Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 V 95



125 V 95

13. Arrêt du 23 février 1999 dans la cause Visana contre M. et Tribunal
administratif du canton de Berne Regeste

    Art. 32 Abs. 1 KVG; Art. 12 Abs. 2 und Art. 23 KUVG; Art. 21
Abs. 1 VO III: Erfordernis der Zweckmässigkeit und Wirtschaftlichkeit
einer therapeutischen Massnahme. Herzoperation, bestehend aus einer
Herzmuskelrevaskularisation und einem Aortenklappenersatz, als
unzweckmässige Behandlung qualifiziert, weil wegen der links stark
eingeschränkten Ventrikularfunktion und des hohen Alters der Patientin
nur eine konservative Behandlung in Betracht fiel.

Sachverhalt

    A.- a) Mme M., née en 1914, était affiliée à la Société suisse Grütli
et bénéficiait notamment de l'assurance des soins médico-pharmaceutiques
de base et d'assurances complémentaires pour complément hospitalier et
pour frais de traitement hospitalier jusqu'à 10'000 francs.

    Atteinte de troubles cardiaques, Mme M. fut adressée par son médecin
traitant, le docteur G., cardiologue, aux spécialistes de la division
de cardiologie de l'Hôpital X. Ceux-ci pratiquèrent le 10 mars 1995 une
exploration par cathéter, laquelle révéla une sévère coronaropathie,
avec une fonction ventriculaire gauche gravement limitée et l'occlusion
de l'artère coronaire droite. Les docteurs B. et E., eux-mêmes d'avis
qu'une opération de revascularisation était indiquée, soumirent le cas
au colloque de chirurgie cardiaque qui eut lieu le même jour dans cet
établissement hospitalier.

    Dans une communication au docteur G. du 10 mars 1995, les docteurs
Y. et T. avisèrent ce praticien qu'à l'âge de la patiente, lorsque la
fonction ventriculaire gauche est gravement limitée, la chirurgie cardiaque
comporte un risque opératoire très élevé. Ils précisaient que le cas de
Mme M. avait été discuté avec les chirurgiens et qu'il en résultait que,
compte tenu du risque opératoire et de la très faible éventualité qu'une
intervention chirurgicale entraînât une amélioration de l'état de santé de
la patiente, seul un traitement de conservation entrait en considération.

    Par lettre du 28 mars 1995 au médecin-conseil de la Grütli, le
docteur G. informa ce praticien que Mme M. était fort limitée dans sa
vie quotidienne par l'affection cardiaque dont elle était atteinte et
qu'il avait de ce fait exposé son cas au docteur L., chirurgien cardiaque
à la clinique S. Selon le docteur G., le docteur L. était d'avis qu'une
opération consistant dans la revascularisation du myocarde et la pose
d'une prothèse valvulaire constituait un risque acceptable.

    Dans sa réponse du 27 avril 1995, la Grütli refusa toute garantie de
paiement pour cette opération.

    Hospitalisée dès le 6 juin 1995 à la clinique S., Mme M. subit le
lendemain une opération de revascularisation du myocarde et de remplacement
de la valvule aortique. Elle décéda le 10 juin 1995.

    b) M., frère de feu Mme M., demanda à la Grütli, à laquelle a succédé
la Visana, de verser les prestations dues pour l'hospitalisation de sa
défunte soeur à la clinique S et l'opération qu'elle y avait subie. Par
décision du 3 juillet 1996, la caisse refusa toutes prestations pour cette
intervention chirurgicale et pour l'hospitalisation du 6 au 10 juin 1995
dans cet
   établissement, l'ensemble du traitement n'étant ni approprié ni
   économique.

    M. forma opposition contre cette décision. Par décision du 19 septembre
1996, Visana rejeta l'opposition.

    B.- Par jugement du 25 novembre 1997, la Cour des affaires de
langue française du Tribunal administratif du canton de Berne, devant
laquelle M. avait recouru contre la décision sur opposition, a admis
le recours dans la mesure où il était recevable, annulé la décision
entreprise et renvoyé la cause à Visana afin qu'elle détermine, au sens
des considérants, les prestations qu'elle est tenue d'allouer et rende
une décision à ce sujet. La juridiction cantonale a considéré, en bref,
que le traitement litigieux n'apparaissait pas, dans le cas particulier,
comme manifestement arbitraire ni disproportionné, et qu'il avait été
décidé sur la base de considérations thérapeutiques; qu'il se justifiait,
dès lors, de renvoyer le dossier à la caisse "pour qu'elle détermine
l'ampleur de ses prestations selon les taxes de la division commune de
l'établissement conventionné correspondant (et éventuel suppléments qui
pourraient découler des assurances complémentaires)".

    C.- Visana interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, en concluant à la réforme de celui-ci en ce sens que la décision
sur opposition du 19 septembre 1996 soit confirmée. A titre subsidiaire,
elle demande que le jugement attaqué soit annulé et la cause renvoyée à
la juridiction cantonale pour complément d'instruction. En substance,
elle conteste que l'opération de revascularisation du myocarde et de
remplacement de la valvule aortique ait été, dans le cas de feu Mme M.,
une mesure appropriée à son but et économique, compte tenu du risque très
élevé qu'elle représentait.

    D.- Dans une prise de position du 2 février 1998, le président de
la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du
canton de Berne relève qu'il est impératif d'évaluer la situation de feu
Mme M. telle qu'elle se présentait avant l'intervention chirurgicale
litigieuse. Selon lui, le tribunal "n'a pas accordé plus de poids aux
avis du Dr L. et du Dr G. par rapport au collège de l'hôpital X". En
effet, il suffisait de constater que le procédé suivi par les docteurs
L. et G. n'était pas manifestement disproportionné ou sans fondement
thérapeutique.

    M. et Visana se sont déterminés sur ces observations de l'autorité
cantonale de recours.

    L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas présenté de préavis.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La contestation, déterminée par la décision sur opposition du
19 septembre 1996, est née du refus de la recourante d'accorder ses
prestations pour l'opération de revascularisation du myocarde et de
remplacement de la valvule aortique subie par feu Mme M. à la clinique S,
ainsi que pour l'hospitalisation de l'assurée du 6 au 10 juin 1995 dans
cet établissement.

    En effet, ce que la caisse a toujours contesté, c'est le caractère
approprié et économique du traitement en cause, seul un traitement
conservatoire étant indiqué dans le cas de la défunte. Elle en conclut que
les conditions légales et réglementaires pour la prise en charge des frais
de traitement et d'hospitalisation litigieux ne sont pas remplies (...).

    Devant la Cour de céans, la recourante demande que la décision sur
opposition du 19 septembre 1996 soit confirmée. Compte tenu de l'objet
de la contestation, le présent litige doit donc être tranché à la lumière
de l'ancien droit (art. 103 al. 1 LAMal; RAMA 1996 no K 978 p. 112, cité
in RAMA 1998 KV 33 p. 284 consid. 2). Il ressortit ainsi entièrement au
juge des assurances sociales (ATF 124 V 136 consid. 4b).

Erwägung 2

    2.- a) L'art. 12 al. 2 LAMA prescrivait que les prestations à la
charge des caisses-maladie au titre de l'assurance des soins médicaux
et pharmaceutiques étaient dues en cas de traitement médical. Par
traitement médical, il faut entendre, notamment, les soins donnés
par un médecin. Ceux-ci comprenaient, selon l'art. 21 al. 1 Ord. III
sur l'assurance-maladie, toute mesure diagnostique ou thérapeutique,
reconnue scientifiquement, qui était appliquée par un médecin; dans
sa version en vigueur du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1995, cette
disposition réglementaire exigeait en outre que la mesure fût appropriée
à son but et économique. Depuis l'entrée en vigueur de la LAMal le 1er
janvier 1996, la loi prévoit à l'art. 32 al. 1 LAMal, dans le cadre des
conditions générales de la prise en charge des frais de soins (EUGSTER,
Krankenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
ch. 184), que les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 LAMal soient
efficaces, appropriées et économiques.

    b) Lorsqu'ils traitent des assurés, leur prescrivent ou fournissent des
médicaments, prescrivent ou appliquent des traitements scientifiquement
reconnus ou font des analyses, les médecins, les pharmaciens, les
chiropraticiens, les sages-femmes, le personnel paramédical, les
laboratoires et les établissements hospitaliers doivent se limiter à
ce qui est exigé par l'intérêt de l'assuré et par le but du traitement
(art. 23 LAMA).

    L'art. 23 LAMA n'autorise les caisses à procéder à un examen du
caractère économique qu'à l'occasion d'un cas concret de traitement
(ATF 110 V 194 sv. consid. 4). Elles sont en droit de refuser la prise
en charge de mesures thérapeutiques inutiles ou de mesures qui auraient
pu être remplacées par d'autres, moins onéreuses. Ce principe d'économie
du traitement ne concerne pas seulement les relations entre caisses et
fournisseurs de soins. Il est également opposable à l'assuré, qui n'a
aucun droit au remboursement d'un traitement non économique (ATF 109 V 43
consid. 2a, 108 V 32 sv. consid. 3a; cf. aussi ATF 104 V 95; RAMA 1998 no
K 988 p. 3 consid. 3a; DESCHENAUX, Le précepte de l'économie du traitement
dans l'assurance-maladie, en particulier en ce qui concerne le médecin,
in: Mélanges pour le 75ème anniversaire du Tribunal fédéral des assurances,
p. 534).

Erwägung 3

    3.- Les premiers juges ont constaté que l'état de santé de feu Mme
M. avait donné lieu à deux opinions divergentes quant au risque opératoire
qu'elle encourait dans l'hypothèse de l'intervention chirurgicale en cause
"qui, en soi, apparaissait indiquée pour soigner le genre d'affection
dont elle souffrait". N'accordant pas plus de poids aux avis des docteurs
L. et G. qu'à celui du collège des cardiologues de l'Hôpital X, ils
ont néanmoins admis le caractère approprié et économique de la mesure
thérapeutique parce que l'intervention approuvée par le docteur L. ne
pouvait être qualifiée de mesure totalement disproportionnée au sens de
la jurisprudence de l'arrêt ATF 109 V 43 sv. consid. 2b.

Erwägung 4

    4.- a) Le caractère approprié d'une mesure diagnostique ou
thérapeutique (art. 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie) ou d'une
prestation (art. 32 al. 1 LAMal) relève en principe de critères médicaux
(EUGSTER, op.cit., ch. 189). Lorsque l'indication médicale est clairement
établie, il est inutile de faire des développements particuliers pour
admettre que l'exigence du caractère approprié de la mesure est réalisée
(ATF 121 V 300 consid. 7b et 310 consid. 7b).

    b) Contrairement à ce que soutient le jugement attaqué, l'opération de
revascularisation du myocarde et de remplacement de la valvule aortique
n'était pas, en soi, indiquée pour soigner le genre d'affection dont
souffrait l'assurée.

    En effet, l'affection dont était atteinte feu Mme M. consistait
dans une sévère coronaropathie, avec une fonction ventriculaire gauche
gravement limitée ("schwer eingeschränkt") et l'occlusion de l'artère
coronaire droite. Tel est en effet le diagnostic posé par les médecins de
l'Hôpital X, dont la Cour de céans n'a aucune raison de s'écarter. Que ce
diagnostic ne coïncide pas, semble-t-il, avec celui retenu par le docteur
G. dans sa lettre du 28 mars 1995 au médecin-conseil de la caisse, où
il est fait état d'une fonction ventriculaire gauche moyennement limitée
("mittelschwer eingeschränkt") n'y change rien. On relèvera, du reste, que
ce praticien ne faisait que se référer au rapport de sortie de l'Hôpital
X du 10 mars 1995, dont il résulte que la fonction ventriculaire gauche
était gravement limitée.

    Or, il ressort également de ce document que, dans le cas de l'assurée,
la chirurgie cardiaque présentait un très haut risque du fait de l'âge de
la patiente et de la fonction ventriculaire gauche gravement limitée. Seul
un traitement conservatoire entrait en considération.

    Il faut donc en conclure qu'à l'issue des examens effectués à l'Hôpital
X, toute opération du coeur était contre-indiquée. Dès lors, la question
du caractère approprié de la mesure thérapeutique litigieuse doit être
tranchée uniquement par rapport à la solution consistant à renoncer à toute
opération du coeur (EUGSTER, op.cit., ch. 189 et la note no 398). Cette
question ne nécessite pas d'instruction complémentaire. En effet, il
est établi que feu Mme M. présentait une fonction ventriculaire gauche
gravement limitée et que cela constituait une contre-indication très
importante à toute chirurgie cardiaque. Cette circonstance a été sinon
ignorée du moins mal estimée par le docteur G., qui s'est fondé sur un
diagnostic en partie inexact en ce qui concerne la fonction ventriculaire
gauche, et apparemment aussi par le docteur L., à qui le cas de la patiente
fut exposé par le docteur G. (voir la lettre précitée du 28 mars 1995).

    Dans ces conditions, l'opération litigieuse de revascularisation du
myocarde et de remplacement de la valvule aortique n'avait pas le caractère
approprié exigé par la loi et la jurisprudence. Le recours est bien fondé.

Erwägung 5

    5.- La mesure thérapeutique litigieuse n'étant pas appropriée à son
but, elle n'était pas non plus économique par rapport à un traitement
de conservation. C'est à bon droit que la recourante a refusé toutes
prestations légales et réglementaires, étant relevé que les règles en
matière de traitement économique étaient applicables également dans le
cadre de l'assurance complémentaire des frais de traitement hospitalier
(art. 5 al. 2 du règlement y relatif). Il s'ensuit que le jugement attaqué
doit être annulé.