Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 I 474



125 I 474

44. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 1er octobre
1999 dans la cause MediService SA contre Conseil d'Etat du canton de Vaud
(recours de droit public) Regeste

    Art. 88 OG; Art. 2 ÜbBest. BV; Art. 2 BGBM und Art. 3 BGBM; Handel
mit Medikamenten via Postversand.

    Örtlicher Geltungsbereich eines kantonalen Polizeigesetzes;
Legitimation eines Betroffenen mit Sitz ausserhalb des Kantons zur
staatsrechtlichen Beschwerde gegen einen solchen Erlass (E. 1d).

    Abstrakte Normenkontrolle unter dem Gesichtspunkt von Art. 2
ÜbBest. BV; Anwendbarkeit des Binnenmarktgesetzes auf ein am 28. Januar
1998 angenommenes Reglement des waadtländischen Regierungsrates, das den
regelmässigen Versand von Medikamenten durch Apotheken untersagt (E. 2).

    Überprüfung der Verhältnismässigkeit nach Massgabe des
Binnenmarktgesetzes (E. 3).

    Arten des Medikamentenverkaufs mittels Postversand und dabei
zu beachtende Sicherheitsanforderungen (E. 4a). Im vorliegenden Fall
verletzt das angefochtene Reglement, das einer Apotheke mit Sitz im Kanton
Solothurn den regelmässigen Postversand von Medikamenten in den Kanton
Waadt verbietet, mit Blick auf die ihr seitens des Kantons Solothurn
vorgeschriebenen Sicherheitsanforderungen das in Art. 2 BGBM garantierte
Recht auf freien Marktzutritt (E. 4b-f).

Sachverhalt

    A.- La société MediService SA (ci-après: MediService), dont le
siège social est à Zuchwil (Soleure), a été inscrite au Registre du
commerce le 13 février 1997. Son but social est la vente de médicaments
par la poste et/ou par des entreprises de transports privées ainsi que,
à ces fins, les achats, les dispensations de médicaments, les livraisons,
l'élaboration des données, l'exécution des prestations, l'établissement de
listes et une surveillance de la consommation des médicaments (présente,
rétrospective, future).

    Le 28 février 1997, MediService a requis du pharmacien cantonal
du canton de Soleure l'autorisation d'exploiter une pharmacie
traditionnelle ainsi qu'un service d'envoi postal de médicaments, appelé
"Direktserviceapotheke". En annexe, elle déposait un document décrivant
comme suit ce système:

    Seuls les médicaments figurant sur une ordonnance sont livrés par
poste. A leur arrivée, les commandes accompagnées de l'ordonnance médicale
sont triées, introduites dans un ordinateur et contrôlées sous l'angle
d'éventuelles incompatibilités entre médicaments. En cas de problème,
le pharmacien contacte le médecin ou le client. Lors de l'enregistrement
de la commande, l'ordinateur imprime simultanément le bon de livraison ou
de préparation, la fiche pharmaceutique personnelle du client ainsi que
l'étiquette de dosage. La commande prête pour expédition, assortie de
la fiche précitée actualisée ainsi que d'une plaquette d'informations
pour les médicaments les plus courants, est à nouveau contrôlée,
puis scellée et visée par un pharmacien. Les médicaments sont ensuite
emballés de manière neutre et munis de l'adresse du destinataire, les
produits sensibles étant placés dans des éléments réfrigérants. Les
colis sont relevés par la poste deux fois par jour. Celle-ci s'est du
reste engagée par convention particulière à, notamment, distribuer les
colis à domicile contre signature du destinataire, lequel peut, en cas
d'absence, obtenir une seconde livraison. MediService propose en outre un
service client disposant des données les plus importantes afin d'offrir
un conseil compétent par téléphone. MediService assume la responsabilité
de la préparation de la commande sur la base de l'ordonnance, et garantit
notamment qu'aucun colis ne soit expédié sans le contrôle et le visa d'un
pharmacien. C'est ensuite la poste qui est responsable du transport et
de la livraison.

    Le 26 mars 1997, MediService a obtenu, ainsi qu'Andreas Maritz,
titulaire d'un diplôme fédéral de pharmacien, l'autorisation d'exploiter
une pharmacie officielle à Zuchwil. Ce document autorise l'intéressée
à vendre des médicaments dans son officine, ainsi qu'à les livrer par
la poste, à condition qu'ils ne soient pas livrés dans des cantons où
l'envoi de médicaments est interdit (ch. 4.3), qu'ils soient prescrits
par ordonnance médicale (ch. 4.4) et que le concept de sécurité et de
qualité présenté le 28 février 1997 soit impérativement respecté (ch. 4.5).

    Dès avril 1997, MediService a commencé à exploiter simultanément
une pharmacie traditionnelle à Zuchwil et un service d'envoi postal de
médicaments à destination d'autres cantons, dont le canton de Vaud.

    Le 28 janvier 1998, le Conseil d'Etat du canton de Vaud a adopté
le Règlement sur la vente par correspondance et l'envoi postal de
médicaments (ci-après: le Règlement), en application des art. 3 et 175
de la loi cantonale du 29 mai 1985 sur la santé publique. Le Règlement,
dont l'art. 6 précisait qu'il entrait immédiatement en vigueur, a été
publié dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud le 3 février
1998 dans la teneur suivante:
      "Art. 1er: Le présent règlement a pour objet la vente par
      correspondance

    et l'envoi postal de médicaments par les pharmacies et drogueries.
      Art. 2: Par vente par correspondance on entend l'envoi préalable au

    client potentiel d'un catalogue, prix-courant ou autre offre lui
proposant

    de passer une commande.
      Par envoi postal on entend l'envoi de médicaments au client qui
      a envoyé

    de lui-même une commande ou une ordonnance au fournisseur.
      Art. 3: La vente par correspondance de médicaments est interdite.
      Art. 4: L'envoi postal de médicaments par les pharmacies et les

    drogueries et la livraison par porteur sont autorisés dans des cas

    particuliers justifiés, comme l'absence du domicile ou l'impossibilité
du

    patient à se déplacer.
      Les médicaments doivent être emballés séparément pour chaque

    destinataire et porter son nom et son adresse."

    Par lettre du 17 février 1998, le pharmacien cantonal du canton de Vaud
a informé MediService que le Règlement s'opposait à un approvisionnement
régulier de patients en médicaments par la poste, de sorte qu'il convenait
qu'elle mette un terme à ses activités dans le canton.

    B.- Agissant le 2 mars 1998 par la voie du recours de droit public,
MediService a demandé au Tribunal fédéral d'annuler le Règlement précité,
soutenant en bref que son système d'envoi postal offrait une dispensation
de médicaments répondant, à moindres coûts, aux conditions de sécurité
et de qualité exigées par la santé publique.

    Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours dans le sens
des considérants, dans la mesure où il était recevable, à savoir en tant
qu'il concernait uniquement la partie de l'art. 4 du Règlement traitant
de l'envoi postal de médicaments par des pharmacies.

Auszug aus den Erwägungen:

                 Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- d) Lorsque le recours est dirigé, comme en l'occurrence, contre un
arrêté de portée générale, la qualité pour recourir, au sens de l'art. 88
OJ, est reconnue à toute personne dont les intérêts juridiquement protégés
sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour
(ATF 125 II 440 consid. 1c p. 442; 125 I 173 consid. 1b p. 174 et la
jurisprudence citée).

    aa) En l'espèce, la recourante a son siège et exploite une
pharmacie traditionnelle dans le canton de Soleure exclusivement, de
sorte que la seule législation cantonale applicable à cette activité
est celle de ce canton. S'agissant de l'envoi postal de médicaments,
les fonctions de réception des commandes, de contrôle, d'étiquetage,
d'emballage, d'expédition et de service de conseil téléphonique sont
également toutes exécutées dans le canton de Soleure. Le seul point de
rattachement de cette activité avec les autres cantons, dont Vaud, est le
domicile des destinataires des envois. Dans ces circonstances, dès lors
que la recourante ne prétend pas avoir le dessein de s'établir un jour
dans le canton de Vaud, il faut examiner si le service d'envoi postal de
médicaments qu'elle exploite est néanmoins soumis à la souveraineté de
ce canton, partant, s'il heurte le Règlement litigieux, sans quoi elle
n'aurait pas d'intérêt à l'annulation de cet arrêté au sens l'art. 88
OJ. Certes, l'autorisation qui lui a été délivrée par le canton de Soleure
est subordonnée à la condition que les cantons de destination autorisent
eux-mêmes cette activité (ch. 4.3), mais cette clause, qui ne fait pas
l'objet du présent recours et qui est vraisemblablement entrée en force,
relève exclusivement de la compétence du canton de Soleure et ne suffit
pas à fonder la qualité pour recourir de la recourante. A supposer que
l'activité d'envoi postal de médicaments exercée par la recourante ne
soit pas soumise au Règlement litigieux, il lui appartiendrait, en vue
de poursuivre ses expéditions dans le canton de Vaud, de solliciter des
autorités du canton de Soleure la modification du ch. 4.3 de l'autorisation
accordée.

    bb) Le Tribunal fédéral s'est déjà penché, à l'occasion de recours
fondés sur la liberté du commerce et de l'industrie, sur la question
de l'étendue du champ d'application territorial des lois cantonales
de police. Selon la jurisprudence, les art. 3 et 5 Cst. contraignent
les cantons à tenir compte de la souveraineté des autres membres de la
Confédération en matière de police, de sorte que les prescriptions de
police du commerce édictées par les cantons conformément à l'art. 31
al. 2 Cst. ne valent que dans les limites du territoire cantonal (ATF 87
I 451 consid. 5 p. 454; 53 I 204 consid. 2 p. 210). Ces prescriptions
peuvent viser uniquement les activités industrielles ou commerciales qui
sont en rapport avec le territoire cantonal de manière importante, soit
parce qu'elles sont exercées dans les limites du territoire lui-même, soit
parce que leurs résultats adviennent sur le territoire cantonal et peuvent
être soumis à la réglementation de police (ATF 95 I 422 consid. 6 p. 426;
87 I 451 consid. 5 p. 454 ss; 65 I 85 consid. 2 p. 87; voir aussi ATF
102 Ia 201 consid. 3 p. 205, BLAISE KNAPP, Commentaire de la Constitution
fédérale, 1986, nos 29 ss ad art. 5, et HANS MARTI, Die Wirtschaftsfreiheit
der schweizerischen Bundesverfassung, Bâle 1976, no 167 p. 97/98).

    En particulier, le Tribunal fédéral a considéré qu'un vendeur n'exerce
pas son activité seulement au lieu d'où il expédie la marchandise par
poste, chemin de fer ou d'autres moyens de transport, mais là aussi où
la marchandise parvient à l'acheteur, si bien qu'un canton est habilité à
soumettre à son autorisation le commerce en gros des médicaments, exercé
par une société établie hors du canton, car la vente aux détaillants est
une activité subordonnée à la loi du territoire (ATF 95 I 422 consid. 6
p. 426; 54 I 25 consid. 2 p. 30). Le Tribunal fédéral a également constaté
qu'un pharmacien installé hors du canton mais fournissant un dépôt de
pharmacie sis dans le canton exerçait sa profession sur le territoire
cantonal et était subordonné pour cette activité à la souveraineté du
canton, de sorte que le canton pouvait le soumettre à son autorisation
(ATF 91 I 457 consid. 3b p. 465). De même, le vendeur de bétail qui livre
à un acheteur sis dans un autre canton accomplit sur le territoire de
celui-ci l'une des opérations constituant l'exécution du contrat, partant,
est soumis pour cette vente à la souveraineté de ce canton. En revanche,
si la vente a été conclue et la marchandise livrée à l'acheteur dans le
canton du vendeur, le canton où cette marchandise a été expédiée par
l'acheteur lui-même ne peut étendre sa souveraineté sur cette vente
(ATF 53 I 204 consid. 2 p. 210).

    cc) En l'espèce, comme on l'a vu, la recourante envoie depuis le
canton de Soleure des médicaments à des acheteurs domiciliés dans le
canton de Vaud, de sorte que, selon la jurisprudence précitée, cette
activité est soumise à la souveraineté du canton de Vaud. Peu importe à
cet égard que le canton de Vaud ne s'en prenne qu'au mode de dispensation
- par correspondance - des médicaments et ne soutienne pas que la vente
de certains médicaments distribués par la recourante serait, en tant
que telle, interdite sur son territoire ou subordonnée à des conditions
plus sévères en matière d'ordonnance, ni que la recourante ne pourrait
bénéficier d'une autorisation de pratiquer la pharmacie sur son territoire.

    dd) L'activité d'envoi postal de médicaments exercée par la recourante
dans le canton de Vaud étant régie par le Règlement litigieux, la
recourante a la qualité pour agir par la voie du recours de droit public.

Erwägung 2

    2.- La recourante soutient que la disposition litigieuse viole l'art. 2
Disp. trans. Cst. en étant contraire à la loi fédérale du 6 octobre 1995
sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02), soit aux art. 2 et 3 LMI.

    a) En vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral
(art. 2 Disp. trans. Cst.), les cantons ne sont pas autorisés à légiférer
dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral. Dans les
autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit qui ne violent
ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas
la réalisation (ATF 125 II 56 consid. 2b p. 58, 315 consid. 2a p. 316;
124 I 107 consid. 2a p. 109; 123 I 313 consid. 2b p. 316). Dans le cadre
d'un contrôle abstrait des normes fondé sur l'art. 2 Disp. trans. Cst.,
le Tribunal fédéral examine librement la conformité de la règle de droit
cantonal avec le droit fédéral (ATF 125 II 440 consid. 1d p. 443; 123
I 313 consid. 2b p. 317; 122 I 18 consid. 2b/aa p. 20 et les références
citées); toutefois, il n'annule la disposition cantonale en cause que si
elle n'est pas susceptible d'une interprétation conforme au droit fédéral
(ATF 125 II 440 consid. 1d p. 443; 123 I 313 consid. 2b p. 317; 122 I
343 consid. 3a p. 345 et les références citées).

    b) L'arrêté attaqué du 28 janvier 1998 a été adopté avant l'échéance
du délai d'adaptation de deux ans prévu à l'art. 11 al. 1 LMI, soit le
1er juillet 1998, mais après l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1996,
de ladite loi, de sorte que les dispositions matérielles de celle-ci sont
applicables en l'espèce (cf. ATF 123 I 313 consid. 3 p. 318/319; voir
aussi THOMAS COTTIER/BENOÎT MERKT, La fonction fédérative de la liberté
du commerce et de l'industrie et la loi sur le marché intérieur suisse:
l'influence du droit européen et du droit international économique,
in Etudes Aubert, Bâle 1996, p. 449 ss, spéc. p. 464).

    c) La loi sur le marché intérieur garantit à toute personne ayant son
siège ou son établissement en Suisse l'accès libre et non discriminatoire
au marché afin qu'elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le
territoire suisse (art. 1 al. 1 LMI). Par activité lucrative au sens de
ladite loi, on entend toute activité ayant pour but un gain et bénéficiant
de la protection de la liberté du commerce et de l'industrie (art. 1 al. 3
LMI). Ainsi, selon l'art. 2 al. 1 LMI, toute personne a le droit d'offrir
des marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le
territoire suisse pour autant que l'exercice de l'activité lucrative en
question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou
son établissement.

    Des restrictions à ce principe ne sont licites que si elles remplissent
les conditions cumulatives de l'art. 3 LMI. D'après cette disposition,
la liberté d'accès au marché d'offreurs externes ne peut être restreinte
en fonction des prescriptions applicables au lieu de destination que
si ces restrictions s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux
(lettre a), sont indispensables à la préservation d'intérêts publics
prépondérants (lettre b) et répondent au principe de la proportionnalité
(lettre c). Par intérêts publics prépondérants, on entend en particulier
la protection de la vie et de la santé de l'être humain (art. 3 al. 2
lettre a LMI). Les restrictions à la liberté d'accès au marché répondent
au principe de la proportionnalité notamment lorsque (art. 3 al. 3 LMI) la
protection recherchée ne peut pas être obtenue au moyen des prescriptions
applicables au lieu de provenance (lettre a), il est tenu compte des
attestations de sécurité ou des certificats déjà produits par l'offreur
au lieu de provenance (lettre b), le siège ou l'établissement au lieu
de destination ne constitue pas une condition pour pouvoir y exercer
une activité lucrative (lettre c). Enfin, selon l'art. 3 al. 4 LMI, les
restrictions visées au 1er alinéa ne doivent en aucun cas constituer
un obstacle déguisé aux échanges, destiné à favoriser les intérêts
économiques locaux.

    d) En l'espèce, l'art. 4 du Règlement, qui n'autorise l'envoi postal
de médicaments que dans des cas particuliers, équivaut en fait à interdire
l'envoi postal régulier de médicaments tel que l'exerce la recourante. Or,
cette activité tombe dans le domaine d'application de la loi sur le marché
intérieur (cf. art. 1 al. 1 et 3 LMI), dès lors que la liberté du commerce
et de l'industrie protège en particulier la fabrication et la vente des
médicaments, ainsi que l'activité du pharmacien qui exerce une profession
libérale (ATF 118 Ia 175 consid. 1 p. 176; 111 Ia 184 consid. 2a p. 186
et la jurisprudence citée). De plus, cette activité est licite dans le
canton de Soleure où la recourante a son siège - aux conditions posées
par l'autorisation octroyée - si bien que la recourante a en principe
le droit d'offrir ses services sur tout le territoire suisse, soit en
particulier dans le canton de Vaud. En conséquence, la restriction à la
liberté d'accès au marché du canton de Vaud que constitue l'art. 4 du
Règlement attaqué ne peut être admise qu'aux conditions de l'art. 3 LMI.

    A cet égard, il n'est pas contesté que le Règlement attaqué répond à un
intérêt public important expressément mentionné à l'art. 3 al. 2 lettre a
LMI, soit la protection de la vie et de la santé de l'être humain. Encore
faut-il toutefois que la restriction litigieuse soit nécessaire et respecte
le principe de la proportionnalité au sens de l'art. 3 al. 3 LMI.

Erwägung 3

    3.- Selon la jurisprudence relative aux libertés fondamentales, en
particulier à la liberté du commerce et de l'industrie, le principe de la
proportionnalité se compose traditionnellement des règles d'aptitude -
qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de
nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse
celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de
proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la
mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté
du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 209 consid. 10d/aa p. 223;
123 I 112 consid. 4e p. 121; 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246).

    Lorsque le principe de la proportionnalité est appliqué dans le
cadre de la loi sur le marché intérieur, il doit être apprécié plus
spécifiquement au regard des buts poursuivis par cette loi, ainsi qu'ils
sont expressément mentionnés à l'art. 1 al. 2 LMI. Selon cette disposition,
la loi vise en particulier à faciliter la mobilité professionnelle et
les échanges économiques en Suisse, à soutenir les efforts des cantons
visant à harmoniser les conditions d'autorisation d'accès au marché,
à accroître la compétitivité de l'économie suisse et à renforcer la
cohésion économique de la Suisse. La liberté d'accès au marché, telle
qu'elle ressort de cette loi, a ainsi une portée constitutive positive. En
conséquence pèsent du même côté de la balance des intérêts, tant le droit
individuel à la liberté d'accès au marché que la garantie institutionnelle
d'un marché intérieur unique. Du reste, dans son Message du 23 novembre
1994 concernant la loi fédérale sur le marché intérieur (FF 1995 I 1193 ss,
spéc. p. 1246, voir aussi p. 1199/1200), le Conseil fédéral a précisé que,
"dans le cadre de l'examen de la proportionnalité, il convient d'attribuer
à l'idée du marché intérieur au moins autant de valeur qu'au principe du
fédéralisme, largement privilégié jusqu'ici". Autrement dit, pour que la
loi sur le marché intérieur puisse atteindre ses buts, le principe de la
proportionnalité doit être appliqué strictement aux restrictions posées
par un canton à l'égard d'offreurs externes respectant les réglementations
en vigueur dans leur propre canton (VINCENT MARTENET/CHRISTOPHE RAPIN, Le
marché intérieur suisse, Berne 1999, p. 27/28; RHINOW/SCHMID/BIAGGINI,
Öffentliches Wirtschaftsrecht, Bâle/Francfort-sur-le-Main 1998, no
60 p. 159; KILIAN WUNDER, Die Binnenmarktfunktion der schweizerischen
Handels- und Gewerbefreiheit im Vergleich zu den Grundfreiheiten in der
Europäischen Gemeinschaft, thèse Bâle 1998, p. 158/159; FRITZ GYGI/PAUL
RICHLI, Wirtschaftsverfassungsrecht, 2e éd., Berne 1997, p. 15).

    Selon l'art. 3 al. 3 lettre a LMI, les restrictions à la liberté
d'accès au marché répondent au principe de la proportionnalité
notamment lorsque la protection recherchée ne peut pas être obtenue
au moyen des prescriptions applicables au lieu de provenance. Cette
exigence est fondée sur le principe dit "Cassis-de-Dijon", tiré de
la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes,
qui constitue l'un des fondements essentiels de la loi sur le marché
intérieur. Selon ce principe, l'autorisation de commercialisation de
marchandises, de services et d'autres activités lucratives doit être
régie par les prescriptions en vigueur au lieu de provenance. Adapté à
cette occasion au cadre juridique suisse, il établit la présomption que
les conditions d'autorisation cantonales pour l'exercice de certaines
activités lucratives bénéficiant de la protection de la liberté du
commerce et de l'industrie sont équivalentes, de sorte que la personne
qui a obtenu l'autorisation d'exercer une activité dans un canton peut
la pratiquer dans tous les cantons, à moins qu'il ne soit démontré, dans
un cas particulier, que la présomption n'est pas exacte, d'éventuels
intérêts publics prépondérants demeurant en principe réservés (MESSAGE,
op.cit. p. 1194, 1236 et 1243). En conséquence, l'offreur externe dont
la liberté d'accès au marché est restreinte n'a pas à démontrer que la
réglementation qui s'oppose à son activité économique dans le lieu de
destination viole le principe de la proportionnalité. C'est au canton de
destination qu'il appartient d'établir que la norme en vigueur au lieu
de provenance ne permet pas d'atteindre le degré de protection recherché
(WUNDER, op.cit. p. 159). Encore doit-on préciser que la loi sur le marché
intérieur n'exige pas que des restrictions identiques s'appliquent sur
tout le territoire suisse, mais tend uniquement à la suppression, dans la
mesure nécessaire, des obstacles de droit public à la concurrence entre
les cantons (cf. MESSAGE, op.cit. p. 1260; WUNDER, op.cit. p. 158).

Erwägung 4

    4.- a) aa) Selon l'art. 29 du règlement d'exécution du 25 mai
1972 de la Convention intercantonale sur le contrôle des médicaments
du 3 juin 1971 (CICM; RS 812.101), à laquelle tous les cantons ont
adhéré, l'Office intercantonal du contrôle des médicaments classe les
substances médicamenteuses selon les modes de vente suivants: A (vente
dans les pharmacies sur ordonnance médicale à ne pas renouveler sans
l'autorisation du médecin); B (vente dans les pharmacies sur ordonnance
médicale renouvelable par le pharmacien); C (vente dans les pharmacies
sans ordonnance médicale); D (vente dans les pharmacies et drogueries)
et E (vente libre dans tous les commerces).

    Par ailleurs, il existe plusieurs systèmes de vente de médicaments
en interaction avec la poste (cf. Message du Conseil fédéral du 1er mars
1999 concernant une loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs
médicaux [loi sur les produits thérapeutiques; LPT; FF 1999 3151],
ad art. 27 p. 3209; Recommandation de la Commission de la concurrence
du 7 décembre 1998 aux cantons concernant l'autorisation de la vente
par correspondance de médicaments [ci-après: Recommandation de la
Commission de la concurrence], nos 5 ss p. 3; Rapport du 22 avril 1998
du groupe de travail ad hoc "vente par correspondance" de la Commission
spéciale des cantons, Office intercantonal de contrôle des médicaments
[ci-après: Rapport OICM], p. 7 ss). Il s'agit notamment de la vente de
médicaments par correspondance proprement dite (Versandhandel), qui tend à
susciter une commande chez le client potentiel par catalogue, prospectus,
annonce, liste de prix ou autres offres de ce type. On distingue ensuite
la livraison subséquente de médicaments (Nachversand), soit l'envoi
postal de médicaments au client qui, après avoir bénéficié d'un conseil
professionnel, passe de lui-même une commande à la pharmacie. Ce système
ne constitue pas l'activité principale du pharmacien, mais un service
d'appoint usuel et nécessaire dans des cas d'espèce, par exemple en cas de
rupture de stock ou lorsque le client séjourne momentanément hors de son
domicile ou ne peut se déplacer. Enfin, "l'envoi direct" de médicaments
par poste (Direktversand) consiste en la vente de médicaments commandés
spontanément par le client, avec ou sans ordonnance, type de commerce
que le Conseil fédéral inclut dans la vente par correspondance (MESSAGE,
loc.cit.).

    Les conditions auxquelles peut être subordonnée la vente de médicaments
en interaction avec la poste dépendent à la fois du type de substance
médicamenteuse vendue et du système de vente en cause. Par exemple,
l'envoi régulier de préparations E serait prima facie admissible sans
exigence particulière, car ces produits ne nécessitent pas la surveillance
ou le conseil de spécialistes, si bien qu'ils peuvent être traités comme
des marchandises ordinaires (cf. MESSAGE, ad art. 23 al. 2 p. 3206 et ad
art. 27 al. 1 p. 3209; Rapport OICM, p. 8). En revanche, les substances
des listes C et D, disponibles sans ordonnance, pourraient difficilement
être vendues par correspondance, car il n'est pas concevable que la
clientèle puisse accéder à de tels produits sans un contrôle suffisant
de la consommation (Rapport OICM, p. 9).

    bb) En l'espèce, l'autorisation délivrée par le canton de Soleure le 26
mars 1997 réserve le service d'envoi postal aux seuls médicaments prescrits
par ordonnance médicale, sans égard à leur classification. Autrement dit,
toutes les substances médicamenteuses précitées (y compris celles des
listes C, D et E) peuvent être expédiées à domicile, à condition toutefois
qu'elles soient prescrites par un médecin.

    b) La réglementation litigieuse met en jeu, d'un côté, l'intérêt privé
de la recourante à exercer son activité d'envoi direct de médicaments dans
le canton de Vaud et, comme on l'a vu, l'intérêt public à la réalisation
d'un marché intérieur unique. De l'autre côté est en cause l'intérêt
public à la protection de la vie et de la santé de l'être humain. Il faut
encore tenir compte de l'intérêt public à lutter contre les coûts de la
santé, étant rappelé que celui-ci cède le pas devant l'intérêt public à
la protection de la vie et de la santé de l'être humain (ATF 123 I 201;
111 Ia 184 consid. 2b p. 186; 110 Ia 99 consid. 5d p. 105).

    S'agissant de la vente de médicaments en interaction avec la poste, la
sauvegarde de la santé publique doit être examinée sous trois aspects. En
premier lieu, la sécurité des produits doit être garantie. Ainsi,
les préparations doivent être effectuées correctement, les médicaments
doivent échapper à tout dommage pendant le transport (pas d'écoulement,
de vol, de brisure, de contamination ni d'influences préjudiciables
telles que la chaleur, le froid, la lumière, l'humidité, etc.) et être
livrés au bon destinataire (pas de remise à un enfant par exemple). Puis,
la protection du patient doit également être assurée. En particulier,
le mode de vente doit contribuer à lutter contre la consommation
excessive ou abusive de médicaments, notamment par un accès limité
et une restriction de la publicité (ATF 123 I 201 consid. 4 p. 205;
99 Ia 370 consid. 4a p. 376); il doit empêcher que des erreurs quant
aux médicaments dispensés ou quant aux dosages résultent d'un déficit
en conseil ou surveillance. Troisièmement, le système de dispensation
doit permettre un approvisionnement médicamenteux sûr, de proximité,
réparti de manière raisonnable sur le plan géographique et accessible
à l'ensemble de la population, notamment dans les endroits retirés où
l'ouverture d'une pharmacie traditionnelle n'est pas rentable (ATF 119
Ia 433 consid. 4 p. 439 ss; 118 Ia 175; 99 Ia 370 consid. 4a p. 376/377;
voir aussi Recommandation de la Commission de la concurrence nos 23 ss
p. 7 à 11).

    c) aa) En l'espèce, la recourante soutient que le canton de Vaud ne
démontre pas que la protection recherchée de la vie et de la santé de
l'être humain ne peut être obtenue par les prescriptions et restrictions
qui lui ont été imposées par le canton de Soleure, si bien qu'une
interdiction quasi absolue de l'envoi postal de médicaments tel qu'il le
conçoit est disproportionnée. Elle allègue à cet égard ce qui suit:

    En premier lieu, la protection du client est assurée du fait que
seuls les médicaments prescrits par ordonnance médicale sont expédiés. Les
tâches de surveillance dévolues aux pharmacies sont également respectées,
dès lors que toutes les ordonnances, introduites dans l'ordinateur, sont
vérifiées par un pharmacien non seulement sous l'angle des éventuelles
interactions, mais aussi des quantités et du dosage. La mission de
renseignement et de conseil est de même remplie grâce aux plaquettes
d'informations et, surtout, à une ligne téléphonique ouverte 24 heures sur
24. Un questionnaire de santé, qui peut être rempli volontairement par le
patient et qui l'est d'ailleurs à 95%, permet au pharmacien en ligne de
conseiller et d'informer le patient d'une manière fiable et efficace, tout
comme la fiche pharmaceutique personnelle actualisée indiquant l'ensemble
des médicaments livrés et à livrer, les coordonnées du médecin, la date de
la livraison et le dosage. Enfin, le système est avant tout destiné aux
patients qui ont régulièrement besoin de médicaments et qui connaissent
bien tant leur maladie que le mode de prise de ceux-ci, tels que les
patients chroniques. Du reste, la majorité des clients de la recourante
sont des personnes de moins de 65 ans exerçant une activité lucrative.

    Puis, les risques inhérents à l'expédition postale ont été éliminés de
manière suffisante dans la mesure où, notamment, la poste s'est engagée
à livrer les envois le jour ouvrable suivant la remise du paquet, cela
dans toute la Suisse, les envois devant être délivrés le samedi étant
adressés en express. Par ailleurs, le système accède aux lieux les plus
éloignés, où l'exploitation d'une officine traditionnelle ne serait pas
rentable. Enfin, il contribue, et c'est son objectif, à lutter contre
l'explosion des coûts de la maladie.

    bb) Quant à elle, l'autorité intimée soutient que l'interdiction de
l'envoi postal de médicaments est proportionnée à la sauvegarde de la
santé publique. Elle avance à ce propos les arguments suivants:

    Seuls un contact visuel et un dialogue direct entre le pharmacien
et le patient permettent au pharmacien d'accomplir au mieux ses tâches
de contrôle, d'information et de conseil. En effet, certains clients
ont du mal à s'exprimer par téléphone, en particulier les étrangers ou
les personnes âgées. Le pharmacien a également de la peine à constater
par téléphone si le client a bien compris les informations données,
et à remarquer si, par exemple, l'état de santé du patient nécessite
d'autres mesures. Surtout, il est plus difficile de surveiller et de
motiver les patients par le biais d'un téléphone impersonnel, alors
que ce sont justement les patients chroniques, dont la thérapie est
souvent associée à un changement durable de mode de vie ou à un régime,
qui doivent être constamment contrôlés et stimulés. Du reste, s'il est
vrai que certains patients chroniques disposent d'une faculté d'autonomie
et de responsabilisation suffisante, il est difficile de distinguer par
téléphone ces personnes de celles qui nécessitent une aide particulière,
de sorte que la protection des personnes les plus vulnérables n'est
pas assurée par un contact téléphonique. Par ailleurs, les patients,
surtout les personnes âgées, sont souvent soumis à plusieurs médications,
les unes concernant une maladie chronique ou de longue durée, les autres
portant sur des cas aigus ou exceptionnels. Ils doivent par conséquent
gérer deux sources d'approvisionnement, l'une auprès du service d'envoi
postal, l'autre auprès de la pharmacie de proximité, ce qui peut non
seulement entraîner des confusions dans la prise de médicaments mais
également porter préjudice aux malades incapables de distinguer les cas
dans lesquels ils doivent renoncer à l'envoi postal et se rendre dans
une officine traditionnelle.

    Puis, l'envoi postal ne peut répondre à une demande urgente et comporte
des risques de retard ou d'erreur. De plus, il n'est pas certain que
le système préconisé par la recourante permette de réduire les coûts de
la santé.

    Enfin, admettre ce système dans son principe conduirait probablement à
la prolifération de sociétés analogues à la recourante, ce qui menacerait
la survie économique de nombreuses officines et amincirait le réseau
des pharmacies, partant, affaiblirait la sûreté de l'approvisionnement
en médicaments.

    d) Il résulte de ce qui précède que l'admissibilité du système
d'envoi postal de médicaments mis sur pied par la recourante donne
lieu à une controverse serrée. Du reste, ce sujet fait l'objet de vifs
débats à l'occasion, en particulier, de l'élaboration de la loi fédérale
sur les produits thérapeutiques, destinée à remplacer la Convention
intercantonale sur le contrôle des médicaments. Le Conseil fédéral a
présenté à l'Assemblée fédérale à ce propos un art. 27 libellé dans les
termes suivants:
      "Vente par correspondance de médicaments: 1. La vente par
      correspondance de médicaments prêts à l'emploi est

    interdite.
      2. Le Conseil fédéral peut toutefois autoriser la vente par

    correspondance d'un médicament prêt à l'emploi:
      a. qui fait l'objet d'une ordonnance médicale; b. si aucune exigence
      en matière de sécurité ne s'y oppose; c. si les conseils sont
      fournis dans les règles de l'art; d. si une surveillance médicale
      suffisante de l'action du médicament

    est garantie."

    La solution adoptée par le canton de Vaud, qui interdit l'envoi
régulier de médicaments, peu important à cet égard que la commande soit
accompagnée ou non d'une ordonnance, est donc encore plus rigoureuse
que celle de l'art. 27 al. 2 du projet de la loi sur les produits
thérapeutiques. Toutefois, il ne s'agit que d'une proposition du Conseil
fédéral, qui doit faire encore l'objet des débats de l'Assemblée fédérale
dont on ne saurait préjuger l'issue, ni dans le sens d'un assouplissement,
ni dans celui d'un durcissement.

    e) Force est de constater que les deux systèmes comportent des
avantages et des inconvénients.

    aa) Sur le plan de la protection du patient, le système prôné par
la recourante souffre de carences qui ne sont pas sans entraîner des
risques. Notamment, il supprime le contact direct entre le pharmacien et
la personne qui a besoin du médicament, ce qui implique certains dangers
dans l'exercice d'une activité de conseil professionnel. Le contact direct
ne peut être remplacé, sans perte, par un dialogue téléphonique, dès lors
que celui-ci ne permet pas au pharmacien de saisir au mieux l'état de
santé, le degré d'autonomie, la capacité de compréhension et l'aptitude
à se responsabiliser du client. En conséquence, l'efficacité du contrôle,
par le pharmacien, de la prise des médicaments par le client s'en trouve
diminuée. De plus, le système présente un danger supplémentaire dans
la mesure où il entraîne le plus souvent un dédoublement des sources
d'approvisionnement pour le client, ce qui peut entraîner des confusions.

    D'un autre côté, la limitation de l'envoi postal aux seuls médicaments
assortis d'une ordonnance constitue un gage de sécurité. En effet,
l'ordonnance témoigne qu'un médecin a déjà effectué un contrôle, tant
de l'adéquation que de la quantité et du dosage du médicament, ce qui
permet d'éviter en particulier une consommation abusive ou erronée. De
plus, les ordonnances sont systématiquement vérifiées par un pharmacien,
au vu des données informatisées qu'il possède déjà sur le patient. Des
erreurs peuvent certes se produire dans la préparation et la dispensation
des produits, mais celles-ci peuvent également survenir dans une officine
traditionnelle, qu'elles résultent d'inattentions ou d'une mauvaise lecture
de l'ordonnance, même si la présence du patient peut dans certains cas
les parer. De plus, le contact direct ne doit pas être idéalisé. Les
patients sont de moins en moins fidélisés à une pharmacie et tendent
à s'approvisionner au hasard de leurs pérégrinations, de sorte que le
pharmacien ou ses assistants n'ont plus guère de relations personnalisées
avec ces clients. En outre, la recourante offre un conseil permanent par
téléphone, alors que, dans le système traditionnel, les patients doivent
s'adresser à la pharmacie de garde en dehors des heures d'ouverture,
ce qui peut constituer un obstacle à leur démarche.

    Enfin, il faut relever que les citoyens restent entièrement libres
de continuer à s'adresser à une pharmacie traditionnelle et de bénéficier
ainsi d'un contact direct et personnalisé, cas échéant de rester fidèles
à une officine déterminée. Rien n'oblige les malades peu autonomes ou
peu responsables de commander leurs médicaments par correspondance.

    bb) Du point de vue de la sécurité des produits et de la fiabilité
de l'approvisionnement, le système d'envoi postal comporte également
certains risques. Des erreurs peuvent survenir dans la préparation
des envois, les paquets peuvent être endommagés, perdus, livrés avec
retard ou aboutir en de mauvaises mains. Toutefois, les mesures prises
à cet égard par la recourante paraissent suffisantes, même si elles ne
suppriment pas tous les dangers. Du reste, une pharmacie traditionnelle
n'est pas davantage infaillible, dès lors qu'elle peut tomber en rupture
de stock et ne s'enquiert normalement pas de l'identité de ses clients. En
outre, le système aménagé par la recourante permet à des personnes pouvant
difficilement se déplacer ou résidant dans des endroits reculés d'obtenir
plus aisément les médicaments et le conseil dont elles ont besoin. Par
ailleurs, le risque que le réseau des pharmacies traditionnelles soit
diminué au point de mettre en danger la santé publique paraît faible.

    cc) En conclusion, l'on ne saurait dire, sous l'angle de la loi sur
le marché intérieur, que les risques entraînés par le procédé aménagé par
la recourante doivent conduire à son interdiction, malgré ses avantages,
dans la mesure où les deux systèmes peuvent coexister et se compléter,
les patients étant libres de recourir à l'un et à l'autre selon leurs
besoins. Certes, les motifs de santé publique parlant en faveur de
l'exclusivité des pharmacies traditionnelles sont sérieux et ne peuvent
être considérés comme un prétexte pour écarter du marché les pharmacies
pratiquant la vente par correspondance. Toutefois, dans une application
stricte du principe de la proportionnalité au regard des buts visés par
la loi sur le marché intérieur, le canton de Vaud n'a pas démontré que le
niveau de protection de la vie et de la santé de l'être humain, garanti
par les prescriptions applicables au lieu de provenance, à savoir par
les conditions auxquelles le canton de Soleure a délivré à la recourante
l'autorisation d'exercer l'activité d'envoi postal de médicaments,
serait insuffisant.

    Par ailleurs, on ne peut davantage objecter que l'interdiction de
l'envoi postal de médicaments correspondrait à un principe largement
reconnu de santé publique. En effet, bon nombre de cantons n'ont pas édicté
une telle restriction ou n'ont pas du tout réglementé ce domaine. Cela
peut en partie s'expliquer par le fait que, jusqu'à présent, le besoin d'un
tel mode de vente de médicaments n'existait pas. La situation a cependant
changé, comme l'atteste la présente affaire. Du reste, ainsi qu'on l'a
vu, la question de l'admissibilité de l'envoi postal de médicaments sera
vraisemblablement bientôt réglementée sur le plan fédéral, soit par la
loi fédérale sur les produits thérapeutiques.

    f) Ainsi, l'art. 4 du Règlement viole le droit de la recourante,
garanti par l'art. 2 LMI, d'accéder librement au marché suisse, car,
au vu des prescriptions et restrictions imposées à la recourante par
le canton de Soleure, l'interdiction prévue n'est pas nécessaire à la
préservation d'un intérêt public prépondérant et ne répond pas davantage
au principe de la proportionnalité au sens de l'art. 3 LMI. En conséquence,
la disposition en cause n'est pas conforme à l'art. 2 Disp. trans. Cst.

    Toutefois, une annulation formelle de la partie de l'art. 4 du
Règlement afférente à l'envoi postal de médicaments par des pharmacies
n'apparaît pas justifiée. D'une part, il est possible - mais cette question
n'a pas à être examinée plus avant - que cette disposition reste conforme
à la Constitution hors du champ d'application de la loi sur le marché
intérieur, à savoir vis-à-vis des pharmacies établies dans le canton de
Vaud (cf. ATF 125 I 276 consid. 4 p. 278 ss). D'autre part, elle pourrait
également s'appliquer valablement aux pharmacies externes qui, cas échéant,
exerceraient l'activité d'envoi postal de médicaments sans remplir les
conditions nécessaires de sécurité. En conséquence, il convient de se
limiter à constater que l'interdiction, prévue par l'art. 4 du Règlement,
de l'envoi postal de médicaments par des pharmacies ne peut être opposée
à la recourante, de sorte que celle-ci peut accéder librement au marché
suisse en vertu de la loi sur le marché intérieur. Le recours doit donc
être partiellement admis en ce sens.

    Il n'y a pas lieu de procéder à un contrôle constitutionnel plus
étendu, auquel la recourante n'a pas d'intérêt pratique. En particulier,
la question de savoir si l'interdiction litigieuse respecte les autres
dispositions de la loi sur le marché intérieur et se fonde sur une
base légale suffisante peut rester indécise. De même, il est superflu
d'examiner la conformité de l'art. 4 du Règlement aux art. 4 et 31 Cst.,
notamment sous l'angle de l'égalité entre concurrents.