Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 III 198



126 III 198

35. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 28 février 2000 dans la
cause Confédération suisse contre X. et consorts (recours en réforme)
Regeste

    Unlauterer Wettbewerb; Klageberechtigung des Bundes; Begriff des
Wettbewerbs (Art. 1, 2 und 10 Abs. 2 lit. c UWG).

    Wenn die Kunden, die in Anwendung von Art. 10 Abs. 1 UWG zur Klage
berechtigt wären, im Ausland ansässig sind, kann auch der Bund gestützt
auf Art. 10 Abs. 2 lit. c UWG Klage erheben (E. 1a).

    Begriff des Wettbewerbs und der unlauteren Wettbewerbshandlung im
Sinne von Art. 1 und 2 UWG. Die Versendung einer irreführenden Werbung an
in Frankreich wohnhafte Personen mit dem Ziel, eine Tabelle zu verkaufen,
welche ihnen erlauben sollte, im französischen Lotto das grosse Los zu
gewinnen, fiel im zu beurteilenden Fall nicht in den Anwendungsbereich
des UWG (E. 2c).

Sachverhalt

    A.- Des personnes résidant en France, adeptes du loto de ce pays,
ont reçu de la publicité, expédiée de Suisse sous la dénomination
"Loto Score", qui, alléguant des gains déjà réalisés, leur proposait
en définitive d'acquérir, pour quelques centaines de francs français,
une grille qui devait leur permettre de gagner des lots, voire le gros lot.

    B.- Le 9 avril 1999, la Confédération suisse a déposé à Genève
une demande, fondée sur la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la
concurrence déloyale (LCD; RS 241), dirigée contre X. et consorts, auxquels
elle impute ces envois publicitaires. Elle a conclu à la constatation de
l'illicéité de ces procédés, à ce qu'il soit fait défense aux défendeurs,
sous menace des peines de l'art. 292 CP, d'y prendre part et à ce qu'il
leur soit ordonné, sous la même menace, de faire procéder à leurs frais
à la publication du jugement dans dix quotidiens français.

    Statuant comme instance cantonale unique, par arrêt du 14 octobre
1999, la Cour de justice du canton de Genève, après avoir constaté que
deux parties ne comparaissaient pas, a déclaré irrecevable la demande
dirigée contre l'un des défendeurs, pour le motif que celui-ci n'était pas
domicilié dans le canton de Genève; elle a ensuite débouté la Confédération
suisse de toutes ses conclusions, en considérant que les actes incriminés
ne relevaient pas du domaine de la concurrence.

    C.- La Confédération suisse interjette un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Invoquant diverses violations du droit fédéral, elle
conclut à l'annulation de la décision attaquée et reprend ses conclusions
sur le fond.

    Le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable en tant qu'il
est dirigé contre X.; il le rejette, en tant qu'il est dirigé contre les
autres défendeurs, et confirme l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) La Confédération suisse agit sur la base de l'art. 10 al. 2
let. c LCD. Selon cette disposition, la Confédération peut intenter les
actions prévues à l'art. 9 al. 1 et 2 LCD "lorsqu'elle le juge nécessaire
pour protéger la réputation de la Suisse à l'étranger et que les personnes
qui ont le droit d'intenter action résident à l'étranger".

    En l'espèce, on ne voit pas que la Confédération ait abusé du large
pouvoir d'appréciation que lui accorde la loi en estimant que les actes
dont elle se plaint sont de nature à nuire à la réputation de la Suisse
à l'étranger.

    Elle fait valoir que les clients, touchés par ces publicités
fallacieuses, résident à l'étranger. Il faut toutefois observer que
l'action des clients est prévue par l'art. 10 al. 1 LCD, et non pas
par l'art. 9 al. 1 et 2 LCD auquel se réfère l'art. 10 al. 2 LCD. La
doctrine admet cependant que la Confédération peut également agir lorsque
les clients qui pourraient intenter action en application de l'art. 10
al. 1 LCD résident à l'étranger (GEORG RAUBER, Klageberechtigung und
prozessrechtliche Bestimmungen, in Schweizerisches Immaterialgüter- und
Wettbewerbsrecht, Lauterkeitsrecht, 2e éd., p. 267). Cette opinion doit
être suivie, dès lors qu'il n'y a pas de raison de traiter de manière
différente, sous cet angle, l'action des concurrents (art. 9 al. 1 LCD)
et l'action des clients (art. 10 al. 1 LCD). Lorsque l'art. 10 al. 2 LCD
se réfère à l'art. 9 al. 1 et 2 LCD, il ne vise que l'objet des actions
(interdire le trouble, le faire cesser, etc.) et non pas la condition
subjective pour agir (subir une atteinte dans sa clientèle, etc.); cela
ressort clairement du fait que l'art. 10 al. 2 let. b LCD mentionne les
organisations de protection des consommateurs, qui, évidemment, agissent
dans l'intérêt des clients.

    Les conditions de l'art. 10 al. 2 let. c LCD étant ainsi réunies,
la Confédération est habilitée à agir.

    L'action répond à un intérêt public - protéger la réputation de
la Suisse à l'étranger - et ne tend pas à procurer à la Confédération
elle-même un avantage de nature pécuniaire. Quand bien même les actions en
matière de concurrence déloyale sont habituellement de nature pécuniaire
(ATF 87 II 113 consid. 1; 82 II 77 s.), il faut faire une exception lorsque
l'action est intentée par la Confédération pour défendre un but idéal,
à savoir la réputation du pays. Comme la Confédération ne défend pas son
propre patrimoine, il ne s'agit pas d'une affaire pécuniaire (cf. ATF
108 II 77 consid. 1a), de sorte que la question de la valeur litigieuse
(art. 46 OJ), controversée entre les parties, ne se pose pas. En effet,
le recours en réforme est en principe recevable dans les contestations
civiles portant sur un droit de nature non pécuniaire (art. 44 OJ).

    b) Interjeté par une partie habilitée à agir, qui a succombé dans
ses conclusions, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une
contestation civile qui n'est pas de nature pécuniaire (art. 44 OJ),
le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé
en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ).

    c) Le Tribunal fédéral doit examiner même d'office si les parties à la
procédure, qu'elles soient recourantes ou intimées, ont la capacité d'être
parties en justice (MESSMER/IMBODEN, Die eidgenössischen Rechtsmittel
in Zivilsachen, p. 14 n. 11; BERNARD CORBOZ, Le recours en réforme au
Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 30 s.).

    En l'espèce, la cour cantonale a constaté que X. n'avait
aucune existence juridique. La recourante ne revient pas sur cette
constatation. Il est dès lors évident qu'elle ne peut pas recourir,
ni prendre des conclusions, contre une entité qui n'a aucune existence
juridique. Le recours est donc irrecevable en tant qu'il est dirigé
contre X.

    d) La motivation de la partie recourante doit être contenue dans l'acte
de recours (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans la mesure où la recourante
renvoie à ses écritures cantonales, il n'est pas possible d'en tenir compte
(cf. ATF 116 II 92 consid. 2).

Erwägung 2

    2.- a) Les parties ne remettent pas en cause l'application du droit
suisse. La question n'est cependant pas évidente. A suivre l'argumentation
de la recourante, un acte de concurrence déloyale aurait été commis qui,
semble-t-il, devait déployer ses effets sur le marché français. On peut
donc se demander si le litige ne relève pas du droit français (cf. art.
136 al. 1 LDIP [RS 291]; BERNARD DUTOIT, Commentaire de la loi fédérale du
18 décembre 1987, 2e éd., n. 2 ad art. 136; FRANK VISCHER, IPRG Kommentar,
n. 11 et 12 ad art. 136).

    Il n'est toutefois pas nécessaire, faute d'intérêt actuel, de trancher
cette question. En effet, si l'action fondée sur la LCD doit être rejetée
- comme on le verra -, l'application du droit français ne pourrait pas
modifier l'issue du litige, puisque l'action ne serait plus soumise à la
LCD et que la recourante ne serait donc plus habilitée à agir sur la base
de l'art. 10 al. 2 let. c LCD (RAUBER, ibid.).

    b) Pour ce qui concerne l'irrecevabilité de l'action dirigée contre le
défendeur qui n'est pas domicilié dans le canton de Genève, la recourante
reproche à la cour cantonale d'avoir écarté l'application de l'art. 129
al. 3 LDIP et d'avoir exigé à tort une consorité nécessaire pour une
attraction de compétence.

    Le recours en réforme suppose un intérêt au recours (ATF 120 II
5 consid. 2a; 109 II 350; 108 II 15 consid. 1b); l'existence d'un tel
intérêt est d'ailleurs requise pour l'exercice de toute voie de droit
(ATF 120 II 5 consid. 2a).

    La recourante ne peut donc pas soulever des questions juridiques qui
ne présentent pas d'intérêt pratique. Or, elle n'a aucun intérêt à ce que
l'action dirigée contre ce défendeur soit rejetée, plutôt que déclarée
irrecevable. Si - comme on le verra - l'action doit de toute manière être
rejetée, il n'y a pas d'intérêt à se pencher sur ces questions.

    c) La recourante soutient que les actes qu'elle impute aux intimés
tombent sous le coup de la LCD.

    aa) Selon l'art. 1er LCD, cette loi vise à garantir, dans l'intérêt
de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit
pas faussée.

    La LCD ne concerne ainsi que le domaine de la concurrence. Cette
notion vise une compétition, une rivalité sur le plan économique entre
des personnes qui offrent leurs prestations. La concurrence suppose donc
un marché. L'art. 136 al. 1 LDIP se réfère d'ailleurs expressément à
la notion de marché. On peut également ajouter que le marché doit être
licite, puisque l'on ne peut pas imaginer que la loi ait pour but de
protéger un marché qui ne devrait pas exister. La loi ne tend évidemment
pas à protéger un escroc dans la concurrence avec d'autres escrocs.

    Pour qu'il y ait acte de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le
comportement apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples figurant
aux art. 3 à 8 LCD; il faut encore, comme le montre la définition générale
de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre
fournisseurs et clients. Autrement dit, il doit influencer le jeu de la
concurrence, le fonctionnement du marché.

    Certes, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même un
concurrent (ATF 120 II 76 consid. 3a p. 78 et les références). Il n'empêche
que l'acte doit être objectivement propre à avantager ou désavantager une
entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou
diminuer ses parts de marché (arrêt cité, ibid.). L'acte doit être dirigé
contre le jeu normal de la concurrence et propre à influencer le marché;
il doit être objectivement apte à influencer la concurrence (ATF 124
III 297 consid. 5d; 124 IV 262 consid. 2b p. 268; 120 II 76 consid. 3a
p. 78). Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur ait la volonté
d'influencer l'activité économique (ATF 120 II 76 consid. 3a p. 78).

    La LCD ne protège donc pas la bonne foi de manière générale, mais
tend seulement à garantir une concurrence loyale (ATF 124 III 297 consid.
5d; 124 IV 262 consid. 2b p. 268). Toute escroquerie n'est ainsi pas
simultanément un acte de concurrence déloyale.

    bb) En l'espèce, la publicité avait pour but de vendre une grille qui
devait permettre de gagner le gros lot au loto français. Il a été constaté
en fait - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) -
qu'il n'y avait aucun concurrent qui offrait une prestation analogue. En
l'absence de tout marché, il ne saurait être question d'avantager ou
de désavantager un agent économique par rapport à d'autres. Les actes
incriminés sont donc sans aucun rapport avec le jeu de la concurrence,
ce qui exclut d'emblée l'existence d'un acte de concurrence déloyale. La
situation est ainsi fondamentalement différente de celle de l'arrêt pénal
cité par la recourante (ATF 124 IV 73 consid. 1a), où il s'agissait de
concours publicitaires destinés à favoriser la vente de marchandises,
ce qui en principe fait l'objet d'un marché.

    Même s'il y avait eu un concurrent, la solution n'aurait pas été
différente. Il résulte en effet des constatations cantonales que la
prestation offerte était purement fallacieuse et que l'activité consistait
en définitive à conclure des contrats dolosifs; un tel marché serait
illicite et ne saurait bénéficier de la protection de la LCD, qui n'a
évidemment pas pour but d'instaurer une saine concurrence sur le marché
de la tromperie.

    cc) La cour cantonale s'est demandé si les actes incriminés étaient de
nature à exercer une influence sur la concurrence entre les loteries. Elle
l'a dénié, en constatant que la publicité était adressée à des adeptes
du loto français et que l'achat de cette grille n'était pas de nature à
influencer la concurrence entre les loteries.

    La recourante ne dit pas un mot au sujet de cette question.  Sur la
base des constatations cantonales qui sont très succinctes, il n'est
pas possible d'affirmer que les actes incriminés étaient de nature à
influencer le marché des loteries, de sorte qu'il n'y a pas lieu de
revenir sur cette question qui n'est pas contestée.

    Ainsi, l'arrêt cantonal ne viole pas le droit fédéral.