Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 I 458



125 I 458

43. Arrêt de la Ière Cour de droit public du 27 octobre 1999 dans la
cause Canton de Vaud contre République et canton de Genève (réclamation
de droit public) Regeste

    Art. 83 lit. b OG, 46 Abs. 2 BV; Abgrenzung der kantonalen Befugnis
zur Besteuerung von pendelnden Arbeitnehmern.

    Zulässigkeit der staatsrechtlichen Klage; aktuelles Interesse;
Parteianträge (E. 1).

    Zusammenfassung der Rechtsprechung zum Steuerdomizil der Arbeitnehmer.
Grundsatz der Besteuerung am Wohnsitz (E. 2).

    Die Hinweise auf das Binnenmarktgesetz, auf die Regelungen für
Grenzgänger und auf das Recht der Europäischen Gemeinschaft rechtfertigen
keine generelle Praxisänderung (E. 3 und 4).

    Unter Vorbehalt von besonderen Fällen verletzt die Beanspruchung der
Besteuerung der Einkommen von waadtländischen Pendlern durch die Genfer
Steuerbehörden die Steuersouveränität des Kantons Waadt (E. 5).

Sachverhalt

    A.- Dans une lettre du mois de novembre 1998, le Département genevois
des finances informa plusieurs centaines de contribuables domiciliés
dans le canton de Vaud qu'ils allaient recevoir une formule genevoise
de déclaration d'impôt. Selon le département, les personnes physiques
domiciliées hors du canton de Genève, mais y exerçant une activité
dépendante avec une fonction dirigeante, se créaient un domicile fiscal
secondaire dans le canton de Genève.

    En réponse à divers contribuables vaudois, le département genevois
précisa, dans des lettres individuelles, que son intention était
de chercher à modifier la jurisprudence du Tribunal fédéral fixant
l'assujettissement fiscal des pendulaires au lieu de leur domicile.

    Dans une lettre du 14 décembre 1998 adressée au Conseil d'Etat vaudois,
le Conseil d'Etat genevois précisa le but de sa démarche: il s'agissait
d'élaborer une politique fiscale tenant compte des réalités actuelles et
du principe de justice fiscale. Le canton de Genève fournissait de plus
en plus de prestations, d'équipements et de services. Les personnes
travaillant à Genève mais résidant hors du canton bénéficiaient de
ces avantages, dont le coût incombait exclusivement aux contribuables
genevois. La jurisprudence suisse actuelle accordait trop d'importance
au lieu de résidence, contrairement aux règles actuelles du droit fiscal
international qui favoriseraient le pays du lieu de travail. Le substrat
fiscal devrait être partagé entre l'Etat du domicile et celui du lieu de
travail. A ce sujet, le dialogue avec le canton de Vaud était au point
mort depuis plus de 10 ans.

    B.- Agissant par la voie de la réclamation de droit public fondée sur
l'art. 83 let. b OJ, le canton de Vaud prend les conclusions suivantes:

    A titre provisionnel:

    - interdire au canton de Genève, jusqu'à droit jugé, de poursuivre les
   procédures fiscales entamées contre les personnes physiques domiciliées
   et régulièrement assujetties dans le canton de Vaud, qui exercent
   une activité lucrative dépendante à Genève mais n'y disposent pas
   d'une résidence et retournent quotidiennement à leur domicile vaudois
   (pendulaires);

    - suspendre toute procédure fiscale entreprise par le canton de Genève
   contre les pendulaires;

    - interdire au canton de Genève l'envoi d'une formule de déclaration
   d'impôt 1999 et, subsidiairement, suspendre le délai imparti pour
   retourner cette déclaration.

    Principalement:

    - admettre la réclamation de droit public et confirmer les mesures
prises
   à titre provisionnel;

    - dire que la modification de la pratique genevoise tendant à
   l'imposition des pendulaires est contraire aux règles de conflit en
   matière de double imposition;

    - confirmer les principes relatifs à la notion d'activité dirigeante,
   notamment la condition relative au nombre de subordonnés;

    - écarter toute prétention fiscale du canton de Genève et confirmer la
   souveraineté fiscale vaudoise à l'égard des contribuables pendulaires.

    Dans l'ensemble de ses conclusions, le canton de Vaud se réfère, à
titre d'exemple, au cas d'un contribuable domicilié à Crans-près-Céligny,
travaillant dans le canton de Genève, destinataire de la lettre du mois
de novembre 1998.

    Le canton de Genève, qui souhaite exposer oralement devant le
Tribunal fédéral certains points essentiels de son argumentation, prend
les conclusions suivantes:

    - Débouter le canton de Vaud;

    - dire que sont aussi considérées comme exerçant une fonction
dirigeante
   les personnes qui, ayant un pied-à-terre à Genève, y exercent une
   activité lucrative dépendante avec une fonction dirigeante publique
   ou privée, sans égard au nombre de subordonnés;

    - attribuer au canton de Genève une part de l'impôt sur le revenu des
   pendulaires, et autoriser une imposition à due concurrence;
   subsidiairement, ordonner une rétrocession par l'Etat de Vaud au
   canton de

    Genève d'une part de l'impôt sur le revenu des pendulaires, sous
la forme
   d'un pourcentage du salaire brut de ceux-ci; plus subsidiairement,
   attribuer au canton de Genève la moitié de l'impôt sur le revenu,
   d'une part des pendulaires exerçant une fonction dirigeante privée
   ou publique, d'autre part de tous les pendulaires, quels que soient
   leurs responsabilité ou statut;

    - renverser le fardeau de la preuve en imposant aux pendulaires de
   démontrer la réalité de leur domicile vaudois.

    Les parties ont répliqué et dupliqué.

    En application de l'art. 94 OJ, le Président de la Ie Cour de droit
public a, le 15 janvier 1999, et sans préjuger de la recevabilité et
du fond de la réclamation, admis la demande d'effet suspensif et fait
interdiction au canton de Genève, jusqu'à droit jugé, de poursuivre les
procédures fiscales entamées à l'égard des destinataires de la lettre
adressée par le département genevois en novembre 1998.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
d'une réclamation de droit public dont il est saisi (ATF 118 Ia 195
consid. 2 p. 200).

    a) Selon l'art. 83 let. b OJ, le Tribunal fédéral connaît des
différends de droit public entre les cantons, lorsqu'un gouvernement
cantonal le saisit de l'affaire. L'art. 113 al. 1 ch. 2 Cst., qui
fonde cette disposition légale, se borne à relever que le différend
intercantonal doit ressortir au domaine du droit public, ce qui est le cas
du droit fiscal, comme l'attestent d'ailleurs une quinzaine de précédents
relevant de cette matière depuis 1874 (ATF 117 Ia 233 consid. 2b p. 240
et les arrêts cités; cf. aussi l'art. 189 al. 1 let. d de la nouvelle
Constitution fédérale du 18 avril 1999 - nCst. -, qui entrera en vigueur
le 1er janvier 2000 - RO 1999, 2556).

    b) La réclamation de droit public, dont le dépôt n'est soumis à aucun
délai et ne requiert pas l'épuisement des instances cantonales (voir sur
ces deux points W. HALLER, Commentaire de la Constitution fédérale, 1995,
ad art. 113 Cst., nos 35/36; M. GUT, Staatsrechtliche Streitigkeiten
zwischen den Kantonen und ihre Beilegung, thèse, Zurich 1942, p. 167),
a été formée en l'espèce par un gouvernement cantonal, comme l'exige
l'art. 83 let. b OJ (voir également l'art. 26 de la loi vaudoise du 11
février 1970 sur l'organisation du Conseil d'Etat).

    c) Le canton qui forme une réclamation de droit public doit avoir
un intérêt juridique actuel au règlement d'un différend relevant du
droit public (ATF 106 Ib 154 consid. 1a). La presque totalité des cas de
réclamations de droit public entre cantons soumises au Tribunal fédéral
concernait des différends qui avaient pour origine un cas individuel. Mais
ni l'art. 113 al. 1 ch. 2 Cst. (cf. art. 189 al. 1 let. d nCst.),
ni l'art. 83 let. b OJ n'excluent qu'une réclamation de droit public
puisse servir à résoudre un différend intercantonal dont la cause revêt
un caractère plus général. La règle invoquée, qu'elle soit écrite ou non,
doit relever du droit fédéral, notion qui comprend dans ce contexte les
règles générales du droit international applicables à titre de droit
public fédéral supplétif (ATF 106 Ib 154 consid. 3 p. 159/160 et 4d p.
162; 117 Ia 221 consid. 4 p. 244 et les références).

    aa) En l'espèce, le litige porte sur la souveraineté fiscale
cantonale. Le canton de Vaud se prévaut des règles posées par le Tribunal
fédéral en matière de double imposition sur la base de l'art. 46 al. 2
Cst.; il demande pour l'essentiel au Tribunal fédéral de confirmer le
statut fiscal des pendulaires vaudois qui exercent à Genève une activité
dépendante et qui rentrent quotidiennement à leur domicile vaudois, où ils
ont les attaches personnelles les plus étroites. Il estime que même lorsque
le pendulaire exerce une fonction dirigeante mais rentre quotidiennement
au domicile de sa famille, la souveraineté fiscale appartient au seul
canton du domicile, ce dernier coïncidant avec le lieu de résidence
de la famille. Pour sa part, le Gouvernement de Genève sollicite du
Tribunal fédéral une modification de sa jurisprudence, dans le sens d'un
élargissement de la notion d'activité dirigeante, d'un renversement de la
charge de la preuve du domicile, et de l'introduction d'un partage du droit
d'imposer les pendulaires entre les cantons de domicile et de travail.

    Dans la mesure où il se plaint d'un empiétement sur sa souveraineté
fiscale, le canton de Vaud a qualité pour agir. La réclamation de droit
public a en effet notamment pour fonction de régler les différends,
en matière de législation ou d'application du droit, survenant entre
cantons - ou entre la Confédération et un canton - quant à l'ordre
de répartition des compétences entre eux. Le rôle du Tribunal fédéral
dans ce cadre est de décider à laquelle des deux collectivités publiques
appartient la compétence litigieuse, autrement dit laquelle de celles-ci,
dans un domaine particulier, se trouve en droit d'agir (ATF 117 Ia
221 consid. 1b p. 226). Envisagée sous cet angle, l'intervention du
Tribunal fédéral au titre des art. 113 al. 1 ch. 2 Cst. et 83 let. b
OJ, apparaît comme un moyen parmi d'autres, pour la Confédération, de
garantir aux cantons leur souveraineté, conformément au mandat général
confié par l'art. 5 Cst. L'art. 46 al. 2 Cst. n'est à cet égard qu'un
cas d'application de cette garantie (J.-M. RIVIER, Droit fiscal suisse,
Lausanne 1998, p. 68). Les règles jurisprudentielles dégagées dans ce
domaine par le Tribunal fédéral, qui ont pour objet de fixer la ligne de
partage intercantonale des compétences fiscales, ont aussi pour fonction
de protéger la souveraineté fiscale cantonale contre des atteintes
injustifiées (GUT, op.cit. p. 93-97). Le canton de Vaud dispose donc
d'un intérêt juridique à s'en prévaloir.

    bb) La notion de différend de droit public, au sens de l'art. 83 let. b
O I J, doit s'entendre dans un sens large (cf. ATF 117 Ia 233 consid. 2b
p. 240/241). Une contestation surgit, au sens de cette disposition,
dès qu'un canton émet une prétention de nature juridique à l'égard
d'un canton qui n'y adhère pas. Elle ne se limite pas à l'invocation
d'une violation effective du droit, mais peut avoir sa source dans une
incertitude juridique qu'il convient de lever (GUT, op.cit. p. 114).
L'objet de la contestation doit certes porter sur un acte étatique
(ATF 103 Ia 329 consid. 2a p. 222). Ce dernier ne doit toutefois pas
revêtir la forme d'une décision ou d'un acte normatif proprement dits,
contrairement à ce que prévoient par exemple les art. 84 al. 1 OJ
(pour le recours de droit public) et 97 al. 1 OJ (pour le recours de
droit administratif). Jurisprudence et doctrine admettent ainsi, dans
certains cas, que la réclamation puisse être déposée alors que l'acte
contesté n'est qu'envisagé (ATF 125 II 152 consid. 1 p. 159, à propos
de l'introduction d'une procédure pouvant aboutir à l'adoption d'une
norme ou d'une décision contestée; 118 Ia 195, concernant la recevabilité
d'une initiative devant encore être concrétisée par une loi; 114 Ib 190
consid. 1a p. 191, qui considère comme décision, au sens de l'art. 5
PA, une déclaration d'intention relative à des décisions futures; 103 Ia
329 consid. 2a p. 333). Il existe en effet un intérêt public important
à prévenir le plus tôt possible des démarches d'un canton qui seraient
de nature à troubler la paix confédérale (ATF 118 Ia 195 consid. 4b/cc
p. 203).

    cc) Dans les conflits de compétence intercantonaux, en particulier
en matière de double imposition, un conflit virtuel est suffisant:
le canton qui se plaint d'une atteinte à sa souveraineté ne doit pas
nécessairement avoir fait un usage concret de son droit d'imposition par
le biais d'une décision d'assujettissement ou de taxation (W. BIRCHMEIER,
Bundesrechtspflege, Zurich 1950, p. 285 et la jurisprudence citée;
GUT, op.cit. p. 95-96); une double imposition effective n'est donc pas
nécessaire (idem, p. 114, et les arrêts cités en note 8), car il y a
atteinte à la souveraineté du simple fait qu'un canton prétend sérieusement
élever une compétence à l'encontre d'un autre (BIRCHMEIER, op.cit. p. 285
in fine).

    dd) En l'espèce, si le canton de Genève n'a encore pris aucune
décision formelle de taxation à l'encontre des contribuables concernés, ses
intentions ne font aucun doute: tant la déclaration faite le 28 novembre
1998 lors de la Conférence des directeurs cantonaux des finances de Suisse
romande que la lettre expédiée le même mois aux contribuables vaudois
font clairement ressortir la volonté du canton de Genève d'adresser à ces
derniers une formule de déclaration d'impôt genevoise. La lettre précitée
constate d'ailleurs l'assujettissement à l'impôt genevois des contribuables
concernés. Même si elle ne comporte pas d'indication des voies de droit,
et ne revêt dès lors aucun caractère décisionnel, cette lettre ne laisse
planer aucun doute sur les prétentions du fisc genevois. Confronté aux
démarches concrètes entreprises à l'égard de centaines de contribuables
vaudois, le canton de Vaud dispose d'un intérêt suffisant à lever
l'incertitude juridique ainsi créée (GUT, op.cit. p. 114; BIRCHMEIER,
op.cit. p. 285/286).

    d) Saisi d'une réclamation de droit public fondée sur l'art. 83
let. b OJ, le Tribunal fédéral ne peut en principe aller au-delà des
conclusions des parties (ATF 106 Ib 154 consid. 1b p. 158-159); il
appartient à celles-ci d'indiquer clairement, dans leurs conclusions,
quelles sont les mesures requises. Lorsque la seule annulation d'un acte
déterminé apparaît suffisante, le jugement n'a qu'un effet cassatoire
(GUT, op.cit. p. 177). Cela n'est pas envisageable en l'occurrence, à
défaut de décisions formelles de taxation ou d'assujettissement. Dans la
majorité des conflits de compétence - et dans la plupart des contestations
portant sur la compétence fiscale -, les conclusions présentées sont de
type constatatoire, le Tribunal fédéral étant invité à indiquer quelle
collectivité publique est en droit d'agir (ATF 117 Ia 202 consid. 1b p. 207
et les références citées; GUT, op.cit. p. 168-169). Des conclusions de
type obligationnel ou condamnatoire (sur ces notions, cf. PH. GERBER,
La nature cassatoire du recours de droit public, thèse, Genève 1997, p.
187 ss) sont toutefois aussi envisageables, lorsqu'il s'agit d'imposer à
un canton une obligation ou une interdiction d'agir (GUT, op.cit. p. 169 et
les exemples cités; BIRCHMEIER, op.cit. p. 289). En définitive, le Tribunal
fédéral privilégie une approche pragmatique, en fonction du cadre de son
intervention, et décide, compte tenu des conclusions présentées, quelles
sont les mesures les plus adéquates pour rétablir un ordre de compétences
conforme à la Constitution (HALLER, op.cit. ad art. 113, no 38; cf. pour
le recours de droit public, ATF 124 I 327 consid. 4 p. 332 et M. CAMPRUBI,
Kassation und positive Anordnungen bei der staatsrechtlichen Beschwerde,
thèse, Zurich 1999, p. 271 ss, 363).

    aa) En l'espèce, le canton de Vaud prend deux types de
conclusions. D'abord des conclusions en condamnation: il demande qu'il
soit fait interdiction au canton de Genève d'entamer et de poursuivre -
notamment par l'envoi d'une formule de déclaration d'impôt - des procédures
fiscales contre les pendulaires vaudois. Ensuite, des conclusions en
constatation: le Tribunal fédéral est invité à dire que le changement de
pratique voulu par le canton de Genève est contraire aux règles de conflit
en matière de double imposition, à confirmer les principes relatifs à la
notion d'activité dirigeante, notamment la condition relative au nombre
de subordonnés, et à confirmer la souveraineté fiscale vaudoise à l'égard
des contribuables pendulaires.

    bb) Même s'il n'a encore pris aucune décision formelle, le canton
de Genève a entamé des démarches concrètes à l'égard des contribuables
concernés. En cas d'admission de la réclamation, il pourrait se justifier
d'enjoindre ce canton à renoncer à ces prétentions fiscales. Une difficulté
particulière surgit toutefois du fait que le litige porte sur le sort
des démarches individuelles entreprises par le canton de Genève à l'égard
des contribuables vaudois destinataires de la lettre du mois de novembre
1998. Dans le domaine de la compétence fiscale, la réclamation de droit
public peut certes avoir pour effet la résolution d'un cas individuel
concret (cf. par exemple ATF 80 I 184). En l'espèce toutefois, même si
l'argumentation du canton de Vaud sur le fond devait être accueillie,
il ne saurait être question, dans le cadre de la présente réclamation,
d'examiner dans le détail - et moins encore de trancher - la situation de
tous les pendulaires concernés par la lettre précitée, dont l'identité
et le nombre ne sont d'ailleurs pas précisés. Faute de pouvoir examiner
l'ensemble des cas litigieux, le Tribunal fédéral ne saurait imposer au
canton de Genève une interdiction générale d'agir. Envisagée sous cet
angle, la réclamation de droit public est irrecevable.

    cc) Pour le reste, il convient d'entrer en matière. Le canton de Vaud
dispose d'un intérêt juridique suffisant à ce que soient constatées les
limites de la souveraineté fiscale du canton de Genève dans ce domaine
en cause, et à ce qu'il soit en conséquence statué sur l'admissibilité
de l'action entreprise par ce canton à l'égard de plusieurs centaines
de contribuables vaudois. Le sort de la présente réclamation de droit
public est ainsi propre à lever l'incertitude juridique engendrée par
les démarches du canton de Genève et, simultanément, à prévenir un grand
nombre de litiges fiscaux particuliers.

    e) Dans sa réponse, le canton de Genève désire en substance que le
Tribunal fédéral trace, sur la base de l'art. 46 al. 2 Cst., "les limites
du droit d'imposition entre deux cantons sur le revenu du travail des
pendulaires". Il demande une nouvelle définition de la fonction dirigeante,
ainsi qu'un partage de la compétence fiscale des deux cantons à l'égard des
pendulaires. Ces conclusions peuvent se comprendre comme les conséquences
du rejet de la réclamation élevée par le canton de Vaud. Le canton de
Genève prend cependant d'autres conclusions, allant bien au-delà du simple
rejet de la démarche du canton de Vaud: il demande une rétrocession de
l'impôt sur le revenu des pendulaires, ainsi que le renversement du fardeau
de la preuve du domicile. On ne saurait toutefois y voir une réclamation
reconventionnelle (cf. ATF 117 Ia 221 consid. 1b p. 226). Celle-ci n'est
certes soumise à aucun délai, et ne doit pas forcément être désignée comme
telle (GUT, op.cit. p. 165), mais son auteur doit néanmoins clairement
indiquer ses intentions. Or en l'espèce, le canton de Genève n'indique
pas s'il désire élargir l'objet de la contestation, tel que défini par la
réclamation initiale. N'était ce défaut de précision, les éventuelles
conclusions reconventionnelles du canton de Genève seraient de toute
façon irrecevables. En effet, si l'intérêt juridique et actuel du canton
de Vaud est donné par les démarches concrètes entreprises par le canton
de Genève, l'inverse n'est pas vrai: le canton de Genève ne dispose pas
d'un intérêt suffisant à prétendre vouloir modifier unilatéralement, par la
voie judiciaire, la pratique actuelle en matière de double imposition. Pour
cette raison, point n'est besoin d'examiner dans le détail la recevabilité
des différentes conclusions présentées par le canton de Genève car celles-

    ci devraient, quoi qu'il en soit, être rejetées compte tenu de l'issue
de la réclamation du canton de Vaud.

    f) Le canton de Genève a aussi sollicité la possibilité de présenter
oralement ses arguments devant le Tribunal fédéral. Compte tenu de la
nature du litige et de l'absence de motifs importants justifiant des
débats oraux (art. 91 al. 2 OJ), il n'y a pas lieu de donner suite à
cette requête, d'autant que les parties ont en l'espèce bénéficié de la
possibilité, exceptionnelle, d'un double échange d'écritures (art. 93
al. 3 OJ).

    g) Saisi d'une réclamation de droit public, le Tribunal fédéral examine
librement et d'office l'application des règles de droit matériel régissant
le litige (ATF 117 Ia 233 consid. 4b p. 244). Il s'impose une retenue,
en particulier dans le cadre des conflits de compétence, lorsqu'il s'agit
de résoudre des questions d'ordre technique, politique, ou d'opportunité
(ATF 125 II 152 consid. 3 p. 160). Le Tribunal fédéral ne saurait de
surcroît, en tranchant une réclamation de droit public, procéder à des
choix politiques dont les autorités, législatives et gouvernementales,
fédérales et cantonales, ont la responsabilité exclusive.

Erwägung 2

    2.- a) Le législateur fédéral n'ayant pas rempli le mandat que lui a
conféré l'art. 46 al. 2 Cst. en 1874, le Tribunal fédéral a directement
déduit de cette disposition le principe de l'interdiction de la double
imposition. Ce principe constitutionnel (cf. art. 127 al. 3 1ère phrase
nCst.) s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement soumis, par
deux ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même période, à
des impôts analogues (double imposition effective) ou qu'un canton excède
les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit
jurisprudentielles, prétende prélever un impôt dont la perception est de
la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle). La
jurisprudence a, en outre, déduit de l'art. 46 al. 2 Cst. le principe
selon lequel un canton ne peut imposer plus lourdement un contribuable
du fait qu'il n'est pas soumis entièrement à sa souveraineté fiscale,
mais qu'il est aussi assujetti aux impôts dans un autre canton (ATF 121
I 259 consid. 2a p. 260-261).

    b) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'art. 46
al. 2 Cst., l'imposition du revenu d'une personne exerçant un emploi comme
salarié a lieu dans le canton où cette personne a son domicile fiscal. Par
domicile fiscal, on entend en principe le domicile civil, c'est-à-dire
le lieu où la personne réside avec l'intention de s'établir durablement
(art. 23 al. 1 CC), ou le lieu où se situe le centre de ses intérêts. Le
domicile politique ne joue dans ce contexte aucun rôle décisif: le dépôt
des papiers et l'exercice des droits politiques ne constituent, au même
titre que les autres relations de la personne assujettie à l'impôt, que des
indices propres à déterminer le domicile fiscal (ATF 125 I 54 consid. 2
p. 56). Le lieu où la personne assujettie a le centre de ses intérêts
personnels se détermine en fonction de l'ensemble des circonstances
objectives, et non en fonction des déclarations de cette personne; dans
cette mesure, il n'est pas possible de choisir librement un domicile fiscal
(ATF 125 I 54 consid. 2a p. 56; 123 I 289 consid. 2b p. 294).

    c) Le domicile fiscal d'une personne qui exerce une activité dépendante
se trouve en principe au seul lieu de son domicile civil. Lorsque le lieu
de travail ne correspond pas au domicile, c'est l'endroit avec lequel
le contribuable entretient les relations les plus étroites qui détermine
son domicile, tant fiscal que civil. En principe, les liens familiaux et
sociaux sont réputés plus forts que ceux qui résultent d'une activité
professionnelle. Tel est notamment le cas du contribuable qui rentre
quotidiennement à son domicile, c'est-à-dire au lieu où habite sa famille.

    d) Dans toute une série de décisions ponctuelles, le Tribunal fédéral
a fixé les règles applicables à certains cas particuliers. Ainsi, si
une personne a une double résidence, la détermination de son domicile
fiscal se fait au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites
(ATF 125 I 54 consid. 2b p. 56; 123 I 289 consid. 2b p. 294). Si le
salarié revient quotidiennement, ou même en fin de semaine, auprès de sa
famille, il sera généralement assujetti à l'impôt au lieu de résidence
de sa famille, car l'on présume que c'est là que se trouve le centre
de ses intérêts personnels plutôt qu'au lieu de travail (ATF 125 I 54
consid. 2b/aa p. 56). Il n'y a d'exception à cette dernière règle, et par
conséquent imposition au lieu de travail, que dans le cas où le travailleur
dépendant exerce, dans un canton autre que celui de son domicile, une
activité dirigeante. Le Tribunal fédéral n'admet ainsi l'existence
de liens prépondérants avec le lieu de travail que si l'exercice de
l'activité professionnelle engage le contribuable si intensément que les
liens familiaux et sociaux passent au second plan; il n'existe de fortes
attaches de ce genre avec le lieu de travail que si le contribuable occupe
un poste dirigeant dans une entreprise économiquement importante, ce qui
suppose qu'il assume une responsabilité particulière et qu'il a sous ses
ordres un nombreux personnel (ATF 125 I 54 consid. 2b/aa. p. 56/57; 121 I
14 consid. 4a p. 16; 101 Ia 557 consid. 4a et b p. 559-562). Le partage
des impôts d'un même contribuable entre deux cantons n'intervient qu'à
titre exceptionnel (voir par exemple ATF 121 I 259 et 101 Ia 557). Enfin,
les principes applicables aux salariés célibataires, qui ont, sous réserve
de certaines exceptions, leur domicile fiscal à leur lieu de travail,
ont fait l'objet d'une récente synthèse par le Tribunal fédéral (ATF 125
I 54 consid. 2 et 3).

    L'ensemble de ces règles doit permettre une répartition claire de la
souveraineté fiscale, dans l'intérêt de la sécurité du droit, et dans
le but d'éviter tout morcellement de cette souveraineté (P. LOCHER,
Einführung in das interkantonale Steuerrecht, Berne 1999, p. 72-74).

    e) La loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons
et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID, RS 642.14), est entrée
en vigueur le 1er janvier 1993. Bien que cette loi ait une autre base
constitutionnelle que l'art. 46 al. 2 Cst. (art. 42quinquies Cst.), les
principes qu'elle consacre s'imposeront aux cantons comme droit fédéral
directement applicable dès le 1er janvier 2001 (voir l'art. 72 al. 1 et 2,
en liaison avec l'art. 79 al. 2), et au Tribunal fédéral par le jeu des
art. 113 al. 3 et 114bis al. 3 Cst. (cf. art. 191 nCst.). En matière
d'imposition des personnes physiques, cette loi reprend l'essentiel
des principes posés par la jurisprudence du Tribunal fédéral en
matière d'assujettissement à raison du rattachement personnel (art.
3 LHID) et d'assujettissement - admis restrictivement - à raison du
rattachement économique (art. 4 al. 1 LHID): ne sont assujetties à raison
du rattachement économique que les personnes physiques qui, au regard du
droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour dans un canton mais
y exploitent une entreprise ou un établissement stable, y possèdent
des immeubles, en ont la jouissance, servent d'intermédiaires dans des
opérations immobilières ou font du commerce immobilier. L'articulation des
art. 3 et 4 LHID montre que le législateur fédéral a voulu réduire encore,
voire supprimer le morcellement de la souveraineté fiscale cantonale à
l'égard d'un même contribuable.

Erwägung 3

    3.- a) Le canton de Vaud soutient que la décision de l'autorité
fiscale genevoise d'assujettir un nombre important de pendulaires
vaudois l'empêcherait d'exercer sa souveraineté fiscale conformément à
la jurisprudence actuelle. Il demande au Tribunal fédéral de confirmer
la situation de ces pendulaires, qui rentrent quotidiennement à leur
domicile vaudois où ils ont les attaches personnelles les plus étroites,
quelle que soit leur situation familiale; il demande également que soit
maintenue la jurisprudence relative à la notion d'activité dirigeante.

    Pour sa part, le canton de Genève propose au Tribunal fédéral
de consacrer une nouvelle approche dans l'imposition intercantonale
des travailleurs pendulaires. Il met l'accent sur la catégorie des
personnes qui exercent une fonction dirigeante, mais souligne en même
temps l'importance du phénomène des pendulaires en relevant qu'on estime
à environ 17'000 le nombre de contribuables pendulaires qui travaillent
dans le canton de Genève tout en étant domiciliés dans le canton de
Vaud, ce dernier relevant pour sa part que cette estimation remonte à
1990. Le canton de Genève préconise un partage du droit d'imposition et,
subsidiairement, le versement d'une rétrocession par le canton de domicile
au canton d'exercice du travail, solution qui serait inspirée du régime
actuellement applicable aux frontaliers selon l'accord de 1983 entre le
canton de Genève et la France. Le Tribunal fédéral pourrait, sur la base
de l'art. 46 al. 2 Cst., trouver, "à la place du législateur" une règle
de partage équitable, compatible avec l'art. 42ter Cst., selon lequel la
Confédération encourage la péréquation financière entre les cantons. Enfin,
le canton de Genève propose au Tribunal fédéral d'élargir la notion de
fonction dirigeante, en reconnaissant l'assujettissement fiscal à Genève
des personnes domiciliées dans le canton de Vaud qui, ayant un pied-à-terre
dans le canton de Genève, y exercent une activité lucrative dépendante avec
d'importantes responsabilités, sans égard au nombre d'employés qui leur
sont subordonnés ("fonction dirigeante privée") ou exercent dans ce canton
une activité lucrative en tant que hauts fonctionnaires indépendamment
du nombre de leurs subordonnés ("fonction dirigeante publique").

    Le différend fiscal qui oppose le canton de Vaud au canton de Genève
se résume donc à une remise en cause par le canton de Genève, pour une
catégorie de pendulaires vaudois, de la jurisprudence du Tribunal fédéral
rendue en application de l'art. 46 al. 2 Cst.

    b) Dans le système constitutionnel suisse, basé sur les principes de
la séparation des pouvoirs et de la coopération loyale entre collectivités
publiques, les différends entre cantons sont, autant que possible, réglés
par la négociation ou par la médiation (cf. art. 44 nCst.). Elément de
la juridiction constitutionnelle suisse, la réclamation de droit public
devant le Tribunal fédéral joue, dans ce système, un rôle subsidiaire
(cf. art. 44 al. 3 et 189 al. 1 let. d nCst.): le Tribunal fédéral
ne saurait par conséquent se substituer aux législateurs, fédéral ou
cantonaux, et moins encore au Constituant, lorsqu'il s'agit d'opérer les
choix politiques déterminant les compétences fiscales et la péréquation
financière intercantonale (art. 42ter Cst.; cf. art. 135 al. 1 nCst.) ou
pour reprendre, voire adapter, dans les relations intercantonales,
les modèles récents élaborés dans les relations transfrontalières pour
l'imposition des pendulaires.

    c) Dans son message relatif à une nouvelle Constitution fédérale,
du 20 novembre 1996 (FF 1997 I 1ss, p. 352), le Conseil fédéral relève
que les normes de conflit développées depuis plus d'un siècle par le
Tribunal fédéral font apparaître aujourd'hui "inutile" l'intervention
du législateur. L'art. 127 al. 3 nCst. codifie comme suit la pratique
constitutionnelle: "La double imposition par les cantons est interdite. La
Confédération prend les mesures nécessaires". Dans le message précité
(FF 1997 I 352/353), le Conseil fédéral expose que la disposition est
formulée de telle manière que chaque citoyen ou citoyenne concerné peut
continuer à faire valoir devant le Tribunal fédéral un droit exigible
par voie d'action en justice "sans qu'une compétence législative de
la Confédération ne soit exclue si des normes législatives devaient
s'avérer nécessaires". Il ajoute: "Dans cette disposition, la notion de
`Confédération' s'étend aussi bien au Tribunal fédéral qu'au législateur
fédéral" (p. 353). Même si, dans la Constitution fédérale mise à jour,
le constituant a maintenu le rôle du Tribunal fédéral dans la prise
des "mesures nécessaires" pour définir par voie jurisprudentielle les
modalités de l'interdiction de la double imposition - dont le caractère
directement applicable est confirmé -, il est exclu, pour le Tribunal
fédéral, de se substituer au législateur en dehors des cas, étroitement
circonscrits, où ce rôle lui est reconnu (art. 1er al. 2 CC; pour un
récent cas d'application, voir ATF 125 II 238 consid. 6c p. 248).

    Tout en veillant à demeurer dans le cadre de ses compétences,
le Tribunal fédéral doit cependant, dans le respect du principe de la
séparation des pouvoirs, examiner si les motifs avancés par le canton de
Genève justifient ou non une modification de jurisprudence.

Erwägung 4

    4.- a) Pour être compatible avec l'art. 4 Cst., et en particulier
pour justifier une dérogation au principe de la sécurité du droit,
un changement de jurisprudence doit s'appuyer sur des motifs sérieux et
objectifs (ATF 122 I 57 consid. 3c/aa p. 59; 111 Ia 161 consid. 1 p. 162),
par exemple lorsqu'il s'agit de rétablir une pratique conforme au droit, ou
de mieux tenir compte des divers intérêts en présence, de l'évolution des
conceptions juridiques ou des moeurs. Les motifs de changement doivent être
d'autant plus sérieux que la pratique suivie jusque-là est ancienne. La
nouvelle jurisprudence doit pouvoir s'appliquer à tous les cas identiques à
venir, et respecter cumulativement les principes constitutionnels régissant
le droit administratif, en particulier les principes de la légalité,
de l'intérêt public et de la bonne foi (ATF 125 II 152 consid. 4c/aa
p. 162-163 et les références; 122 I 57 consid. 3c/aa p. 59/60).

    b) Le canton de Genève souligne les incidences fiscales de l'évolution
du mode de vie contemporain, qui est à l'origine d'une plus grande
circulation intercantonale des personnes; le droit fiscal ne saurait
entraver cette circulation, au sein du marché intérieur voulu par la
loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI, RS 943.02),
entrée en vigueur le 1er juillet 1996. En d'autres termes, les cantons ne
sauraient entraver la libre circulation dans le marché intérieur suisse
par des mesures fiscales sans remettre en question la portée fédérative de
la liberté économique. Par ailleurs, il conviendrait de faire participer
les contribuables pendulaires aux coûts d'infrastructure induits au lieu
où ils exercent leur travail, en tenant compte des modèles de rétrocession
fiscale mis en place dans les relations transfrontalières (avec la France,
l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie), ainsi que de l'évolution en cours
au sein de l'Union européenne en matière d'imposition des travailleurs
frontaliers.

    c) Ces arguments, de caractère général, ne sont pas pertinents à eux
seuls pour justifier une modification de la jurisprudence du Tribunal
fédéral. Comme l'observe le canton de Vaud, le canton intimé opère une
confusion entre le problème de la double imposition, seul en cause ici,
et celui de la péréquation financière intercantonale, problème économique
et politique qu'il n'appartient pas au juge constitutionnel de trancher.

    De même, la comparaison faite par le canton intimé entre le
régime intercantonal et le régime international des pendulaires n'est
pas pertinente. Les solutions mises en place pour régler le régime
des travailleurs frontaliers reflètent toute une gamme de nuances,
allant de la rétrocession d'un pourcentage de la masse salariale brute
(de 2,5 à 4,5% selon les accords) à une rétrocession d'une partie de
l'impôt prélevé dans l'Etat voisin (actuellement 38,5% rétrocédé à la
Suisse dans le cas de travailleurs frontaliers domiciliés en Italie). Le
Tribunal fédéral ne saurait introduire dans les rapports intercantonaux,
par voie jurisprudentielle, des solutions qui ont été négociées pendant
des années sur le plan international. Le canton de Genève fait référence
à ces différents accords, pour tenter de démontrer, à l'appui de sa thèse,
une évolution des conceptions; cela démontre au contraire que le changement
désiré ne peut être obtenu que par la voie de la négociation entre les
collectivités concernées. Le régime fiscal des transfrontaliers dans les
rapports intracommunautaires, qui n'obéit d'ailleurs pas encore à des
règles uniformes (voir le rapport de la Commission de l'emploi et des
affaires sociales du Parlement européen, du 6 mai 1998, sur la situation
des travailleurs frontaliers dans l'Union européenne, PE 225.852/déf.),
ne présente pas de pertinence non plus. C'est également à tort que le
canton de Genève croit pouvoir tirer argument de la jurisprudence de la
Cour de justice des Communautés européennes qui définit l'impact, sur les
législations fiscales des Etats membres de l'Union européenne, du principe
communautaire de libre circulation des personnes posé par l'art. 39 CE (ex
art. 48; voir l'arrêt Schumacker de la CJCE, aff. C-279/93, Rec. 1995,
p. I-225, et la jurisprudence antérieure citée par l'avocat général
Léger, .p. I-228, notes 1-7). En effet, l'impact - d'ailleurs limité
- du droit communautaire sur les droits fiscaux nationaux présuppose
l'existence de rapports juridiques intracommunautaires; en revanche,
le droit communautaire est, par principe, inapplicable aux situations
purement internes à un Etat membre (P. MERCIER/O. JACOT-GUILLARMOD, La
libre circulation des personnes et des services, Bâle 1991, p. 23, 24,
92 et 109). On ne saurait donc s'en inspirer pour résoudre un différend
fiscal opposant deux cantons.

    d) Face à la pratique mise en place, qui est ancienne (cf. ATF 122 I
57 précité), le revirement désiré par le canton de Genève n'apparaît donc
justifié ni par une modification des circonstances, ni par un changement
dans les conceptions juridiques, ni enfin par l'évolution des moeurs.

    Même si toute jurisprudence est, par nature, destinée à évoluer,
notamment en l'absence d'un cadre législatif, le Tribunal fédéral ne
saurait emprunter des voies nouvelles au moment où la LHID va déployer
pleinement ses effets, à partir du 1er janvier 2001. En effet, même si
cette loi n'a pas entendu régler directement le problème de la double
imposition intercantonale, il n'en demeure pas moins que ses art. 3 et 4,
relatifs à l'assujettissement à raison du rattachement personnel ou du
rattachement économique, ont un lien direct avec la pratique du Tribunal
fédéral en matière de double imposition (Kommentar zum schweizerischen
Steuerrecht, Zweifel/Athanas éd. Bâle 1997, I/1 p. 47 ad art. 3 LHID),
et tendent à montrer une évolution du droit suisse en faveur de la
suppression du partage de la souveraineté fiscale entre deux ou plusieurs
cantons. Récemment, le Tribunal fédéral a souligné qu'à la veille de son
entrée en vigueur, la LHID interdit aux cantons de légiférer en s'écartant
des principes contenus dans la loi (ATF 124 I 101); il n'est donc pas
question pour lui de développer, en application de l'art. 46 al. 2 Cst.,
des principes qui pourraient s'avérer difficilement compatibles avec les
art. 3 et 4 LHID (cf. P. LOCHER, Steuerharmonisierung und interkantonales
Steuerrecht, ASA 65 p. 609-639, 612-615).

    Pour ces raisons, aucun motif sérieux et objectif ne justifie une
modification de la jurisprudence fixant les principes d'assujettissement
fiscal des pendulaires dans les relations intercantonales.

Erwägung 5

    5.- a) Sur le vu de ce qui précède, la réclamation de droit public
du canton de Vaud doit être admise, dans la mesure où elle est recevable.

    Le Tribunal fédéral constate que la prétention générale du
fisc genevois d'imposer le revenu des pendulaires vaudois salariés,
destinataires de la lettre du mois de novembre 1998, est - sous réserve de
cas particuliers qu'il ne saurait être question d'examiner dans le cadre
de la présente procédure - contraire aux règles actuelles de conflit en
matière de double imposition. Il reste en revanche loisible au canton de
Genève, en dehors de toute démarche collective pouvant créer l'insécurité
chez les administrés, de démontrer que les conditions concrètes d'un
assujettissement à Genève de certains contribuables sont réalisées, ou
que, pour des motifs qu'il lui appartiendra d'exposer, un réexamen de
la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de double imposition
s'impose. Faute de l'existence de motifs généraux de revision de la
jurisprudence actuelle, la démarche du canton de Genève, qui postule un
changement général de pratique applicable à des centaines de contribuables,
porte atteinte à la souveraineté fiscale du canton de Vaud.

    b) Selon la pratique applicable aux différends de droit public relevant
de l'art. 83 let. a ou let. b OJ (ATF 125 II 152 consid. 6 p. 167), il
peut être renoncé à la perception d'un émolument judiciaire et à l'octroi
de dépens.

    Par ces motifs,
   le Tribunal fédéral:

    Admet, au sens des considérants, la réclamation de droit public du
canton de Vaud, dans la mesure où elle est recevable.