le caractère d'une mesure de police). Enfin,
les considérations à la base de l'art. 32 LFE sont principalement d'ordre
social (FF 1975 II 119); il n'y a là rien de commun avec l'obligation de
réparer le préjudice résultant de l'acte illicite d'un fonctionnaire. Dès
lors, c'est avec raison que les recourants soutiennent que l'indemnisation
prévue par les art. 32 ss LFE n'a pas pour effet de les priver du droit de
rechercher la Confédération au titre de sa responsabilité. A cet égard,
il convient de rappeler que, en dépit des indemnités qui leur ont été
allouées à la suite de la catastrophe de Tchernobyl (RO 1988 628, 632),
les lésés n'ont pas été déchus pour autant de la possibilité de réclamer
à la Confédération le solde de leur préjudice (KNOEPFLER/SCHWEIZER,
Tchernobyl, action ouverte en Suisse, for et droit applicable, Beihefte
zur ZSR, Heft 9, Bâle 1989, p. 46 ss ch. IV).