Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 III 412



126 III 412

71. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 23 août 2000 dans la
cause C. et dame B. C. contre Cour de justice du canton de Genève
(recours en réforme) Regeste

    Art. 264 ZGB. Adoption eines Unmündigen durch getrennt lebende
Ehegatten; Voraussetzung der vorangehenden Kindesaufnahme.

    Die Frist von zwei Jahren, während der die künftigen Adoptiveltern dem
Kind Pflege und Erziehung erwiesen haben müssen, wird nicht zwangsläufig
unterbrochen, wenn einer der Ehegatten die eheliche Wohnung verlässt. Die
gemeinschaftliche Adoption bleibt in diesem Fall möglich, aber die Frage
des Kindeswohles ist mit besonderer Aufmerksamkeit zu prüfen (E. 2).

Sachverhalt

    A.- C. et dame B. se sont mariés le 17 août 1993 à Genève.

    Le 17 juillet 1997, ils ont accueilli en vue d'adoption l'enfant de
nationalité vietnamienne V., né le 12 mai 1997.

    Les conjoints se sont séparés dès le mois de décembre 1998, tout
en restant mariés. L'épouse a dès lors vécu seule avec l'enfant, le
mari continuant toutefois à rencontrer celui-ci et à contribuer à son
entretien matériel.

    B.- Le 22 novembre 1999, C. et dame B. C. ont déposé devant la Cour
de justice du canton de Genève une requête en vue de l'adoption conjointe
de l'enfant, informant cette autorité de leur intention d'entamer une
procédure de divorce dès le prononcé de l'adoption.

    Par décision du 7 février 2000, la Cour de justice du canton de Genève
a rejeté la requête.

    C.- Contre cette décision, C. et dame B. C. ont exercé un recours
en réforme au Tribunal fédéral, concluant à ce que l'adoption conjointe
soit prononcée. Subsidiairement, ils ont requis le renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était
recevable, annulé l'arrêt entrepris et renvoyé l'affaire à la Cour de
justice pour qu'elle complète l'état de fait et statue à nouveau.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Les recourants soutiennent que l'autorité cantonale a violé
l'art. 264 CC en interprétant de façon erronée la notion, prévue par
cette disposition, de lien nourricier d'une durée minimum de deux ans
entre les futurs parents adoptifs et l'enfant à adopter; ils se plaignent
en outre d'une fausse application de l'art. 264a al. 1 CC.

    a) L'adoption ne peut être prononcée qu'après que les futurs parents
adoptifs ont fourni des soins à l'enfant et qu'ils ont pourvu à son
éducation pendant au moins deux ans (art. 264 CC). Toute adoption doit,
par conséquent, être précédée d'un placement, d'un lien nourricier
d'une certaine durée. Condition impérative de l'adoption, cette mesure
constitue une justification de l'établissement ultérieur d'un lien de
filiation, un délai d'épreuve pour les intéressés, ainsi qu'une occasion
et un moyen de s'assurer que l'adoption servira le bien de l'enfant
(ATF 125 III 161 consid. 3 p. 162 et les références citées). Le lien
nourricier doit précéder l'adoption dans tous les cas, indépendamment
de la durée du mariage ou de l'âge des adoptants; il ne peut pas être
réduit (HEGNAUER/MEIER, Droit suisse de la filiation et de la famille, n.
11.04 p. 64). Dans le cas d'une adoption conjointe, le délai de deux
ans s'applique à chacun des époux; l'adoption n'est dès lors possible
que lorsque le lien nourricier a duré deux ans à l'égard de chacun d'eux
(HEGNAUER, Berner Kommentar, n. 34 ad art. 264 CC et n. 15 ad art. 264a
al. 1 CC).

    Le lien nourricier ne remplit son rôle que si les futurs parents
adoptifs accueillent l'enfant dans leur foyer et s'occupent de lui
personnellement (ATF 111 II 230 et les références citées; concernant
l'adoption de majeurs: ATF 101 II 7 consid. 2 p. 9-10; HEGNAUER, op. cit.,
n. 29 ss ad art. 264 CC; contra: BJM 1977 p. 292). Il n'est pas nécessaire
qu'il se déroule en un seul tenant (HEGNAUER/MEIER, op. cit., loc. cit. et
les références), mais le simple fait de passer des vacances en commun ne
suffit pas (ATF 111 II 230 précité).

    Il faut cependant réserver les cas dans lesquels l'enfant et le
futur parent adoptif sont séparés pour de courtes périodes (vacances,
séjour à l'hôpital, pour études ou professionnel, etc.), le délai de
deux ans pouvant néanmoins être prolongé si celles-ci sont fréquentes,
ou si ces périodes, bien que rares, sont relativement longues (cf. PETER
BREITSCHMID, Basler Kommentar, n. 15 ad art. 264 CC et les références;
CHRISTINE VOGEL-ETIENNE, Das Pflegeverhältnis vor der Adoption, thèse
Zurich 1981, p. 161 ss). En cas de séparation de longue durée, le défaut de
communauté domestique pourra être compensé par l'intensité, la fréquence
et la régularité des relations personnelles entretenues (MARTIN STETTLER,
Le droit suisse de la filiation, in TDPS, III/II,1, p. 108/109). Dès lors,
même si le lien nourricier implique une continuité et une stabilité,
il y a lieu de considérer qu'il n'est pas interrompu par toute absence
des futurs parents adoptifs ou de l'enfant. Il continue ainsi d'exister,
notamment, lorsqu'un époux quitte le ménage conjugal, mais continue,
par ses visites, d'entretenir un contact régulier avec l'enfant; dans ce
cas, l'adoption conjointe paraît rester possible, lorsqu'au demeurant elle
correspond encore au bien de l'enfant (HEGNAUER, op. cit., n. 30b in fine,
n. 39 ad art. 264 CC).

    En effet, selon la doctrine, l'art. 264a al. 1 CC, qui impose -
et réserve - l'adoption conjointe aux époux, est également applicable
en cas de cessation de la vie commune comme mesure provisoire dans
la procédure de divorce ou de séparation de corps, ou dans le cadre
des mesures protectrices de l'union conjugale, ou encore lorsque la
séparation de corps a été judiciairement prononcée depuis moins de trois
ans (cf. art. 264b al. 2 CC) (HEGNAUER, op. cit., n. 13 ad art. 264a
CC). L'adoption conjointe reste ainsi possible, pour autant qu'elle serve
l'intérêt de l'enfant, si la dissolution du mariage intervient pendant la
procédure d'adoption. Dès lors, même un divorce - postérieur à l'engagement
de la procédure - ne constitue pas un empêchement dirimant à l'adoption
conjointe; dans ce cas, la question de l'intérêt de l'enfant à l'adoption
se pose toutefois avec une acuité particulière (HEGNAUER, op. cit., n. 14,
34 et 35 ad art. 264a CC, ainsi que 22, 24 et 32 ad art. 268 al. 2 CC;
plus réservé: STETTLER, op. cit., p. 164). En cas de divorce, les droits et
obligations des parents doivent être réglés par le juge du divorce, comme
pour un enfant à naître, soit d'avance dans le jugement de divorce, soit
dans une procédure ultérieure (HEGNAUER, op. cit., n. 14 ad art. 264a CC).

    b) En l'espèce, l'autorité cantonale a retenu que les futurs parents
adoptifs, bien que toujours mariés, s'étaient séparés en décembre 1998.
L'épouse vivait désormais seule avec l'enfant, mais le mari continuait
à rencontrer celui-ci et à contribuer à son entretien matériel. La Cour
de justice a dès lors estimé qu'une des conditions impératives posées
par l'art. 264 CC faisait défaut, l'un des parents n'ayant pas vécu deux
ans consécutifs en communauté domestique avec l'enfant, accueilli dès le 17
juillet 1997. Ce raisonnement apparaît toutefois trop sommaire au regard de
la jurisprudence et de la doctrine exposées ci-dessus. S'il est vrai que
l'existence d'un lien nourricier d'une durée de deux ans au moins précédant
l'adoption est une condition impérative, à laquelle il ne peut être dérogé,
on ne saurait affirmer que ce lien a été rompu du seul fait que le mari a
quitté le domicile conjugal. Selon l'arrêt paru aux ATF 111 II 230, auquel
la Cour de justice se réfère, le lien nourricier n'existe certes que dans
la mesure où l'adoptant et l'enfant forment une communauté domestique.
Cette affaire concerne toutefois une situation différente de celle du
cas particulier: il s'agissait en effet d'un enfant qui avait passé en 17
ans 262 semaines de "vacances" au total chez son beau-père, qui désirait
l'adopter. Dans la présente espèce, un temps de cohabitation - et non
pas seulement de simples vacances additionnées - a bien eu lieu, puisque
le futur adoptant et l'enfant ont vécu sous le même toit de façon continue
du 17 juillet 1997 au mois de décembre 1998, soit pendant près d'un an et
demi. Au cours de cette période, des liens affectifs et psychiques ont
pu se former et les aptitudes éducatives du parent concerné être mises
à l'épreuve. Or, ce lien n'a pas forcément cessé d'exister du seul fait
du départ du mari du domicile conjugal, contrairement à ce qu'a estimé
la cour cantonale. Compte tenu des circonstances, il lui appartenait
d'examiner cette question plus avant, ce qu'elle n'a pas fait.