Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 126 III 113



126 III 113

23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 18 janvier 2000 dans la
cause Z. contre X. S.A. (recours en réforme) Regeste

    Haftung der Bergbahnunternehmen (Art. 41, Art. 58, Art. 97 OR).

    Den Betreiber eines Skiliftes, der seine Pflicht verletzt,
die Sicherheit der Liftbenutzer zu gewährleisten, trifft sowohl eine
vertragliche wie ausservertragliche Haftung. Massgebende Kriterien für
die Beurteilung, ob sich im konkreten Fall der Sockel eines Liftmastes
in einem den Sorgfaltsregeln entsprechenden Zustand befindet (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Le 24 janvier 1993, vers 12 h.30, Z. a emprunté le téléski pour
gagner le domaine skiable de Thyon-Les Collons (Valais). Ce téléski était
exploité par la société X. S.A. et équipé de sièges monoplaces; la fille
de l'intéressé, B., avait pris place sur le siège qui précédait le sien.

    En cours de montée, B. est tombée du siège, peu avant le pylône no
4, et a commencé à glisser le long de la pente sur le dos. Voyant cela,
Z. a essayé de saisir sa fille au passage, mais n'y est pas parvenu.
Il a alors quitté son siège et entrepris de descendre la pente en skiant,
suivant le tracé du téléski. Arrivé à la hauteur de B., il l'a poussée de
côté pour dévier sa trajectoire. Son attention concentrée sur sa fille,
il n'a vu le pylône no 3 qu'au moment où il l'a heurté des jambes. Sous
l'effet du choc, il a subi diverses fractures, qui ont laissé des séquelles
permanentes et l'ont obligé à changer d'activité professionnelle.

    B.- a) Le 2 mai 1996, Z. a introduit devant la Ie Cour civile du
Tribunal cantonal valaisan une action en responsabilité contre X. S.A.,
lui réclamant en dernier lieu la somme de 675'078 fr.

    Selon l'expert commis dans la procédure pénale, les pylônes sont
capitonnés pour assurer la sécurité des usagers du téléski en aval de
fortes pentes, soit lorsque la déclivité atteint ou dépasse 50 à 60%;
ils sont également capitonnés lorsqu'ils sont situés près d'une piste de
descente où ils peuvent constituer un obstacle, et donc un danger pour
les skieurs.

    Il a été constaté que le socle du pylone no 3 était visible.

    b) Statuant par jugement du 6 septembre 1999, la cour cantonale
a rejeté la demande. Elle a considéré en substance que l'installation
de téléski était conforme aux prescriptions de sécurité et aux règles
de la prudence, l'accident n'étant dû en définitive qu'au comportement
imprévisible de la victime.

    C.- Z. exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Soutenant
que l'exploitante du téléski aurait dû matelasser la base du pylône no
3 et que son propre comportement n'a pas rompu le rapport de causalité
adéquate, il conclut à l'annulation de la décision attaquée et reprend ses
conclusions sur le fond; subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause
à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme le jugement attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Comme l'a observé la cour cantonale, l'action intentée peut
avoir trois fondements juridiques différents: l'acte illicite (art. 41 CO),
la violation d'un contrat (art. 97 CO) ou la responsabilité du propriétaire
d'un ouvrage (art. 58 CO).

    aa) Si l'on raisonne tout d'abord avec l'action aquilienne (art. 41
CO), il faut observer que le recourant reproche à l'intimée une omission
(ne pas avoir matelassé la base du pylône) et qu'une omission ne peut
constituer un acte illicite que s'il existait une obligation juridique
d'agir (ATF 118 II 502 consid. 3; 115 II 15 consid. 3b et 3c). Selon une
jurisprudence déjà ancienne, celui qui crée un état de fait dangereux
doit prendre les mesures de précaution commandées par les circonstances
pour éviter la survenance d'un accident (ATF 96 II 108 consid. 6; 95
II 93 consid. 2). Cette obligation, découlant de l'action consistant
à créer un danger, résulte directement du devoir général de respecter
le droit à la vie et à l'intégrité corporelle, en tant que droit absolu
(cf. ATF 119 II 127 consid. 3). Il a été ainsi admis que l'exploitant
d'une remontée mécanique et des pistes de ski adjacentes devait prendre
les mesures de précaution que l'on pouvait exiger de lui pour assurer la
sécurité des usagers (ATF 121 III 358 consid. 4a; 113 II 246 consid. 3;
cf. également: ATF 125 IV 9 consid. 2a). Il peut en résulter l'obligation
de matelasser les pylônes d'un téléski (ATF 121 III 358 consid. 4a p. 361;
111 IV 15 consid. 3 p. 19). L'exploitant ne saurait cependant être tenu
au-delà de ce qui peut être raisonnablement exigé de lui en fonction
des circonstances concrètes; il n'est pas question de matelasser tous
les arbres d'une forêt ou tous les obstacles quelconques; l'obligation
n'existe que lorsque l'objet crée un danger particulier (ATF 121 III 358
ibidem et les références citées). Le risque particulier peut résulter du
fait que le danger est difficile à détecter ou difficile à éviter.

    bb) En empruntant le téléski, moyennant paiement, pour rejoindre le
haut des pistes, le recourant a conclu avec l'intimée un contrat portant
sur le transport de sa personne. Un tel contrat relève en principe du
mandat (ATF 115 II 108 consid. 4a; WALTER FELLMANN, Commentaire bernois,
n. 84 ad art. 394 CO; ROLF H. WEBER, Commentaire bâlois, n. 9 ad art. 394
CO; HUGO OSER/WILHELM SCHÖNENBERGER, Commentaire zurichois, n. 7 ad
art. 440 CO; PIERRE ENGEL, Contrats de droit suisse, p. 543 in fine). La
jurisprudence a admis que l'exploitant d'un téléski avait une obligation
contractuelle accessoire de prendre les mesures de précaution commandées
par les circonstances pour protéger la vie et l'intégrité corporelle
de son cocontractant (ATF 113 II 246 consid. 3 à 7). Les exigences de
sécurité que l'on peut déduire du contrat ne vont cependant pas au-delà
de celles qui ont été explicitées sur le plan extra-contractuel (cf. ATF
113 II 246 consid. 7 p. 250/251).

    cc) Le pylône d'un téléski constitue un ouvrage au sens de l'art. 58
al. 1 CO (ANTON K. SCHNYDER, Commentaire bâlois, n. 12 ad art. 58 CO;
ROLAND BREHM, Commentaire bernois, n. 45 ad art. 58 CO). En tant que
propriétaire de l'installation, l'intimée répond d'un éventuel vice de
construction ou défaut d'entretien au sens de cette disposition.

    Pour juger si un ouvrage est affecté d'un vice de construction ou
d'un défaut d'entretien, il faut se référer au but qui lui est assigné,
car il n'a pas à être adapté à un usage contraire à sa destination; un
ouvrage est donc défectueux lorsqu'il n'offre pas une sécurité suffisante
pour l'usage auquel il est destiné (ATF 123 III 306 consid. 3b/aa; 122
III 229 consid. 5a/bb; 117 II 50 consid. 2). S'agissant de pourvoir un
ouvrage de dispositifs de sécurité, le propriétaire ne doit prendre que
les mesures que l'on peut raisonnablement exiger de lui, en tenant compte
de la probabilité d'un accident grave, des possibilités de la technique et
du coût des mesures à prendre (SCHNYDER, op. cit., n. 16 ad art. 58 CO;
BREHM, op. cit., n. 58 ad art. 58 CO). Le propriétaire n'a pas à prévenir
n'importe quel risque dont chacun peut facilement se protéger lui-même en
faisant preuve d'un minimum d'attention (ATF 118 II 36 consid. 4a). Il n'a
pas à compter avec l'éventualité qu'une personne utilise une installation
d'une façon contraire à sa destination (ATF 117 II 50 consid. 2 p. 52).

    b) Quel que soit le fondement juridique de l'action, la question
décisive est de savoir si le pylône auquel s'est heurté le recourant
était dans un état conforme aux devoirs de la prudence.

    Pour déterminer concrètement quels sont les devoirs de la prudence,
on peut prendre en compte les normes édictées en vue d'assurer la
sécurité et d'éviter des accidents (ATF 122 IV 17 consid. 2b/aa, 61
consid. 2a/bb p. 64, 133 consid. 2a, 145 consid. 3b/aa, 225 consid. 2a;
121 IV 207 consid. 2a p. 211, 249 consid. 3a/aa). A défaut de dispositions
légales ou réglementaires, il est également possible de se référer à des
règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques,
lorsqu'elles sont généralement reconnues (ATF 122 IV 17 consid. 2b/aa,
145 consid. 3b/aa; 121 IV 207 consid. 2a). A supposer qu'en l'occurrence
aucune norme de sécurité imposant ou interdisant un comportement n'ait été
transgressée, il faudra encore se demander si l'intimée s'est conformée
aux devoirs généraux de la prudence (ATF 122 IV 17 consid. 2b/aa, 145
consid. 3b/aa; 121 IV 207 consid. 2a).

    Si des mesures de sécurité non imposées par une réglementation
étaient envisageables, une pesée des intérêts en présence indiquera ce
qui pouvait être raisonnablement exigé; à cet égard, il faut prendre en
considération, d'une part, le degré d'efficacité de la mesure, son coût
et ses inconvénients, d'autre part le degré de probabilité du risque et
l'importance du dommage envisagé.

    c) En l'espèce, la cour cantonale a fait une saine application de
la jurisprudence, en recherchant en premier lieu si l'intimée avait
transgressé une règle de sécurité imposée par l'ordre juridique. Elle
a donc examiné la situation à la lumière de l'ordonnance sur les
téléphériques servant au transport de personnes sans concession fédérale
et sur les téléskis (RS 743.21), du Concordat concernant les installations
de transport par câbles et skilifts sans concession fédérale (RS 743.22)
et de son règlement. Elle est parvenue à la conclusion que l'état du
pylône ne violait aucune prescription de sécurité. Le recourant ne le
conteste en rien et il n'y a pas lieu de revenir sur cette question.

    L'autorité cantonale s'est ensuite demandée, conformément à la
jurisprudence, si l'intimée avait transgressé une règle de sécurité
généralement reconnue adoptée par une association privée ou semi-publique;
elle s'est enquise également de savoir s'il existait un règlement interne
à l'entreprise ou des usages professionnels. Se référant à l'avis d'un
spécialiste, elle a admis que l'exploitant devait matelasser la base
d'un pylône dans deux hypothèses. La première est celle où la pente est
très forte (50 à 60% au moins), de sorte qu'un usager du téléski qui
tomberait de son siège pourrait glisser sur le sol à une telle vitesse
qu'il heurterait violemment le pylône en aval. La seconde hypothèse est
celle où le téléski est proche d'une piste de descente, si bien qu'un
skieur qui perdrait la maîtrise de ses lattes pourrait très facilement
venir heurter un des pylônes à grande vitesse. Le recourant ne prétend pas
que d'autres hypothèses seraient communément admises dans la branche. Il
convient donc maintenant d'examiner si l'on se trouve dans l'une des deux
hypothèses citées.

    Il a été constaté en fait - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral
saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) - que la pente entre le
pylône no 3 et le pylône no 4 ne dépassait pas 40%. La condition n'était
donc pas remplie pour qu'il soit nécessaire de matelasser le pylône
aval. Il faut d'ailleurs observer que le recourant ne s'est pas blessé
parce qu'il serait tombé du téléski et aurait glissé contre le pylône en
étant couché sur le sol. Il est notoire qu'une personne qui dévale une
pente couchée par terre, surtout si la déclivité n'est pas très forte,
n'atteint pas la même vitesse qu'un skieur sur ses lattes. On ne peut donc
pas suivre le recourant lorsqu'il affirme que sa fille, qui descendait
la pente sur le dos, était exposée à un choc aussi violent que celui qui
l'a blessé. Les constatations cantonales ne permettent pas de remettre en
cause la limite à partir de laquelle, selon l'expert, il y a une forte
pente (50 à 60%): rien ne permet en effet de penser à un risque sérieux
que des usagers soient désarçonnés à l'endroit où est survenu l'accident
et il n'est pas davantage établi que celui qui tomberait sur ce tronçon
serait exposé à être précipité avec force contre le pied du pylône.

    La seconde hypothèse concerne la sécurité des skieurs descendant
sur une piste qui leur est destinée. En l'espèce, il a été constaté
définitivement que la piste la plus proche se trouvait à une dizaine de
mètres, qu'elle était séparée du téléski par une zone non damée et qu'il
n'y avait pas une pente transversale qui pourrait exposer le skieur à
dériver dans la direction de cette installation. Il n'était donc pas non
plus nécessaire de matelasser le pylône no 3 pour assurer la sécurité
des skieurs alpins. Au demeurant, ce n'est pas un skieur descendant une
piste destinée à cet usage qui a été victime de l'accident du 24 janvier
1993, ce qui distingue fondamentalement la présente espèce de l'état de
fait retenu dans l'arrêt auquel le recourant fait constamment référence
(cf. ATF 111 IV 15 s.).

    Les conditions communément admises pour exiger un matelassage
n'étaient donc pas réunies. On ne discerne par ailleurs aucune circonstance
particulière, propre à l'état des lieux, qui aurait permis d'exiger cette
mesure sous l'angle des règles générales de la prudence.

    Il faut ici rappeler que le recourant a choisi d'abandonner son
siège et de descendre la pente sur ses lattes (avec la vitesse que
cela impliquait) en suivant le tracé du téléski. Il a ainsi fait de
l'installation un usage insolite et contraire à sa destination, avec lequel
l'exploitant n'avait pas à compter. On ne saurait exiger des mesures de
précaution pour une hypothèse aussi imprévisible.

    d) Partant, il y a lieu d'admettre que l'ouvrage n'était pas
défectueux et que l'exploitante n'avait pas l'obligation, ni sur la
base de l'art. 41 CO ni sur la base du contrat, de matelasser la base du
pylône. La responsabilité de l'intimée est ainsi exclue, sans qu'il soit
nécessaire d'examiner la question de la causalité adéquate ou de la faute
concomitante. Dans la mesure où le recourant insiste sur le caractère
irréprochable de son comportement, il faut préciser qu'il appartient à
un skieur en mouvement d'être attentif à ce qui se trouve devant lui et
de maîtriser ses lattes de manière à pouvoir éviter un obstacle immobile
sur sa trajectoire (cf. ATF 122 IV 17 consid. 2b/bb); le recourant ne
s'est manifestement pas conformé à ces exigences en heurtant un socle de
pylône pourtant visible.