Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 III 192



126 III 192

34. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 3 mars 2000 dans la
cause X. S.A. contre Y. S.A. (recours en réforme) Regeste

    Hinterlegungsvertrag; Haftung des Aufbewahrers.

    Abgrenzung zwischen Speditionsvertrag (Art. 439 OR),
Hinterlegungsvertrag (Art. 472 OR) und Lagergeschäft (Art. 482 OR). Bei
Übergabe einer beweglichen Sache an einen Vertragspartner, der sich
bereit erklärt, die Sache in einem Lager kostenlos aufzubewahren in
Erwartung einer allfälligen Anordnung, sie zu versenden, liegt ein
Hinterlegungsvertrag vor (E. 2a und b).

    Haftung des Aufbewahrers bei Diebstahl ihm anvertrauter Schmuckstücke
(E. 2c und d).

Sachverhalt

    A.- W. S.A. (ci-après: W.), devenue par la suite Y. S.A., pratique le
commerce des bijoux. Son fournisseur est la maison V. Celle-ci livrait les
bijoux commandés par W. à X. S.A. (ci-après: X.), qui était chargée par
W. de les conserver au port franc de Genève, jusqu'au moment où W. lui
donnait pour instruction de les expédier à des destinataires finaux,
clients de W. Pour être en mesure de répondre dans les plus brefs délais
à des commandes, W. disposait toujours d'un stock dans l'entrepôt de X. à
Genève. La durée de stockage variait de quelques jours à plusieurs mois.

    Lorsque X. a commencé à recevoir des bijoux susceptibles de rester
un certain temps dans ses locaux, elle a discuté avec W. de la manière
dont ils seraient conservés. W. était d'accord qu'ils soient entreposés
au port franc dans un lieu sûr, mais elle n'a pas donné d'instructions
particulières à ce propos. Les parties n'ont pas prévu de rémunération pour
les frais d'entreposage, notamment en raison du fait que W. chargeait
X. de l'expédition de toutes ses marchandises. Ainsi, X. n'a jamais
facturé l'entreposage des bijoux, quelle que fût sa durée. Elle adressait
régulièrement à W. une liste détaillée du stock, tenue à jour.

    Les 12 avril, 14 juin et 5 juillet 1996, X. a reçu dans ses locaux
au port franc six paquets scellés contenant des bijoux, envoyés par V. à
l'intention de W.

    Le 17 juillet 1996, un employé de X. s'est rendu dans le dépôt et a
constaté la disparition des paquets, ainsi que d'autres bijoux en stock.

    B.- Par demande déposée devant les tribunaux genevois le 5 décembre
1996, W. a réclamé à X. la réparation de son préjudice.

    Par jugement du 15 février 1999, le Tribunal de première instance du
canton de Genève a condamné X. à payer à Y. S.A. la somme de 1 404 752
fr. avec intérêts à 5% dès le 1er août 1996.

    Saisie d'un appel de X., la Chambre civile de la Cour de justice
genevoise, par arrêt du 8 octobre 1999, a rectifié l'arrêt entrepris
sur la question de la quotité du dommage et a condamné X. à verser à
Y. S.A. la somme de 1'401'106 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er août 1996.

    C.- X. interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Invoquant
diverses violations du droit fédéral, elle conclut à la réforme de l'arrêt
entrepris, en ce sens que sa condamnation devrait être limitée à 40'342 fr.
avec intérêts à 5% dès le 1er août 1996.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) La recourante soutient qu'elle conservait les bijoux en qualité
de commissionnaire-expéditeur et qu'il faudrait appliquer les conditions
générales de l'Association Suisse des Maisons d'Expédition.

    Le contrat de commission-expédition est le contrat par lequel le
commissionnaire-expéditeur s'engage contre rémunération à expédier
ou réexpédier des marchandises à un tiers en son propre nom, mais
pour le compte du commettant (cf. art. 439 CO; TERCIER, Les contrats
spéciaux, 2e éd., n. 4430 et 4636; GUHL/MERZ/DRUEY, Das Schweizerische
Obligationenrecht, 8e éd., p. 537). Pour qu'un tel contrat soit
conclu, il faut que les parties soient convenues de l'expédition d'une
marchandise; les conditions générales de la branche précisent d'ailleurs
que le commettant doit indiquer l'adresse du destinataire et le lieu
de la livraison (cf. J. Brunner, Erläuterungen zu den Allgemeinen
Bedingungen des Schweizerischen Spediteur-Verbandes, Bâle 1972, p.
8). Le commissionnaire-expéditeur doit s'occuper de l'expédition et, en
particulier, conclure, en son propre nom mais pour le compte du commettant,
le contrat de transport avec le voiturier; il peut cependant choisir, sauf
convention contraire, d'effectuer lui-même le transport (art. 436 al. 1
CO applicable par le renvoi de l'art. 439 CO; GUHL/MERZ/DRUEY, op. cit.,
p. 540; STAEHELIN, Commentaire bâlois, n. 17 ad art. 436 CO; GAUTSCHI,
Commentaire bernois, n. 7 ad art. 439 CO; HONSELL, Schweizerisches
Obligationenrecht, Besonderer Teil, 5e éd., p. 337 s.).

    Un tel contrat comporte le devoir accessoire, pour le
commissionnaire-expéditeur, de recevoir la chose qu'il doit expédier et
de la conserver jusqu'au moment où il peut la remettre au transporteur,
ou effectuer lui-même le transport (GUHL/MERZ/DRUEY, op. cit., p. 537 s.;
HONSELL, op. cit., p. 338). Cette phase peut évidemment durer un certain
temps (GAUTSCHI, op. cit., n. 3a ad art. 439 CO).

    Le devoir de conserver la marchandise n'est une obligation accessoire
du contrat de commission-expédition que si un tel contrat a été conclu, ce
qui suppose que le commissionnaire-expéditeur ait été chargé d'expédier la
marchandise en un lieu déterminé. Il doit alors conserver la chose pendant
le temps qui lui est nécessaire avant de pouvoir achever sa mission,
c'est-à-dire remettre la marchandise au transporteur (ou effectuer lui-même
le transport).

    Les parties concluent cependant un contrat distinct si le commettant
demande au commissionnaire-expéditeur de ne pas expédier la marchandise
dès que possible, mais de la conserver pendant un certain temps dans un
entrepôt (JEAN-PIERRE TSCHUDI, Die Verträge des Speditionsgeschäfts,
thèse Zurich 1975, p. 115) ou s'il lui confie la marchandise sans
lui donner aucune instruction permettant l'expédition (JOHN OCHSÉ, Der
Speditionsvertrag im schweizerischen Recht, thèse Zurich 1933, p. 80). Un
tel contrat doit être qualifié de dépôt au sens des art. 472 ss CO (OCHSÉ,
op. cit., p. 62 et 80; TSCHUDI, op. cit., p. 114 s.).

    En l'espèce, il résulte des constatations cantonales - qui lient le
Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) - que
la recourante a pris possession des six paquets contenant les bijoux pour
les conserver dans le stock, conformément à l'accord général passé entre
les parties, sans avoir pour mission de les expédier à un destinataire
déterminé. En acceptant de prendre cette marchandise en stock sans ordre
d'expédition, la recourante a conclu un contrat de dépôt au sens de
l'art. 472 al. 1 CO. La qualification de contrat d'entrepôt (art. 482 ss
CO) doit être exclue, parce qu'il a été constaté qu'aucune rémunération
n'était prévue pour cette prestation spécifique (cf. TERCIER, op. cit.,
n. 4917). Il ne saurait être question d'une obligation accessoire d'un
contrat de commission-expédition, puisqu'un tel contrat n'a pas été conclu
au sujet des bijoux en cause. En effet, la recourante n'avait pas reçu pour
mission de les expédier, mais seulement de les conserver en attendant un
probable ordre d'expédition. Aussi longtemps que la recourante n'était
pas chargée d'expédier la marchandise, il n'y avait pas de contrat de
commission-expédition. Il ne ressort pas des constatations cantonales
que la recourante ait reçu, avant le vol, l'ordre d'expédier ces bijoux,
ce qui aurait supposé qu'on lui en indique la destination.

    b) La recourante fait valoir que l'intimée connaissait les
destinataires des bijoux et que ceux-ci ne restaient dans son local
que le temps nécessaire pour l'expédition. Il n'empêche que la
cour cantonale n'a pas constaté que la recourante ait reçu l'ordre
d'expédier cette marchandise, ce qui exclut la conclusion d'un contrat
de commission-expédition. Les arguments invoqués sont donc dénués de
fondement.

    Selon la cour cantonale, l'intimée s'était constitué un stock dans le
local de la recourante et la marchandise pouvait y rester plusieurs mois;
ce sont là des constatations de fait, qui ne peuvent être contestées dans
un recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ).

    Comme les parties n'ont conclu que des contrats de dépôt à la réception
des bijoux en cause, il apparaît d'emblée douteux que l'on puisse appliquer
à ces conventions des conditions générales qui supposent des contrats
de commission-expédition; de toute manière, ces conditions ne sont pas
applicables parce que la recourante, comme elle l'explique elle-même,
ne se référait à ces conditions générales qu'après avoir reçu un ordre
d'expédition; or, précisément, il n'y a pas eu d'ordre d'expédition pour
les bijoux volés. Il ne ressort pas des constatations cantonales que les
parties aient adopté des clauses spéciales régissant leur contrat de dépôt.

    Savoir si la faute de la recourante doit être qualifiée de grave est
une question sans pertinence, dès lors que le dépositaire répond de toute
faute (art. 99 al. 1 CO).

    c) Le dépôt est un contrat par lequel le dépositaire s'oblige envers
le déposant à recevoir une chose mobilière que celui-ci lui confie et
à la garder en lieu sûr (art. 472 al. 1 CO). Le dépôt peut être conclu
expressément ou par actes concluants (ATF 108 II 449 consid. 3a p. 452). Le
dépositaire a l'obligation de garder, de surveiller et de restituer la
chose confiée (ATF 120 II 252 consid. 2d). L'obligation de restitution est
essentielle; elle suppose que l'objet confié soit identifié (ATF 108 II
449 consid. 3a p. 452 s.). Le dépositaire ne peut exiger une rémunération
que si elle a été expressément stipulée, ou si, eu égard aux circonstances,
il devait s'attendre à être rémunéré (art. 472 al. 2 CO).

    En l'espèce, il a été constaté que la recourante avait accepté,
à titre gratuit, de conserver les bijoux pour l'intimée en attendant
d'autres instructions. Le contrat conclu doit être qualifié de dépôt.

    La recourante n'a pas été en mesure de restituer les bijoux
confiés. Elle répond de cette inexécution, à moins qu'elle ne prouve
qu'aucune faute ne lui est imputable (art. 97 al. 1 CO). La recourante
n'ignorait pas la valeur des bijoux confiés. Elle les a placés sur
une étagère et dans une armoire non fermée, dans un local accessible au
moyen de deux clés qui se trouvaient dans un bureau administratif où tous
les employés pouvaient venir les prendre. Il a même été constaté qu'un
client est resté pendant environ deux heures dans le local sans aucune
surveillance. Le Ministère public a d'ailleurs relevé qu'il y avait un
va-et-vient incroyable dans ce local. Les réactions de la recourante
après le vol montrent qu'elle s'est bien rendu compte des imperfections
de son dispositif. La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral
en retenant que la recourante n'avait pas prouvé l'absence de faute dans
la conservation des biens confiés.

    Ce manque de diligence était propre, d'après le cours ordinaire des
choses et l'expérience de la vie, à entraîner un dommage du genre de celui
qui s'est produit, à savoir un vol sans effraction. La recourante est donc
tenue de réparer le dommage qui a été causé et dont la quotité (constatée
par la cour cantonale) n'est plus contestée dans le recours en réforme.

    d) La recourante soutient que la réparation devrait être réduite en
raison d'une faute concomitante (cf. art. 44 al. 1 CO).

    Il n'y a faute concomitante que si le comportement reproché au lésé
est en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du
dommage (cf. ATF 101 II 257 consid. 4 p. 265, 99 II 308 consid. 9b; BREHM,
Commentaire bernois, n. 19 ad art. 44 CO; OFTINGER/STARK, Schweizerisches
Haftpflichtrecht, vol. I, 5e éd., n. 137 ad § 5).

    En l'espèce, le vol a été facilité par l'absence de mesures de
sécurité adéquates. Dans ces circonstances, il pouvait survenir à tout
moment. Dès lors qu'il y avait constamment un stock de bijoux, on ne voit
pas en quoi il serait pertinent de déterminer si tel ou tel bijou aurait
pu être expédié plus rapidement.

    De toute manière, la recourante reproche en définitive à l'intimée de
ne pas avoir conclu avec elle que des contrats de commission-expédition,
mais d'avoir également conclu des contrats de dépôt, en attendant le
moment où elle serait en mesure de donner un ordre d'expédition. La
recourante a cependant accepté de conserver les valeurs, comme le lui
demandait l'intimée. Dès lors qu'elle a choisi de conclure les contrats de
dépôt, elle ne saurait maintenant s'exonérer des obligations incombant au
dépositaire en soutenant que sa partie adverse aurait été mieux inspirée de
ne pas conclure avec elle. Une telle argumentation confine à la témérité.