Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 III 156



126 III 156

27. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 8 février 2000 dans la
cause S. contre X. en liquidation et Cour de justice du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Art. 271 Abs. 1 Ziff. 4 SchKG; Arrestierung von Vermögenswerten eines
im Ausland wohnenden Schuldners.

    Begriff des "vollstreckbaren gerichtlichen Urteils".

Sachverhalt

    Par jugement du 31 mars 1998, la Cour civile d'Oslo a condamné
S. à verser à X. en liquidation la somme de 2'962'226 NOK (couronnes
norvégiennes), avec suite d'intérêts et dépens (ch. 1 et 2); le chiffre 3
du dispositif indique que "(l)e délai autorisé pour l'exécution décrite aux
points 1 et 2 est de 2 semaines dès le prononcé du présent jugement". Le
4 juin suivant, le défendeur s'est pourvu en appel.

    Se fondant sur ce jugement, X. en liquidation a, le 3 mars 1999,
requis le Président du Tribunal de première instance de Genève d'autoriser,
en application de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, un séquestre au préjudice de
S. Ordonnée le même jour, la mesure a été, sur opposition du séquestré,
révoquée par ce magistrat le 4 mai suivant. Statuant le 8 juillet 1999
sur appel de la requérante, la Cour de justice du canton de Genève a
annulé cette décision et confirmé l'ordonnance de séquestre.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par
S. et annulé l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, il est constant que la créance invoquée par l'intimée
ne repose sur aucune reconnaissance de dette et n'a pas davantage de lien
suffisant avec la Suisse; il reste donc à examiner si elle découle d'un
jugement exécutoire au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, seule condition
litigieuse dans le cas présent.

    a) Lorsque la créance alléguée à l'appui de la requête de séquestre se
fonde, comme ici, sur une décision étrangère, certains auteurs tiennent
cette exigence pour réalisée même si la décision en cause n'est pas
susceptible d'exequatur en Suisse en vertu des dispositions de la LDIP
(RS 291; art. 25 ss) ou d'un traité international - en l'occurrence la
Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution
des décisions en matière civile et commerciale, du 16 septembre 1988 (RS
0.275.11; CL) -, pour autant qu'elle soit exécutoire dans l'Etat où elle
a été rendue (GAILLARD, Le séquestre des biens du débiteur domicilié à
l'étranger, in: Le séquestre selon la nouvelle LP, p. 26 n. 22; GANI, Le
"lien suffisant avec la Suisse" et autres conditions du séquestre lorsque
le domicile du débiteur est à l'étranger, RSJ 92/1996 p. 228 et n. 8);
la doctrine dominante exprime, cependant, l'opinion opposée (BREITSCHMID,
Übersicht zur Arrestbewilligungspraxis nach revidiertem SchKG, AJP 1999
p. 1018; JEANNERET, Aperçu de la validation du séquestre sous l'angle
de la nouvelle LPDF, in: Le séquestre selon la nouvelle LP, p. 102;
KLEINER, Ausländerarrest - Kompromiss zwischen Schuldnerverfolgung und
Schädigung der eigenen Wirtschaft, in: Centenaire de la LP, p. 373;
MEIER-DIETERLE, Der "Ausländerarrest" im revidierten SchKG - eine
Checkliste, AJP 1996 p. 1422; STOFFEL, Das neue Arrestrecht, AJP 1996
p. 1406; TERRACINA/MAUGUÉ/PÉTREMAND, Le nouveau droit du séquestre en
Suisse, International Business Law Journal No 7/1996 p. 877 n. 19),
que paraît suivre aussi le Conseil fédéral (FF 1991 III 188).

    En recherchant si le jugement norvégien était exécutoire au regard
de l'art. 31 al. 1 CL, la Cour de justice s'est implicitement ralliée au
courant majoritaire. Or, il ressort clairement des avis de droit versés
au dossier que, à teneur du droit de l'Etat d'origine (cf. DONZALLAZ, La
Convention de Lugano, vol. II, §§ 3521 ss), cette décision ne l'est pas. On
ne saurait non plus l'assimiler à un jugement exécutoire par provision
(sur cette notion: DONZALLAZ, op. cit., §§ 3526 ss et les références
citées) ou à un référé provision (sur cette notion: KAUFMANN-KOHLER,
L'exécution des décisions étrangères selon la Convention de Lugano,
SJ 1997 p. 565; NORMAND, note in: RCDIP 1999 p. 353 ss; par exemple:
arrêts de la CJCE du 27 avril 1999, Mietz, aff. C-99/96, Rec. 1999 I
2299 ss, et du 17 novembre 1998, Van Uden, aff. C-391/95, Rec. 1998
I 7122 ss; voir aussi l'ATF 125 III 451 consid. 3b p. 455 ss, avec
d'autres références), puisqu'elle n'a pas été déclarée provisoirement
exécutoire nonobstant appel, ni n'emporte de condamnation pécuniaire
à titre provisionnel préalablement au procès au fond. Les magistrats
précédents n'ont, apparemment, retenu aucune de ces qualifications; ils
ont considéré que la requérante avait rendu vraisemblable le caractère
exécutoire de la partie du dispositif ouvrant la possibilité d'obtenir
une saisie conservatoire à l'expiration du délai d'exécution prévu dans
le jugement (ch. 3), faute de pièces établissant que l'appel du défendeur
s'étendrait également à ce point du dispositif ou qu'il entraînerait de
plein droit la suspension de son caractère exécutoire.

    b) Les juristes norvégiens consultés dans la présente affaire
s'accordent à dire que le jugement dont se prévaut l'intimée, même s'il
n'est pas revêtu de la force exécutoire d'après le droit norvégien, peut
être "utilisé pour garantir une créance", en autorisant la demanderesse
victorieuse (en première instance) à requérir une "saisie conservatoire",
ou un "séquestre", frappant "tous actifs que le défendeur a en Norvège
ou dans tout autre pays selon le droit international privé et/ou les
traités". S'appuyant sur ces avis, l'autorité cantonale paraît avoir
admis que ce jugement, à défaut d'être exécutoire sur le fond, jouit de
cette qualité en tant qu'il emporte le droit, pour l'intimée, de procéder
à des mesures conservatoires sur les biens du recourant, même localisés
à l'étranger.

    Il est vrai que la Convention de Lugano n'exclut pas que des
mesures conservatoires, ordonnées dans l'Etat d'origine à la suite d'une
procédure contradictoire, soient reconnues et exécutées aux conditions
posées par les art. 25 ss CL (sur ce point: DONZALLAZ, op. cit., §§
2149 ss et les références); de telles mesures pourraient ainsi justifier
un séquestre fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP (cf. MEIER-DIETERLE,
op. cit., p. 1423/1424 n. 63; voir, à titre d'exemple, l'ordonnance du
Tribunal du district de Zurich, rapportée et commentée par STOLL, Die
britische Mareva-Injunction als Gegenstand eines Vollstreckungsbegehrens
unter dem Lugano-Übereinkommen, RSJ 92/1996 p. 104 ss, avec d'autres
citations). Toutefois, force est de constater que, dans le cas
particulier, aucune mesure de blocage des avoirs du recourant n'a été
ordonnée par les juridictions norvégiennes sur la base du jugement de
la Cour civile d'Oslo. La cour cantonale s'est méprise sur la portée du
"caractère exécutoire" du chiffre 3 du dispositif de cette décision; le
point en question ne signifie manifestement pas que le jugement serait
provisoirement exécutoire sur le fond par le seul fait qu'il autorise une
saisie conservatoire pour garantir une créance pécuniaire, mais uniquement
qu'il permet à la partie victorieuse de requérir une telle mesure dans les
deux semaines dès le prononcé du jugement. Faute de décision exécutoire,
tant sur le fond que sur la saisie conservatoire elle-même, la réquisition
de séquestre ne pouvait, dans ces circonstances, qu'être rejetée.

    On peut, certes, discuter la solution consacrée par la novelle
du 16 décembre 1994, dans la mesure où elle accorde plus de poids,
sous l'angle de la vraisemblance (cf. art. 272 al. 1 ch. 2 LP), à une
simple reconnaissance de dette qu'à un jugement non (encore) exécutoire
d'un tribunal étatique (voir les critiques de GAILLARD, op. cit., p. 26
ch. 15; GILLIÉRON, Une alerte centenaire: La volonté de restreindre
le cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, RSJ 82/1986 p. 125;
OTTOMANN, Der Arrest, RDS 115/1996 I p. 249); mais le texte légal est
clair et reflète la volonté du législateur (FF 1991 III 188; cf. EGLI,
Deux aspects internationaux du séquestre, de lege ferenda, in: Premier
Séminaire de droit international et de droit européen, Etudes suisses de
droit international, vol. 46, p. 127).

    c) Nonobstant l'exclusion du forum arresti (art. 3 CL), rien ne
s'oppose à ce que les tribunaux suisses accordent, en vertu de l'art. 24
CL, des mesures conservatoires prévues par la loi suisse - en l'occurrence
un séquestre (FF 1990 II 320 ch. 229.3 in fine; DONZALLAZ, op. cit.,
vol. I, §§ 1712 ss et les références) -, même si, aux termes de la
convention, les autorités d'un autre Etat contractant sont compétentes
pour connaître du fond (ibidem, §§ 1679 ss). On ne peut toutefois rien
tirer de cette norme conventionnelle, pour le motif déjà qu'il appartient
au droit national de prévoir les conditions, le contenu et les effets de la
mesure (ibidem, § 1592); aussi bien, lorsque la Convention de Lugano trouve
application, les restrictions de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP subsistent-elles
si le requérant sollicite du juge helvétique une ordonnance de séquestre
(FF 1991 III 190/191; GILLIÉRON, Le séquestre dans la LP révisée, BlSchK
1995 p. 128/129).